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La révolution sociale qui a renversé la civilisation de Teotihuacán

mardi 29 janvier 2019, par Robert Paris

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La pyramide dite "du Soleil" (en fait de la pluie !!!)

Une sculpture du dieu du feu Huehueteotl repose brisée, sur le côté. La pièce a été trouvée au sommet de la Pyramide du soleil à Teotihuacan. Les habitants de Teotihuacan ont terminé la construction de la pyramide vers l’an 100 et ont détruit son temple au sommet vers la fin du 5ème siècle ou au début du 6e siècle. Teotihuacan a perdu son rôle, sa domination et même sa simple existence de ville en même temps en 550 après J.-C. Un nouveau déclin, définitif celui-là aura lieu en 700 et la ville est abandonnée en 800...

La lucha de clases hundió Teotihuacán

La ville de Teotihuacan

La révolution sociale qui a renversé la civilisation de Teotihuacán }

La civilisation de Teotihuacán est celle qui, en 300 avant J.-C. en Amérique centrale, a succédé à celle des Olmèques, qui a chuté définitivement en 500 avant J.-C… Située à environ 50 km de Mexico, Teotihuacán était l’une des villes les plus importantes d’Amérique, devenue influente dans des contrées lointaines comme le Guatemala. Elle a fait la jonction avec la civilisation des Mayas…

Teotihuacan possédait des systèmes permettant l’approvisionnement en eau provenant du sous-sol et la captation des pluies, ainsi que le drainage. On y trouvait des ateliers, des marchés, des ensembles résidentiels, des rues, des temples, des palais, un grand centre cérémoniel et des quartiers où vivaient d’autres groupes méso-américains venus s’implanter dans la région. La construction des grands édifices a été possible grâce à l’importante main d’oeuvre disponible ainsi qu’à l’existence de la classe sacerdotale qui avait organisé le travail et contrôlé le pouvoir politique, administratif et économique. Parmi les activités, on peut citer l’agriculture, la construction, la sculpture sur os et sur coquillages, le commerce ou les échanges avec les régions éloignées, le troc sur le marché intérieur, la poterie, la taille des pierres précieuses, la sculpture, la peinture, le tissage des étoffes...

La religion occupait la place primordiale et les divinités vénérées liées à l’eau, à la terre et à la fertilité avec Tláloc, dieu de la pluie, Chalchiutlicue, déesse de l’eau et Quetzalcóatl, le serpent à plumes, traduisaient les préoccupations religieuses essentielles des habitants de Teotihuacan.Elles étaient représentées sous différentes formes (sculptures, figurine en terre, peintures murales)

C’est au cours du VIIème siècle après J.-C. qu’ont commencé la décadence et l’abandon progressif de la ville qui, le siècle suivant, s’est trouvée totalement vide avec seulement quelques hameaux autour. Plusieurs explications sont proposées : la famine, due à la sécheresse, une lutte intense pour le pouvoir qui a divisé la classe dominante, l’invasion de groupes venant du nord, le soulèvement du peuple contre ses dirigeants, ou bien encore la combinaison de quelques uns de ces éléments. On a pu retrouver les traces d’un incendie qui détruisit plusieurs édifices de la Chaussée des morts.

Les archéologues considèrent la ville comme l’une des plus influentes dans l’Amérique du Nord pré-hispanique, avec une population de 200.000 habitants à son apogée.
Les vestiges archéologiques démontrent que, vers le milieu du VIème siècle de notre ère, les zones où se situaient certains ensembles d’habitation de prestige et les principaux temples furent ravagées par un terrible incendie, dont témoigne l’épaisse couche de cendres trouvée à ces endroits et correspondant aux toits à charpente de bois des palais et des temples.

De nombreuses œuvres d’art ont en outre été détruites ou vandalisées : des sculptures furent mutilées (des fragments ont été retrouvés éparpillés) et des représentations de dignitaires ou de prêtres furent brisées comme pour en finir avec l’élite et ses représentants. Des murs furent même construits parfois devant les perrons des pyramides, pour signaler leur fermeture et la fin des cérémonies et du culte des divinités. A la suite de ces violences, que l’on date précisément aujourd’hui de 550 après JC, une partie de la ville demeura occupée un siècle encore jusqu’à ce qu’elle se vide.

