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Jamais Lénine et Trotsky n’ont prétendu que la prise du pouvoir du prolétariat en Russie inaugurait l’avènement du socialisme

samedi 21 octobre 2023, par Robert Paris

Jamais Lénine et Trotsky n’ont prétendu que la prise du pouvoir du prolétariat en Russie inaugurait l’avènement du socialisme

Roger Dangeville dans « Le syndicalisme pour Marx et Engels » :

« Jusqu’en 1926, date de la théorie du socialisme dans un seul pays, il n’était pas question que l’économie russe fût socialiste puisqu’elle utilisait la monnaie, les salaires, l’accumulation élargie, le marché et même de larges secteurs de production précapitalistes. Il n’y avait là rien d’anormal, puisque la dictature du prolétariat implique des contradictions économiques et classsites, surtout dans un pays arriéré, premier maillons de la révolution internationale et non premier pays d’économie socialiste.

Lénine l’a toujours répété. Citons simplement un exemple :

« Parmi les gens qui se sont intéressés à l’économie de la Russie, personne, semble-t-il, n’a nié le caractère transitoire de cette économie. Aucun communiste, non plus n’a nié, semble-t-il, que l’exrpession République socialiste des Soviets traduit la volonté du pouvoir des Soviets d’assurer la transition au socialisme, mais n’entend nullement signifier que le nouvel ordre économique soit socialiste. »

(Œuvres, tome 30. P. 351)

Source : https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1921/04/vil19210421.htm

Voulant – et devant – montrer que les réalisations « socialistes » en Russie accroissement du nombre des salariés donc du capital ; extension de la hiérarchie des salaires, de l’autonomie des entreprises, donc des classes ; approfondissement de la division du travail, donc opposition entre manuel et intellectuel, industrie et agriculture, etc. – sont un modèle pour les ouvriers du monde entier, le prétendu mouvement communiste (en fait devenu stalinien NDLR) est tout naturellement amené à fausser les revendications économiques du prolétariat mondial en substituant aux mots d’ordre marxistes les mots d’ordre bourgeois conservateurs. »

Lénine écrivait en 1905 dans « Deux tactiques » :

« La complète victoire de la révolution actuelle sera la conclusion de la révolution démocratique et le début d’une lutte résolue pour la révolution socialiste. La satisfaction des exigences de la paysannerie contemporaine, le complet écrasement de la réaction, la conquête de la république démocratique, tel sera l’aboutissement de l’esprit révolutionnaire de la bourgeoisie et même de la petite bourgeoisie, tel sera le début de la véritable lutte du prolétariat pour le socialisme... Les révolutionnaires russes, qui s’appuient sur un certain nombre de générations révolutionnaires d’Europe, ont le droit de " rêver " qu’ils réussiront à réaliser avec une plénitude exceptionnelle toutes les transformations démocratiques, tout notre programme minimum. Et s’il y a réussite sur ce point, alors, alors l’incendie révolutionnaire gagnera toute l’Europe... L’ouvrier européen se soulèvera à son tour et nous montrera " comment on fait ça " ; alors aussi le soulèvement révolutionnaire de l’Europe aura sa réaction sur la Russie et changera une époque de quelques années de révolution en une époque de quelques dizaines d’années révolutionnaires… Le prolétariat lutte déjà pour la conservation des conquêtes démocratiques, au nom d’une révolution socialiste. Cette lutte serait presque désespérée pour le prolétariat russe seul, si le prolétariat socialiste européen ne venait pas à l’aide du prolétariat. Dans cette phase, la bourgeoisie libérale et la paysannerie cossue (avec, en plus, une partie de la paysannerie moyenne) organiseront la contre-révolution. Le prolétariat russe et le prolétariat européen, conjointement, organiseront la révolution. Dans ces conditions, le prolétariat russe pourra remporter une seconde victoire. L’affaire n’est pas déjà si désespérée. La seconde victoire sera une insurrection socialiste en Europe. Les ouvriers européens nous montreront " comment ces choses-là se font ". »

Lénine écrvait en mars 1917 dans sa Lettre d’adieu aux ouvriers suisses
 :

« Le prolétariat russe ne pourra accomplir victorieusement, par ses seules forces, la révolution socialiste. Mais il peut faciliter les choses pour l’entrée dans les luttes décisives de son allié principal, le plus sûr : le prolétariat socialiste européen et américain. »

Lénine écrivait encore en avril 1917 :

« La Pravda et Lénine ont dit et répété on ne peut plus clairement que nous reconnaissons tous, sans réserve, la nécessité de l’Etat et d’un pouvoir organisé, non seulement à l’heure actuelle, mais aussi dans la phase historique ultérieure, celle de la transition du capitalisme au socialisme. »

Lénine écrivait ainsi en juin 1917 :

« Il suffit de consulter la résolution de la conférence bolchévique des 24-29 avril 1917 pour constater que les bolchéviks considèrent, eux aussi, l’« instauration » immédiate du socialisme en Russie comme impossible. (…) Tout le monde reconnaît que l’établissement immédiat du socialisme en Russie est impossible. »

Alors la dictature du prolétariat n’est pas le socialisme, mais est une transition vers le socialisme.

Lénine écrit dans « L’Etat et la Révolution » :

« "Entre la société capitaliste et la société communiste, poursuit Marx, se place la période de transformation révolutionnaire de celle-là en celle-ci. A quoi correspond une période de transition politique où l’Etat ne saurait être autre chose que la dictature révolutionnaire du prolétariat."
Cette conclusion repose, chez Marx, sur l’analyse du rôle que joue le prolétariat dans la société capitaliste actuelle, sur les données relatives au développement de cette société et à l’inconciliabilité des intérêts opposés du prolétariat et de la bourgeoisie.

Autrefois, la question se posait ainsi : le prolétariat doit, pour obtenir son affranchissement, renverser la bourgeoisie, conquérir le pouvoir politique, établir sa dictature révolutionnaire.

Maintenant, la question se pose un peu autrement : le passage de la société capitaliste, qui évolue vers le communisme, à la société communiste est impossible sans une "période de transition politique" ; et l’Etat de cette période ne peut être que la dictature révolutionnaire du prolétariat.

Quels sont donc les rapports entre cette dictature et la démocratie ?

Nous avons vu que le Manifeste communiste rapproche simplement l’une de l’autre ces deux notions : "transformation du prolétariat en classe dominante" et "conquête de la démocratie". Tout ce qui précède permet de déterminer plus exactement les modifications que subit la démocratie lors de la transition du capitalisme au communisme.

