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Les preuves de l’existence d’une étape précédant le patriarcat et que l’on peut appeler matriarcat

dimanche 21 janvier 2024, par Robert Paris

Les preuves de l’existence d’une étape précédant le patriarcat et que l’on peut appeler matriarcat

Pourquoi dire « que l’on peut appeler » et pas « qu’on appelle » ? Simplement parce que les divers matriarcats des diverses sociétés ne sont pas l’opposé diamétral du patriarcat. Il ne suffit pas de remplacer père par mère, et homme par femme, domination masculine par domination féminine. Il ne s’agit pas de cela.

Bien des auteurs nient l’existence d’une phase matriarcale dans la société humaine, tout en admettant qu’il y a eu une phase patriarcale, ce qui est relativement contradictoire puisque l’affirmation de l’existence d’une phase ancienne de matriarcat est simplement l’affirmation que le patriarcat n’a pas toujours existé. Il n’est pas nécessaire pour cela que la phase précédant le patriarcat soit identique dans toutes les sociétés. D’ailleurs, les diverses phases des sociétés humaines ne sont pas non plus identiques partout. Les sociétés de chasseurs-cueuilleurs ne sont pas identiques, pas plus que les sociétés de la phase agricole, pas plus que ne le sont les sociétés tribales ou ethniques, la phase de la famille n’est pas non plus identique partout et le patriarcat lui-même n’est pas identique partout. Pourquoi exigerait-on du matriarcat qu’il soit identique partout pour reconnaitre simplement que le patriarcat n’a été qu’une phase de la société humaine ? Le capitalisme lui-même s’est développé mondialement sans être identique partout et chacun reconnait cependant qu’il est une phase de la société humaine, ce qui signifie seulement qu’il y a eu des phases sociales différentes avant le capitalisme.

Inversement, nier le matriarcat revient à prétendre que les sociétés humaines auraient toujours été patriarcales ce qui entraine une difficulté particulièrement insurmontable car, pour certaines sociétés, le matriarcat s’est conservé jusqu’à nos jours ou jusqu’à l’histoire écrite et ne peut donc être nié.

Est-il certain que d’anciennes sociétés aient été matriarcales ? Eh bien, cela est indiscutable pour une centaine environ de civilisations même si encore une fois le matriarcat n’y est pas identique et n’a pas une origine commune. Mais, là encore, pour d’autres phases de la société humaine on pourrait en dire de même. Les sociétés mégalithiques ne sont pas identiques et n’ont pas une origine commune. Les sociétés agricoles non plus. Les patriarcats non plus. L’apparition de l’Etat n’est pas identique dans diverses sociétés et n’a pas une origine commune. Cependant, il est admis que ce sont phases de la société humaine.

Dans certains pays, l’ancien matriarcat a laissé des traces vivantes comme dans des sociétés d’Indiens des Amériques, dans des sociétés berbères, dans des sociétés africaines (par exemple au Togo).

Le passage du matriarcat au patriarcat a lui aussi laissé de nombreuses traces y compris dans les écrits. Un exemple fameux est l’Ancien Testament. La Grèce antique a elle aussi des traces écrites de ce passage. Nombre de mythes anciens ne sont rien d’autre que des relations ou des justifications de cette transformation considérable, de cette révolution sociale.

Les religions sont un parfait exemple de passage des déesses aux dieux, que ce soit dans les sociétés occidentales comme en Grèce ou dans les sociétés asiatiques.

Quand une même région a connu des matriarcats et des patriarcats, les matriarcats sont systématiquement des plus anciennes sociétés. Ainsi, l’Inde et le Pakistan ont connu un matriarcat (civilisation de l’Indus) suivi d’un patriarcat (société des castes).

Des sociétés conservent encore de nos jours des caractéristiques matriarcales, par exemple :
• les Iroquois ;
• les Hopis ;
• les Trobriandais (étudiés par Bronislaw Malinowski) ;
• les Minangkabau en Indonésie ;
• certains habitants des îles Comores ;
• les Indiennes du Kerala.
L’article 44 de la constitution iroquoise stipule : « La descendance se fait par le lien maternel. Les femmes sont la source de la Nation, elles possèdent le pays et sa terre. Les hommes et les femmes sont d’un rang inférieur à celui des mères »2

L’argument selon lequel les peuples restés matriarcaux sont très exceptionnels servirait aussi bien à nier l’existence d’une phase « chasseur-cueilleur » de la société puisque, là aussi, les peuples qui sont restés à ce stade sont très exceptionnels.

Y a-t-il une raison matérielle fondamentale pour penser que l’existence d’un matriarcat doive précéder celle du patriarcat ? Eh bien oui, c’est le fait que les femmes détenaient le mystère de « la création », celle de la naissance du bébé. Les hommes (au sens êtres humains masculins) des premières sociétés allaient jusqu’à ignorer avoir joué un rôle dans la conception et l’apparition d’un enfant ! Le fait que les sociétés aient délibérément laissé les femmes seules réaliser l’enfantement (la naissance et les premiers jours) et que les femmes seules allaitent ont contribué à amener les peuples à l’idée que la création était entièrement fémninine. Le fait que les femmes produisent périodiquement du sang menstruel, contrairement aux hommes, a contribué à laisser penser que la femme avait une qualité spéciale, inconnue et incomprise des hommes. Cette idée a été accentuée par la découverte par les femmes de la germination des plantes. On a alors associé la création des plantes à celle des êtres humains et on est passés à l’idée de dieux féminins de la création et de la nature.