On cherche encore des explications : révoltes internes contre le pouvoir de la hiérarchie ; croissance excessive de la population et insuffisance d’attention aux habitants de la part de l’élite ; blocage des routes commerciales, qui aurait empêché la ville de conserver son mode de vie habituel. On a également envisagé la possibilité d’une invasion destructrice de la part de peuples voisins. Plusieurs causes, d’ailleurs, ont pu se combiner.

La chute de cette civilisation s’est produite au plus haut sommet de sa richesse et de sa domination régionale, entre 500 et 600 après J.-C., sans qu’aucune puissance régionale puisse prétendre l’avoir combattu et encore moins l’avoir battue. Les causes de cette chute sont débattues encore et bien des thèses s’affrontent avec une tendance à repousser la lutte des classes comme interprétation et à mettre en avant des causes environnementalistes depuis que l’hypothèse d’une invasion guerrière est exclue, la ville elle-même n’ayant été détruite par le feu et non par les armes que dans ses quartiers riches !!!

« Atlas historique de la Méso-Amérique » de Norman Bancroft Hunt :

« Teotihuacàn se situe dans la plaine bien irriguée du nord-est du bassin de Mexico, près de la ville moderne du même nom. La rivière San Juan et ses affluents se jettent dans le lac Texcoco ; d’éternels printemps et une irrigation intensive permettent de faire vivre une nombreuse population, raison pour laquelle, peut-être, les agriculteurs de la période de formation récente se réunirent dans cette région et établirent progressivement des relations commerciales avec les autres régions de Méso-Amérique. (...)

Le centre religieux de Teotihuacàn attirait les étrangers et les pèlerins de régions éloignées, dont la plupart étaient pauvres. La population permanente et de passage de Teotihuacan augmenta trop rapidement pour que la ville puisse subvenir à l’ensemble des besoins : tandis que la noblesse abusait de nourriture et que des fêtes rituelles somptueuses se déroulaient toujours, les résidents et les étrangers les plus pauvres souffraient souvent de la faim. Teotihuacan s’effondra au cours du 8ème siècle. Comme ses principaux édifices ont été brûlés et détruits, on pense que les plus pauvres s’étaient soulevé contre la hiérarchie. (...)

Une insurrection civile fait tomber Teotihuacàn. (...) Survint un événement dramatique. Des découvertes archéologiques ont mis en évidence l’existence de combats féroces qui se seraient déroulés dans le centre de la cité, des monuments abattus et détruits, des temples profanés. (...)

La totalité du centre de Teotihuacàn fut incendiée. (...) Le déclin de l’architecture et des arts implique une catastrophe qui aurait mis fin au fonctionnement interne de la cité. Il est aussi possible que l’importance du commerce de Teotihuacàn ait minimisé le pouvoir des prêtres, la ville devenant alors plus un lieu de négoce qu’un centre rituel. Il est peut-être significatif que les combats les plus violents aient eu lieu au cœur même du centre cérémoniel. C’est là que se trouvent les signes de destruction délibérés, de profanation et d’incendie. Bien qu’il se fût agi d’une enceinte sacrée, c’est dans cette partie de Teotihuacàn que vivaient les notables et les prêtres et que se situaient les bâtiments administratifs importants. On ne trouve aucune trace de combat ou d’incendie dans les quartiers des artisans ou dans les faubourgs où habitait la plus grande partie de la population. Ces données archéologiques ont permis d’avancer que Teotihuacàn avait été le siège d’une brève mais désastreuse insurrection civile. (...)