La société capitaliste, considérée dans ses conditions de développement les plus favorables, nous offre une démocratie plus ou moins complète en république démocratique. Mais cette démocratie est toujours confinée dans le cadre étroit de l’exploitation capitaliste et, de ce fait, elle reste toujours, quant au fond, une démocratie pour la minorité, uniquement pour les classes possédantes, uniquement pour les riches. La liberté, en société capitaliste, reste toujours à peu près ce qu’elle fut dans les républiques de la Grèce antique : une liberté pour les propriétaires d’esclaves. Par suite de l’exploitation capitaliste, les esclaves salariés d’aujourd’hui demeurent si accablés par le besoin et la misère qu’ils se "désintéressent de la démocratie", "se désintéressent de la politique" et que, dans le cours ordinaire, pacifique, des événements, la majorité de la population se trouve écartée de la vie politique et sociale.

La justesse de cette affirmation est peut-être le mieux illustrée par l’Allemagne, parce que c’est dans ce pays précisément que la légalité constitutionnelle s’est maintenue avec une constance et une durée étonnantes pendant près d’un demi-siècle (1871-1914), et parce que la social-démocratie a su, durant cette période, faire beaucoup plus que dans d’autres pays pour "mettre à profit la légalité" et organiser les ouvriers en un parti politique dans une proportion plus considérable que nulle part au monde.

Quelle est donc cette proportion - la plus élevée que l’on observe dans la société capitaliste - des esclaves salariés politiquement conscients et actifs ? Un million de membres du parti social-démocrate sur 15 millions d’ouvriers salariés ! Trois millions de syndiqués, sur 15 millions !

Démocratie pour une infime minorité, démocratie pour les riches, tel est le démocratisme de la société capitaliste. Si l’on considère de plus près le mécanisme de la démocratie capitaliste, on verra partout, dans les "menus" (les prétendus menus) détails de la législation électorale (conditions de résidence, exclusion des femmes, etc.), dans le fonctionnement des institutions représentatives, dans les obstacles effectifs au droit de réunion (les édifices publics ne sont pas pour les "miséreux" !), dans l’organisation purement capitaliste de la presse quotidienne, etc., etc., - on verra restriction sur restriction au démocratisme. Ces restrictions, éliminations, exclusions, obstacles pour les pauvres paraissent menus, surtout aux yeux de ceux qui n’ont jamais connu eux-mêmes le besoin et n’ont jamais approché les classes opprimées ni la vie des masses qui les composent (et c’est le cas des neuf dixièmes, sinon des quatre-vingt-dix neuf centièmes des publicistes et hommes politiques bourgeois), - mais, totalisées, ces restrictions excluent, éliminent les pauvres de la politique, de la participation active à la démocratie.

Marx a parfaitement saisi ce trait essentiel de la démocratie capitaliste quand il a dit dans son analyse de l’expérience de la Commune : on autorise les opprimés à décider périodiquement, pour un certain nombre d’années, quel sera, parmi les représentants de la classe des oppresseurs, celui qui les représentera et les foulera aux pieds au Parlement !

Mais la marche en avant, à partir de cette démocratie capitaliste, - inévitablement étriquée, refoulant sournoisement les pauvres, et par suite foncièrement hypocrite et mensongère, - ne mène pas simplement, directement et sans heurts "à une démocratie de plus en plus parfaite", comme le prétendent les professeurs libéraux et les opportunistes petits-bourgeois. Non. La marche en avant, c’est-à-dire vers le communisme, se fait en passant par la dictature du prolétariat ; et elle ne peut se faire autrement, car il n’est point d’autres classes ni d’autres moyens qui puissent briser la résistance des capitalistes exploiteurs.

Or, la dictature du prolétariat, c’est-à-dire l’organisation de l’avant-garde des opprimés en classe dominante pour mater les oppresseurs, ne peut se borner à un simple élargissement de la démocratie. En même temps qu’un élargissement considérable de la démocratie, devenue pour la première fois démocratie pour les pauvres, démocratie pour le peuple et non pour les riches, la dictature du prolétariat apporte une série de restrictions à la liberté pour les oppresseurs, les exploiteurs, les capitalistes. Ceux-là, nous devons les mater afin de libérer l’humanité de l’esclavage salarié ; il faut briser leur résistance par la force ; et il est évident que, là où il y a répression, il y a violence, il n’y a pas de liberté, il n’y a pas de démocratie.

Cela, Engels l’a admirablement exprimé dans sa lettre à Bebel, où il disait, comme le lecteur s’en souvient : "... tan que le prolétariat a encore besoin de l’Etat, ce n’est point pour la liberté, mais pour réprimer ses adversaires. Et le jour où il devient possible de parler de liberté, l’Etat cesse d’exister comme tel."

Démocratie pour l’immense majorité du peuple et répression par la force, c’est-à-dire exclusion de la démocratie pour les exploiteurs, les oppresseurs du peuple ; telle est la modification que subit la démocratie lors de la transition du capitalisme au communisme.

C’est seulement dans la société communiste, lorsque la résistance des capitalistes est définitivement brisée, que les capitalistes ont disparu et qu’il n’y a plus de classes (c’est-à-dire plus de distinctions entre les membres de la société quant à leurs rapports avec les moyens sociaux de production), c’est alors seulement que "l’Etat cesse d’exister et qu’il devient possible de parler de liberté ". Alors seulement deviendra possible et sera appliquée une démocratie vraiment complète, vraiment sans aucune exception. Alors seulement la démocratie commencera à s’éteindre pour cette simple raison que, délivrés de l’esclavage capitaliste, des horreurs, des sauvageries, des absurdités, des ignominies sans nombre de l’exploitation capitaliste, les hommes s’habitueront graduellement à respecter les règles élémentaires de la vie en société connues depuis des siècles, rebattues durant des millénaires dans toutes les prescriptions morales, à les respecter sans violence, sans contrainte, sans soumission, sans cet appareil spécial de coercition qui a nom : l’Etat.

L’expression est très heureuse, car elle exprime à la fois la gradation du processus et sa spontanéité. Seule l’habitude peut produire un tel effet et elle le traduira certainement, car nous constatons mille et mille fois autour de nous avec quelle facilité les hommes s’habituent à observer les règles nécessaires à la vie en société quand il n’y a pas d’exploitation, quand il n’y a rien qui excite l’indignation, qui suscite la protestation et la révolte, qui nécessite la répression.

Ainsi donc, en société capitaliste, nous n’avons qu’une démocratie tronquée, misérable, falsifiée, une démocratie uniquement pour les riches, pour la minorité. La dictature du prolétariat, période de transition au communisme, établira pour la première fois une démocratie pour le peuple, pour la majorité, parallèlement à la répression nécessaire d’une minorité d’exploiteurs. Seul le communisme est capable de réaliser une démocratie réellement complète ; et plus elle sera complète, plus vite elle deviendra superflue et s’éteindra d’elle-même.

En d’autres termes : nous avons, en régime capitaliste, l’Etat au sens propre du mot, une machine spéciale d’oppression d’une classe par une autre, de la majorité par la minorité. On conçoit que pour être menée à bien, la répression systématique exercée contre une majorité d’exploités par une minorité d’exploiteurs exige une cruauté, une férocité extrêmes dans la répression, des mers de sang à travers lesquelles l’humanité poursuit sa route sous le régime de l’esclavage, du servage et du salariat.

