Accueil > 04 - Livre Quatre : HISTOIRE CONTEMPORAINE > 19- Algérie 1988 : de l’explosion sociale au terrorisme se revendiquant de (...) > Qui était Hocine Aït Ahmed ?

Qui était Hocine Aït Ahmed ?

mercredi 13 janvier 2016, par Robert Paris

Avertissement : nous sommes désolés de devoir, dans cette biographie, heurter bien des sentiments populaires afin de chercher la vérité historique cachée derrière de nombreux mythes mensongers : mythe du chef héroïque, mythe du nationalisme, mythe de l’Etat libérateur, mythe du FLN, mythe du FFS, mythe de la démocratie… Cependant, cela ne doit pas nous arrêter : seule la vérité historique donne des armes pour transformer la suite de l’histoire. Les mythes ne servent qu’à rester enfermés derrière les mêmes barreaux…

Hocine Aït Ahmed écrit en 1947 dans le fameux rapport de l’Organisation Spéciale, le groupe d’action armée qui s’est séparé de l’action politique et sociale publique au sein du PPA de Messali Hadj :

« La guerre reste toujours un moyen sérieux en vue d’un but sérieux... La lutte de Libération, de l’humanité algérienne, sera donc une guerre. Elle assumera les proportions d’un conflit avec la puissance coloniale avec tout son potentiel militaire, économique et diplomatique, donc politique... Par guerre populaire, nous entendons « guerre des partisans » menée par les avant gardes militairement organisées des masses populaires, elles-mêmes politiquement mobilisées et solidement encadrées... L’Algérie se condamnerait à perdre davantage, c’est-à-dire tous les autres atouts, si elle faisait une condition sine qua non d’un dispositif maghrébin préalable. Ce dispositif suppose une identité de vues, de sentiments, d’intérêt chez les dirigeants... L’OS doit devenir rapidement l’instrument capable de mettre en place le dispositif minimum d’une Guerre de Libération. (…) L’OS est une organisation d’élite, avec des effectifs forcément restreints à cause de son caractère ultraclandestin. Elle doit en premier lieu former les cadres du combat libérateur. Ce travail de formation a pour but d’élever le niveau technique et tactique de ce combat. Sur le plan technique, étude théorique et pratique du maniement des arme modernes et des explosifs, aspects principaux du combat individuel. Sur le plan tactique, nous avons choisi, dans les ouvrages récents traitant de la guérilla, de la guerre des partisans, des « commandos », des leçons s’adaptant le mieux aux données de notre pays et qui sont d’un niveau accessible à nos militants... Les vertus guerrières de notre peuple, le mépris du danger, la force de caractère et d’esprit, la persévérance trouveront dans l’islam bien exploité un élément de mobilisation et de soutien dans les vicissitudes, les revers, le deuil et les « hasards » de la guerre... Le patriotisme révolutionnaire est dans les campagnes ; la paysannerie pauvre, la paysannerie des khammes, les petits paysans constitueront l’élément moteur de la guerre de libération. Leur tempérament, l’amour patriotique qui s’aiguise dans le nif (note : sentiment de l’honneur) et la « convoitise de la gloire » , leur dévouement fanatique, gage de fermeté et d’obstination, toutes qualités et force d’âme qui les ont rendu jadis et les rendront encore maîtres dans l’art de la guérilla. Le mot d’ordre « La terre à ceux qui la libèrent » qui correspond aux aspirations de nos masses rurales aura un effet multiplicateur, c’est-à-dire durablement mobilisateur. Le slogan quémandeur « La terre à ceux qui la travaillent » est sans effet (…) Il importe de bétonner notre implantation rurale. Il faudra tirer avantage de l’influence des notabilités acquises au mouvement pour structurer les paysans. « Nous voulons trois choses : des armes ! encore des armes ! toujours des armes ! »

Tout y est : groupes armés non contrôlés par la population, islam bien manipulé, lutte armée coupée de la lutte sociale, nationalisme strict et non pas lutte du Maghreb ou internationalisme, pas de lutte prolétarienne, pas de lutte des villes, pas de lutte syndicale, des paysans transformés en militaires et qui prendront le pouvoir en lieu et place du peuple travailleur, avec comme résultat inévitable : une dictature militaire...

Vous pensiez qu’Aït Ahmed était un partisan du pouvoir démocratique et civil ? Mais comment aurait-il été en Egypte un chaud partisan du pouvoir militaire et dictatorial de Nasser ?

De gauche à droite : Rabah Bitat, Hocine Aït Ahmed, Abdelkrim Hassani et Ben Bella

De gauche à droite : Hocine Ait Ahmed, Mohamed Khider, Mohamed Seddik Benyahia, Ahmed Ben Bella, Rabah Bitat et Mohamed Boudiaf

Un avis de recherche par la France coloniale des principaux dirigeants du FLN algérien

Les dirigeants historiques du FLN arrêtés par le colonialisme français le 22 octobre 1956 : Khider, Lacheraf, Aït Ahmed, Boudiaf et Ben Bella

de gauche à droite : Ahmed Ben Bella, Hocine Ait Ahmed, Rabah Bitat et Mohamed Boudiaf

L’alliance Aït Ahmed - Ben Bella de 1985

Le "pacte de Rome" de "concorde nationale", à Sant Egidio, une alliance sans lendemain FFS/FLN/FIS en 1995

Qui était Hocine Aït Ahmed ?

Hocine Aït Ahmed, l’un des fondateurs du FLN algérien et du régime algérien issu de la lutte d’indépendance nationale, vient de décéder et a été l’objet d’une commémoration nationale par le régime algérien dont il était pourtant officiellement le principal opposant politique. Mais, comme nous allons le voir, c’est un opposant qui s’est opposé… toute sa vie à faire autre chose que proposer ses services à la dictature militaire pour l’aider à redresser le régime soi-disant pour le démocratiser. Si l’Algérie a connu des grèves, des grèves générales, des révoltes et des révolutions contre la dictature bourgeoise et militaire, ce n’est pas Aït Ahmed qui les a suscitées, ce n’est pas lui qui les a soutenues, ce n’est pas lui qui les a défendues. Bien au contraire, il a dénoncé toutes les révoltes comme étant « manipulées par les clans militaires », a poussé ses militants à s’en désolidariser, a cherché à démobiliser les travailleurs et les syndicalistes. Il n’a rien fait pour déstabiliser la dictature et a longtemps espéré, vainement, qu’elle fasse appel à lui pour un gouvernement de concorde civile alliant le FLN, les islamistes et le FFS ou Front des Forces Socialistes, son parti. Et cette politique caractérise ce personnage politique dès qu’il devient opposant au FLN qu’il a dirigé avant de fonder le FFS. Dès lors, il propose d’en finir avec la dictature du FLN en préconisant « le bipartisme FLN-FFS » ! Puis, il proposera une alliance à Ben Bella, lui-même ancien dirigeant de la dictature algérienne, celui des chefs historiques qui est le plus responsable de la mise en place de la dictature militaire de Boumédiène, pour finir, lors du « pacte de Rome » initié par Aït Ahmed, par préconiser une alliance au pouvoir avec les islamistes et le FLN. C’est là toute sa conception de la démocratie. Il n’est jamais favorable à la démocratie directe issue de la lutte, pas plus après l’indépendance quand des quantités de comité de travailleurs sont fondés, que lors de la révolte de 1988 ou de celle dite des arouchs en Kabylie ou de celle de 2011. Réformiste, pro-capitaliste, très passif dans l’action, le FFS a toujours une bonne raison pour ne pas participer à une lutte : généralement, parce que les "clans" sont dans le coup, qu’"il y a manipulation", qu’il y a le RCD ou que ce n’est pas la priorité du parti... Lors de la vague des révolutions de 2011 du Maghreb et du monde arabe, l’Algérie est en pointe en même temps que la Tunisie qui démet son dictateur mais Karim Tabbou déclare : “Le FFS n’est pas partie prenante de l’appel à la marche de février” : « Le Front des Forces Socialistes (FFS) n’est pas partie prenante de l’appel à la marche du 9 février prochain. Et ne fait donc pas partie de la “coordination pour le changement démocratique”. “Dans l’étape actuelle, les priorités politiques du FFS, ne lui permettent pas de s’associer à la proposition d’un appel à une marche à Alger, précise le FFS. “Enfin, ajoute le communiqué, le FFS respecte et défend l’autonomie de décision et d’action des organisations de la société civile”. » Une déclaration du FFS faisant l’éloge de la révolution en Tunisie a d’ores et déjà signée par une trentaine de personnalités notamment universitaires et de la presse : ouverte aux signatures, elle circulait vendredi en Algérie, où des émeutes essentiellement menées par des jeunes au début du mois ont fait cinq morts et plus de 800 blessés. Rendant hommage à leurs voisins de l’Est pour avoir renversé le régime de Zine Al Abidine Ben Ali le 14 janvier, les signataires estiment que cette « juste action du peuple tunisien ouvre une nouvelle situation politique dans un Maghreb lié par un destin commun » ». Destin commun certes mais dans lequel le FFS ne comptait pas bouger le petit doigt en dehors de celui qui tient le stylo de... la déclaration ! Aït Ahmed déclare alors : « Les révolutions en cours en Tunisie et en Egypte, la magnifique leçon de courage, d’organisation et de détermination populaire qu’elles ont donné à voir au monde entier nous interpellent directement. Les développements dramatiques que connait la légitime demande populaire de changement démocratique en Libye ont révélé au monde les pics de sauvagerie dont sont capables des dictateurs fous n’ayant de compte, à rendre à personne. Et surtout pas à leurs peuples. La crise algérienne s’inscrit naturellement dans le cadre des crises en cours. Pour autant, il n’est pas question de céder à une quelconque « contagion démocratique » dans l’explication et le traitement de chaque situation nationale. » Aït Ahmed n’a jamais connu d’autre moyen d’action que la déclaration, le mémorandum et la marche. La marche est pour lui le moyen suprême. On ne peut pas aller au-delà. La révolte, la grève générale et la révolution ne sont rien d’autre que des manipulations du pouvoir militaire et de ses clans bureaucratiques !!! Quant au socialisme du FFS et de Aït Ahmed, c’est celui qui le mène à participer à l’Internationale socialiste aux côtés de Mitterrand, de Schröder, de Blair…

1926

Naissance d’Hocine Aït Ahmed, d’une famille de grands notables, des marabouts kabyles de Aïn El Hammam.

1942

Hocine Aït Ahmed adhère au PPA de Messali Hadj. Il n’a que seize ans !

Voir ici l’historique du mouvement national algérien

1945

Lycéen, Aït Ahmed est sollicité par le PPA dont il est militant pour participer au soulèvement national de 1945. Aït Ahmed raconte que le soulèvement est prêt et décommandé par la direction du PPA. Jamais il n’expliquera pourquoi. Sur le moment Aït Ahmed ne comprend pas la décision de la direction du Parti du peuple algérien (PPA) d’annuler le soulèvement populaire quelques heures avant l’heure fatidique. Pour la leçon politique que tire Haït Ahmed de tout cela, il suffit effectivement de lire le rapport de 1947. Il repousse définitivement le soulèvement de masse, la révolution sociale, en Algérie pour s’en tenir à une lutte armée en dehors des masses populaires... Pourtant,le soulèvement n’était pas un échec : il avait été trahi par sa direction alors que la révolution sociale était mure. Déçu mais déterminé, Aït Ahmed rentre bredouille au Lycée de Ben Aknoun où il passe son baccalauréat. Plus tard, il justifiera à sa manière cette décision en disant que la révolution des masses est une lubie réactionnaire (voir le rapport de l’OS). Le PPA a trahi une mobilisation révolutionnaire du peuple algérien et Aït Ahmed, dans son rapport, n’aura pas la capacité de le dire et, du coup, son rapport sera entériné par le PPA…

Lire ici ce qui s’est passé le 8 mai 1945

Si la situation était révolutionnaire en Algérie à la fin de la deuxième guerre mondiale, en Algérie comme sur une bonne partie de la planète, l’inexistence de partis révolutionnaires était aussi très générale et détruisait l’essentiel des possibilités de la situation. La révolte a éclaté en 1945 en Algérie, alors que les travailleurs et les masses populaires ne disposent d’aucune organisation favorable à une révolution sociale renversant le colonialisme. Le plus important parti dans les masses populaires, algériennes comme pied-noires, est le Parti Communiste Algérien. Alors que le Parti Communiste Français, qui participe au gouvernement, soutient le colonialisme et participe à la répression de la révolte, le PCA déclare : « Frères musulmans, le peuple de France lutte contre tes ennemis : le fascisme et les trusts qui oppriment l’Algérie en même temps qu’ils trahissent la France (…) dans cette lutte, une France nouvelle se crée, qui n’aura rien de commun avec celle d’hier. (…) Ton intérêt propre est donc d’aider cette France nouvelle à se créer, à se forger, car c’est le chemin de salut pour toi. » (extrait de « Le PCA au service de la population d’Algérie », rapport de Amar Ouzegane à la conférence centrale du PCA à Alger le 23 septembre 1944). Il va dénoncer la lutte d’indépendance comme « fasciste ». Le PPA, parti nationaliste de Messali Hadj, qui avait des origines communistes (L’Etoile Nord-africaine), choisit tactiquement de jouer le jeu des élections dans le cadre colonial, comme l’avait fait l’Association du Manifeste et de la Liberté de Ferhat Abbas. Même sa frange paramilitaire, l’Organisation Spéciale, dirigée par Ben Bella et Aït Ahmed, plus portée sur l’action directe comme le montrera son évolution en FLN, affirme qu’il ne fallait pas faire la révolution sociale, pas de soulèvement en masse, en 1945.

1947

Le rapport de L’Organisation Spéciale rédigé par Aït Ahmed et Ben Bella est adopté officiellement en 1948 par le PPA de Messali Hadj.

