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Poésie de Jacques Prévert

lundi 11 mars 2013, par Robert Paris

Poésie de Jacques Prévert

« La poésie c’est le plus joli surnom qu’on donne à la vie. »
Jacques Prévert

« Embauché malgré moi dans l’usine à idées
J’ai refusé de pointer
Mobilisé de même dans l’armée des idées
J’ai déserté
Je n’ai pas compris grand-chose
Il n’y a jamais grand-chose
ni petite chose
Il y a autre chose.


Autre chose
c’est ce que j’aime qui me plait
et que je fais. »

Malgré moi - Extrait de Choses et autres de Prévert

« Quand les éboueurs font grève,
les orduriers sont indignés »

Extrait de Choses et autres de Prévert

Le roi

 Fais moi rire, bouffon.

Le bouffon

 Sire, votre premier ministre est un imbécile, votre second ministre un idiot, votre troisième ministre un crétin, votre quatrième ministre…

Le roi (saisi d’une grande hilarité)
 Arrête, bouffon, et dis-moi la solution.

Le bouffon

 La solution, Sire : vous êtes le roi des cons.

Charade - Extrait de Choses et autres de Prévert

« L’étoffe des héros est un tissus de mensonges »

« Les prisons trouvent toujours des gardiens. »

Extrait de Choses et autres de Prévert

« La révolution est quelquefois un rêve, la religion est toujours un cauchemar. »

Extrait de Choses et autres de Prévert

On ferme !
Cri du cœur des gardiens du musée homme usé
Cri du cœur à greffer
A rafistoler
Cri d’un cœur exténué
On ferme !
On ferme la Cinémathèque et la Sorbonne avec
On ferme !
On verrouille l’espoir
On cloître les idées
On ferme !
O.R.T.F. bouclée
Vérités séquestrées
Jeunesse bâillonnée
On ferme !
Et sir la jeunesse ouvre la bouche
Par la force des choses
Par les forces de l’ordre
On la lui fait fermer
On ferme !
Mais la jeunesse à terre
Matraquée piétinée
Gazée et aveuglée
Se relève pour forcer les grandes portes ouvertes
Les portes d’un passé mensonger
Périmé
On ouvre !
On ouvre sur la vie
La solidarité
Et sur la liberté de la lucidité.

Mai 68 - Extrait de Choses et autres de Prévert

« Ils ont insulté les vaches
ils ont insulté les gorilles
les poulets
Ils ont insulté les veaux
Ils ont insulté les oies les serins les cochons les maquereaux les chameaux
Ils ont insulté les chiens

Les chats
Ils n’ont pas osé. »

Cataire - Extrait de Choses et autres de Prévert

Le professeur

 Dites ce que vous savez sur le Parthénon.

L’élève
 …

Le professeur

 Zéro !

Un autre élève

 Pourquoi ?

Le professeur

 Comment pourquoi ? Mais parce qu’il reste coi, et s’il reste coi, c’est qu’il ne sait pas.

Le second élève (l’interrompant)

 Je réponds…

Le professeur

 Répondre pour lui, mais vous n’y pensez pas !

Le second élève

 Je ne voulais pas répondre pour lui mais simplement répondre de lui. Je le connais. Et puis vous affirmer que le Parthénon, il sait très bien ce que c’est.

Le professeur

 Alors ?

Le second élève

 Alors, ce qui me surprend c’est que vous ne vous demandez pas pourquoi il ne répond pas.

Le professeur

 Est-ce que je sais !

Le second élève

 En voilà une question !

Le professeur

 Comment une question ?

le second élève

 Parfaitement. Ne venez-vous pas de me demander si je savais pourquoi il se taisait ?

« Est-ce que je sais », n’est-ce pas une question ?

Le professeur

  !!!

Le second élève

 De deux choses l’une ou toutes deux : vous me demandez ou vous vous demandez si vous savez pourquoi il se tait.

Le professeur

 Enfin, voyons, « est-ce que je sais », c’est locution courante, façon de parler.

Le premier élève

 Pourquoi pas alors façon de se taire ? Vous auriez dû comprendre, Monsieur le professeur, que cela fait nombre d’années que vous nous cassez les pieds avec votre questionne-ère (il récite très vite) : l’Acropole est un petit monticule où se dressent encore de merveilleux vestiges de pierres à touristes avec son et lumière. Acropole, Parthénon, temple, église, mosquée, forteresse et poudrière.

Athènes capitale de la Grèce colonisée par les colonels…

Le professeur

 Sortez !