Alors que le commerce augmentait et, avec lui, le pouvoir que détenaient marchands et artisans, un ressentiment avait pu s’élever contre l’augmentation des impôts nécessitée par le financement des ambitieux programmes des notables, des prêtres et de la bureaucratie. L’arrêt des programmes de construction dans les dernières années de Teotihuacàn peut simplement être une conséquence de la volonté des commerçants d’exercer leurs droits et de refuser de répondre aux levées d’impôts. »

« Les habitants, mécontents des élites avides, ont incendié Teotihuacán » :

« En 550 après JC, un incendie ravagea Teotihuacán, l’une des plus grandes et des plus importantes villes sacrées de l’ancienne Méso-Amérique. Maintenant, une nouvelle étude suggère que la ville a été brûlée par une foule en colère, soulevant de nombreuses nouvelles questions. Y a-t-il eu des héros de la révolution à Teotihuacan ? Y a-t-il eu un souterrain qui a longtemps fonctionné, une résistance à une élite dirigeante détestée ? Ou était-ce juste une conflagration sociale soudaine qui a détruit la ville en un jour ?

La ville antique de Teotihuacán, située à environ 50 km au nord-est de Mexico, a déjà abrité une population estimée entre 100 000 et 200 000 personnes qui ont érigé des monuments gigantesques tels que le temple de Quetzalcoatl et les pyramides du Soleil et Lune. Cependant, beaucoup de choses sur Teotihuacan demeurent inconnues, y compris l’origine et la langue des personnes qui y vivaient, car elles ne laissaient aucune trace écrite.

« Aucune trace d’invasion étrangère n’est visible sur le site », a écrit Linda R. Manzanilla dans son étude de 2014 sur ce qui s’était passé à Teotihuacan, une ville d’une grande architecture comptant 125 000 à 200 000 habitants à son apogée. "Nous interprétons cet événement comme une révolte contre l’élite dirigeante, peut-être une réponse à une intervention tardive de l’État visant à contrôler les mouvements entrepreneuriaux de l’élite intermédiaire."

Source (in english)

« La chute de Teotihuacán », Arqueología Mexicana :

(Un exemple d’interprétation de type environnementaliste)

« La chute de Teotihuacan

« À la chute de Teotihuacan, environ 550 après J.-C., nous savons que la partie centrale de la ville a été incendiée et pillée et que quelque temps plus tard, des migrations massives ont eu lieu hors du bassin de Mexico (peut-être la première migration des Pipils en Amérique centrale). René Millon (1988) a souligné que certaines des causes de la fin de Teotihuacan étaient : la mauvaise administration de l’économie et de la politique, la rigidité face au changement, l’existence d’une bureaucratie inefficace et incompétente et la détérioration des réseaux d’échanges.

Parmi les divers facteurs cités comme causes de l’effondrement, on peut imaginer le scénario suivant : la ville s’est trop développée les derniers temps, envahissant la plaine alluviale, ce qui la rend dépendante de la région de Texcoco et d’Iztapalapa pour la fourniture de nourriture. D’autre part, la large consommation de bois (plafonds et combustibles pour diverses activités, notamment la production de chaux) a entraîné une dégradation de l’environnement entourant la ville et la déforestation a provoqué l’érosion des sols et la faiblesse des nappes phréatiques. Lorsque cela s’est produit, une sécheresse prolongée s’est produite dans tout l’Axe Néovolcanique. Si nous considérons que ceux qui ont gouverné la ville se sont présentés comme responsables de la promotion de la pluie et de la fertilité de la terre, nous comprendrons pourquoi la révolte interne qui a brûlé le centre administratif et religieux a été dirigée contre le groupe au pouvoir. Il est probable que lors de cette révolte, des groupes du sud de Puebla qui utilisaient les canaux de distribution de Teotihuacan pour vendre leurs plats et leurs objets d’artisanat, car apparemment aussi les voies d’approvisionnement de la ville étaient fermées. »

source en espagnol

« La fin de Teotihuacán » :