Ensuite, dans la période de transition du capitalisme au communisme, la répression est encore nécessaire, mais elle est déjà exercée sur une minorité d’exploiteurs par une majorité d’exploités. L’appareil spécial, la machine spéciale de répression, l’"Etat", est encore nécessaire, mais c’est déjà un Etat transitoire, ce n’est plus l’Etat proprement dit, car la répression exercée sur une minorité d’exploiteurs par la majorité des esclaves salariés d’hier est chose relativement si facile, si simple et si naturelle qu’elle coûtera beaucoup moins de sang que la répression des révoltes d’esclaves, de serfs et d’ouvriers salariés, qu’elle coûtera beaucoup moins cher à l’humanité. Elle est compatible avec l’extension de la démocratie à une si grande majorité de la population que la nécessité d’une machine spéciale de répression commence à disparaître. Les exploiteurs ne sont naturellement pas en mesure de mater le peuple sans une machine très compliquée, destinée à remplir cette tâche ; tandis que le peuple peut mater les exploiteurs même avec une "machine" très simple, presque sans "machine", sans appareil spécial, par la simple organisation des masses armées (comme, dirons-nous par anticipation, les Soviets des députés ouvriers et soldats).

Enfin, seul le communisme rend l’Etat absolument superflu, car il n’y a alors personne à mater, "personne" dans le sens d’aucune classe ; il n’y a plus lutte systématique contre une partie déterminée de la population. Nous ne sommes pas des utopistes et nous ne nions pas du tout que des excès individuels soient possibles et inévitables ; nous ne nions pas davantage qu’il soit nécessaire de réprimer ces excès. Mais, tout d’abord, point n’est besoin pour cela d’une machine spéciale, d’un appareil spécial de répression ; le peuple armé se chargera lui-même de cette besogne aussi simplement, aussi facilement qu’une foule quelconque d’hommes civilisés même dans la société actuelle sépare des gens qui se battent ou ne permet pas qu’on rudoie une femme. Ensuite, nous savons que la cause sociale profonde des excès qui constituent une violation des règles de la vie en société, c’est l’exploitation des masses, vouées au besoin, à la misère. Cette principale cause une fois écartée, les excès commenceront infailliblement à "s’éteindre". Avec quelle rapidité et quelle gradation, nous l’ignorons ; mais nous savons qu’ils s’éteindront. Et, avec eux, l’Etat s’éteindra à son tour. (…) »

En janvier 1918, Lénine écrivait :

« Au fond, tous ces bourgeois atterrés, consternés, terrifiés, ces petits bourgeois et ces « commis de la bourgeoisie » s’en tiennent, souvent sans en avoir conscience, à la vieille idée absurde, sentimentale, plate, propre à la gent intellectuelle, de l’« introduction du socialisme », acquise « par ouï-dire », en attrapant au vol des bribes de la doctrine socialiste, en reprenant à leur compte les déformations de cette doctrine, dues à des ignorants, à des pseudo-savants, en nous attribuant à nous, marxistes, cette idée et même un plan pour « introduire » le socialisme.

De telles idées, pour ne pas parler de plans, nous sont étrangères, à nous, marxistes. Nous avons toujours su, toujours dit, toujours répété qu’on ne peut pas « introduire » le socialisme, qu’il apparaît au cours de la lutte de classes la plus intense, la plus aiguë, la plus âpre, la plus farouche, et au cours de la guerre civile, qu’entre le capitalisme et le socialisme s’étend une longue période « d’enfantement douloureux », que la violence est toujours l’accoucheuse de la vieille société, qu’à la période de transition de la société bourgeoise à la société socialiste correspond un Etat spécial (c’est-à-dire un système spécial de violence organisée à l’égard d’une classe donnée), à savoir : la dictature du prolétariat. »

Lénine écrivait en mars 1918 dans Rapport sur la guerre et la paix au VIIe Congrès du Parti :

« Pour quiconque réfléchissait aux prémisses économiques d’une révolution socialiste en Europe, il était évident qu’il est bien plus difficile de commencer la révolution en Europe et bien plus facile de la commencer chez nous, mais qu’ici il sera plus difficile de la continuer.… Si l’on envisage les choses à l’échelle mondiale, il est absolument certain que la victoire finale de notre révolution, si elle devait rester isolée, s’il n’y avait pas de mouvement révolutionnaire dans les autres pays, serait sans espoir. Si le Parti bolchevique a pris seul l’affaire en main, c’est avec la conviction que la révolution mûrit dans tous les pays et qu’à la fin des fins, - et non au commencement des commencements, - quelles que soient les difficultés que nous ayons à surmonter, quelles que soient les défaites que nous ayons à subir, la révolution socialiste, internationale viendra, car elle est en marche ; qu’elle arrivera à maturité, car elle mûrit déjà. Nous ne serons préservés de toutes ces difficultés, je le répète, que par la révolution européenne.… La révolution ne viendra pas aussi vite que nous l’espérions. Cela, l’histoire l’a prouvé, il faut savoir l’accepter comme un fait, il faut savoir tenir compte de ce que la révolution socialiste mondiale dans les pays avancés ne peut commencer avec la même facilité qu’en Russie, pays de Nicolas II et de Raspoutine, où une partie énorme de la population se désintéressait complètement de ce qui se passait à la périphérie et de ce qu’étaient les peuples qui l’habitaient. Il était facile, en ce pays-là, de commencer la révolution ; c’était soulever une plume… La vérité absolue, c’est qu’à moins d’une révolution allemande, nous sommes perdus. Nous périrons peut-être, non à Piter, non à Moscou, mais .à Vladivostok, ou bien dans d’autres endroits éloignés vers lesquels nous devrons battre en retraite, mais, en tout cas, quelles que soient les vicissitudes possibles et concevables, si la révolution allemande ne vient pas, nous périrons. »

Lénine écrivait dans « La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky » en 1918 :

« Où le reniement de Kautsky apparaît plus en relief… il en vient à critiquer la tactique bolchévique. Et voici en quels termes : « La révolution bolchévique a été basée sur l’hypothèse qu’elle serait le point de départ d’une révolution européenne générale ; que l’initiative hardie de la Russie inciterait les prolétaires de toute l’Europe à se soulever.

Dans cette hypothèse, peu importait évidemment quelles formes prendrait la paix séparée russe, quelles mutilations et quels sacrifices elle entraînerait pour le peuple russe, quelle solution elle donnerait au droit de libre disposition des peuples. De même, peu importait de savoir alors si la Russie était apte à se défendre ou non. La révolution européenne constituait, selon ce point de vue, la meilleure défense de la révolution russe ; elle devait assurer à tous les peuples de l’ancien territoire russe le droit intégral, réel, de disposer d’eux mêmes.
Une révolution en Europe, qui apporterait et affermirait le socialisme, devait aussi servir à écarter les obstacles qu’opposait, à la réalisation en Russie d’un système de production socialiste, le retard économique du pays.