Le rapport de l’OS en 1947 sur l’analyse des événements de 1945 dans le Constantinois et dans toute l’Algérie, dont voici quelques extraits, est édifiant sur le caractère contre-révolutionnaire de la petite bourgeoisie nationaliste radicale :

« Nous nous proclamons un parti révolutionnaire. Le mot révolutionnaire est dans les propos de nos militants et de nos responsables. Notre vocabulaire est dominé par des formules à l’emporte-pièce, extrémistes, magiques telles que « le problème algérien est un problème de force », « nous sommes pour l’action, contre les discours » ; en attendant, nous ne cessons de discourir. (…) Aujourd’hui que l’électoralisme a fait faillite, le regard doit se porter résolument vers les véritables objectifs. Notre but est de mobiliser toutes les couches de la population algérienne, d’entraîner même les « mécontents », les « hésitants », même ceux qui sont contre les « inégalités choquantes ». « Des idées fumeuses, voire saugrenues, bouchent notre conscience. En parlant de soulèvement, certains y voient une forme d’insurrection « généralisée », à l’exemple de celle de 1871, étendue à l’ensemble du territoire national. (…) Le but de ce rapport est de préciser la donnée principale de la révolution : la ou les formes de lutte que doit revêtir la lutte de libération. » « Quelle forme prendra la lutte de libération ? La lutte de libération ne sera pas un soulèvement en masse. L’idée de soulèvement en masse est en effet courante. L’homme de la rue pense que le peuple algérien peut facilement détruire le colonialisme grâce à une supériorité numérique : dix contre un. Il suffira de généraliser à l’Algérie entière un soulèvement populaire. (…) En réalité, l’idée de « soulèvement en masse » se fonde sur des souvenirs historiques, au niveau de l’opinion populaire. Les paysans n’oublient pas la grande insurrection de 1871. De père en fils ils ont hérité le regret viscéral que cette insurrection fut circonscrite à la Kabylie, à quelques régions de l’Algérois et du Constantinois. Ils peuvent croire que cette insurrection aurait réussi si elle avait éclaté partout. Il faut préciser tout de suite que cette conception n’est pas partagée par les populations de Kherrata qui ont connu le massacre de mai 1945, ni par celles de Kabylie qui depuis cette date connaissent les répressions les plus dures. Les événements qui ont suivi « l’Ordre du 23 mai 1945 » indiquent à quelles aventures tragiques peuvent conduire des idées archaïques. (…) L’insurrection de 1871 a échoué, moins parce qu’elle était géographiquement limitée qu’en raison de son caractère spontané, improvisé et des conceptions militaires erronées de ses dirigeants. (…) Le soulèvement en masse est une forme de lutte anachronique. La notion de supériorité de la multitude, nous en avons fait l’expérience, a déjà bouché la conscience que devait avoir nos dirigeants des bouleversements engendrés par l’armement moderne dans l’art de se battre pour se libérer. Aux yeux des militants qui ont éprouvé directement les conséquences de « l’Ordre et du Contre-Ordre d’insurrection », l’histoire du « cheval blanc » et du drapeau vert » est plus qu’une anecdote humoristique. (Note : le PPA a donné un ordre d’insurrection, puis l’a décommandé, mais le contrordre serait arrivé trop tard en Kabylie et à Saïda). (…) L’expérience du soulèvement avorté du 23 mai 1945 est plus proche de nous que l’échec de la révolution de 1905, ou la débâcle des patriotes irlandais lors de l’insurrection de Pâques 1916 et du terrorisme qui l’a suivit. De plus, c’est notre propre expérience ; elle a profondément marqué les militants qui l’ont vécue et qui en ont tiré les leçons pour eux-mêmes et pour le parti. En été 1945, le district de la Grande Kabylie reçoit l’ordre d’abattre les candidats aux élections cantonales. Les responsables du district refusent d’exécuter cet ordre. (…) Nous pouvons tuer et prendre le maquis, si le parti a prévu la djihad comme étape suivante. (…) La forme de lutte individuelle conduit à nous mettre en position de moindre efficacité et de moindre résistance. (…) par contre, le terrorisme sous sa forme défensive ou d’appoint, c’est-à-dire le contre-terrorisme, peut jouer un rôle dans le cadre de la guerre populaire, comme en Indochine. (…) La guerre est un instrument de la politique. Les formes du combat libérateur doivent se mesurer à l’aune de la politique. (…) La lutte de libération sera une véritable guerre révolutionnaire. (…) La lutte de libération de l’humanité algérienne sera donc une guerre. Elle assumera les proportions d’un conflit avec la puissance coloniale avec tout son potentiel militaire, économique et diplomatique, donc politique. (…) Aussi la guerre révolutionnaire est la seule forme de lutte adéquate aux conditions qui prévalent dans notre pays. C’est la guerre populaire. Il importe de préciser que nous n’entendons pas par là les levées en masse. Par guerre populaire, nous entendons guerre des partisans menée par les avant-gardes militairement organisées et solidement encadrées. (…) Et d’abord posons-nous la question : quels sont les principes directeurs qu’il faut réunir pour assurer la victoire de cette guerre de libération ? Sur quels éléments doit se baser notre stratégie pour être victorieuse ? (…) Les principes directeurs de notre stratégie sont l’avantage du terrain, la guérilla comme forme de guerre principale, la défense stratégique et non l’offensive, la formation de bases stratégiques (…). Le principe directeur se rapportant à l’unité d’action avec le Maroc et la Tunisie se situe à la charnière des problèmes de stratégie intérieure et de stratégie extérieure. Nous préférons les situer à cette frontière. (…) Cependant, l’Algérie se condamnerait à perdre d’avantage, c’est-à-dire tous les autres atouts, si elle faisait une condition sine qua non d’un dispositif maghrébin préalable. (…) « Les thèses assimilationnistes sont bel et bien enterrées. Même le Parti communiste algérien semble se soumettre devant le puissant courant qui porte nos masses vers la libération. Il court derrière le peuple dont il prétend être l’avant-garde. Il va jusqu’à sacrifier comme bouc émissaire, Amar Ouzegane, son secrétaire général (note : il est présenté comme responsable du soutien du PCA au massacre colonialiste français de Sétif et du Constantinois, décision du PCA et du PCF, qui résulte de la participation du PCF au gouvernement français et de l’alliance contre-révolutionnaire du stalinisme et de l’impérialisme à la fin de la guerre). (…) Cependant, depuis le truquage éhonté des élections d’avril dernier, au vu de la répression qui a précédé et suivi ces truquages, le peuple algérien dans son ensemble a découvert le caractère dérisoire et vain du réformisme, basé sur la légalité coloniale. (…) le patriotisme rural a triomphé dans l’opinion avec la dureté qui caractérise l’oppression subie par les masses rurales : « Ne nous appelez plus aux urnes, donnez nous des armes ». (…) Ici apparaissent les dangereuses faiblesses de l’Organisation Spéciale OS. Nous manquons d’armes et d’argent. (…) Le problème de l’armement doit être le souci majeur du parti. (…) Un appareil émetteur-récepteur nous a coûté 100.000 francs, l’équivalent du budget de fonctionnement mensuel alloué à l’organisation. Aucun sou n’a été consacré par le parti à l’achat d’armements. (…) Nous disposons aujourd’hui de trois organisations toutes structurées à l’échelle nationale. Il y a le MTLD, appareil légal et public. Il y a l’OS, organisation paramilitaire, ultra clandestine. Il y a le PPA, appareil semi clandestin ou prétendu tel. Ces trois structures correspondent au schéma décidé par le Congrès de 1947. (…) Dans des localités, les responsables de l’OS sont à la fois dirigeants des sections locales du MTLD, du PPA et conseillers municipaux. N’ayant pu être remplacés à leurs « fonctions » légales ou semi légales, ces responsables n’ont pas pu se conformer aux directives de l’état-major de l’OS qui leur « fait obligation de se faire oublier » des autorités … des polices et des masses. » « Puisqu’on nous parle souvent de « plan de sécurité », il n’en existe pas d’autre que le maquis. Les militants sont aujourd’hui connus de toute façon. Ils ne peuvent pas échapper aux coups de filet par « la simple vigilance ». Ils doivent pouvoir continuer leurs activités au sein des masses en s’intégrant clandestinement à elles. « « Perspectives « Cette guerre de libération mettra aux prises, nous n’aurons de cesse de le rappeler, une puissance mondiale à une nation désarmée qui de surcroît a été soumise à une politique de dépersonnalisation et d’asservissement pendant plus d’un siècle. (…) La guerre populaire de libération nous donne des atouts. D’abord la force morale d’une cause juste (…) Les vertus guerrières de notre peuple, le mépris du danger, la force de caractère et d’esprit, la persévérance trouveront dans l’Islam bien exploité un élément de mobilisation et de soutien dans les vicissitudes, les revers, le deuil et les « hasards » de la guerre. Ensuite, l’Algérie c’est notre pays. Le peuple algérien connaît ses moindres recoins. Il fait corps avec le relief. La guerre de partisans, avec ses fonctions de commandos dans les villes, ses actions de sabotage généralisées, nous permettra de tirer le maximum de ces atouts, c’est-à-dire de durer et d’atteindre les objectifs de la défense stratégique. (….) Il s’agit de combler nos lacunes et de travailler en profondeur nos masses rurales. Le patriotisme révolutionnaire est dans les campagnes ; la paysannerie pauvre, la paysannerie des khammes, les petits paysans constitueront l’élément moteur de la guerre de libération. Leur tempérament, l’amour patriotique qui s’aiguise dans le nif (note : sentiment de l’honneur) et la « convoitise de la gloire « , leur dévouement fanatique, gage de fermeté et d’obstination, toutes qualités et force d’âme qui les ont rendu jadis et les rendront encore maîtres dans l’art de la guérilla. (…) la nature même chez nous de l’oppression coloniale de même que la répression sous toutes ses formes, économique, policière, terroriste, administrative, ont atteint des paliers exaspérants. D’où la véhémence du mécontentement général. Aujourd’hui, la conscience révolutionnaire consiste à exploiter l’impasse légaliste et les fiascos réformistes afin de familiariser les masses avec l’idée d’une véritable guerre et faire ainsi du recours à la violence non pas un geste de désespoir, de colère et de révolte, mais un geste révolutionnaire qui doit mener à la victoire. (…) « Le mot d’ordre « La terre à ceux qui la libèrent » qui correspond aux aspirations de nos masses rurales aura un effet multiplicateur, c’est-à-dire durablement mobilisateur. Le slogan quémandeur « La terre à ceux qui la travaillent » est sans effet (…) Il importe de bétonner notre implantation rurale. Il faudra tirer avantage de l’influence des notabilités acquises au mouvement pour structurer les paysans. « Nous voulons trois choses : des armes ! encore des armes ! toujours des armes ! La stratégie du harcèlement qui suppose des séries de petites attaques ne peut remplir son objet sans armes individuelles, pistolets mitrailleurs, fusils mitrailleurs, mitrailleuses légères, grenades offensives, grenades anti-chars. La stratégie de désorganisation de l’infrastructure coloniale, de dislocation économique et de destruction des voies de communication, suppose également les techniques d’explosifs les plus appropriées. Il est indispensable d’avoir dans chaque région des stocks de guerre. (…) Malgré les sacrifices des masses et la générosité des militants, le parti ne pourra au mieux que se procurer les ressources de subsistance à l’intérieur du pays. C’est à l’extérieur que nous devons nous approvisionner. (…) Une équipe doit être chargée de trouver les armes et les finances qu’exige la conjoncture. (…) Certains nous consentiraient un emprunt par solidarité sentimentale, anti-coloniale ou par communion de lutte contre l’impérialisme ; l’intérêt, le calcul n’y est peut-être pas totalement absent. Ils pourraient escompter des avantages politiques à plus ou moins long terme. » « La proclamation de l’indépendance du Viet Minh, la guerre de libération qui se déroule au Tonkin, la résistance de l’Indonésie, les événements de Madagascar, le revirement anglo-saxon en faveur de l’indépendance libanaise et syrienne, autant de faits qui illustrent la puissance du phénomène anti-colonial. (…) Cette force « émancipatrice » est vitale du point de vue strictement militaire, par la dispersion de la puissance et des efforts du colonialisme et l’affaiblissement de son potentiel économique. (…) « Nul doute que la résistance du Maghreb sensibilisera les musulmans au plus haut point. L’Islam est un facteur mobilisateur sur le plan moral et affectif. Il peut et doit apporter une contribution décisive dans la lutte de libération des peuples coloniaux. Aucun élément constitutif de cette force vitale ne doit être négligé, pour user et détruire la force vitale du colonialisme. » « Depuis quelques mois, la guerre froide sévit. L’Algérie, le Maghreb, est dans la zone d’influence occidentale. Jamais les USA ne permettront qu’il passe du côté de l’Est. Gardons-nous d’apriorismes idéologiques et de slogans sentimentaux créés en dehors de l’espace et du temps. L’efficience révolutionnaire commande le sérieux et la prudence dans le verbe. » Rapport, rédigé en 1948 par Aït Ahmed et Ben Bella, dirigeants de l’OS, et adopté par Messali Hadj et le PPA, avant d’être appliqué comme stratégie par le FLN, issu de l’OS.

Le rapport de l’OS par Aït Ahmed :

Page 15

Page 16

Page 18

Page 19

Page 20

Page 21

Page 22

Page 23

Page 24

Page 25

Page 26

Page 27

Page 28

Page 29

Page 30

Page 31

Page 32

Page 33

Page 34

Page 35

Page 36

Page 37

Page 38

Page 39

Page 40

Page 41

Page 42

Page 43

Page 44

Page 45

Page 46

Page 47

Page 48

Page 49

1952

Le 1er mai 1952 Aït Ahmed s’installe au Caire en Égypte. Il s’y présente comme « le diplomate du mouvement de libération nationale ». A partir de 1952, il ne va plus jamais participer activement à la lutte du peuple algérien dans le pays, même pas à sa lutte armée dont il a été pourtant un théoricien ! Tout son « rôle historique » va consister à « représenter » le peuple algérien en tenant la « Voix des Arabes » du Caire qui encence le nouveau dictateur d’Egypte, Nasser, venu au pouvoir à l’issue de trois coups d’Etat militaires !!! voir ici Il affirme avoir tout fait pour obtenir des armes de celui-ci mais les maquis se plaindront toujours de manquer cruellement d’armes et de n’avoir que celles prises aux soldats français ou achetées aux Yougoslaves ! En tout cas, pour celui qui se présentera ensuite comme « le démocrate » du FLN, il convient de remarquer qu’en Egypte il se garde bien de dire un mot contre la dictature militaire de Nasser, même quand celle-ci condamne à mort des ouvriers grévistes et des fellahs révoltés !

1954

Aït Ahmed est partie prenante de la création du FLN.
C’est de l’OS, organisation spéciale issue du MTLD de Messali Hadj qu’est sortie le FLN. Le FLN qui débute en 1954 le combat contre le colonialisme français n’a jamais affirmé, durant toutes les années de son combat, qu’il voulait bâtir le socialisme. Il était issu d’un courant, le PPA-MTLD, implanté dans les milieux populaires en Algérie et dans la classe ouvrière dans l’immigration. Le PPA avait une origine ancienne dans le courant communiste (l’Etoile Nord-Africaine construite sous l’égide de l’Internationale communiste de l’époque de Lénine). Mais les nationalistes s’étaient beaucoup éloignés de ces origines. Le FLN n’est ni plus anti-impérialiste, ni plus nationaliste, ni moins islamiste, ni plus radical que le MTLD.
Au sein du PPA, les militants de l’Organisation paramilitaire, l’OS, qui vont créer le FLN s’opposaient à une implantation trop importante dans la classe ouvrière. Ils ne voulaient pas d’un programme radical socialement. Ils prétendaient se tourner vers les paysans mais uniquement pour y recruter des militaires en vue de la guérilla. Ils ne proposaient pas de mener des mouvements sociaux. Ils n’avançaient aucune revendication, fut-ce celles de la paysannerie pauvre pourtant très durement frappée économiquement. A la revendication sociale et révolutionnaire de « la terre aux paysans », ils opposaient le slogan nationaliste et de guérilla : « la terre aux combattants ». Jusqu’à la veille de l’indépendance, ils ne vont jamais changer sur ce point d’orientation.

Cette conception, tous les dirigeants la partageaient, les Ben Bella comme les Boudiaf, les Aït Ahmed comme les Abane Ramdane. C’est bien avant la prise du pouvoir qu’ils ont montré comment il la concevaient et s’ils ont les uns et les autres perdu le pouvoir au profit des chefs militaires, c’est que l’organisation de la population civile pour décider des destinées du pays n’était pas leur projet. Ceux qui mettaient en avant la primauté du civil sur le militaire parlaient seulement de la primauté de l’appareil politique civil et pas de la population pauvre organisée en vue d’exercer elle-même la direction de la société. Quant à l’ANP, glorifiée pendant tant d’années par le régime, elle a bel et bien dévoilé sa nature antipopulaire en octobre 88 en tirant avec des armes de guerre sur des jeunes manifestants désarmés puis en les torturant comme l’armée française avait su le faire. L’Etat qui s’est dit celui du peuple algérien n’a été que son massacreur. Et ce avant même que commence la guerre civile et que les actes des intégristes servent de prétexte à une répression tous azimuts contre la population pauvre.