« Le développement de l’interprétation en archéologie a nuancé les explications radicales sur le phénomène historique. Le cas de
Teotihuacán n’est pas une exception. Les théories expliquant toutes les chutes de civilisations par des invasions armées a perdu en force pour expliquer l’effondrement d’une société complexe. À Teotihuacán, sans nier la présence de nouveaux groupes dans la ville, l’idée d’une invasion de hordes est assez floue pour offrir une image nuancée dans lequel, des facteurs internes ajoutent plus d’importance à expliquer l’effondrement de Teotihuacán. A partir de cette interprétation, on peut en déduire une série de propositions, plus ou moins complémentaires, qui parlent de crises économiques, de crises agricoles, de crises commerciales, crise environnementale (plus ou moins catastrophique) ou idéologique (perte de confiance dans les élites dirigeantes et / ou les révolutions sociales des riches contre les pauvres). »

source en espagnol

Le style de Teotihuacán et la peinture murale :

« Le déclin subit de la production picturale de Teotihuacan qui présente ce style reflète sans doute les conditions d’instabilité politique qui s’accentuaient de plus en plus, atteignant le point culminant de la crise lorsque des incendies se produisaient et laissant de côté la zone des bâtiments de la Calzada de los Mueros, un fait qui marque de manière radicale la fin de la phase Metepec et qui a été interprété comme une révolution sociale. Le changement culturel représenté par la phase Coyotlatelco (750 à 950 après J.-C.) a nécessité une interprétation, parfois donnée par la présence de groupes ethniques exogènes, cependant certains soutiennent qu’il fut produit par un changement économique et social du peuple de Teotihuacan lui-même, changement qui serait dérivé du renversement des élites gouvernantes. »

source en español

« L’affrontement de classes qui a provoqué l’effondrement de Teotihuacán » :

(Remarque de M et R : Ici les intellectuels bourgeois admettent une lutte de classes entre… deux classes possédantes !)

« L’affrontement des classes a été la cause de l’effondrement de Teotihuacán, selon une étude…

Cette étude a révélé que les affrontements entre les élites dirigeantes et les administrateurs des quartiers ont conduit à la chute de cette civilisation.

Teotihuacán, la ville immense et énigmatique préhispanique située dans le centre du Mexique, aurait pu s’effondrer en raison d’un affrontement de classes entre les élites dirigeantes et les administrateurs de leurs quartiers, selon une récente étude sur le sujet.

D’une superficie de 20 km2 et d’environ 125 000 habitants, "Teotihuacán est l’une des plus grandes villes de l’Antiquité comparable à Rome, Constantinople ou Alexandrie", dans laquelle deux types d’élites ont germé et se sont affrontés, a déclaré mercredi Linda. Manzanilla, expert de l’Institut de recherche anthropologique de l’Université nationale autonome du Mexique.

Manzanilla, qui a commencé à creuser à Teotihuacán il y a 40 ans, estime que le choc des classes a eu lieu lorsque "les élites de l’État ont compris que les élites des quartiers environnants du centre-ville s’enrichissaient, de manière très autonome et peut-être qu’ils voulaient faire un événement de contrôle, mais très tard".

Vers l’an 550 ap. J.-C., la révolte des chefs de quartier a eu son premier événement avec "la destruction par un incendie dans la Calzada de los Muertos - le couloir central où sont situées les pyramides touristiques de Teotihuacán - et dans les principales structures des élites dirigeantes", a décrit Manzanilla.

Puis "petit à petit, le site a été vidé jusqu’à l’arrivée des habitants du Bajio dans la ville pour finir de le piller", a déclaré l’auteur de l’étude, publiée ce mois-ci dans la revue scientifique américaine PNAS.

Un autre élément déterminant a été la détérioration de la situation des habitants des 20 quartiers situés près du centre de Teotihuacán, qui servait de main-d’œuvre bon marché aux prétentions des administrateurs de ces régions, qui se comportaient comme des hommes d’affaires concurrents, aurait également déclenché cet affrontement entre eux ", a-t-il expliqué.

Dans le quartier de Teopancazco, situé à 500 mètres du centre de Teotihuacan-, les seules à avoir été publiées, les habitants vivaient dans un dur travail, "accroupis pendant des heures et des heures, si longtemps qu’on peut le voir dans leurs squelettes, afin de les soi-disant marques d’activité ", a noté Manzanilla.