L’élève (sortant)

 Avec plaisir.

Le second élève se lève et prenant la relève du premier, répond à son tour au questionnaire.

Le second élève
(tonnant comme un guide accompagnant les touristes)
 Merveilles de la Grèce, au vingtième siècle après Jésus-Christ et bien d’autres siècles beaucoup plus beaux avant lui.

Visitez les Cyclades qui forment un cercle magique autour de Delos.

N’oubliez pas Yaros et Leros qu’on appelle aujourd’hui les îles infortunées les îles des déportés, des torturés…

Le professeur

 Sortez !

Le second élève

 Avec joie !

Il s’en va.

Histoire ancienne et l’autre - Extrait de Choses et autres de Prévert

Etiquette :

1°) Agiter avant de s’en servir

2°) Ordonner le désordre

3°) Ordonner l’ordre jusqu’à nouvel ordre.

Extrait de Choses et autres de Prévert

« C’est sans doute celui qui n’a jamais pêché qui lui a jeté la première pierre. »

Tourisme pontifical - Extrait de Choses et autres de Prévert

Ordonnance - Extrait de Choses et autres de Prévert

"Ça, c’est l’histoire de France, on vous l’a apprise à l’école,
Y en a qu’une qu’on ne vous a pas apprise.
C’est la vôtre et la nôtre, celle de tous les jours
Y a celle des ouvriers
Y a celle des paysans
Y a celle des étrangers"

Jacques Prévert
Refrain de « Vie de famille »
« Est-ce que c’est une vie
De vivre comme on vit
Pourquoi faire
Cette vie d’enfer
Pourquoi se laisser faire
Non ce n’est pas une vie
De vivre comme nous vivons
Et cette vie, cette vie d’enfer,
C’est nous qui la changerons. »

Jacques Prévert

« A l’école on nous a raconté des histoires
L’histoire de France
Il était une fois un roi et une reine
Ralliez vous à mon panache blanc
Du haut de ces pyramides quarante siècles vous contemplent
Notre histoire à nous
Ce sont les jacqueries, les communes
…. Nos batailles
Les grèves, les insurrections
… Nos défaites
Les répressions
Apprenons notre histoire, camarades
En 1871, première grande victoire du prolétariat
La Commune de Paris
Camarades, c’est vous qui écrivez notre histoire. »

Jacques Prévert

Extrait de « Commémoration de la Commune »

« Braves gens vous pouvez dormir sur vos deux oreilles
Dormez, braves gens, dormez
Mais
Krach… krach …krach
Les banques de New York baissent leur rideau de fer
Les braves gens sont debout, livides, au bas du lit
Qu’est-ce que vous dites, … je suis mal éveillé
La Bourse de New York va fermer
….
Ça va mal.
Le bourgeois pleure des larmes et grince des dents
Il devient de plus en plus méchant…
Il tuerait bien tout le monde pour garder sa maison
Mais il ne peut pas se tuer lui-même
Alors il cherche un homme …
Hitler… Hitler… Hitler
L’homme de paille pour foutre le feu
Le tueur
Le provocateur

Et maintenant les quartiers ouvriers
Sont peints couleur de sang
….
Là-bas, c’est Hitler
Et ici
Demain
Si l’ouvrier se laisse faire »

Jacques Prévert :
Extrait de « L’avènement d’Hitler »

Pour faire le portrait d’un oiseau

À Elsa Henriques
« Peindre d’abord une cage
avec une porte ouverte
peindre ensuite quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d’utile pour l’oiseau
placer ensuite la toile contre un arbre
dans un jardin
dans un bois
ou dans une forêt
se cacher derrière l’arbre
sans rien dire
sans bouger...
Parfois l’oiseau arrive vite
mais il peut aussi bien mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
attendre
attendre s’il le faut pendant des années
la vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau
n’ayant aucun rapport
avec la réussite du tableau
Quand l’oiseau arrive
s’il arrive
observer le plus profond silence
attendre que l’oiseau entre dans la cage
et quand il est entré
fermer doucement la porte avec le pinceau
puis
effacer un à un tous les barreaux
en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau
Faire ensuite le portrait de l’arbre
en choisissant la plus belle de ses branches
pour l’oiseau peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
la poussière du soleil et le bruit des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été
et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter
Si l’oiseau ne chante pas c’est mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
mais s’il chante c’est bon signe
signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
une des plumes de l’oiseau
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau. »

J. Prévert, Paroles

Le défilé

C’est l’anniversaire de l’armistice 18 et c’est aussi celui de Charles Baudelaire. Aussi la musique militaire depuis Vincennes jusqu’à la République, verse-t-elle l’héroïsme au cœur des citadins.