1956

En octobre 1956, Aït Ahmed est arrêté par les autorités françaises, en compagnie de Mohamed Boudiaf, Mohamed Khider, Ahmed Ben Bella et Mostefa Lacheraf, dans l’avion qui les conduisait du Maroc à Tunis où devait se tenir une conférence maghrébine de la Paix. Aït Ahmed en appelle avec urgence à la création d’un gouvernement provisoire en exil. Il considère que cette initiative peut contribuer à résorber la crise interne suscitée par des responsables qui s’opposent au congrès de la Soummam (tenu en août 1956), et préparent un congrès antagoniste. A aucun moment, il n’a contesté la caution donnée aux grands massacres de villages du MNA, caution donnée au congrès de la Soummam.

Plateforme de la Soumam :

Page 1

Page 2

Page 3

Page 4

Page 5

Page 6

Aït Ahmed considère que le congrès de la Soummam de 1956, qui consacre la primauté du militaire sur le politique, est pourtant le vrai acte fondateur du Front de libération national...

Il considère que le MALG, ancêtre de la Sécurité Militaire algérienne a été la création la plus importante de la lutte d’indépendance, alors qu’elle a surtout arrêté et torturé des militants et des maquisards algériens qui n’avaient nullement pactisé avec l’ennemi.

Aït Ahmed est connu comme l’opposant qui a dénoncé virulemment et régulièrement la Sécurité Militaire algérienne, la voyant même partout comme la responsable de tous ses échecs. Cependant, dans « L’affaire Mécili », il en dresse en même temps un éloge sans conteste, alors qu’elle vient d’assassiner son ami Mécili !!!!

Voir ici :

1962

Il est souvent dit qu’Aït Ahmed n’a jamais accepté de participer au pouvoir. Cela n’est pas tout à fait exact : il faisait partie en 1962 du du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) et du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).

Lorsque le triumvirat Ben Bella, Boumediène et Khider avec la complicité de Ferhat Abbas annoncèrent la constitution de la nouvelle direction (le Bureau politique) appelée à se substituer au GPRA, Hocine Aït Ahmed qui en faisait partie ne réagit pas à cette décision tout en refusant d’y siéger. Le premier à exprimer sa désapprobation fut Mohammed Boudiaf. Et c’est à partir de Tizi Ouzou, le lieu est symbolique, qu’il s’adresse "à tous les militants de la cause nationale et au peuple algérien tout entier… de faire barrage au coup d’Etat qui déjà à fait couler le sang des militants algériens ». Le Monde 27-07-1962. Il est immédiatement rejoint par Belkacem Krim qui à son tour appelle « toutes les forces révolutionnaires à s’opposer à ce coup de force armé et à toute tentative de dictature. Tous les démocrates algériens doivent s’y opposer". Quant au futur chef du FFS, il ne se reconnaissait ni dans le clan de Tlemcen où figurait Ben Bella son frère ennemi ni dans celui de Tizi Ouzou alors qu’on le disait pourtant proche de Boudiaf. La présence de B. Krim l’indisposait probablement. En effet, le chef historique de la wilaya III (Kabylie) et signataire des accords d’Evian faisait de l’ombre au ministre du GPRA qui se refusait à jouer les seconds rôles.

Inerview d’Aït Ahmed en juillet 1962
N’ayant pas pu ou voulu prendre sa place dans la scène politique du moment, il démissionne à la fois du GPRA et du CNRA et quitte l’Algérie au moment se jouait le destin du pays. "Je profite d’une escale à Paris pour rendre publique ma démission de tous les organismes dirigeants de la révolution. Cette décision est irrévocable… ma décision n’est pas un abandon de combat. C’est un acte politique, une option de confiance dans ces couches effervescentes qui ont conduit à la victoire » déclare-t-il Le Monde 28 juillet 1962. Condamnant le CNRA, il estime que ce dernier « n’est pas un organisme responsable, et ses membres n’ont pas la formation voulue pour aborder les problèmes de reconversion ». (AFP/La Dépêche d’Algérie 1er août 1962)
Ainsi, pendant deux mois, il abandonna l’action politique pour une villégiature entre Paris, Genève et Rabat. Sous prétexte de renvoyer dos à dos ceux de Tlemcen et ceux de Tizi Ouzou, Hocine Aït Ahmed avait délibérément choisi de ne pas s’impliquer dans le combat en cours. En raison de son statut « d’historique » et de son refus de siéger au sein du bureau politique n’aurait-il pas mieux fait de soutenir ceux qui résistaient au coup d’Etat ? Il n’en fut rien. En refusant de choisir son camp et en quittant le pays, il a favorisé la position des putschistes. C’est à partir de l’étranger qu’il assistera aux affrontements fratricides, parfois sanglants, entre les protagonistes. Alors que les troupes de la wilaya I (Aurès) venaient d’investir Constantine le 25 juillet et constituaient un des piliers de la coalition de Tlemcen, M. Aït Ahmed suggéra d’intégrer son chef, le colonel Tahar Zbiri, dans le Bureau politique. "C’est un homme très pondéré, un parfait gentleman, et je suis certain que son influence sera bénéfique." (AFP/La Dépêche d’Algérie 1-08-1962)
Ce qui ne l’empêchera pas, plus tard, dans une interview à Libération du 19 mars 1987, de déclarer : "Je me suis opposé dès le lendemain de la libération à l’Etat-major. Je refusais la rébellion militaire". Or, aucune prise de position, aucun témoignage n’est venu accréditer sa fausse déclaration. Rien pour confirmer une autre lecture qu’un prudent "wait en see".
En quittant le terrain de la lutte, Hocine Aït Ahmed entendait se placer au-dessus de la mêlée. Si cette démission peut traduire l’indécision de l’homme politique, l’absence de stratégie et de position affirmée, dans les faits, elle condamne Hocine Aït Ahmed à n’avoir aucune influence ni sur le déroulement de la crise et ni sur son dénouement. Il a traversé la crise de l’été 1962 quasiment en spectateur.

Aït Ahmed n’allait pas non plus soutenir d’aucune manière un Mohammed Boudiaf qui refusait de rejoindre les bancs de cette assemblée croupion et fondait le premier parti d’opposition, le Parti de la Révolution Socialiste (PRS) contre le néo-FLN du duo Ben Bella/Khider.

Lui, il rejoint cette Assemblée Nationale. Pour justifier son nouveau choix, celui de siéger en tant que militant et député du FLN, M. Aït Ahmed déclare : « Quelles que soient les erreurs déplorables qui ont marqué la désignation des candidats, l’Assemblée nationale constituante peut amorcer le processus démocratique et révolutionnaire de la structuration de la société. L’Assemblée nationale constituante peut susciter un redressement spectaculaire et durable. La nation doit sortir de cet état larvé de guerre civile et doit retrouver cette cohésion qui lui a permis de gagner la guerre de libération ». Le Monde 22 septembre 1962. Avec un tel discours, il ne remet nullement en cause l’option du parti unique.

Ayant choisi d’inscrire son action politique dans le cadre légal de la Constituante, Aït Ahmed a besoin de préciser sa position à l’égard de l’exécutif. "Nous soutiendrons le gouvernement chaque fois qu’il sera dans la bonne voie, nous le préviendrons et nous nous opposerons à lui chaque fois que son action et sa politique ne nous paraîtrons pas viables". Le Monde 29-09-1962. Il apportait un soutien critique au pouvoir qui se mettait en place. Et pour souligner qu’il n’était pas fondamentalement en opposition avec lui, il ajoute : "Nous sommes tous d’accord sur le plan idéologique ; des divergences peuvent apparaître sur la mise en pratique".

Aït Ahmed apporte quelques critiques au gouvernement algérien mais estime encore, dans ses déclarations de député à l’Assemblée Nationale Constituante, que l’Algérie indépendante est un exemple pour tous les pays du Tiers Monde. Il soutien également « la préeminence du FLN ». Il ne voit nullement des clans militaires et bureaucratiques comme il le fera plus tard… Lire ici

Aït Ahmed se maintient dans un statut ambivalent. Assidu aux séances de l’Assemblée, inscrit dans plusieurs commissions, le député de Sétif apparaissait comme le chef de file d’une opposition légale dont il refuse d’assumer la responsabilité. "On a dit que vous vous posiez dès maintenant en "leader de l’opposition". Cette expression vous semble-t-elle juste ?" lui demande un journaliste de Jeune Afrique le 1er octobre 1962. Dans sa réponse équivoque, il rejette le qualificatif d’opposant sans pourtant l’écarter totalement. "C’est une expression inadéquate, voire nocive. La réponse est déjà contenue dans les deux expressions que je viens d’employer : je suis militant et c’est une Assemblée de patriotes c’est-à-dire des militants comme moi. La presse et les rumeurs nous ont habitués à des formules à l’emporte-pièce qui ne recouvrent pas toujours la réalité… J’estime que le frère Ben Bella a commis une faute en parlant d’opposition, après avoir été chargé par l’Assemblée de former le gouvernement. L’opposition, si opposition il doit y avoir dans l’avenir ne peut se faire que sur la base d’idées, de conception, de méthodes et non pas sur l’approbation de tel ou tel chef… » Jeune Afrique 1er octobre 1962.

1963

Aït Ahmed participe finalement à la révolte des maquis kabyles contre le nouveau pouvoir central.

Aït Ahmed rend publique son opposition au pouvoir

Hocine Aït Ahmed quitte, fin juin 1963, Alger pour gagner sa commune d’origine, Aïn El Hammam, ex-Michelet en Grande Kabylie. Cette décision se révèlera lourde de conséquences puisqu’elle va le conduire à prendre les armes pour combattre le régime. Il ne voulait sans doute pas subir le même sort que Mohammed Boudiaf et ses trois compagnons[1]. Arrêtés sur ordre de Ben Bella le 21 juin, ils furent déportés dans l’extrême Sud algérien pendant plusieurs mois. De son refuge kabyle, Aït Ahmed va agir dans deux directions. Il annonce d’une part son opposition radicale à Ben Bella et d’autre part manœuvre pour torpiller le projet de ceux qui se préparaient à « renverser le régime en place". Créée courant mai 1963 à Alger, l’Union pour la défense de la révolution socialiste (UDRS) regroupait entre autres le signataire des accords d’Evian, Belkacem Krim, l’un des six historiques du 1er novembre, premier patron de la wilaya III (Kabylie), le colonel Mohand Oul Hadj, chef de cette dernière devenue 7e région militaire, Abdenour Ali Yahia, membre fondateur de l’UGTA, des officiers de la wilaya IV (Algérois) et des dirigeants de l’ex-fédération de France du FLN dont Hocine Mahdaoui.

Le 5 octobre 1963, Aït Ahmed écrit "L’heure de la clarification est venue. Trop d’évènements concernant notre peuple et sa lutte sont restés dans l’ombre », peut-on lire dans le chapeau de présentation. L’auteur décrit ensuite cette journée du 29 septembre 1963 à Tizi Ouzou qui aurait pu orienter différemment le destin de l’Algérie. « Dimanche, six heures du matin. Des soldats de la 7e Région Militaire [Kabylie], sous le commandement du colonel Mohand Oul Hadj, quittant leur cantonnement, encercla la ville. Quelques minutes plus tard, des détachements de militaires investissent la cité et placent des FM [fusils mitrailleurs] aux carrefours. Bientôt des militaires, casqués, l’arme à la bretelle, patrouillent dans les rues. A six heures trente, la ville est entièrement contrôlée par les éléments de la 7eRégion militaire. La veille, des tracts avaient été diffusés en fin de soirée, invitant la population à un meeting dimanche".

Voir ici

Le nationalisme va servir à piéger le FFS. La guerre frontalière Algérie-Maroc qui meance suffit à convaincre l’armée du FFS de se tenir aux côtés de l’Etat d’Alger. Cette menace de guerre est instrumentalisée pour détourner la révolte sociale et politique et le FFS s’aligne…

Moins d’un mois après le meeting commun à Tizi-Ouzou, l’alliance Aït Ahmed/Mohand Oul Hadj est devenue caduque. Dans une courte allocution à la radio, le chef de l’Etat crée la surprise, jeudi le 24 octobre, en annonçant le ralliement du colonel qui s’apprête à rejoindre la frontière à la tête de ses troupes. Le 29 octobre, la guerre algéro-marocaine s’arrêta aussi rapidement qu’elle avait commencé. Il est vrai qu’entre temps, le colonel Mohand Oul Hadj a rompu définitivement avec Aït Ahmed.

Aït Ahmed, lui, refuse de rentrer dans le rang. On pourrait penser que c’est parce qu’il défend la démocratie et non sa participation au pouvoir mais il déclare : « l’unité nationale ne pourra devenir effective que lorsque les cinq anciens détenus…constitueront une sorte de « directoire » chargé de réunir le congrès du parti, qui doit donner au pays ses institutions définitives ». Il regagne le maquis amputé de sa composante militaire représentée par Mohand Oul Hadj et Lakhdar Bouregaâ. Le 12 décembre, ces deux derniers signent au nom du « Comité directeur du FFS » un accord avec Ben Bella aussitôt déclaré "nul et non avenu" par Hocine Aït Ahmed.

1964

Après une trêve de quatre mois, le FFS annonce dans un communiqué du 5 mars 1964 qu’il a repris le combat contre le pouvoir de Ben Bella depuis le 21 février. De nouveau, le cycle violence/répression s’abat sur la Kabylie. Membre de la daïra de Bordj Ménaël, Rabah Cheradi est exécuté par le FFS ainsi que six militants de Tizi Rached (voir annuaire de l’Afrique du Nord 1964). Aux embuscades et autres attentats, le pouvoir benbelliste réagit en durcissant la répression et en acheminant d’importants renforts militaires dans la région. Celle-ci est quasiment encerclée et isolée du reste du pays. Comme n’importe quelle armée, l’ANP accomplit le même sale boulot que l’armée coloniale : ratissages, arrestations et torture à grande échelle. La Kabylie revit les moments les plus sombres de son histoire immédiate. Pendant seize mois, la population subit la soldatesque de Boumediène et la milice de Ben Bella qui n’ont plus rien à voir avec les combattants de l’armée de libération nationale.

Aït Ahmed rapporte dans « L’affaire Mécili » comment lui et Mécili ont « laissé filtrer » à la Sécurité Militaire d’Alger en 1964 des informations sur d’autres révoltes contre le pouvoir central que celle de Kabylie qu’ils dirigeaient alors, notamment celle de Chabani et Hassani qui visait Constantine :

Hocine Aït Ahmed est finalement arrêté le 17 octobre 1964 en Kabylie par l’armée de Ben Bella et traduit devant la Cour de Sûreté de l’Etat. Il sera condamné à mort pour trahison. Il proclame que le régime algérien n’a rien de socialiste, qu’il n’est rien d’autre que la dictature d’une nouvelle bourgeoisie occulte. C’est la première et la dernière fois qu’il le dira !!! Par la suite, il refusera de voir en Algérie autre chose que des luttes de clans et surtout pas des luttes de classes !!!