Tout cela était très logique et bien fondé dès que l’on admettait l’hypothèse fondamentale : que la révolution russe doit nécessairement amorcer la révolution européenne.
Mais si la chose ne se faisait pas ?

Jusqu’ici cette hypothèse ne s’est pas justifiée. Et maintenant on accuse les prolétaires d’Europe d’avoir laissé tomber et trahi la révolution russe. Accusation portée contre des inconnus, car qui veut on rendre responsable de la conduite du prolétariat européen ? »

Compter sur la révolution européenne est obligatoire pour un marxiste, du moment qu’on se trouve en présence d’une situation révolutionnaire. C’est une vérité première du marxisme, que la tactique du prolétariat socialiste ne peut être la même quand la situation est révolutionnaire et quand elle ne l’est pas….

Si Kautsky avait posé cette question, obligatoire pour un marxiste, il aurait vu que la réponse lui était nettement défavorable. Bien avant la guerre, tous les marxistes, tous les socialistes s’accordaient à reconnaître que la guerre européenne créerait une situation révolutionnaire. Du temps où Kautsky n’était pas encore un renégat, il admettait la chose d’une façon claire et précise, en 1902 (la Révolution sociale) et en 1909 (le Chemin du pouvoir). Le manifeste de Bâle l’a reconnu au nom de la II° Internationale tout entière : ce n’est pas sans raison que dans tous les pays les social-chauvins et les kautskistes (les « centristes », ceux qui balancent entre les révolutionnaires et les opportunistes) craignent comme le feu ces déclarations du Manifeste de Bâle !

Par conséquent, l’attente d’une situation révolutionnaire en Europe n’était pas un engouement des bolchéviks ; c’était l’opinion commune de tous les marxistes.

La tactique des bolchéviks était juste ; elle était la seule tactique internationaliste, puisqu’elle ne reposait pas sur une crainte pusillanime de la révolution mondiale, sur le « scepticisme » petit-bourgeois à son égard, sur le désir étroitement nationaliste de défendre « sa » patrie (la patrie de sa bourgeoisie) et de « cracher » sur tout le reste ; elle reposait sur l’appréciation juste (et universellement reconnue avant la guerre, avant le reniement des social chauvins et des social-pacifistes) des perspectives d’une situation révolutionnaire en Europe. Cette tactique était la seule tactique internationaliste puisqu’elle faisait le maximum de ce qui est réalisable dans un seul pays pour le développement, le soutien, l’éveil de la révolution dans tous les pays. Cette tactique s’est vérifiée par un immense succès, car le bolchévisme (non point en raison des mérites des bolchéviks russes, mais à cause de la plus profonde et universelle sympathie des masses pour cette tactique authentiquement révolutionnaire) est devenu le bolchévisme mondial ; il a donné une idée, une théorie, un programme, une tactique qui se distinguent concrètement, dans la pratique, du social chauvinisme et du social-pacifisme. Le bolchévisme a porté le coup de grâce à la vieille Internationale pourrie des Scheidemann et des Kautsky, des Renaudel et des Longuet, des Henderson et des MacDonald, qui vont maintenant se jeter dans les jambes l’un de l’autre en « rêvant » d’unité et en s’efforçant de ressusciter un cadavre. Le bolchévisme a créé les fondements idéologiques et tactiques d’une III° Internationale, vraiment prolétarienne et communiste, et qui tient compte à la fois des conquêtes de l’époque de paix, et de l’expérience de l’époque déjà commencée des révolutions… »

Lénine écrivait en novembre 1918 :

« Les faits de l’histoire mondiale ont montré que la transformation de notre révolution russe en une révolution socialiste n’est pas une aventure à courir, mais une nécessité, car il n’y a pas d’autre « choix » : les impérialismes anglo-français et américain étoufferont inévitablement l’indépendance et la liberté de la Russie s’il n’y a pas de victoire de la révolution socialiste mondiale, du bolchevisme mondial. »

Lénine écrivait en avril 1919 :

Lénine – La troisième internationale et sa place dans l’histoire – 15 avril 1919 :

« Comment a-t-il pu se faire que le premier pays qui ait réalisé la dictature du prolétariat et fondé la République soviétique, ait été un des pays les plus arriérés de l’Europe ? Nous ne risquons guère de nous tromper, en disant que justement cette contradiction entre le retard de la Russie et le « bond » effectué par elle, pardessus la démocratie bourgeoise, vers la forme supérieure du démocratisme, vers la démocratie soviétique ou prolétarienne, justement cette contradiction a été (en plus des pratiques opportunistes et des préjugés philistins qui pesaient sur la plupart des chefs socialistes) une des raisons qui ont rendu particulièrement difficile ou retardé en Occident la compréhension du rôle des Soviets.(…)

Faut-il s’étonner que la réalisation de la dictature prolétarienne ait révélé avant tout cette « contradiction » entre le retard de la Russie et le « bond » effectué par elle par-dessus la démocratie bourgeoise ? Il eût été étonnant si l’histoire nous gratifiait d’une nouvelle forme de démocratie sans entraîner une série de contradictions.

Tout marxiste, voire toute personne initiée à la science moderne, en général, si on lui posait cette question : « Le passage égal ou harmonieux et proportionnel des divers pays capitalistes à la dictature du prolétariat est-il possible ? » — répondra sans doute par la négative. Ni égalité de développement, ni harmonie, ni proportionnalité n’ont jamais existé et ne pouvaient exister dans le monde capitaliste. Chaque pays a fait ressortir avec un singulier relief tel ou tel autre côté, tel trait ou ensemble de particularités du capitalisme et du mouvement ouvrier. Le processus de développement était inégal. (…)

L’histoire universelle s’achemine irrésistiblement vers la dictature du prolétariat, mais elle n’y va pas par des chemins unis, simples et droits, tant s’en faut.

J’ai eu l’occasion de le répéter souvent : en comparaison des pays avancés, il était plus facile aux Russes de commencer la grande Révolution prolétarienne, mais il leur sera plus difficile de la continuer et de la mener jusqu’à la victoire définitive, dans le sens de l’organisation intégrale de la société socialiste.