Le chercheur a conclu que ces travailleurs "ont probablement participé à la révolte de leurs administrateurs contre les élites de l’Etat", Teotihuacano.

source en español

« L’effondrement de Teotihuacán », Wikipedia :

Apogée

« La ville de Teotihuacán a atteint son apogée vers 450 apr. J.-C., lorsqu’elle se trouvait au centre d’une puissante culture dont l’influence s’étendait à travers une grande partie de la Méso-Amérique. À son apogée, la ville couvrait plus de 30 km2 et abritait probablement une population de plus de 150 000 personnes, peut-être même 250 000. Divers quartiers de la ville hébergeaient des populations venues de toute la région placée sous l’influence de Teotihuacan, s’étendant au sud jusqu’au Guatemala. À noter l’absence de toute fortification et structure militaire dans la ville.

La principale avenue centrale de la cité, l’« allée des morts » (Miccaotli en nahuatl), est aujourd’hui encore bordée d’une architecture cérémoniale impressionnante, comprenant les immenses pyramide du Soleil (la deuxième plus importante pyramide du Nouveau Monde après la grande pyramide de Cholula), pyramide de la Lune, le temple de Quetzalcoatl (en) ou temple du Serpent à plumes et de nombreux palais et temples de moindre importance.

La nature des interactions politiques et culturelles entre Teotihuacan et les cités de la région maya (comme ailleurs en Méso-Amérique) a été, de longue date, un sujet de débats importants. L’essentiel des échanges et des interactions se sont produits au cours des siècles écoulés depuis la période préclassique tardive jusqu’au milieu de la période classique. Les « idéologies inspirées par Teotihuacan » et sa culture ont persisté dans les centres Maya au cours de la période classique tardive, longtemps après le déclin de la ville de Teotihuacan elle-même. Cependant, les chercheurs débattent encore entre eux de l’importance de l’influence de Teotihuacan et de son étendue. Certains pensent que la cité a exercé une domination directe et militaire, d’autres que l’adoption de traits « étrangers » faisait partie d’une diffusion culturelle sélective, consciente et bi-directionnelle. De nouvelles découvertes suggèrent que Teotihuacan n’était pas très différente dans ses interactions avec d’autres capitales des empires plus tardifs, comme ceux des Toltèques et des Aztèques. On estime que Teotihuacan a eu une influence majeure sur la civilisation Maya préclassique et classique, très probablement par la conquête de plusieurs centres et régions Mayas, y compris Tikal et la région de Petén, et par son influence sur la culture maya.

Effondrement

On croyait initialement qu’aux alentours des VIIe et VIIIe siècle, la ville avait été mise à sac et brûlée par des envahisseurs, probablement des Chichimèques. Cependant, des fouilles plus récentes semblent indiquer que l’incendie de la cité s’est limité aux structures et habitations associées avant tout à la classe dirigeante. Les taudis et les districts plus pauvres ne furent presque pas touchés. Beaucoup affirment désormais que c’est la preuve que l’incendie a été provoqué par une émeute à l’intérieur de la ville et que la théorie de l’invasion est inexacte. En effet, comme les premiers travaux archéologiques se sont focalisés sur les palais et les temples, lieux fréquentés par les élites, et que tous ces sites montraient des traces d’incendie, les archéologues en ont conclu que l’ensemble de la cité avait brûlé. Cependant, il apparaît à présent que la destruction de la cité s’est limitée aux symboles du pouvoir : certaines statues semblent avoir été méthodiquement détruites et leurs fragments dispersés.