C’est là qu’il propose non de supprimer la dictature bourgeoise, non de supprimer le parti unique pour instaurer la démocratie avec liberté des partis politiques. Non, il propose le bipartisme FFS-FLN !!!!

Déclaration d’Aït Ahmed à la Cour de Sûreté de l’Etat :

Page 1

Page 2

Page 3

Page 4

Page 5

Page 6

Page 7

Page 8

Page 9

Page 10

1965

Le procès d’Aït Ahmed se déroule du 7 au 10 avril 1965, il est condamné à mort, puis gracié le 12, mais demeure en prison.

Le bipartisme n’est pas une lubie d’Aït Ahmed mais un processus négocié avec Ben Bella et qui n’a pas l’accord de Boumédiène. À la suite de négociations menées à l’étranger, le FLN (Parti unique) et le FFS parviennent à un accord qui a l’aval de Ben Bella et Aït Ahmed mais pas celui de Boumédiène, et qui sera rendu public par la presse nationale le 16 juin 1965. Il est immédiatement jeté à la poubelle car Boumédiène démet Ben Bella et prend la totalité du pouvoir…

En 1965, Aït Ahmed signe un accord avec le FLN de Ben Bella, c’est-à-dire avec les chefs de la dictature du parti unique, qu’il explique ainsi dans « L’affaire Mécili » :

Le coup d’Etat de Boumédiène vise notamment à rompre cette alliance FLN/FFS...

Ben Bella juste avant le coup d’Etat de Boumédiène

Le coup d’Etat de Boumédiène :

Page 1

Page 2

Page 3

Page 4

Le 1er mai 1966, Aït Ahmed s’évade de la prison d’El Harrach, et se réfugie en Suisse.

La dénonciation du pouvoir algérien par l’opposant politique Aït Ahmed

1980

À l’occasion du « printemps berbère » (1980), Aït Ahmed, loin d’appuyer le processus de radicalisation sociale et politique que les événements expriment confusément, joue avec le FFS un rôle modérateur d’encadrement politique des militants afin d’empêcher l’irruption de la violence et d’inscrire la revendication linguistique et culturelle dans l’exigence du pluralisme politique, à l’intérieur de la nation algérienne.

Nouvelle hausse spectaculaire des grèves avec 1562 conflits recensés officiellement dont 922 grèves effectives. 110.000 travailleurs seront en grève cette année là. Grève à la SNS El Hadjar (sidérurgie) avec piquets de grèves, collectif de grève et campagne d’explication au public de la grève par tracts En mars-avril, c’est le "printemps berbère" les régions de petite et grande Kabylie sont secouées par des manifestations populaires. L’intervention violente et provocatrice de la police les font dégénérer en émeutes. Beaucoup plus qu’une manifestation de régionalisme, ce mouvement est le résultat d’un ras le bol social. Les manifestations ont débuté par les étudiants de Tizi Ouzou en mars-avril qui ont manifesté, occupé la faculté puis été dispersés par les forces de l’ordre. Ils ont été suivis par les ouvriers en grève dans différentes entreprises de la région (textiles Sonitex de Drâ Ben Khedda, électronique Sonelec de Oued Aïssi, etc...). Avec les étudiants, les ouvriers de SONELEC en grève sont attaqués par les forces de l’ordre avec violence. La région est bouclée. Il est significatif d’ailleurs que par la suite, d’autres manifestations du même type aient eu lieu dans d’autres régions du pays Guelma, Skikda, Biskra, Oran,... Le 10 mars 1980, l’université de Tizi-Ouzou a invité l’écrivain Mouloud Mammeri à tenir une conférence sur la poésie kabyle ancienne. Le FLN interdit cette conférence. L’interdiction est vécue comme une provocation. Le lendemain une manifestation est organisée pour dire non à l’arbitraire, première du genre de l’histoire de l’Algérie indépendante. Le pouvoir laisse faire. Cette effervescence à Tizi-Ouzou est au centre de tous les débats et de toutes les discussions dans les universités du pays. Les étudiants de l’Institut National des Hydrocarbures (INH) près d’Alger diffusent une déclaration de soutien à la marche de Tizi-Ouzou. Le 20 mars, Kamel Belkacem alors rédacteur en chef à El Moudjahid, le quotidien du FLN, déclare : “ Le développement de la culture berbère est incompatible avec les valeurs arabo-islamiques et l’indépendance culturelle ”. Le 24 mars, About Arezki, un syndicaliste et militant de la cause berbère est arrêté. Quatre jours après cette arrestation, le 28 mars les étudiants de l’INH tentent de se rassembler devant le siège du FLN à Alger. Le rassemblement est empêché par la police. Les universités D’Alger, Tizi-Ouzou, les lycées de Kabylie entrent en contestation. Une manifestation est organisée à Alger, le 7 avril. Face à cette mobilisation, les cellules du FLN lancent des messages de condamnation des manifestants, en demandant des sanctions exemplaires contres les organisateurs des marches. Le 11 avril, un gala de Ferhat M’henni, chanteur et partisan de l’autonomie kabyle, à Béjaïa est interdit. Les animateurs du mouvement appellent à une grève générale pour le 16 avril à Tizi-Ouzou, Béjaïa et Alger. Ferhat est arrêté le lendemain. Dans la nuit du 19 avril les CRS envahissent la cité universitaire de Tizi-Ouzou faisant des centaines de blessés. Une rumeur de trente deux morts, le lendemain, a fait le tour d’Algérie. Les 25 et 26 avril, la ville se couvre de barricades, et les symboles du pouvoir comme le siège du parti sont attaqués. L’armée fait intervenir chars d’assaut et hélicoptères pour rétablir son ordre, et le régime est contraint à faire quelques concessions démocratiques, comme la création de chaires de langue berbère Devant un mouvement ouvrier et populaire montant, même s’il est encore embryonnaire, avec Chadli en mai 1980, la bourgeoisie et l’Etat choisissent de sacrifier les apparences démocratiques et de laisser les pleins pouvoirs à l’armée pour rétablir l’ordre. Le FLN décrète une remise en ordre du parti unique intitulée : "unité de pensée" et donne consigne aux fonctionnaires et à la police de ne pas craindre de réprimer les luttes de la classe ouvrière et des pauvres. C’est là que les militaires qui tortureront en 1988 ont commencé à se montrer ouvertement les généraux type Attalia, ce dernier aurait déclaré "donnez moi l’armée et je ferai un trou dans le ventre de chaque berbère". Le 15 juin, jour de l’ouverture du congrès extraordinaire du FLN, le conflit de CVI Rouiba était une gifle pour l’état/parti

1985

Le 16 décembre 1985, il lance avec un Ahmed Ben Bella devenu islamiste, depuis Londres, un appel au peuple algérien pour l’instauration de la démocratie et le respect des droits de l’homme. Les deux anciens du FLN font de la restitution au peuple algérien de son droit à l’autodétermination la pierre angulaire d’une « alternative démocratique ».

Voici comment Aït Ahmed défend, dans « L’affaire Mécili », sa nouvelle alliance de 1985 avec Ben Bella, pourtant le chef historique qui a été le grand responsable de la mise en place de la dictature militaire de Boumédiène :

Ben Bella et Aït Ahmed en 1985

1988

C’est la lutte des travailleurs de Saïda qui a révélé qu’en 1988 le volcan social en était au stade de l’éruption. En Juin 1988, Les travailleurs de l’entreprise de construction métallique (ECOMET) de Saïda rejettent la liste communale UGTA pour l’élection de leur section syndicale. La police interpelle un travailleur accusé d’être le meneur, les travailleurs débrayent. Leur camarade est libéré. Dans la même ville quelques jours plus tard en collaboration avec d’autres boites, ils se mettent en grève pour la revendication de l’augmentation du salaire minimum et de la retraite minimum, la lutte contre les licenciements et sanctions abusif et autoritaires. Toujours dans la même ville et le même mois, à ETRAVA, une boite de 140 travailleurs, le personnel s’est mobilisé, formant un piquet de surveillance pour protéger l’emploi et leur unité menacée de dissolution. Le terrain occupé par cette unité était convoité par les autorités qui veulent en faire des lots à bâtir... La grève s’étendit à toute la zone industrielle et les grévistes marchèrent sur le centre ville où ils réussirent à imposer aux autorités locales une assemblée générale, pour y discuter publiquement de leurs revendications, notamment l’augmentation des salaires. Au début du mois de juillet, les 10 000 travailleurs de CVI-Rouiba organisent leur première grève totale depuis la répression de la grève de 1982. Ils réclament le paiement de la prime de bénéfice. Ils sortent sur la route nationale et veulent marcher sur Rouiba. L’intervention de syndicalistes arrête le mouvement sur l’engagement de ceux-ci de réexaminer la situation financière de l’entreprise avec un expert-comptable. En juillet-août, la répression et l’intimidation contre les ouvriers reprennent avec licenciements à l’ENEl (ex SONELEC) d’El Achour, Alger et également mises à pied pour une pétition sur les classifications et arrestation avec interrogatoire de plusieurs ouvriers. De même à l’ENPC (plastiques et caoutchouc) de Oued Smar, Alger. Après Azazga, Ain Oussera, Fouka, beaucoup de manifestations ont lieu à travers tout le pays (Constantine, Oran, Jijel, Mostaganém, Arzew, la Kabylie etc...). C’est une vague de grèves qui commence à parcourir le pays en cette fin septembre. Un peu partout, le pouvoir répond par des arrestations d’ouvriers. La répression est dure. En particulier, les mineurs d’Ouenza (à la frontière tunisienne) se sont opposés aux coupures d’eau. Alors qu’ils protestaient pacifiquement, ils ont subi l’attaque de la police. La manifestation s’est du coup transformée en émeute avec incendie des locaux des locaux de la mairie, du parti et du syndicat. La répression a été rapide et brutale. Il y eu des condamnations allant de deux à dix ans de prison. Cette atmosphère de tension sociale permanente dura plusieurs mois. La rentrée de septembre avait été particulièrement tendue du fait du scandale des détournements de fonds par des hauts responsables de l’Etat qui a circulé de bouche à oreille malgré le silence officiel. Le pouvoir sentait venir une menace grave, jamais connue auparavant, même en 1977 : celle d’une véritable explosion sociale.

Pas un mot d’Aït Ahmed pour soutenir la révolte sociale des ouvriers et de la jeunesse !

Bien au contraire, en Kabylie, le FFS freine des quatre fers les grèves sous prétexte qu’ « on n’est pas des Arabes » !!!

Le Figaro du 10 octobre relève "les hésitations de la classe politique algérienne". Le « libéral » bourgeois berbère Aït Ahmed, dirigeant du FFS, loin de se revendiquer de cette révolte et des jeunes émeutiers déclare dans une interview à Libération du 10 octobre "je n’ai qu’un souhait :que les manifestations et les mouvements de solidarité se développent de manière pacifique." Pourtant quand il dit cela l’affrontement violent entre les émeutiers et les forces de l’ordre a lieu tous les jours depuis une semaine ! Il est loin donc de choisir le camp des jeunes révoltés puisqu’il regrette les violences d’où qu’elles viennent ! Aït Ahmed se pose en homme politique de rechange pour le pouvoir, en conciliateur comme il le dit au "Quotidien de Paris" : entre la population pauvre et l’armée. Lui aussi confirme "je ne crois pas que les islamistes aient joué un grand rôle. Cela fait partie de la politique de mystification de l’opinion internationale" (Figaro du 10 octobre) mais il ne propose nullement d’autres perspectives au mouvement que les intégristes. Son discours modéré comme celui de tous les "démocrates" est à comparer à celui d’une autre modéré mais pro-intégriste, l’ancien président Ben Bella qui affirme dans une revue française : "c’est une révolution". Les "démocrates" style Aït Ahmed ne veulent pas d’une révolution et ne risquent pas de la voir même si elle tonne à leurs fenêtres ! S’il se pose en conciliateur, il n’est en tout cas pas capable de réconcilier les combattants. Tout au plus peut il pousser ses militants du FFS à freiner les luttes en Kabylie. Et là, tous les arguments sont bons "quand vous luttiez en Kabylie, où étaient-ils, tous ces manifestants ?" Le 8, l’intifada des jeunes a gagné la majeure partie du pays. Alors que l’ensemble de la presse et de la télé essaie de faire croire que le calme est revenu à Alger, les tirs de policiers en uniforme ou en civil et de militaires continuent à Bab el Oued, à El Harrach, tuant de nombreux enfants. A la tombée de la nuit, l’armée tire sur des attroupements de jeunes dans la capitale faisant 62 morts. A 23 H, le ministre de l’intérieur intervient à la télé, reconnait la dimension nationale de la révolte et appelle le peuple à aider au retour au calme. Calme qui est finalement revenu à Alger le 10, sous le coup de la répression militaire ainsi qu’à Oran mais les villes de province les unes après les autres sont gagnées par l’agitation Tiaret, Mostaganem, Chlef, Blida, Annaba. La nouvelle que l’armée a fait de véritables cartons à la mitrailleuse sur des foules désarmée se propage. Les bilans sont multiples mais on commence à parler de centaines de morts. Hubert Védrine, porte parole de la présidence française, c’est-à-dire de Mitterrand ne prononce pas un mot pour dénoncer le pouvoir algérien mais parle de "l’extrême attention de la France" ... Il faudrait parler de l’attention que le gouvernement porte aux affaires des sociétés françaises en Algérie, affaires florissantes d’après “ le Monde ”. Et aussi de l’aide du gouvernement français à la dictature algérienne, alors qu’il vient encore de lui envoyer une aide financière et des armements dont des hélicoptères de combat. Discours télévisé de Chadli le bla-bla habituel, comme si rien ne s’était passé de dramatique dans le pays. Il annonce un référendum sur un projet de modification de la Constitution, comme si c’est de cette revendication que le mouvement était porteur ! Il demande : "à qui profitent ces émeutes ?" Mais pour la population ce qui est évident, c’est qui les a provoqué le blocage des salaires et la hausse des prix. C’est Chadli. L’après-midi, l’armée tire sur une manifestation intégriste dans le centre d’Alger. A partir du 11 octobre, la répression devient massive à Alger et dans l’algérois, faisant des centaines de victimes. C’est une répression sauvage dans les quartiers "la Montagne" et "Beldjerah", deux quartiers populaires, l’armée fait un massacre, tirant dans les murs des maisons. Les paras, la sécurité militaire arrêtent n’importe qui, dans les rues, tabassent, tirent sans sommation, violent. Des milliers de jeunes sont systématiquement torturés dans les casernes, dans des camps d’internement de fortune, dans les commissariats. Le 11 octobre, grève à Béjaïa car une personne a été scandaleusement arrêtée. A Oran, des gens sont parqués à la base de Mers El Kébir et massacrés à la baïonnette. Les exemples de répression aveugle sont innombrables mais elle n’est pas si aveugle que cela : elle frappe les pauvres qui ont un moment fait peur à la classe dirigeante et menacé le pouvoir en place. C’est cela qui ne se pardonne pas. C’est ce qui justifie à leurs yeux le bain de sang. Il faut que les masses populaires gardent un souvenir apeuré des journées où le pouvoir a été bousculé, inquiété. Finalement l’ordre en place a tenu. Le FLN, en tant que parti politique, sera effectivement écarté du pouvoir comme le réclamaient les manifestants qui scandaient "FLN au musée", mais ils criaient aussi "Chadli assassin" ce qui s’adressait tout aussi bien à toute la clique des généraux qui mitraillait le peuple. Mais la dictature militaire, elle, restera en place, de même que les profiteurs, ceux qui gagnent à faire monter le prix des produits de première nécessité, de même les dirigeants qui licencient. Des travailleurs étaient descendus dans la rue. Mais les usines ne sont pas sorties. La classe ouvrière n’a pas occupé la rue. Pourtant on a vu dans les quartiers ouvriers qu’elle était solidaire des jeunes émeutiers. La classe ouvrière était prête à se battre dans la rue avec la population pauvre et la jeunesse. Elle en a été dissuadée fortement par les seules organisations qui existaient en son sein. C’étaient des forces politiquement et socialement bourgeoises comme le PAGS, le FFS et l’UGTA. Tout ce qui va suivre, toutes les souffrances que connaît aujourd’hui le peuple algérien découlent de cet échec de 88, y compris le succès de la démagogie des intégristes, le terrorisme d’état et le terrorisme intégriste. Quand on commence la révolution, il faut aller jusqu’au bout disait déjà le révolutionnaire français Saint Just. L’ordre l’a finalement emporté. Le journal français l’Evénement titre : “ la révolution massacrée ”.