Il nous a été plus facile de commencer, d’abord parce que le retard politique peu ordinaire — pour l’Europe du XXe siècle — de la monarchie tsariste provoqua un assaut révolutionnaire des masses, d’une vigueur inaccoutumée. En second lieu, le retard de la Russie unissait d’une façon originale la Révolution prolétarienne contre la bourgeoisie, à la révolution paysanne contre les grands propriétaires fonciers. C’est par là que nous avons commencé en octobre 1917, et nous n’aurions pas triomphé si facilement si nous avions agi différemment. Dès 1856 Marx indiqua, en parlant de la Prusse, la possibilité d’une combinaison originale de la révolution prolétarienne avec la guerre paysanne. Les bolchéviks, depuis le début de 1905, défendirent l’idée d’une dictature démocratique révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie. En troisième lieu, la Révolution de 1905 a fait énormément pour l’éducation politique de la masse des ouvriers et des paysans, tant pour initier leur avant-garde au « dernier mot » du socialisme d’Occident, que dans le sens de l’action révolutionnaire des masses. Sans cette « répétition générale » de 1905, les révolutions de 1917, bourgeoise en février, prolétarienne en octobre, n’eussent pas été possibles. En quatrième lieu, la situation géographique de la Russie lui a permis plus longtemps qu’aux autres pays de tenir, en dépit de la supériorité extérieure des pays capitalistes avancés. En cinquième lieu, l’attitude particulière du prolétariat à l’égard de la paysannerie a facilité le passage de la révolution bourgeoise à la révolution socialiste, facilité l’influence des prolétaires de la ville sur les semi-prolétaires, sur les couches de travailleurs pauvres des campagnes. En sixième lieu, la longue école des grèves et l’expérience du mouvement ouvrier de masse en Europe ont facilité, dans une situation révolutionnaire tendue et vite aggravée, l’apparition d’une forme d’organisation révolutionnaire prolétarienne aussi originale que les Soviets.

Cette énumération n’est évidemment pas complète. Mais on peut pour l’instant s’en tenir là.

La démocratie soviétique ou prolétarienne est née en Russie. Par rapport à la Commune de Paris, ce fut un second pas d’une importance historique universelle. La République prolétarienne et paysanne des Soviets est apparue comme la première et solide république socialiste du monde. Désormais elle ne peut mourir en tant que nouveau type d’État. Elle n’est plus seule aujourd’hui.
Pour continuer l’œuvre de construction socialiste et la mener à bien, il y a encore beaucoup à faire. Les Républiques soviétiques des pays plus cultivés, où le prolétariat a plus de poids et plus d’influence, ont toutes les chances de dépasser la Russie, dès qu’elles s’engageront dans la voie de la dictature du prolétariat. »

Lénine en mai 1920 dans « La maladie infantile » :

« On aurait également tort de perdre de vue qu’après la victoire de la révolution prolétarienne, si même elle n’a lieu que dans un seul des pays avancés, il se produira, selon toute probabilité, un brusque changement, à savoir : la Russie redeviendra, bientôt après, un pays, non plus exemplaire, mais retardataire (au point de vue "soviétique" et socialiste). (…)

Sous l’influence d’une série de facteurs historiques très particuliers, la Russie retardataire fut la première à donner au monde non seulement l’exemple d’une progression par bonds, pendant la révolution, de l’activité spontanée des masses opprimées (on avait vu cela dans toutes les grandes révolutions), mais encore l’exemple d’un prolétariat dont le rôle est infiniment supérieur à son importance numérique dans la population ; l’exemple de la combinaison de la grève économique et de la grève politique avec transformation de cette dernière en insurrection armée, et enfin, de L’apparition d’une nouvelle forme de lutte massive et d’organisation massive des classes opprimées par le capitalisme : les Soviets. »

Lénine écrivait en 1920 :

« Nous effectuons la transition au socialisme et la question capitale, celle du blé, celle du travail, n’est pas du ressort de l’intérêt privé, n’est pas l’affaire privée du patron, mais celle de la société entière. Tout paysan tant soit peu capable de penser doit avoir nettement conscience, comprendre que, si l’Etat pose dans toute sa presse, dans chaque article, dans chaque numéro de journal la question des transports, c’est que c’est l’affaire de tous ! Notre édification fait passer le paysan des ténèbres et de l’aveuglement auxquels le condamnait l’esclavage à la liberté véritable où les travailleurs, connaissant toutes les difficultés qui les attendent et, faisant fi de ce qui n’est que du clinquant, des colifichets, de la comédie des motions de toute espèce et des plus ingénieuses promesses que prodiguent les folliculaires en tout pays bourgeois, ils dirigent toutes les forces de l’organisation sociale, de l’appareil de l’Etat, tous les moyens d’agitation, vers les tâches les plus simples et les plus substantielles. Il faut axer toutes les forces, toute l’attention sur ces tâches économiques les plus élémentaires, intelligibles à tout paysan, contre lesquelles nul paysan moyen, voire cossu, mais tant soit peu honnête, ne peut présenter d’objections et dont la mise à l’ordre du jour dans toute réunion nous donne absolument raison. La masse ouvrière et paysanne la moins consciente confirmera que l’important, c’est de relever dès maintenant l’économie de façon qu’elle ne puisse tomber une nouvelle fois aux mains des exploiteurs, de façon que celui-là ne bénéficie d’aucun passe-droit qui, possédant dans un pays affamé des excédents de blé, les emploie à s’enrichir et à réduire les pauvres à la famine. Vous ne trouverez pas un homme, fût-il le plus arriéré, le plus inconscient, qui n’ait le sentiment que c’est injuste, qui n’ait l’idée peut-être confuse, peut-être brumeuse, mais présente tout de même, que les arguments des partisans du pouvoir soviétique sont pleinement conformes aux intérêts des travailleurs. »

Lénine écrivait dans Notre situation extérieure et intérieure et les tâches du parti - 21 novembre 1920 :

« Les succès obtenus par le pouvoir des Soviets sont colossaux. Lorsqu’il y a trois ans nous posions la question du rôle et des conditions de la victoire de la révolution prolétarienne en Russie, nous disions toujours nettement que cette victoire ne pouvait être solide qu’à condition d’être soutenue par une révolution prolétarienne en Occident, et que notre Révolution ne pouvait être justement appréciée que du point de vue international. Afin d’obtenir que notre victoire soit solide nous devons obtenir la victoire de la révolution prolétarienne dans tous les pays, ou du moins dans quelques-uns des principaux pays capitalistes. Après trois ans de lutte acharnée, nous voyons dans quelle mesure nos prédictions se sont vérifiées et dans quelle mesure elles ne se sont pas vérifiées.

Elles ne se sont pas vérifiées en ce sens que la question n’a pas reçu de solution rapide et simple. Bien sûr, aucun de nous ne s’attendait à voir durer trois ans une lutte aussi inégale que celle de la Russie contre toutes les puissances capitalistes du monde. Si nos prédictions ne se sont pas vérifiées purement et simplement, rapidement et directement, elles se sont vérifiées cependant dans la mesure où nous avons reçu l’essentiel, car l’essentiel était de conserver au pouvoir du prolétariat et à la république soviétiste la possibilité d’exister, même dans le cas où se ferait attendre la révolution socialiste dans le reste de l’univers. Et, à ce point de vue, il faut dire que notre situation internationale actuelle donne la meilleure et la plus exacte confirmation de tous nos calculs et de toute notre politique….