C’est le passage de la chasse à l’élevage et à la guerre qui a complètement renversé cette « domination » féminine. Insistons sur le fait que l’on attribuait de grandes capacités aux femmes ne signifie pas une domination au sens oppression des hommes ni au sens exploitation des hommes, ni encore au sens mépris des hommes. Il n’y a pas symétrie entre matriarcat et patriarcat.

Ce qui va entrainer le passage du matriarcat au patriarcat, ce n’est pas seulement la découverte du rôle des hommes dans la procréation mais c’est l’apparition de la propriété privée, là encore un stade particulier dans le développement des sociétés humaines. Auparavant, les tribus étaient fondées en lignages féminins, fondés sur une ancienne grand-mère ou arrière-grand-mère. Désormais, les tribus vont souhaiter conserver la propriété dans la tribu. Les lignées matrilinéaires vont représenter dès lors une propriété en lignée féminine qui sera contestée par les hommes.

Il est remarquable que des tribus aient été amenées à mettre en place la propriété privée par lignée masculine alors que la descendance féminine était restée la base de l’appartenance à la tribu, comme che les Hébreux.

Une fois mise en place la propriété privée par lignage fondé sur les hommes, il est devenu nécessaire de s’assurer que les enfants à naître étaient bien issus des pères et les hommes ont mis en place leur mainmise sur leurs femmes, une espèce de propriété privée… des femmes ! C’est le patriarcat.

Le patriarcat est maintenant tellement bien ancré dans la société capitaliste qu’il est inacceptable de le remettre en question… même dans le passé de la société humaine !

Le patriarcat est devenu tellement puissant aujourd’hui qu’il impose la croyance selon laquelle il en a toujours été ainsi, alors que toutes nos connaissances sur le passé des sociétés humaines prouve le contraire.

Dans les années soixante, le monde capitaliste voulait faire croire en une démocratisation de la société bourgeoise dans laquelle la liberté des femmes pouvait être une perspective envisageable. Depuis, elle est revenue là-dessus et parle d’illusions soixante-huitardes. Elle affirme que le courant scientifique prônant l’idée d’un stade matriarcal de la société humaine était l’une de ces illusions. En fait, la seule illusion consiste à imaginer que le monde capitaliste pourrait se démocratiser !

Il n’en reste pas moins que les très nombreuses sociétés très anciennes dont nous avons des traces sont des sociétés matriarcales ou, au moins, matrilocales, matrilinéaires. En tout cas, il n’y a pas de société vraiment très ancienne sans des traces d’un matriarcat.

Les adversaires de cette idée d’un stade dans lequel il n’y avait de patriarcat se gardent bien de la combattre sous cette forme et dénoncent plutôt une version caricaturale de l’idée d’un matriarcat, celui d’une société unique de la mère dominante ou « règne de la Terre-Mère » dans lequel l’homme (masculin) est un inférieur, exploité ou méprisé.

Le Glossaire de la parenté paru en 2000 dans la revue L’Homme écrit : « Matriarcat - Gynécocratie : situation, dont il n’existe pas d’exemples attestés, où l’autorité est exercée exclusivement ou principalement, par les femmes »

Wikipedia écrit : « Le livre de Bachofen « Sur la place de la femme dans la préhistoire du genre humain » (1861) formulait et défendait l’idée d’un matriarcat primitif antérieur aux formes patriarcales des civilisations actuelles. Nombre d’anthropologues anglo-saxons partisans du darwinisme ou évolutionnisme culturel reprirent cette hypothèse du stade matriarcal mais les archéologues la réfutèrent.. De nombreux anthropologues, ethnologues et archéologues considèrent les conceptions du matriarcat selon les évolutionnistes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle comme des « constructions mythologiques savantes ». »
Mais ils ont beau faire, argumenter mensongèrement, il reste qu’autrefois, quand n’existait pas la propriété privée, il n’y avait pas non plus de patriarcat, le mari rejoignait la tribu de sa femme, ses enfants prenaient le nom de la mère qui, elle-même, avait le nom de sa grand-mère et les femmes étaient très respectées, n’étaient pas opprimées ce qui ne signifie pas que les hommes n’étaient pas respectés ni qu’ils étaient opprimés…

Le matriarcat, ses causes et sa fin sous les coups de la guerre sociale :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2288

Les mythes, légendes et religions qui ont accompagné le renversement violent du matriarcat par le patriarcat :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5326

Un exemple de défense « scientifique » du patriarcat : Jean-Paul Demoule

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5446

Un autre exemple : Christophe Darmangeat

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3028

Les Amazones, un mythe ou une réalité mal acceptée :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5248

Quand on en finira avec le patriarcat :

http://www.matierevolution.fr/spip.php?article3785

Le matriarcat en Europe :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4400

Encore un exemple de critique du matriarcat :

http://rupestre.on-rev.com/page156/files/1a62cc595894faaed7fa7a25a36dd0c9-27.php

Un exemple de discussion scientifique :

https://www.persee.fr/doc/mom_0766-0510_1985_sem_10_1_2026

Le matriarcat chez les Indiens des Amériques :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5280

Le matriarcat chez les Anasazis :

https://matricien.wordpress.com/geo-hist-matriarcat/amerique-nord/anasazi/

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2314

Le matriarcat chez les Samis de Laponie :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4334

Le matriarcat Hopi :

https://matricien.wordpress.com/geo-hist-matriarcat/amerique-nord/hopi/

La civilisation matriarcale dravidienne de l’Indus :

https://matricien.wordpress.com/geo-hist-matriarcat/asie/indus/

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4197

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