Si en 1988, l’armée n’a pas eu à se confronter directement avec la classe ouvrière, c’est parce qu’il a pu compter sur l’UGTA et sur le PAGS pour dissuader la classe ouvrière de se lancer dans la bataille. Aït Ahmed a condamné la répression mais pas pour développer une perspective pour la jeunesse et le peuple travailleur, pour s’adresser une fois de plus aux décideurs : "Aujourd’hui si j’ai à faire un appel, ce serait au pouvoir, aux hommes du pouvoir ; de leur dire, ne touchez pas à la chair de votre chair. Cette génération a un dynamisme extraordinaire. Vous avez comme devoir, vous n’avez pas seulement des droits sur cette société, vous avez comme devoir de permettre à ce dynamisme de s’exprimer d’une manière positive dans le développement du pays. Et cela ne peut se faire que par l’établissement d’une vie politique normale, le rétablissement des libertés démocratiques. Il faut que cette jeunesse trouve des canaux d’expression et qu’elle se sente responsable et participe. C’est de cette manière qu’elle peut devenir majeure. C’est elle qui doit prendre les règnes du pouvoir. Chadli disait il y a une année, à propos des droits de l’homme, que l’Algérie devait être le phare des droits de l’homme. Je crois que c’est l’heure de vérité maintenant ». Après 1988, tous les partis ont dénoncé le parti unique FLN mais tous ont aussi courtisé l’armée alors que c’était elle qui avait pratiqué les massacres. Le FLN a été écarté mais l’armée est restée en place. C’était elle qui détenait le pouvoir et elle l’a gardé. Certains partis comme le PAGS ont même appelé les travailleurs à “la réconciliation armée/peuple ” mais la population pauvre a acquis à cette époque une haine profonde du pouvoir, haine qui ne l’a plus quitté durant des années !

Le FFS était un des rares partis politiques à avoir une existence réelle dans les masses populaires même si elle était surtout fondée sur la notoriété de son leader. Mais ce parti est très loin d’être une organisation de combat des masses pauvres et il n’a cessé dans les situations les plus dramatiques et les plus tendues de chercher à temporiser, à détendre l’atmosphère et non à prendre la tête d’une révolte. Sa grande spécialité est les appels au calme et les marches pacifiques sans lendemain, sans recherche d’une mobilisation populaire effective. Son discours est celui de notables installés et de chefs traditionnels bien posés qui ne comptent nullement s’appuyer sur un soulèvement populaire pour changer la société. L’attitude caractéristique du FFS est d’en appeler à la responsabilité des classes dirigeantes, de faire appel à leur bon sens, à leur aspiration à la paix civile et à la paix sociale. La mobilisation des masses lui fait peur. On l’a bien vu lors des émeutes de 1988. Les grèves ouvrières ne sont pas son combat comme l’a montré la vague de grèves de 1988-89 où il s’est gardé d’intervenir, de mettre en cause en la doublant à gauche la stratégie de l’UGTA ou encore d’appeler la population à ne pas laisser la jeunesse isolée face à la répression. Même comme parti démocrate bourgeois, le FFS est loin derrière les partis démocrates bourgeois lors de la révolution française, par exemple le parti des jacobins de Robespierre, car il est incapable de s’appuyer sur la révolte des plus déshérités pour canaliser leur force contre le pouvoir. Il ne veut nullement détenir sa direction de la force de la rue mais au contraire de la responsabilité des classes dirigeantes. Son projet de démocratie ne consiste nullement à enlever le pouvoir aux militaires mais à obtenir d’eux un régime civil contrôlé par l’armée. Les institutions de l’Etat il y tient et ne veut nullement risquer une révolte populaire qui pourrait le détruire. Du coup, il ne propose au mieux qu’une démocratie de façade, sans cesse menacée par un risque de coup d’Etat et, au pire, un simple replâtrage de la dictature. Lié aux notables et à la bourgeoisie, il craint trop les masses ouvrières et les pauvres pour se passer des militaires et autres forces de répression. Son absence de participation au pouvoir lui a évité de se discréditer bien qu’il n’ait pas eu grand chose à proposer dans toutes les situations clefs : 1988, 1991 et pendant la guerre civile.

Dans cette dernière situation, le FFS s’est surtout montré favorable à la conciliation avec les islamistes, celle du “ pacte de Rome ”. Il a alors présenté la paix comme l’interruption d’une incompréhension entre les divers partis, un simple problème de capacités à assumer un fonctionnement démocratique. Comme si les islamistes qui tuaient et torturaient étaient simplement des gens avec lesquels il fallait discuter. Il restait en cela sur la même ligne que vis à vis du pouvoir militaire assassin vis à vis duquel il proposait simplement le débat. Pour le FFS, le peuple n’a aucune force pour se battre. Il est incapable de lutter contre une force militaire. On a du mal à reconnaître le Aït Ahmed qui, lorsqu’il s’agissait de lutte d’indépendance, n’avait pas peur de lutte armée et même de parler de révolution allant jusqu’à citer ses grands maîtres staliniens de Chine ou du Vietnam ! Maintenant qu’un état bourgeois algérien est bien en place, il craindrait trop que les pauvres soient capables de le déstabiliser ! Cela l’amène à affirmer sans cesse que la force armée est invincible et d’affirmer aussi que cette armée est celle du peuple et que seuls quelques chefs devraient être remplacés.

Le retour de l’armée dans les casernes, voilà son leitmotiv comme si ces chefs militaires qui détiennent toutes les richesses du pays allaient se contenter de la vie de garnison ! Comme si on pouvait changer quelque chose en Algérie sans renverser ce pouvoir des généraux ! La conciliation est donc le drapeau du FFS comme si ce qui manquait au peuple algérien était le résultat d’une incompréhension, d’un désaccord qu’on pouvait discuter et non une divergence profonde d’intérêts entre des classes sociales opposées. Comme si une guerre civile faisant des dizaines de milliers de morts pouvait s’expliquer par un simple manque de débat, par une incompréhension qu’un peu d’ouverture politique allait régler ! Comme si une dictature militaire prête à donner ses tueurs contre le peuple, prête à bombarder des villages au napalm, utilisant les mêmes méthodes terroristes que l’armée française dans la guerre d’Algérie allait brusquement se changer en une armée démocratique respectant les desiderata populaires dès qu’elle aurait compris que l’on voulait seulement faire de ces tigres des gros chats ronronnants ! Bien sûr, le FFS se gardait bien dans ses programmes d’aller au delà des grandes déclarations d’intention du style “ développer l’économie ” ou encore “ améliorer l’éducation ” et surtout se gardait de répondre à la question clef : va-t-on en finir avec le détournement des richesses pratiqué par les généraux, reprendra-t-on les richesses qu’ils ont déjà volé, cessera-t-on d’enrichir des privilégiés algériens comme français ? Ses appels à la communauté internationale c’est-à-dire aux grandes puissances ne montraient-ils pas déjà qu’il ne comptait pas s’en prendre aux intérêts impérialistes en Algérie ? Comment alors améliorer la situation sociale des millions d’Algérien pauvres si on ne s’attaquait nullement au vol de toutes les richesses par la classe dirigeante, le FFS ne pouvait ni ne voulait répondre à cette question. Du coup, l’influence que ce parti avait dans des milieux populaires, auprès même de militants ouvriers permettait surtout d’éviter que ces militants ne se posent réellement la question de constituer un parti de combat contre la dictature militaire et contre celle des privilégiés.

Au delà des incapacités de tel ou tel parti, de tel ou tel dirigeant, il y a l’inanité du projet de la bourgeoisie dite démocratique. La petite bourgeoisie a eu l’illusion que l’on pouvait démocratiser sans s’attaquer aux bases mêmes de la dictature sociale. Elle a cru même qu’elle pouvait s’attaquer au pouvoir sans faire appel aux travailleurs, à la lutte des classes. Mais cela est faux. Revendications démocratiques et sociales sont inséparables. Lutte contre la dictature et luttes ouvrières le sont également. Car la dictature n’est pas due à la seule volonté de quelques chefs militaires mais aux intérêts économiques et sociaux de toute une classe sociale bourgeoise. C’est seulement Quand les masses pauvres s’en emparent que les revendications démocratiques prennent tout leur sens et elles seules ont la force de l’imposer. Car elles sont une vraie force sociale face à la force de la bourgeoisie.

Les petits bourgeois sont souvent admiratifs du système politique des pays riches qu’ils appellent volontiers l’“ état de droit ”. Devant l’édifice légal de l’Etat bourgeois français, ils se pâment d’admiration oubliant volontiers que cet Etat si démocratique a ordonné la torture en Algérie ou encore qu’il vient d’être responsable d’un massacre en Afrique. Ils oublient que la transformation de la société française avant que l’on parle même de liberté, d’égalité ou de fraternité a été fondée sur les mobilisations révolutionnaires de 1789, 1793, 1830, 1848 et 1871 ! Ils oublient aussi volontiers que c’est en exploitant la planète, y compris le prolétariat de leur propre pays, que les bourgeoisie des pays riches se sont offert le luxe de leur “ démocratie”.

Devant cet échec des “ démocrates ”, on assiste à la montée de courants qui prônent à nouveau une “ dictature positive ” à la manière de Boumediene. Ils rêvent d’un général ou d’un homme politique puissant et intègre qui serait peut être dur aux pauvres mais aussi dur pour les corrompus. C’est un mythe réactionnaire. Dans une société où les privilégiés détiennent les richesses et le pouvoir, un “ homme fort ” est nécessairement l’émanation de la classe au pouvoir et ne peut se placer au dessus des classes. Il ne faut donc pas compter sur un bourgeois ou un militaire éclairé qui pourrait éviter au peuple d’intervenir par lui-même. On ne fera pas l’économie d’une révolution.

On ne peut pas compter non plus sur les petits bourgeois démocrates, en tout cas sur ceux qui se récrient d’horreur à l’idée de la lutte des classes, prétendent qu’il n’y a pas de classe ouvrière en Algérie, ne voient nullement dans les généraux des intérêts de classe et ne comprennent pas que l’Etat ne peut être au dessus des classes, qu’il est ou au service des possédants ou au service des pauvres. Ceux qui méprisent les petites gens, les travailleurs, les jugent incapables de défendre leur propre politique, et de gouverner demain, ne peuvent pas non plus éclairer la voie de la transformation sociale de la société. Car cette transformation sera le fait des millions de pauvres eux-mêmes, organisés démocratiquement dans des comités de village, d’usine, de quartier et même de caserne. Cette démocratie directe sera indispensable aux petites gens pour s’informer, contrôler, diriger, s’imposer face à tous les privilégiés.

Il ne faut pas compter sur les démocrates bourgeois pour prendre la tête d’un tel mouvement démocratique des masses pauvres, sauf pour le diriger vers des impasses. Il n’y aura pas de Robespierre algérien parce qu’il n’est plus temps, nulle part au monde, pour les Robespierre. La bourgeoisie n’est plus révolutionnaire et préfère s’accommoder de régimes réactionnaires, corrompus ou assassins plutôt que de risquer que ses intérêts sociaux soient menacés par une révolution sociale.

1989

Aït Ahmed rentre à Alger, le 15 décembre 1989, pour tenir son 1er congrès sous la légalité et se préparer pour les éventuelles échéances électorales. Loin de démasquer la fausse démocratie organisée par la dictature militaire afin de faire face à la révolte sociale, Aït Ahmed déclare à la télévision algérienne : « Je souhaite que le processus démocratique se redresse et s’amplifie jusqu’à ce qu’il ait atteint un point de non retour ». Mais pas un mot des luttes ouvrière. Aucune perspective politique proposée aux travailleurs en lutte...

Pourtant, si l’année 1988 est l’année des émeutes des jeunes écrasées dans le sang mais qui se sont déroulées sur fond d’une grève générale rampante de plusieurs mois, les deux années qui vont suivre sont plus encore celles de la montée des grèves. Les grèves ne commenceront à refluer qu’en 1991 avec 1034 conflits et surtout en 1992 avec 493 luttes. Par contre, ces conflits toucheront des plus grands groupes de travailleurs puisqu’en 1992, il y aura quand même 112 138 travailleurs en grève.

Une force aurait été capable de faire face à l’armée et aux islamistes, de prendre la tête des pauvres, de tous les opprimés, des jeunes, des femmes, des paysans pauvres, pour leur proposer une alternative : c’est la classe ouvrière. Nombreuse, concentrée en de vastes unités industrielles, minières, portuaires, produisant l’essentiel des revenus du pays, elle possédait une capacité de lutte considérable. Elle l’avait déjà montré lors de grandes grèves notamment en 1977 et en 1988-89. Elle tient, si elle en a conscience, l’avenir du pays entre ses mains. Qui dit conscience dit organisation, car les travailleurs ne peuvent exister socialement et surtout politiquement que s’ils ont une voix indépendante, une expression et le moyen de se reconnaître dans des idées, un programme, des militants. Jamais, au grand jamais, Aït Ahmed ne misera sur la classe ouvrière pour imposer la démocratie, le bien-être des masses populaires, et le changement social et politique.

Il est d’accord sur ce plan avec la dictature : tout mais pas le pouvoir aux travailleurs !

Et le pouvoir militaire fait appel aux islamistes du FIS. C’est le premier parti politique qui va être légalisé suite à la vague de révolte de 1988. Il est présenté comme la seule alternative sociale et politique ! Comme on le verra, le FFS est loin de combattre radicalement contre les islamistes. Il entend bien les manipuler comme il l’écrivait déjà en 1947 !

La classe dirigeante algérienne a joué tous les jeux possibles avec l’intégrisme bourgeois du FIS. Elle l’a aidé, crédité, reconnu, financé, lui a accordé la gestion locale, l’a amené jusque dans l’antichambre du pouvoir. Puis, en se retournant brutalement, elle l’a combattu à mort. Demain, elle peut à nouveau s’allier avec lui. Tout cela sans que la population ne comprenne ce qui motive ces retournements et la violence de la guerre civile. Privée d’une compréhension des enjeux, la population pauvre a été complètement désarmée politiquement devant l’islamisme comme devant l’entreprise du pouvoir militaire pudiquement appelée l’“éradication ”. Elle a été glacée non seulement par la vague de violence qui s’est abattu sur elle mais aussi parce qu’elle ne reconnaissait pas d’où venaient les coups.