Des indices de déclin démographique au début du VIe siècle tendent à confirmer l’hypothèse de troubles internes. Le déclin de Teotihuacan a pu être mis en corrélation avec de longues périodes de sécheresse liées au refroidissement brutal provoqué par le changement climatique de 535-536 apr. J.-C. Cette théorie du déclin écologique s’appuie sur des vestiges archéologiques qui montrent une augmentation du pourcentage des squelettes d’adolescents porteurs d’indices de malnutrition au cours du VIe siècle. Cette constatation n’est pas incompatible avec l’une des théories ci-dessus, puisque la guerre et les troubles internes peuvent également avoir augmenté les effets d’une période de sécheresse et de famine générale. D’autres cités situées à proximité comme Cholula, Xochicalco et Cacaxtla se sont affrontées pour combler le vide laissé par le déclin de la puissance de Teotihuacan. Il est possible qu’ils se soient alliés contre Teotihuacan pour réduire son influence et son pouvoir. L’art et l’architecture de ces sites imitent le style de Teotihuacan, mais démontrent également un mélange éclectique de motifs et d’iconographies provenant d’autres parties de la Méso-Amérique, en particulier de la région maya.

Les défenseurs de la théorie de l’invasion s’appuient sur des peintures murales de Cacaxtla, parmi lesquelles on a trouvé une peinture de bataille représentant le glyphe de Teotihuacan sur une pyramide en flammes, symbole d’une cité conquise en Mésoamérique. Cela voudrait dire qu’il y eut une attaque contre Teotihuacan menée par les habitants de Cacaxtla. Cependant il n’était pas rare à l’époque que des potentats s’attribuent faussement une victoire. »

« En 2004, le gouverneur de l’État de Mexico, Arturo Montiel, a donné l’autorisation à Wal-Mart de construire un grand magasin dans la troisième zone archéologique du site. Selon Counterpunch.org, « des artefacts inestimables découverts au cours de la construction du magasin auraient été transportés par camion dans une décharge locale et les travailleurs les auraient brûlés quand le carnage a été révélé à la presse ».

Plus récemment, Teotihuacan est devenu le centre d’une controverse à propos de Resplandor Teotihuacano, un spectacle son et lumière qui, selon Statesman.com « prévoyait de grandes structures métalliques, 2500 projecteurs et trois kilomètres de câbles ». »

source

Patrick Saurin, Teotihuacán, « l’endroit de la métamorphose divine »  :

Durant plus de quatre siècles, jusqu’en 650 après J.-C., Teotihuacan étendit son influence sur une grande partie de la Mésoamérique, même dans les lointaines terres mayas. Dans de nombreux endroits de ce vaste territoire, on retrouve notamment la structure architecturale appelée talud-tablero, dans laquelle un soubassement en talus supporte un panneau en saillie dont les moulures encadrent un renfoncement. Pour ce qui est des objets, on trouve de belles pièces en céramique, des vases, des masques, des figurines, des couteaux en obsidienne. Sur des stèles mayas et zapotèques, on observe des personnages semblables à ceux représentés sur les fresques de Teotihuacan. Le pouvoir d’attraction de la grande métropole se reflétait dans le caractère pluriethnique de sa population qu’illustre la présence d’une colonie zapotèque résidant à la périphérie ouest de la ville.

Cette suprématie s’acheva brutalement aux alentours de 650 après J.-C.. En un court laps de temps, la population chuta de 125 000 à 10 000 habitants et beaucoup de monuments furent brûlés ou détruits. Les archéologues s’interrogent encore aujourd’hui sur les causes de cette fin « ardente et catastrophique », pour reprendre les mots de René Millon. Tremblements de terre, épidémies, dégradation écologique, invasion de tribus guerrières, fermeture des grandes routes commerciales, luttes de pouvoir intestines à l’origine d’une grave crise sociale ont été autant de pistes avancées, mais il semble que les raisons de cette destruction soient à rechercher dans l’exacerbation de la rivalité entre la métropole et les cités voisines.