De la guerre impérialiste, les États bourgeois ont réussi à sortir bourgeois. Ils ont réussi à remettre et à reculer la crise qui les menaçait immédiatement, mais ils ont ruiné leur situation dans sa racine à un tel point que, malgré leurs forces armées gigantesques, ils ont dû reconnaître, après trois ans, leur impuissance à étrangler la Russie soviétiste, presque dénuée de forces militaires. Ainsi s’est trouvée confirmée dans sa base notre politique avec nos prévisions, et nous avons eu pour alliés réels les masses opprimées de tous les États capitalistes, puisque ces masses ont fait échouer la guerre. Sans obtenir la victoire universelle, la seule solide pour nous, nous avons conquis une situation dans laquelle nous pouvons exister côte à côte avec les puissances impérialistes, obligées aujourd’hui d’entrer en relations commerciales avec nous. Au cours de cette lutte, nous avons conquis le droit à l’existence indépendante. »

Lénine écrit en 1921 :

« Le socialisme est impossible sans la technique de la grosse industrie capitaliste, technique organisée selon le dernier mot de la science moderne ; il est impossible sans une organisation méthodique réglée par l’Etat et qui impose à des dizaines de millions d’hommes la stricte observation d’une norme unique dans la production et la répartition des produits. Nous, marxistes, l’avons toujours dit ; quant aux gens qui n’ont pas compris même cette vérité (tels que les anarchistes et une bonne moitié des socialistes-révolutionnaires de gauche), il ne vaut pas la peine de perdre fût-ce deux secondes à parler avec eux.

(D’autre part, le socialisme est impossible sans la domination du prolétariat dans l’Etat : c’est aussi une vérité première. L’histoire (dont nul, si ce n’est les imbéciles menchéviks numéro un, n’attendait qu’elle donnât sans encombres, tranquillement, aisément et simplement le socialisme « intégral ») a suivi des voies si singulières qu’elle a engendré en 1918 deux moitiés séparées du socialisme, l’une à côté de l’autre, comme deux futurs poussins, dans la même coquille de l’impérialisme international. En 1918, l’Allemagne et la Russie matérialisaient avec le plus d’évidence les conditions économiques, — production, économie sociale, — d’une part, et les conditions politiques du socialisme, de l’autre.

Une révolution prolétarienne victorieuse en Allemagne aurait brisé du coup, avec une extrême facilité toute coquille impérialiste (faite, malheureusement, avec le meilleur acier et capable, pour cette raison de résister aux efforts de tout... poussin) ; elle assurerait la victoire du socialisme mondial, à coup sûr, sans difficulté ou avec des difficultés insignifiantes, — bien entendu, si l’on considère le « difficile » à l’échelle historique et mondiale, et non point : à celle du vulgaire et de l’étroit. »

Lénine écrit dans « L’économie et la politique à l’époque de la dictature du prolétariat » :

« Le socialisme, c’est l’abolition des classes. Pour abolir les classes, il faut, premièrement, renverser les propriétaires fonciers et les capitalistes. Cette partie de l’ouvrage est faite, mais c’est une partie seulement, et non la plus difficile. Pour abolir les classes, il faut, deuxièment, supprimer la différence entre l’ouvrier et les paysans et faire de tous des travailleurs. Cela ne peut être fait d’un coup. C’est un travail incomparablement plus difficile et, forcément, très long. C’est un problème que l’on ne peut résoudre simplement en renversant une classe. On ne peut le résoudre que par la transformation de toute la structure de l’économie sociale, par le passage de la petite économie marchande, individuelle, isolée, à la grande économie collective. Cette transition est nécessairement fort longue… Pour résoudre la seconde partie, la plus difficile, du problème, le prolétariat, après avoir vaincu la bourgeoisie, doit s’en tenir à la ligne politique suivante par rapport à la paysannerie : délimiter, séparer le paysan travailleur du paysan propriétaire, du paysan commerçant et du paysan spéculateur… »

Lénine écrit dans « De l’enfantillage de gauche et de l’esprit petit-bourgeois » :

« Le socialisme est inconcevable sans une technique capitaliste répondant aux exigences de la science moderne sans une organisation étatique systématique… »

Lénine déclare dans son « Rapport sur les tâches actuelles du pouvoir soviétique » du 29 avril 1918 :

« La voie de l’organisation est longue, et la réalisation du socialisme exige un travail persévérant et des connaissances spéciales qui sont chez nous insuffisantes. Il est fort douteux que la prochaine génération qui, pourtant, sera plus développée, puisse réaliser le socialisme dans tous les domaines. »

Lénine déclare dans son « Discours au premier congrès des communes et cartels agricoles » :

« Le communisme est le plus haut degré de développement du socialisme, car, alors, les hommes travaillent parce qu’ils comprennent la nécessité de travailler pour le bien de tous. Nous savons que nous ne pouvons pas encore introduire maintenant le régime socialiste. Bien heureux encore si nos enfants ou même nos petits-enfants parviennent à l’instaurer ! »

Lénine déclare dans son intervention au dixième congrès du parti communiste (bolchevik) de Russie :

« Il n’est pas douteux que la révolution socialiste dans un pays où la majorité écrasante de la population est constituée par les petits cultivateurs n’est possible que par une suite de mesures transitoires spéciales, qui seraient tout à fait inutiles dans les pays à capitalisme développé, où les salariés, dans l’industrie et l’agriculture, constituent l’immense majorité… Nous avons souligné dans plusieurs ouvrages, dans tous nos discours, dans toute la presse, qu’en Russie il n’en est pas ainsi, qu’en Russie nous avons une minorité d’ouvriers dans l’industrie et une immense majorité de petits agriculteurs. La révolution sociale, dans un tel pays, ne peut obtenir un succès définitif qu’à deux conditions : premièrement, à condition qu’elle soit soutenue à temps par la révolution sociale dans un ou plusieurs pays avancés… La deuxième condition est l’accord entre le prolétariat réalisant sa dictature ou détenant le pouvoir d’Etat et la majorité de la population paysanne… Nous savons que seul l’accord avec la paysannerie peut sauver la révolution sociale en Russie, tant que la révolution n’est pas survenue dans les autres pays. »

Lénine écrit dans « La maladie infantile du communisme » :

« Dans la Russie de 1917, placée dans une situation historique extrêmement originale, il était facile de commencer la révolution socialiste, tandis qu’il y sera plus difficile que dans les pays occidentaux de la continuer et de la mener à son terme. J’ai déjà eu l’occasion, au commencement de 1918, de signaler ce fait, et une expérience de deux ans m’a entièrement raison. »

Lénine écrivait en 1917 dans sa « Lettre d’adieu aux ouvriers suisses » :