Les « démocrates » du FFS se gardent de casser la montée du FIS. Ainsi, lors de la montée du FIS, démasquer les islamistes aurait consisté d’abord à mettre en évidence ces liens entre FIS et bourgeoisie et entre FIS et pouvoir. Cela aurait nécessité qu’en face il existe une politique s’adressant aux travailleurs et à la jeunesse pauvre et qui ne soit pas seulement hostile à l’islamisme au nom de la démocratie bourgeoise républicaine mais radicalement opposée à la bourgeoisie et au pouvoir. Le radicalisme démagogique et faux des islamistes ne pouvait être dévoilé que par un véritable radicalisme social. Il n’y a pas de meilleur moyen de démasquer la démagogie islamiste vis-à-vis des milieux pauvres que de proposer aux opprimés de s’attaquer réellement aux classes dirigeantes. Mais c’est le contraire qui a été fait par les partis démocrates bourgeois.

Ils ne se sont nullement adressés aux milieux pauvres au moment où les islamistes pénétraient dans les quartiers populaires et les organisaient. Leur politique n’était en rien hostile à la classe dirigeante puisqu’ils ne contestaient que la forme politique du régime et sur le terrain social se faisaient au contraire les chantres de la bourgeoisie privée et du libéralisme. Les milieux les plus pauvres ont eu à choisir entre des démocrates bourgeois qui se souciaient de leurs souffrances comme d’une guigne et des militants qui vivaient parmi eux la vie des pauvres, qui organisaient la solidarité contre la misère, le manque d’éducation ou les tremblements de terre. Les islamistes n’ont pas gagné seulement parce qu’ils proposaient le paradis mais parce qu’ils répondaient, à leur manière, aux problèmes cruciaux des plus opprimés. Personne n’a offert d’alternative. Au moment du discrédit profond du régime après 88, les partis démocrates ne sont nullement apparus comme un pôle pour les plus pauvres pour lutter radicalement contre le pouvoir. Ils sont apparus seulement comme des officines politiciennes pour occuper la place due l’ancien parti unique. Le succès du FIS a été le produit du soutien à la fois des plus démunis et de la bourgeoisie, y compris du pouvoir.

Ce que reflétait exactement le discours du FIS, le Front islamique du salut, dont Abassi Madani était la figure bourgeoise respectable et Ali Belhadj le leader charismatique dont la tâche était de s’adresser aux misérables, aux chômeurs et aux paysans pauvres. Aucune des organisations qui se réclamaient de la démocratie, de la gauche ou des travailleurs, n’ont armé le peuple algérien face à cette situation. Aucune ne s’est opposée radicalement à la bourgeoisie et au pouvoir. Face au radicalisme religieux, réactionnaire, il n’y a pas eu de radicalisme social, révolutionnaire. Les partis démocrates bourgeois comme le FFS d’Aït Ahmed ou le parti communiste algérien, le PAGS, ne se sont nullement adressés aux milieux pauvres au moment où les islamistes pénétraient les quartiers populaires et les organisaient. Au moment du discrédit profond du régime après 1988, les partis démocrates ne sont nullement apparus comme un pôle de lutte contre pouvoir. Le PAGS appelait à la "réconciliation entre l’armée et le peuple" et le FFS au "retour de l’armée dans les casernes" alors que les islamistes faisaient semblant d’être du côté des jeunes révoltés qui étaient descendus dans la rue et avaient été torturés et tués. Les « démocrates » ont compté sur l’ouverture politique pour obtenir des places et une participation à la gestion des affaires. Ils sont simplement apparus comme des officines politiciennes destinées à occuper la place de l’ancien parti unique. Sur le terrain social, ils se faisaient les chantres de la bourgeoisie privée et du libéralisme. Les islamistes aussi, mais en revanche ils n’étaient pas gênés de dénoncer le pouvoir y compris en s’adressant aux plus pauvres. Ils dénonçaient la misère, en se gardant de dénoncer les fauteurs de misère. Les islamistes en accusaient le socialisme algérien et même le parti communiste ! Personne n’a offert d’alternative à la démagogie islamiste.

1991

Jusqu’en 1991, l’alliance du régime militaire et du FIS avec la caution de toute la bourgeoisie ne s’est pas démentie. Même les rodomontades des plus radicaux du FIS lors de la guerre du Golfe ne l’avaient pas vraiment remis en cause. Les attaques violentes, de type fasciste, des islamistes contre les femmes ou contre les intellectuels démocrates n’avaient pas interrompu cet idylle entre les galonnés et les barbus. Les attaques contre les grèves ouvrières, comme celle des éboueurs, avaient même enthousiasmé pouvoir et classe dirigeante.

Mais il y avait une limite. Le pouvoir militaire et la bourgeoisie qui lui est liée n’avaient entretenu le FIS que dans le but de conserver, eux, le pouvoir réel quitte à donner des ministères aux dirigeants islamistes pour les charger des licenciements dans les entreprises et de faire accepter l’austérité nécessaire au développement de la bourgeoisie. Ils n’avaient pas du tout l’intention de lui laisser les rênes. Et encore moins les coffres et les armes.
C’était compter sans la haine de la population pauvre à l’égard du pouvoir. Puisque l’on demandait à cette population de voter, elle a choisi de voter FIS pour exprimer non le soutien aux thèse réactionnaires des barbus du FIS mais son rejet violent du régime. Il s’en est suivi un raz de marée électoral au premier tour des élections, ce qui a amené le pouvoir à décider l’interruption du processus électoral. La guerre civile ne découlait pas immédiatement de cette seule décision. Elle provenait de causes plus profondes.

Donner le gouvernement aux islamistes alors qu’ils surfaient sur une vague populaire contre le pouvoir militaire c’était risquer de finir par leur donner tout le pouvoir. L’armée avait connu le même engouement que la jeunesse et certains milieux pauvres en faveur des islamistes. Il y avait donc le risque du développement d’une division entre pro et anti-islamistes au sein de l’armée et jusqu’au plus haut niveau si le pouvoir ne tranchait pas dans le vif. Et surtout, il ne faut pas oublier que toute la politique pour favoriser le FIS était dictée par la crainte de radicalisation sociale. Si le FIS était incapable de canaliser le mouvement social pour recréditer le régime militaire, ce dernier n’avait plus intérêt à le laisser se développer et gagner des positions.

Ce sont les chefs de l’armée qui ont décidé de la solution guerre civile pour pouvoir ainsi mener leur propre guerre, la guerre de classe, aux travailleurs et aux plus pauvres sous couvert de lutte contre les islamistes. Ils ont pu ainsi lancer des vagues d’arrestations, torturer, traiter violemment toute la population en se justifiant par la lutte contre le terrorisme. Quant à la lutte de maquisards du FIS, elle a très vite été circonscrite même si la guerre civile a continué comme mode de gestion de la société par le pouvoir, pour empêcher les grèves, les manifestations, pour faire pression sur toute la population. Pour punir les régions qui avaient voté FIS, le régime a laissé les terroristes écumer les villages, rançonner, enlever, violer, torturer. Pouvoir comme islamistes ont montré qu’ils étaient d’abord et avant tout des ennemis des classes populaires mais celles-ci étaient désarmées et prises entre deux feux.

Le Front islamique du salut (FIS) remporta le premier tour des élections législatives du 26 décembre 1991 avec 188 sièges. Le second tour qui devait donner une victoire écrasante à ce parti n’eut jamais lieu.

1992

Les élections sont annulées le 11 janvier 1992 par la décision du cénacle militaire des généraux « janviéristes. » L’état d’urgence sera proclamé le 9 février 1992 et le FIS est dissous par voie judiciaire le 4 mars 1992.

Aït Ahmed déclare : « J’ai rencontré Khaled Nezzar après la victoire du FIS, entre les deux tours. Il a demandé à me voir seul. Il m’a demandé mon avis sur la situation. Je lui ai dit qu’il faut, dans un premier temps, aller au deuxième tour qui va se dérouler dans la ferveur. Vous allez voir, les Algériens, dès qu’ils voient d’une manière concrète le danger, vont s’engager. »

La dictature militaire prend donc contact avec Aït Ahmed pour lui proposer que, suite aux élections, il prenne la tête d’un gouvernement comprenant le FFS, le FLN et les islamistes du FIS. Il en accepte le principe. Mais les résultats électoraux (raz de marée en faveur du FIS, chute historique du FLN) n’ont pas permis que cette « solution » soit retenue, la dictature militaire y voyant le début de la fin et ayant choisi de faire basculer le pays dans la guerre civile en annulant le processus électoral.

Le Haut Comité d’Etat HCE prend les pleins pouvoirs. Une manifestation à Alger le 12 janvier 1992 le dénonce. Aït Ahmed qui y a appelé s’en tient là. Il estime que le HCE n’a plus qu’à faire appel à lui !!!

Aït Ahmed, loin d’appeler à la révolte et à la mobilisation populaire contre le coup d’Etat, appelle au calme !

Le lendemain sur France 3, Aït Ahmed réagit sur ce qu’il appelle « un coup d’Etat » et appelle à la retenue tous ses concitoyens : « Notre souhait, c’est que le FIS respecte la paix civile et ne prenne aucune option suicidaire et aventureuse… »

Entretien avec Hocine Aït-Ahmed : « La paix civile à tout prix ! » Le Quotidien d’Algérie, vendredi 24 – samedi 25 janvier 1992 - Propos recueillis par Akram Belkaïd

Le Quotidien d’Algérie.- Certaines rumeurs font état de contacts, voire de négociation en cours entre le Front des forces socialistes (FFS) et le Haut-Comité d’Etat (HCE).

Hocine Aït Ahmed.- Il n’y a vraiment aucun contact. Je déplore qu’aucune initiative n’ait été prise en ce sens. Nous avons l’impression que toutes les institutions qui vont être installées après ce coup d’Etat, qui lui-même est une violence, seront imposées comme des faits accomplis et cela, sans que l’on se soucie de l’avis des responsables politiques.

Aït Ahmed dénonce le coup d’Etat mais ne propose qu’une seule chose désormais : s’entendre avec les militaires pour faire revenir dans le gouvernement le FIS, sous-entendu avec lui à la tête du gouvernement…

1995

C’est dans cette perspective que les principaux partis de l’opposition et y compris le Front islamique du salut (FIS) ont décidé de se rencontrer dans un colloque à Rome sous la houlette de la communauté catholique de Sant’Egidio, ouvrant une perspective de réconciliation, tous les participants affirment par un contrat national rédigé en six pages qui stipule « l’engagement de respecter la démocratie, l’alternance politique, les libertés individuelles dont la liberté de confession » Tous dénoncent « la violence comme moyen d’arriver au pouvoir et de s’y maintenir ». Pour la première fois, le FIS s’engage à entrer dans le moule d’une solution politique pacifique et d’appliquer les règles du jeu démocratique.

Aït Ahmed signe à Rome, avec les représentants de six autres formations et des personnalités politiques, la plate-forme de Sant’Egidio pour la sortie de crise et pour le retour à la paix.

Les signataires :

Pour la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme,

Abdenour Ali Yahia

Pour le Front de libération nationale (FLN),

Abdelhamid Mehri

Pour le Front des forces socialistes (FFS),

Hocine Aït Ahmed et Ahmed Djeddaï

Pour le Front islamique du salut (FIS),

Rabah Kebir et Anouar Haddam

Pour le Mouvement pour la démocratie en Algérie,

Ahmed Ben Bella et Khaled Bensmaïn

Pour le Parti des travailleurs,

Louiza Hanoune

Pour le Mouvement de la renaissance islamique (Ennahda),

Abdallah Djaballah

Pour Jazaïr musulmane contemporaine,

Le 10 janvier , les principaux partis du pays annoncent qu’ils ont signé à Rome un pacte pour la paix en Algérie, “ le pacte de Rome ”. Les signataires vont de l’ancien parti unique le FLN, du parti intégriste le FIS, du principal parti kabyle le FFS, en somme des divers politiciens bourgeois que le pouvoir laisse à l’écart de la gestion des affaires. A cet aréopage se mêle aussi un groupe d’extrême gauche arrivé là par on ne sait quelle bizarrerie le Parti des Travailleurs de Louiza Hanoune. Ce programme “ pour la paix ” qui ne demande même pas la fin de la dictature militaire, qui ne dénonce pas franchement les exactions des terroristes (et pour cause, le FIS y participe !) n’aura aucune suite et pour seul résultat de contribuer à faire croire que la seule alternative à la politique violente de la dictature militaire est de ramener les intégristes au pouvoir !

Les signataires du « Contrat national » dit de Rome s’entendent sur un contrat politique constitué d’un ensemble d’engagements dont les plus importants sont l’alternance au pouvoir, la liberté de culte, la primauté de la loi légitime sur tout autre loi issue d’assemblées non élues légitimement, l’égalité des citoyens sans distinction d’aucune sorte, l’accession au pouvoir par des moyens pacifiques, le rejet de la violence pour se maintenir au pouvoir ou pour y parvenir.

Plateforme du contrat de Rome

Tout cela est bien joli mais signifie tout simplement un appel du pied à la dictature militaire pour lui proposer un pacte avec les islamistes du FIS !!!

2001

En mars 2001 commence à se profiler une nouvelle montée ouvrière.

Mardi 20 mars, une bonne partie de l’activité économique du pays a été paralysée par la grève des travailleurs du pétrole et des industries attenantes et par les actions de solidarité de toute la classe ouvrière. C’est le plus important mouvement depuis la grève des travailleurs du secteur parapétrolier en 1995. C’est la première fois qu’un mouvement d’ensemble a lieu contre la privatisation d’un secteur. La distribution d’essence a été entièrement bloquée et un grand nombre d’usines ont arrêté le travail ou même sont descendues dans la rue. Les diverses actions, grèves ou manifestations, ont été suivies très largement, à plus de 92% selon l’UGTA, le syndicat officiel, proche du pouvoir. Ce dernier déclare 500 000 grévistes.
C’est l’annonce par le gouvernement algérien d’une loi sur la restructuration du secteur des hydrocarbures qui a mis le feu aux poudres. En perspective, il y a la privatisation du secteur pétrolier et particulièrement de la Sonatrach. Cette annonce a entraîné une ébullition dans les secteurs liés à l’énergie qui sont les plus importants en Algérie et, immédiatement, cette importante réaction de solidarité de toute la classe ouvrière. Des secteurs importants de la sidérurgie, comme Alfasid, et de la métallurgie, comme SNVI Rouiba, ont fait grève. Des postiers, des hospitaliers, des employés communaux et des enseignants se sont joints au mouvement. Depuis des années, c’est au nom de la privatisation que les travailleurs de l’industrie d’Etat (toujours prépondérante dans l’économie algérienne) subissent des licenciements massifs, des fermetures d’usines et des baisses de salaires. Les projets de privatisation prévus par le gouvernement pour 2001 se montent à 184 entreprises (63 à la vente et 121 avec des participations au capital). C’est dire que toute la classe ouvrière est directement concernée d’une manière ou d’une autre.
Depuis plus de dix ans, les gouvernements successifs ont proclamé qu’ils voulaient sortir du “ socialisme de Boumedienne ” et libéraliser l’économie. Les travailleurs n’ont pas vu la couleur de l’activité économique prospère qui leur était promise avec “ la fin du socialisme ”. Ils n’ont connu au contraire que les sacrifices. Résultat : les voyants économiques sont au vert pour la bourgeoisie - hausse des recettes à l’exportation, hausse du prix de vente et des quantités de pétrole vendues, excédent budgétaire, baisse du service de la dette, mais ils sont au rouge pour les travailleurs - prix multipliés par cinq en dix ans, chômage d’un tiers de la population active et pauvreté en hausse continue.
L’UGTA a pris la mesure du mécontentement et su en prendre la direction. C’est pourtant l’UGTA qui avait négocié les privatisations avec les gouvernements successifs et détourné nombre de mouvements sociaux. Ses dirigeants ont même fait la campagne du chef de l’Etat Bouteflika et depuis, n’ont nullement cherché à lui mettre des bâtons dans les roues. Cette fois, sentant le climat, le syndicat ne s’est pas opposé à l’expression du mécontentement. Les fédérations syndicales du pétrole, de la chimie et du gaz, soutenues par celle des mines et par plusieurs syndicats d’entreprises ont appelé à la grève, néanmoins réduite à une “ journée de protestation ”, parfois une heure de grève dans de très nombreuses entreprises. Le seul objectif précis mis en avant par les dirigeants syndicaux a été que le pouvoir négocie la privatisation et, bien entendu, associe à ces discussions… l’UGTA ! Les dirigeants de l’UGTA présentent le mouvement comme un avertissement et l’éventualité d’une grève générale seulement comme une menace si le pouvoir persiste. Certains leaders syndicalistes, comme ceux de RVI Rouiba ou d’Alfasid, ont fait savoir qu’ils contestaient la stratégie syndicale de la “ journée d’action ” et affirmé que seule une lutte d’ensemble déterminée pourrait faire céder le pouvoir.