Pour célébrer la paix, on fait fête à la guerre.

Précédant les chars de l’Etat, des gendarmes imberbes déguisés en poilus de 14, en soldats inconnus, en fusillés de 17, les uns en rouge jusqu’à la ceinture, les autres bleu horizon de la tête aux pieds, marquent le pas.

C’est comme la Mi-Carême, ou le Mardi-Gras d’autrefois : des chars, des travestis, une vraie chienlit, mais les serpentins et les confetti sont interdits.

Le défilé – Choses et autres –Jacques Prévert

« En argot les hommes appellent les oreilles des feuilles
c’est dire comme ils sentent que les arbres connaissent la musique
mais la langue verte des arbres est un argot bien plus ancien
Qui peut savoir ce qu’ils disent lorsqu’ils parlent des humains
les arbres parlent arbre
comme les enfants parlent enfant

’Quand un enfant de femme et d’homme
adresse la parole à un arbre
l’arbre répond
l’enfant entend
Plus tard l’enfant
parle arboriculture
avec ses maîtres et ses parents

Il n’entend plus la voix des arbres
il n’entend plus leur chanson dans le vent
pourtant parfois une petite fille
pousse un cri de détresse
dans un square de ciment armé
d’herbe morne et de terre souillée

Est-ce… oh… est-ce
la tristesse d’être abandonnée
qui me fait crier au secours
ou la crainte que vous m’oubliiez
arbre de ma jeunesse
ma jeunesse pour de vrai

Dans l’oasis du souvenir
une source vient de jaillir
est-ce pour me faire pleurer
J’étais si heureuse dans la foule
la foule verte de la forêt
avec la crainte de me perdre
et la crainte de me retrouver

N’oubliez pas votre petite amie
arbres de ma forêt. »

“Les arbres parlent arbre” - citation d’un texte de Prévert extrait du recueil Arbres (1956).

Jacques Prévert, poète et révolutionnaire

D’autres textes de Jacques Prévert

Qui était Jacques Prévert ?

Prévert et le groupe Octobre

De 1932 à 1936, Jacques Prévert a écrit pour le groupe Octobre des pièces, des sketches, des saynètes, des chansons et des choeurs parlés (textes dits à plusieurs voix), dans lesquels il met en scène les puissants de ce monde (les politiciens dans La Bataille de Fontenoy, les souverains dans :

Un drame à la cour, ou Le gâteau de Marina, les industriels dans Citroën, la bourgeoisie dans La Famille Tuyau de Poêle, l¿Eglise avec Conte de Noël),
soulignant leurs travers et leurs ridicules, leurs égoïsmes et leurs manigances.

Mais au-delà de la caricature, Prévert appelle le peuple à faire son théâtre. Ce que dénonce le principal auteur du groupe Octobre (dont font notamment partie Pierre Prévert, son frère, Raymond Bussières, Sylvia Bataille, Maurice Baquet, Paul Grimault, etc.), c’est en effet l’art bourgeois en général, et le théâtre bourgeois en particulier. En s’adressant au public, Prévert l’incite à se servir des mots. Parce qu’il sait que réinventer l’art, c’est réinventer la vie, et inversement.
A l’occasion du trentième anniversaire de la mort de Jacques Prévert, et en écho à la publication en mai 2007 chez Gallimard du livre Octobre. Sketches et choeurs parlés pour le groupe Octobre (1932-1936), réunis et commentés par André Heinrich, recueil rassemblant les textes de Prévert pour Octobre connus à ce jour, la plupart rares ou inédits, France Culture propose d’entendre un certain nombre de ces pièces, mises en ondes par Myron Meerson.

Des courtes pièces ou sketches : "La tête sur les épaules", "Attention Camarades", "Citroën", "Printemps-été 36", "Famille Tuyau de Poêle", "Mange ta soupe", "L’homme sur le banc", "Le sandwich", "Il ne faut pas rire avec ces gens-là", "Pars à la guerre", "Le visiteur inattendu", ponctués par des chansons : "Marche ou crève", "A la belle étoile", "Histoire du cheval", "C’est un mauvais garçon", "Les gars de la marine", "La pêche à la baleine", "Le tendre et dangereux visage de l’amour", "Et puis après", et éclairés par les propos d’André Heinrich, qui vient de préfacer et de commenter la publication de ces textes chez Gallimard.

La suite

Et encore...

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