Source

Références supplémentaires :

Collapse and Revolution in Mesoamerica, Guy D. Middleton

The abandonment of Teotihuacan, Linda Manzanilla

Teotihuacan, city of water, city of fire

« La Méso-Amérique »

« The collapse of Teotihuacan »

Read also in english

Citons aussi la thèse de destructions rituelles à but de superstitions, ici en anglais

Mais n’oublions pas que la révolution sociale et politique peut parfaitement être iconoclaste sans que l’explication ne soit dans la superstition elle-même : lire ici

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Bibliographie Amérique précolombienne

Portfolio

Messages

  • La plupart des auteurs se refusent à se mouiller sur les causes des effondrements, comme ici les archéologues de Mexico :

    « L’abandon de Teotihuacan

    Le processus d’affaiblissement du pouvoir et de l’influence de Teotihuacan s’est intensifié vers la fin du sixième siècle avec l’abandon de la ville et l’incendie et le pillage de certaines de ses structures les plus importantes. Les responsables de tels actes de vandalisme et, surtout, du processus qui a conduit Teotihuacan à un tel désastre, font encore l’objet de débats. Peu de progrès ont été accomplis dans la clarification de ces inconnues. Les réponses restent les mêmes qu’avant : invasions de communautés au nord et à l’ouest de la ville ; un changement climatique exacerbé par une exploitation irrationnelle des ressources ; les luttes internes et l’incapacité de l’élite Teotihuacan à jouer le rôle de médiateur pour les résoudre ; et une strangulation des routes commerciales par les sites émergents. Souvent, une combinaison de deux ou plusieurs de ces causes est utilisée. Aucune, toutefois, n’a été suffisamment étayée : elles sont encore très spéculatives. »

    Source

  • Ce n’est pas la guerre qui a fait chuter la civilisation de Teotihuacan. C’est après sa chute que les Toltèques envahissent la ville de Teotihucan. La cité a été abandonnée aussi bien avant l’arrivée des aztèques au 14ème siècle. La ville avait déjà été incendiée et ravagée en 725 après J.-C. sans qu’aucune armée n’y soit rentrée et c’étaient les quartiers riches qui avaient été visés dans ce qui semble clairement un soulèvement populaire révolutionnaire.

    On croyait initialement qu’aux alentours des VIIe et VIIIe siècle, la ville avait été mise à sac et brûlée par des envahisseurs, probablement des Chichimèques. Cependant, des fouilles plus récentes semblent indiquer que l’incendie de la cité s’est limité aux structures et habitations associées avant tout à la classe dirigeante. Les taudis et les districts plus pauvres ne furent presque pas touchés. Beaucoup affirment désormais que c’est la preuve que l’incendie a été provoqué par une émeute à l’intérieur de la ville et que la théorie de l’invasion est inexacte. En effet, comme les premiers travaux archéologiques se sont focalisés sur les palais et les temples, lieux fréquentés par les élites, et que tous ces sites montraient des traces d’incendie, les archéologues en ont conclu que l’ensemble de la cité avait brûlé. Cependant, il apparaît à présent que la destruction de la cité s’est limitée aux symboles du pouvoir : certaines statues semblent avoir été méthodiquement détruites et leurs fragments dispersés.

    Des indices de déclin démographique au début du VIe siècle tendent à confirmer l’hypothèse de troubles internes. Le déclin de Teotihuacan a pu être mis en corrélation avec de longues périodes de sécheresse liées au refroidissement brutal provoqué par le changement climatique de 535-536 apr. J.-C. Cette théorie du déclin écologique s’appuie sur des vestiges archéologiques qui montrent une augmentation du pourcentage des squelettes d’adolescents porteurs d’indices de malnutrition au cours du VIe siècle. Cette constatation n’est pas incompatible avec l’une des théories ci-dessus, puisque la guerre et les troubles internes peuvent également avoir augmenté les effets d’une période de sécheresse et de famine générale34. D’autres cités situées à proximité comme Cholula, Xochicalco et Cacaxtla se sont affrontées pour combler le vide laissé par le déclin de la puissance de Teotihuacan. Il est possible qu’ils se soient alliés contre Teotihuacan pour réduire son influence et son pouvoir. L’art et l’architecture de ces sites imitent le style de Teotihuacan, mais démontrent également un mélange éclectique de motifs et d’iconographies provenant d’autres parties de la Méso-Amérique, en particulier de la région maya.