Quant aux partis politiques, ceux qui participent au pouvoir, du RCD aux islamistes en passant par le FLN, eux qui jouaient un peu les opposants la semaine précédente, ils se sont fait petits. Le FFS, qui se donne une allure “ de gauche ” et est dans l’opposition, loin d’appeler à étendre la grève pour déborder l’UGTA, préfère y voir une manipulation politique du pouvoir. Ainsi, le SATEF, syndicat de l’enseignement lié au FFS, a refusé d’appeler à la grève. Le FFS laisse même entendre que ce qui est en cause n’est pas la privatisation en soi mais la manière non démocratique par laquelle le pouvoir refuse d’en débattre. Il apporte de l’eau au moulin de tous les hommes politiques bourgeois soi-disant “ démocrates ” qui prétendent que le but de la grève serait seulement de défendre les avantages liés à la rente pétrolière de clans du pouvoir dont feraient partie l’UGTA.

C’est la jeunesse qui prend le relai et lance une révolte qui va vite gagner la Kabylie et tout le pays…

La révolte débutée en avril 2001 ne ressemble à rien de tout ce que l’Algérie a déjà connu comme mouvements et révoltes, que ce soit en Algérie ou en Kabylie. Ce n’est ni une reprise des mouvements culturels berbères ni une redite de l’explosion de 1988. Rien que la durée de la révolte, déjà 5 mois, en fait une lutte à part.

Ce sont les jeunes qui marquent le mouvement, des jeunes de quartiers pauvres pour l’essentiel et qui protestent contre l’impossibilité de vivre tout simplement, l’impossibilité de gagner sa vie, de se loger ou encore d’étudier, contre l’absence de dignité de cette vie qui impose à certains d’entre eux le suicide comme seule solution. Ce mouvement a un caractère social marqué tout en étant très politique et même directement dirigé contre le pouvoir. Pourtant, tous les partis politiques implantés en Kabylie ont été d’emblée mis à l’écart du mouvement. Non seulement les partis qui participent au gouvernement, des libéraux aux islamistes, mais aussi les partis traditionnels de la Kabylie, le FFS et le RCD. Rien d’étonnant pour le RCD qui participait encore au pouvoir pendant les deux premières semaines de la révolte et de la répression sanglante et est sorti du gouvernement complètement discrédité auprès des jeunes émeutiers. Le FFS, bénéficiant d’un crédit important pour être resté dans l’opposition, avait finalement accepté de participer aux institutions locales et régionales, rompant son boycott traditionnel, et démontré ainsi que ses élus se comportaient exactement comme les autres : clientélisme, coupure entre les élus et le peuple, corruption, etc… Les jeunes émeutiers ont même brûlé des locaux de ces partis quand leurs leaders, dépassés par les événements, ont lancé des appels au calme ou même prétendu que les jeunes émeutiers étaient manipulés. Les jeunes manifestants ont été hostiles aux partis politiques, n’ayant trouvé de soutien auprès d’aucun d’entre eux lors des émeutes d’avril. Par la suite, la préoccupation première de ces jeunes a été de ne pas tomber dans le piège habituel en Kabylie : la division FFS/RCD qui avait détruit le Mouvement Culturel Berbère. L’hostilité à la politique a donc été un caractère marquant du mouvement des jeunes, particularité nouvelle puisque les mouvements en Kabylie étaient au contraire traditionnellement marqués par les partis politiques.

Tout a commencé dans deux villages de Kabylie où les forces de gendarmerie s’en sont pris aux jeunes de façon violente. Le18 avril, l’adolescent Massinissa Guermah, lycéen de 20 ans, est exécuté de sang-froid à l’intérieur d’une gendarmerie à Béni-Douala, près de Tizi Ouzou. Criblé de 12 balles, il est mort deux jours plus tard. Le 20 avril, le ministre de l’intérieur justifie la mort du jeune Guermah en traitant la victime de voyou. Le 22 avril, suite à l’arrestation et au tabassage de trois lycéens accusés d’avoir lancé des slogans, des émeutes éclatent à Amizour, région de Béjaïa. Le 23 avril, émeutes à Beni Douala. Du 25 au 27 avril, devant des manifestations qui gagnent une grande partie de la Kabylie, les gendarmes tirent à balles réelles faisant déjà 9 morts et le 29 avril le bilan est de 29 morts. Des locaux de l’Etat sont brûlés par les manifestants mais aussi ceux du RCD et trois locaux du FFS. Les jeunes clament : “ nous avons faim, nous ne voulons plus du chômage, de la misère, du mépris et de la corruption ! ”. Si le pouvoir espérait que le mouvement prendrait un caractère identitaire proprement kabyle, c’est raté : c’est plutôt un mouvement politique et social sur des mots d’ordre qui concernent toute l’Algérie qui s’est déclenché. Un manifestant de la wilaya de Béjaia déclare à un journaliste du “ Matin ” : “ Il est faux de croire que la révolte a éclaté pour revendiquer tamazight. Nous ne voulons plus de cette malvie, de la hogra, du chômage, de la crise du logement et de la corruption ”. C’est la réaction des jeunes de Kabylie aux violences des forces de l’ordre qui a donné le ton et a touché tout le pays. Dès le début les jeunes révoltés, de très jeunes lycéens, des chômeurs, clament : “ du travail et du pain ! ”, “ il y en a marre de la misère ! ”, “ des logements ! ”, “ on n’est pas des mendiants ! ”, “ assez de corruption ! ”, “ assez du mépris (la hogra) ! ”, “ assez de marginalité, on veut la dignité ! ”, “ assez du chômage ! ”, “ pouvoir assassin ! ”, “ dehors les forces de l’ordre ! ”, “ à bas la dictature ! ”

Et loin d’arrêter le mouvement, la répression l’a étendu jour après jour à toute la Kabylie, entraînant la formation de comités des villes au plus petit des villages. Les jeunes et la population de Kabylie ne veulent pas que le mouvement s’arrête car cent jeunes seraient morts pour rien et parce que rien n’est changé. Le mouvement n’est pas victorieux, n’a pas fait reculer le pouvoir et cependant il n’est toujours pas possible aux gendarmes de sortir de leurs casernes en Kabylie car le mouvement a décrété que les gendarmes n’avaient plus le droit d’y exercer. Et le pouvoir, en s’évertuant à négocier avec des délégués kabyles, démontre qu’il craint encore le risque d’extension de la révolte à tout le pays, révolté lui aussi par la même misère, la même corruption et la même répression. Rien n’est réglé et tout est encore possible. Malgré un bilan décevant pour une telle lutte et de tels sacrifices, plus de cent morts, de milliers de blessés, le mouvement est toujours là des mois après son commencement, même s’il est plus minoritaire, plus divisé et désorienté. Ce qui fait le plus de mal au mouvement c’est l’absence de direction et de perspectives claires. La coordination des arch n’a pas incarné la direction dont le mouvement a absolument besoin.

Le principal parti de Kabylie et le plus populaire, le FFS, parti social-démocrate d’Aït Ahmed, a pu à la fois déclarer que les arch étaient une création du pouvoir et avoir nombre de délégués liés à lui dans les comités. Les critiques publiques du FFS contre les arch ont permis au RCD de se dire partisan des arch et de se recréditer un peu alors que ce parti était encore au gouvernement quinze jours après le début des affrontements et ne s’en est retiré que le premier mai avec énormément de réticence ! Quant aux arch, ils ont perdu beaucoup de leur autorité à partir de juillet-août quand s’est avéré l’échec de leur seule stratégie, donner la plate-forme à la présidence, du fait du blocage du pouvoir, même si aucune structure n’est parvenue à leur ôter la vedette.

Le FFS n’a cessé de calomnier le mouvement… Par exemple, le 25 avril, Ali Kerboua, lors d’un point de presse le 25 avril, au siège du FFS, dénonce “ les agissements des personnes qui ont dans certains endroits évacué les lycéens de leurs salles de cours à 10 heures les jours d’émeute ” et parle de “ saisir le sénat américain ” ! Le 28 avril, lors d’un meeting massif à Béjaia, les dirigeants du FFS qui appellent à nouveau les manifestants au calme sont traités de “ khobatha”, “ vous êtes des traîtres et des vendus ”.

Alors qu’une nouvelle vague d’émeutes est violemment réprimée faisant 29 morts, des locaux de l’Etat sont brûlés par les manifestants mais aussi ceux du RCD et trois locaux du FFS. Le FFS a appelé au calme et ses militants ne participent pas à la révolte. “ El Watan ” justifie ainsi : “ En tant que parti d’opposition prônant la non-violence, le FFS ne pouvait pas souffrir de cautionner ouvertement un mouvement de colère qui a dérapé en se livrant à des actes de dégradation des biens publics ”.

Le 7 mai, comme les militants de l’université et de la communauté civile de Béjaia appellent à un grand meeting populaire, le FFS dénonce cette initiative comme irresponsable : “ les organisateurs de cette manifestation Ont-ils calculé tous les risques ? Ne craignent-ils pas de faire le jeu de ceux qui souhaitent maintenir le statu quo ? ”

Le 12 mai, un « Mémorandum » du FFS adressé aux généraux et leur demandant d’organiser “ une transition démocratique ”. Ce sont les loups qui sont chargés de protéger les brebis…

Le 18 juin, à la radio française France Inter, Aït Ahmed déclare : “ il faut une transition démocratique avec la garantie de l’armée. ” Pas la peine de demander quelle type de garantie peuvent donner les responsables de la tuerie ! Comme toujours, certains “ leaders démocrates ” ont plus de choses à dire aux décideurs que de propositions au peuple en lutte.

Le 12 octobre, Ali Kerboua, premier secrétaire du FFS, attaque les archs et la plate-forme d’El Kseur à laquelle il déclare préférer “ des revendications politiques plus rationelles. ”

2011

En 2011, le Maghreb s’enflamme. De l’Algérie à la Tunisie, de Sidi Bouzid à Bab el Oued. Et, face à cela la seule réponse des pouvoirs de Bouteflia et Ben Ali est la répression qui fait des morts et des blessés. Même des manifestations pacifiques ne reçoivent pas d’autre réponse que des balles réelles et des grenades qui tuent. Les deux peuples n’ont pas d’autre alternative que de s’en prendre au pouvoir et de le démolir, pas d’autre perspective que la révolution sociale....

Après la Tunisie, la révolte sociale a gagné l’Algérie. D’Oran et Tipaza puis à Alger, à la Kabylie et à de nombreuses villes de tout le pays, la jeunesse s’enflamme. Depuis plusieurs jours, Alger est en proie à un soulèvement populaire sans précédent depuis la guerre d’indépendance et la révolte gagne de proche en proche tout le pays. Les masses populaires, mais aussi la classe moyenne, ruinées par la crise économique et la hausse spectaculaire du prix des produits de première nécessité, ont envahi les rues de la capitale et de nombreuses villes.

En Algérie comme en Tunisie, ce n’est pas seulement les hausses invraisemblables et brutales des prix des produits de première nécessité (30 à 40% d’augmentation) qui ont mis le feu aux poudres. C’est d’abord le chômage et la misère qui sont en cause. Cela fait déjà quelques mois que l’on sentait le Maghreb à la frontière de la révolte, qu’il s’agisse des ouvriers, des chômeurs, des femmes, des jeunes. Les milieux populaires, durement frappés par la misère, constatent l’apparition au grand jour d’une nouvelle oligarchie qui roule crosse, étale son fric et accumule des fortunes, même si elles sont surtout réinvesties en Europe ou dans la finance. Les inégalités entre le peuple travailleur et les classes dirigeantes ont grandi dans des proportions inconnues depuis les indépendances.

Oui, cela fait des mois que la révolte couvait. Des mois que les entreprises d’Algérie se mettaient en grève les unes après les autres. Des mois que des villes de province se soulevaient. Les révoltés de Gafsa, emprisonnés et licenciés, sont en sit-in permanent pour dénoncer la répression contre eux et contre la jeunesse de Tunisie.

Réformiste, pro-capitaliste, très passif dans l’action, le FFS a toujours une bonne raison pour ne pas participer à une lutte : généralement, parce que les "clans" sont dans le coup, qu’"il y a manipulation", qu’il y a le RCD ou que ce n’est pas la priorité du parti...
Karim Tabbou : “Le FFS n’est pas partie prenante de l’appel à la marche de février” Le Front des Forces Socialistes (FFS) n’est pas partie prenante de l’appel à la marche du 9 février prochain. Et ne fait donc pas partie de la “coordination pour le changement démocratique”.“Dans l’étape actuelle, les priorités politiques du FFS, ne lui permettent pas de s’associer à la proposition d’un appel à une marche à Alger, précise le FFS. “Enfin, ajoute le communiqué, le FFS respecte et défend l’autonomie de décision et d’action des organisations de la société civile”.
Une déclaration du FFS faisant l’éloge de la révolution en Tunisie a été signée par une trentaine de personnalités notamment universitaires et de la presse : ouverte aux signatures, elle circulait vendredi en Algérie, où des émeutes essentiellement menées par des jeunes au début du mois ont fait cinq morts et plus de 800 blessés.
Rendant hommage à leurs voisins de l’Est pour avoir renversé le régime de Zine Al Abidine Ben Ali le 14 janvier, les signataires estiment que cette « juste action du peuple tunisien ouvre une nouvelle situation politique dans un Maghreb lié par un destin commun ».
Destin commun certes mais pour lequel le FFS ne comptait pas bouger le petit doigt en dehors de celui qui tient le stylo de... la déclaration !