« Le prolétariat russe ne peut parachever la révolution socialiste avec ses seules forces. Mais il peut donner à sa révolution une ampleur qui créera les conditions les plus favorables à cette révolution socialiste, qui lui permettra même, en un certain sens, de la commencer. Il peut facileter l’entrée dans le combat décisif de son principal et plus sûr collaborateur, le prolétariat capitaliste d’Europe et d’Amérique. »

Lénine déclarait dans son « Rapport sur l’activité du Conseil des commissaires du peuple au troisième congrès des soviets » le 11 janvier 1918 :

« Certes, la victoire définitive du socialisme est impossible dans un seul pays. Notre détachement d’ouvriers et de paysans, qui soutient le pouvoir des soviets, n’est que l’un des détachements de cette armée universelle qui est actuellement divisée par la guerre mondiale. Le pays où la situation est favorable est celui qui doit commencer. »

Lénine écrivait dans ses « Thèses sur la paix » :

« Il n’est pas douteux que la révolution sociale en Europe doit avoir lieu et qu’elle aura lieu. Tous nos espoirs en la victoire définitive du socialisme sont basés sur cette certitude et sur cette prévision scientifique. »

Lénine écrivait dans son « Rapport sur la paix de Brest » au septième congrès du Parti communiste (bolchevik) de Russie :

« Pour la révolution russe, la plus grande difficulté, le plus grand problème historique réside dans la nécessité de résoudre les problèmes internationaux, de provoquer la révolution internationale, en faisant de notre révolution, étroitement nationale, une révolution mondiale… Si nous, parti bolchevik, avons assumé cette tâche, c’est parce que nous avons la conviction que la révolution mûrit dans tous les pays et qu’en fin de compte la révolution socialiste viendra, car elle vient déjà, quelles que soient les difficultés à traverser et les défaites à subir. Notre sauvegarde contre toutes ces difficultés, je le répète, est dans la révolution européenne. »

Lénine dclare dans son « Rapport du Conseil des commissaires du peuple » au septième congrès du Parti communiste (bolchevik) de Russie :

« Avant, comme après Octobre, nous avons toujours dit que nous nous considérions comme un détachement de l’armée internationale du prolétariat, détachement qui s’est trouvé placé à l’avant-garde non pas par suite de son développement et de sa préparation, mais par suite des circonstances exceptionnelles de la Russie. C’est pourquoi on ne pourra considérer la victoire de la révolution socialiste comme définitive que lorsqu’elle deviendra la victoire du prolétariat dans plusieurs pays avancés tout au moins. »

Lénine écrivait dans « Tactique du Parti communiste (bolchevik) de Russie » :

« Sans l’appui de la révolution mondiale, la victoire de la révolution prolétarienne est impossible. »

Lénine déclarait dans son « Discours à la conférence des représentants des comités exécutifs de districts, de cantons et de villages » du 15 octobre 1920 :

« Lorsque les bolcheviks commençaient la révolution, ils disaient que nous pouvions et devions la commencer : mais en même temps nous n’oublions pas qu’on peut la ârachever, l’amener à la victoire définitive, non pas en se limitant à la Russie, mais en triomphant du capital international avec l’aide d’une série de pays… Nous voyons la confirmation du fait que la révolution russe n’est qu’un anneau dans la chaîne de la révolution internationale et que notre révolution s’y développe. »

Lénine déclare dans son « Discours à l’assemblée plénière du soviet de Moscou » du 27 novembre 1920 :

« Nous savions alors que notre victoire n’en serait une que lorsque notre cause aurait triomphé dans le monde entier, parce que nous avons commencé notre œuvre en escomptant la révolution mondiale… Nous misions sur la révolution mondiale et nous avions absolument raison d’agir ainsi… Si nous jetons maintenant un regard d’ensemble sur les rapports internationaux (nous avons toujours souligné que nous nous placions au point de vue international et qu’il est impossible d’accomplir dans un seul pays une œuvre comme la révolution socialiste) et sur l’histoire de la guerre… il ne faut pas oublier que nous n’avons remporté qu’une demi-victoire… Nous savons et nous n’oublierons pas que notre œuvre est internationale, et tant que la révolution n’aura pas éclaté dans tous les Etats – y compris les plus riches et les plus civilisés – notre victoire ne sera qu’une demi-victoire, ou peut-être moins. »

Lénine déclarait dans son « Discours sur les concessions » du 27 novembre 1920 :

« Tant que le socialisme et le capitalisme subsistent, nous ne pouvons pas vivre en paix ; l’un ou l’autre devra vaincre à la fin : la République des soviets ou le capitalisme mondial disparaîtra. »

Lénine écrivait dans son « Rapport sur la paix de Brest » :

« Au point de vue historique mondial il n’est pas douteux que si notre révolution restait isolée, si elle n’avait pas l’appui du mouvement révolutionnaire dans les autres pays, sa victoire finale serait impossible. »

Lénine déclarait dans son « Discours au soviet de Moscou » du 23 avril 1918 :

« Nous n’arriverons à la victoire définitive que quand nous aurons réussi à briser le capitalisme international, qui s’appuie sur la puissance formidable de sa technique et de sa discipline. »

Lénine écrivait dans « Notre situation intérieure et extérieure et les tâches du parti » :

« Nous avons toujours dit nettement que cette victoire ne peut être solide si elle n’est pas soutenue par la révolution prolétarienne en Occident, qu’une appréciation juste de notre révolution n’est possible qu’au point de vue international. Pour vaincre définitivement, nous devons arriver à ce que la révolution prolétarienne triomphe dans les principaux pays capitalistes, ou, tout au moins, dans quelques uns. »

Lénine déclarait dans son « Discours à la réunion des secrétaires de cellules de Moscou » :

« Nous avons toujours dit que nous ne sommes qu’un anneau dans la chaîne de la révolution mondiale, et jamais nous n’avons compté vaincre uniquement par nos propres forces. »

Lénine déclarait dans son « Discours au huitième Congrès panrusse des soviets » :

« Tant que notre République des soviets restera un ilôt dans l’ensemble du monde capitaliste, ce serait une fantaisie, une utopie risible, que de songer à notre complète indépendance économique et à la disparition de tout danger. Naturellement, tant que ces oppositions radicales subsisteront, les dangers resteront et ne pourront être évités. »

Lénine déclarait dans son « Discours au quatrième congrès panrusse des travailleurs du Vêtement » :

« Vous savez jusqu’à quel point le capital est une force internationale, jusqu’à quel point les usines, entreprises et magasins capitalistes les plus importants sont liés entre eux dans le monde entier, et, par suite, il est évident qu’il est impossible de vaincre complètement le capital d’un seul côté. C’est une force internationale et, pour la vaincre complètement, il faut une action commune des ouvriers à l’échelle internationale. Et depuis que nous avons lutté contre les gouvernements bourgeois républicains en Russie en 1917, depuis que nous avons réalisé le pouvoir des soviets en novembre 1917, nous n’avons cessé d’indiquer aux ouvriers que la tâche essentielle, la condition fondamentale de notre victoire est la diffusion de la révolution tout au moins dans quelques-uns des pays les plus avancés. »