    Les défenseurs de la théorie de l’invasion s’appuient sur des peintures murales de Cacaxtla, parmi lesquelles on a trouvé une peinture de bataille représentant le glyphe de Teotihuacan sur une pyramide en flammes, symbole d’une cité conquise en Mésoamérique. Cela voudrait dire qu’il y eut une attaque contre Teotihuacan menée par les habitants de Cacaxtla. Cependant il n’était pas rare à l’époque que des potentats s’attribuent faussement une victoire.

  • La chute de Teotihuacan

    « À la chute de Teotihuacan, environ 650 j. C., nous savons que la partie centrale de la ville a été incendiée et pillée, et que quelque temps plus tard, des migrations massives ont eu lieu hors du bassin de Mexico (peut-être la première migration des pipiles en Amérique centrale). René Millon (1988) a souligné que certaines des causes de la fin de Teotihuacan étaient : la mauvaise administration de l’économie et de la politique, la rigidité face au changement, l’existence d’une bureaucratie inefficace et incompétente et la détérioration des réseaux d’échanges. .

    Parmi les divers facteurs mentionnés comme causes de l’effondrement, nous pouvons imaginer le scénario suivant : La ville s’est trop développée ces derniers temps, envahissant la plaine alluviale, ce qui la rend dépendante de la région de Texcoco et d’Iztapalapa pour la fourniture de nourriture D’autre part, la large consommation de bois (plafonds et combustibles pour diverses activités, notamment la production de chaux) a entraîné une dégradation de l’environnement entourant la ville et la déforestation a provoqué l’érosion des sols et la faiblesse des nappes phréatiques. Lorsque cela s’est produit, une sécheresse prolongée s’est produite dans tout l’Axe Néovolcanique. Si nous considérons que ceux qui ont gouverné la ville se sont présentés comme responsables de la promotion de la pluie et de la fertilité de la terre, nous comprendrons pourquoi la révolte interne qui a brûlé le centre administratif et religieux a été dirigée contre le groupe au pouvoir. Il est probable que lors de cette révolte, des groupes du sud de Puebla qui utilisaient les canaux de distribution de Teotihuacan pour vendre leurs plats et leurs objets d’artisanat, car apparemment aussi les voies d’approvisionnement de la ville étaient fermées. »

    La caída de Teotihuacan

    « Sobre la caída de Teotihuacan hacia 650 d. C., sabemos que la parte central de la ciudad fue incendiada y saqueada, y que un tiempo después hubo migraciones masivas fuera de la Cuenca de México (quizá la primera migración de los pipiles hacia Centroamérica). René Millon (1988) ha señalado que algunas de las causas del fin de Teotihuacan fueron : la mala administración de la economía y la política, la inflexibilidad hacia el cambio, la existencia de una burocracia ineficiente e incompetente y el deterioro de las redes de intercambio.

    De los diversos factores que se han mencionado como causas del colapso, podemos imaginar el siguiente escenario : La ciudad había crecido demasiado en las últimas épocas, invadiendo la llanura aluvial, lo que la hacía depender de la zona de Texcoco e Iztapalapa para el abasto de alimentos. Por otro lado, el amplio consumo de madera (en techos y combustibles para diversas actividades, particularmente la producción de cal) causó un deterioro en el ambiente que circundaba a la ciudad, y la deforestación provocó erosión de suelos y baja en los niveles freáticos. Cuando esto sucedía, ocurrió una sequía prolongada en todo el Eje Neovolcánico. Si consideramos que quienes gobernaban la ciudad se presentaban como los encargados de propiciar la lluvia y la fertilidad de la tierra, comprenderemos por qué la revuelta interna que incendió el centro administrativo y religioso estaba dirigida contra el grupo gobernante. Es probable que en esta revuelta hayan participado grupos del sur de Puebla que usaban los canales de distribución de Teotihuacan para vender sus vajillas y artesanías, ya que al parecer también las rutas de abastecimiento de la ciudad fueron cerradas. »

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