Lénine écrivait dans « Moins vaut moins mais mieux » :

« Parviendrons-nous à nous maintenir avec notre petite production paysanne, avec notre misère, jusqu’à ce que les pays capitalistes d’Europe occidentale accomplissent leur évolution vers le socialisme ? Telle est la question qui se pose à nous en ce moment… Nous ne sommes pas assez civilisés pour passer directement au socialisme, quoique nous ayons pour cela les prémisses politiques nécessaires. »

Lénine déclarait au septième congrès du Parti communiste (bolchevik) de Russie le 7 mars 1918 :

« C’est là une leçon, car la vérité absolue est que nous périrons sans la révolution allemande. Nous périrons, peut-être pas à Pétrograd ni à Moscou, mais à Vladivostok ou dans d’autres lointaines régions, où nous devrons battre en retraite… En tout cas, quelles que soient les péripéties de la lutte, si la révolution allemande ne survient pas, nous sommes perdus. »

Lénine écrivait dans « La principale tâche actuelle » :

« Le salut n’est possible que dans la voie de la révolution socialiste internationale, où nous nous sommes engagés. »

Lénine écrivait dans son « Rapport sur les tâches actuelles du pouvoir aux soviets » :

« Notre tâche, tant que nous sommes seuls, consiste à sauvegarder la révolution, à lui conserver une certaine dose de socialisme, si faible soit-elle, jusqu’au moment où la révolution éclatera dans les autres pays et où d’autres détachements viendront à la rescousse. Mais escompter que l’histoire mettra en mouvement les détachements socialistes des différents pays dans une progression méthodique, c’est n’avoir aucune idée de la révolution ou renoncer par bêtise à l’appui de la révolution socialiste. »

Dans sa « Lettre aux ouvriers américains » du 20 août 1918, Lénine écrivait :

« Quelle que soit la rapidité de sa maturation, la révolution prolétarienne en Europe peut ne pas éclater au cours des prochaines semaines. Nous misons sur l’inélucatibilité de la révolution mondiale, mais il ne s’ensuit pas que nous misions sottement sur son arrivée à une date rapprochée et déterminée… Nous serons dans une forteresse assiégée tant que les autres détachements de la révolution socialiste internationale ne viendront pas à notre secours. »

Lénine écrivait dans son « Rapport au troisième congrès panrusse des soviets » :

« Nous voyons maintenant toute l’ampleur du développement de la révolution ; le Russe a commencé, l’Allemand, le Français, l’Anglais achèveront et le socialisme vaincra. »

C’était un point de vue largement partagé dans le parti bolchevik et que personne n’avait cherché à combattre du vivant de Lénine. Dans « L’ABC du communisme », on peut lire par exemple :

« La révolution communiste ne peut vaincre que comme révolution mondiale… Lorsque les ouvriers n’ont vaincu que dans un seul pays, le relèvement économique, l’organisation de l’économie sont très difficiles… Si, pour la victoire du communisme, la victoire de la révolution mondiale et l’appui mutuel des ouvriers sont nécessaires, il s’ensuit que la condition indispensable de la victoire est la solidarité internationale de la classe ouvrière. »

Zinoviev écrivait ainsi :

« La conquête du pouvoir politique par le prolétariat dans un seul pays est déjà une grande victoire du socialisme, et, dans ce cas, elle est une victoire de la révolution prolétarienne. Mais nous ne voulons nullement dire par là que même une victoire de la révolution prolétarienne comme la conquête du pouvoir politique par le prolétariat soit déjà le triomphe définitif du socialisme… Le fait même de déclarer propriété d’Etat les instruments et les moyens de production n’est pas encore le triomphe du régime socialiste… Nous n’avons pas encore vaincu définitivement. Et la révolution prolétarienne ne peut vaincre définitivement dans un seul pays. »

Léon Trotsky :

« En avril 1924, trois mois après la mort de Lénine, Staline écrivait encore dans sa compilation sur les Bases du léninisme : "Il suffit des efforts d’un pays pour renverser la bourgeoisie, l’histoire de notre révolution l’enseigne. Pour la victoire définitive du socialisme, pour l’organisation de la production socialiste, les efforts d’un seul pays, surtout paysan comme le nôtre, sont déjà insuffisants ; il y faut les efforts réunis des prolétaires de plusieurs pays avancés." (…) Petrov écrivait : "Comment ! Nous n’arriverions pas nous-mêmes à faire le bonheur de notre pays ? S’il en est autrement d’après Marx, eh bien, nous ne sommes pas marxistes, nous sommes des bolcheviks de Russie, voilà tout." Petrov ajoute : "Je ne puis m’empêcher de penser à présent que la théorie du socialisme dans un seul pays est plus qu’une simple invention stalinienne." (…) Boukharine, qui tenta de fonder la nouvelle théorie, proclama, comme étant irréfutablement prouvé : "Les différences de classes dans notre pays ou notre technique arriérée ne nous mèneront pas à notre perte ; nous pouvons bâtir le socialisme sur cette base de misère technique elle-même ; la croissance de ce socialisme sera très lente, nous avancerons à pas de tortue, mais nous construirons le socialisme et nous en achèverons la construction..." (…) La nécessité même du nouveau programme des Jeunesses communistes fut justifiée en ces termes par le rapporteur : "L’ancien programme renferme une affirmation erronée, profondément antiléniniste, selon laquelle "la Russie ne peut arriver au socialisme que par la révolution mondiale". (…) La bureaucratie a dû, dans sa lutte pour l’économie planifiée, exproprier le koulak ; la classe ouvrière aura, dans sa lutte pour le socialisme, à exproprier la bureaucratie, sur la tombe de laquelle elle pourra mettre cette épitaphe : "Ici repose la théorie du socialisme dans un seul pays." »

Trotsky en 1928 :

https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ical/ical216.html

Trotsky en 1936 :

http://www.matierevolution.fr/spip.php?article267

https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ical/ical216.html

Déjà en 1905 :

« Cela nous incite à concevoir une situation historique où la victoire de la révolution “bourgeoise” ne serait possible que grâce à la conquête du pouvoir révolutionnaire par le prolétariat. Cette révolution cesserait elle d’être bourgeoise ? Oui et non. Cela ne dépendrait pas d’une définition, mais du développement ultérieur des événements. Si le prolétariat est repoussé par la coalition des classes bourgeoises, et entre autres la classe paysanne qu’il aura affranchie, la révolution conservera son caractère étroitement bourgeois. Mais si le prolétariat est capable de mettre en œuvre toutes les ressources de sa domination politique et s’il réussit ainsi à rompre les cadres nationaux de la révolution russe, celle ci pourra devenir le prologue d’un cataclysme socialiste mondial. »

https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/1905/1905_a_1.htm

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