Lors de la vague des révolutions du Maghreb et du monde arabe de 2011, le FFS a, une fois de plus, refusé de rejoindre le camp de la révolte, le camp de la lutte, rappelant une dernière fois que le FFS d’Aït Ahmed n’est rien d’autre qu’un opposant de sa majesté, qu’une opposition bien respectueuse de l’ordre établi.

En guise de conclusion

Comment le FFS intervient (ou n’intervient pas dans les grèves ouvrières ?

Voici un exemple d’interview du FFS en février 2003 par rapport à une grève générale :

« Quant à la position du parti d’Aït Ahmed par rapport à la grève générale à laquelle a appelé la centrale syndicale pour les 25 et 26 du mois en cours, le secrétaire national nous dira là aussi que le FFS fait la différence entre « l’appareil de l’UGTA qui est entre les mains du pouvoir, instrumentalisé dans les luttes de clans, et les syndicalistes de base et les travailleurs. Cela dit, nous soutenons toutes les revendications des travailleurs qui vivent le marasme et le ras-le-bol. »

Quel est le programme du FFS ? Proposer inlassablement au pouvoir de se démocratiser lui-même.

Voilà comment Aït Ahmed l’expose :

« Il y a trois ans, le FFS a remis un mémorandum aux trois des principaux décideurs, les généraux Lamari et Mediène et le président Bouteflika dans lequel a été exposée ce qui nous parait être la seule sortie de crise : restituer aux Algériens et aux Algériennes les droits et libertés qui leur permettent collectivement et individuellement, de donner aux institutions une vraie légitimité et des bases constitutionnelles par l’élection d’une assemblée nationale constituante. Après quatre décennies de gestions désastreuses qui ont mis à nu les conséquences de l’absence d’Etat, il est temps de traiter les problèmes à la racine. On ne répétera jamais assez que seule l’Assemblée nationale constituante, élue au suffrage universel en octobre 1963 avait, au double plan, national et international, la légitimité pour construire les fondations constitutionnelles et institutionnelles de l’Etat. Mais tandis que cette prérogative était de son ressort exclusif, c’est une autre assemblée d’officiers saupoudrée de cadres civils « révolutionnaires » qui élaborera et adoptera la loi fondamentale en conclave et dans un cinéma. Evidemment, les députés qui avaient un minimum de courage politique, et à leur tête le président de l’Assemblée constituante, Ferhat Abbas, avaient démissionné pour exprimer leur sentiment de révolte contre cette rupture de contrat passé avec le peuple algérien, rupture qui trahit la longue marche des luttes de résistance et de libération nationales, dont la revendication emblématique fut : « Contre tout statut octroyé, constituante algérienne souveraine. » Contrairement aux pays frères, le Maroc et la Tunisie, où l’émergence des Etats fut le prolongement d’une monarchie ou d’une dynastie, l’Algérie a arraché le droit d’avoir un Etat national, et de l’édifier librement grâce au droit à l’autodétermination qu’elle a payé terriblement cher.

L’Etat algérien est mal parti. A quoi sert le train ? même un TGV « révolutionnaire », au départ a déraillé. Plus précisément, notre Etat est parti pour être privatisé, disloqué et laisser place à un système politique atypique dirigé par une oligarchie militaire — illisible et invisible — qui se protège derrière une vitrine civile voire « représentative ». Ayons le courage de faire ensemble un constat tout simple. La nation algérienne continue à payer jusqu’à nos jours les conséquences du coup de force originel qui l’a privée de cette République démocratique et sociale « solennellement affirmée comme but de guerre par la proclamation du 1er novembre 1954 ». Un demi-siècle après, il n’y a pas de République. Qu’est-ce qui reste de public ? je vous le demande. Je m’adresse à tous ceux qui ont des responsabilités, à quelque niveau que ce soit : opérons ensemble des révisons déchirantes. Je sais qu’on n’efface pas quarante ans de gestion, mais n’avons-nous pas l’obligation morale et politique d’en tirer les enseignements pour empêcher le bateau Algérie de sombrer ? Mettons-nous autour d’une table pour un vrai dialogue pour une solution politique qui ouvre la voie à un nouveau départ à une révolution pacifique. Préparer l’avènement d’une 2e République qui sera légitimée par l’élection d’une assemblée nationale constituante. J’ai entrepris une campagne internationale en faveur de ce qui me paraît être une option alternative à la dictature et au chaos. J’ai fait voter une résolution au congrès de l’Internationale Socialiste au Brésil soutenant les points essentiels du mémorandum du FFS. Je souhaite que les partenaires de l’Algérie soutiennent cette initiative qui remet sur le tapis le droit du peuple algérien à l’autodétermination. En principe, je vois difficilement le président Chirac tourner le dos, d’une part, à la décision historique que le général de Gaulle avait prise d’abandonner la solution militaire pour faire la paix avec le peuple algérien et, d’autre part, à l’engagement non moins historique de reconnaître à ce peuple son droit imprescriptible à l’autodétermination. Il est vrai que la France semble plus que jamais « contrainte » sur l’Algérie, mais « l’Etat » algérien ne peut pas indéfiniment violer les pactes internationaux qui garantissent le respect des droits de l’homme ainsi que les conventions de Genève qui protègent les populations civiles. Sauf à faire la preuve qu’il n’est pas un Etat, même au sens banal du terme, ce nom et à courir le risque de rendre fragiles et prescriptibles les reconnaissances internationales qui constituent sa seule légitimité.

Question : Comment concevez-vous cette négociation ?

Le mémorandum du FFS est très clair. Il exige des mesures préalables, à savoir l’ouverture du champ politique et médiatique, la fin de l’état d’urgence et la possibilité donnée à la société civile de s’exprimer et de s’organiser librement. Il ne m’appartient pas de désigner les interlocuteurs. C’est à la société de le faire lorsqu’elle aura repris en main ses destinées. Je pense particulièrement aux syndicats et aux mouvements associatifs autonomes auxquels les mentalités maffieuses refusent systématiquement les agréments. Ce sont autant de violations des normes internationales. La loi du plus fort ne fait qu’enraciner les traditions et les pratiques du non-droit. La récente grève des enseignants en est une illustration. Arrestations, licenciements et chantages sont autant de représailles expéditives qui portent la griffe notoire du Premier ministre. De toute évidence, le blâme que le BIT (Bureau international du travail) avait déjà adressé aux autorités algériennes à la suite de la dissolution du Syndicat autonome des magistrats algériens n’a produit aucun effet dissuasif. De telles dérives sont inconcevables avec l’organisation d’une transition démocratique prévue par la sortie de crise du FFS. Son rôle étant précisément, à la fois de créer un climat de confiance et de mettre en place à plusieurs les instances nécessaires de contrôle et de suivi. La conception de cette transition démocratique, comme son nom l’indique, ne doit pas reposer sur l’exclusion, elle doit être inclusive. Par ailleurs, je pense que ce processus devra prévoir un organe — politiquement et socialement représentatif — chargé de préparer un programme économique et social. Il s’agit d’abord fondamentalement de définir la vision d’un développement alternatif, durable et humain. Il est impératif que des mesures d’urgence soient parallèlement prises en faveur des milliers de personnes déplacées, des sinistrés et des populations paupérisées. Les plus démunis reprendront confiance et espoir ; ils adhéreront à cette transition si leurs problèmes, leurs besoins élémentaires dans les domaines vitaux sont pris en charge, entre autres l’accès à l’alimentation, à l’emploi, au logement et aux soins. Sans oublier pour ces femmes et ces hommes laissés pour compte, l’envie de respirer en être humain sans se heurter aux formes de hogra et d’abus de pouvoir les plus variées, bref sortir de l’indigénat pour accéder au respect, à la justice.
La justice, voilà un domaine prioritaire où la transition peut se donner une grande crédibilité en interdisant qu’un juge dépende de la police ou de l’administration !

Question : Ce processus que vous indiquez se fera-t-il avec ou sans les autres partis démocratiques ?

Il faut ouvrir le champ politique et médiatique pour permettre aux Algériennes et Algériens de comparer les professions de foi avec les actes des uns et des autres.

Question : Quel est votre scénario pour avril 2004 ?

Le scénario que je souhaite pour l’avenir de l’Algérie est que soit retardée cette échéance. Au lieu d’avril, pourquoi pas décembre 2004. Quelques mois de plus alors que le peuple algérien attend un évènement salutaire depuis 40 ans.

Ne pourrions-nous pas positiver une fausse solution à la crise et la transformer en sortie de crise ? Ce que je propose est de coupler les deux retours aux urnes : il s’agit là bien sûr d’un vrai tournant politique, mais les traditions révolutionnaires de notre pays le rendent possible. Conjuguer et organiser les deux scrutins à la fois, ou à quelques semaines de distance l’un de l’autre. A commencer bien sûr par l’élection d’une Assemblée nationale constituante. Une priorité qui redonnera du sens à l’élection présidentielle. De toute évidence, la lourdeur et l’importance exceptionnelles de cet événement exigent qu’en quelques mois nous réussissions l’organisation de la transition avec la mise en place à plusieurs du dispositif préparatoire que j’ai suggéré tout à l’heure.

Dans cette perspective, je suis prêt à prendre les contacts nécessaires et éventuellement à retourner au pays pour contribuer à la faisabilité et au succès de cette initiative qui est digne de l’Algérie et des souffrances endurées par les Algériennes et les Algériens.
L’indépendance de l’Algérie fut une utopie pour les jeunes militants des années 1940 et 1950, parce qu’en face de l’Algérie il y avait l’une des grandes puissances occidentales. Aujourd’hui, nous sommes entre Algériens et l’amorce d’un processus de refondation de l’Etat et de la nation ne dépend que de notre volonté politique commune. L’instauration de la République algérienne sera aussi une utopie réalisable.

Pour Aït Ahmed, ce n’est pas la bourgeoisie algérienne qui profite, ce sont seulement les clans…

Il écrit dans Le Monde, le 14 mars 2006 :

« En faisant de la présidence de la République et des institutions dites représentatives une simple façade, les "décideurs" ont vidé l’État de toute substance — s’inscrivant ainsi dans la droite ligne du "crime fondateur" commis contre le peuple algérien en juillet 1962 par les militaires, qui ont confisqué à leur profit la lutte du peuple algérien pour son indépendance. Ces "décideurs", pour discrets qu’ils soient, ne sont toutefois pas anonymes : aucun Algérien n’ignore l’identité du vrai patron de l’Algérie, le général-major Mohamed Mediène qui, depuis septembre 1990, dirige la police politique qui quadrille société et institutions avec la complicité de ses pairs généraux. Outre les "élites" chargées d’occuper la devanture politique et de "gérer" l’administration, sa principale "base sociale" est désormais constituée de seigneurs de guerre, de chefs de confréries religieuses, de barons du crime et de voyous notoires.
Les généraux qui ont fait la "sale guerre" écartés ou observant une réserve prudente, le président d’abord soucieux des apparences du pouvoir et de quelques vieux comptes à régler, puis de sa maladie, le champ a été pleinement libéré pour ce pur produit du despotisme, de la guerre et de la prédation que sont les mafias. »

De simples mafias ou une bourgeoisie occulte ?!!!

Aït Ahmed, interviewé par Saad Ziane, résume lui-même les idées-forces de tout sa vie militante :

« À bien des égards, la dictature algérienne a été fondée et continue de l’être sur la prépondérance conjuguée de l’armée et de la police politique. Par armée, j’entends sa haute hiérarchie. En régime démocratique, la population est souveraine et exerce par des élections libres et régulières son contrôle sur les institutions de l’Etat… Il faut reconnaître que le montage de notre Etat indépendant a été contraire aux formes démocratiques et à l’opposé des critères élémentaires de la modernité…. Les événements et la terrible répression d’octobre 1988 ont contraint le régime à une certaine ouverture, par effraction certes, mais ouverture quand même, qui a entrainé une éclosion de journaux et de partis politiques… L’on sait que l’état de siège proclamé en juin 1991 a initié le processus de retour à la case départ. Et après la signature du Contrat National, la parade du pouvoir a consisté à mettre fin de manière définitive au multipartisme et à s’approprier toutes les expressions de la société voire de mener des coups d’Etat au sein des partis. Cela a commencé par le FLN, puis Ennahdha et cela continue… Pour parachever la comédie de la façade démocratique, ils n’ont pas interdit légalement le multipartisme- encore que la loi organique de Zeroual était une loi scélérate - mais ils ont tout fait pour le rendre sans effet. Il y a un terrible acharnement avec utilisation de moyens faramineux où se mêle un travail de basse police et des actions de corruption, pour détruire les forces représentatives. Oui, cette anomalie constitue le socle du régime, C’est un Etat hanté et squatté par des gens d’armes qui violentent la société en se plaçant au-dessus d’elle. Aussi longtemps que la nature du régime n’a pas changé et que l’Etat n’est pas remis à l’endroit, on restera dans la logique meurtrière qui est imposée à la nation depuis 1992. Il ne peut y avoir une alternative que de la société. Avec le pouvoir bien sûr, mais à condition que la société puisse s’exprimer librement. Or, c’est précisément pour empêcher l’émergence d’une alternative que le pouvoir consacre beaucoup de ressources humaines et financières à domestiquer les partis… Notre démarche n’est pas d’être contre le pouvoir mais d’être contre les leurres. Nous n’avons pas le droit d’être dupes, car on aurait ainsi contribué à duper la population… La logique des promesses de la révolution exigeait l’exercice effectif par les algériens de leurs droits politiques pour concrètiser par eux-mêmes leurs droits économiques, sociaux et culturels… Mais l’enjeu primordial sera pour le FFS , à cette occasion, de relancer la dynamique de l’alternative démocratique, en réfléchissant sur les conditions concrètes et les modalités pratiques d’un vrai processus de sortie de crise, dans ses étapes successives ; sans oublier les garanties indispensables que chaque acteur politique doive donner à tous, et que tous doivent donner à l’Algérie, c.à.d. aux citoyennes et aux citoyens. Avec les contributions des démocrates sincères et cohérents, l’un des thèmes que nous voulons aborder et approfondir est la nécessité d’un Etat fort et démocratique. Un Etat fort et démocratique parce qu’il sera l’émanation d’une majorité politique exprimée et il sera par là-même soumis au contrôle et à la sanction des seuls mécanismes démocratiques du suffrage universel. Un Etat fort et démocratique, car entre deux consultations populaires, il doit pouvoir intégrer dans ses options générales et ses propres actions quotidiennes, les initiatives privées et collectives issues de la société, dès lors que leurs apports à l’intérêt général seront évidents. »

Libre Algérie n° 40 , 13 au 28 mars 2000

Tout y est : le mythe de l’Etat fort qui peut en même temps être démocratique, le mythe de la démocratie sans renverser le pouvoir dictatorial mais en composant avec lui, le mythe de la démocratie bourgeoise, le mythe des citoyens en dehors de la lutte des classes, le mythe du pouvoir politique non situé en liaison avec le pouvoir économique.

C’est une bourgeoisie qui a le pouvoir en Algérie et pas seulement un clan militaire. C’est la société capitaliste mondiale qui fait la loi en Algérie, au-delà même du pouvoir qui représente dans ce pays le capitalisme mondial.

Il n’y aura pas d’autre démocratie en Algérie (ni en Tunisie, ni en Egypte, ni en Libye, ni en Syrie, ni ailleurs) que celle qu’imposeront les travailleurs, les femmes, les jeunes et les petits soldats organisés par eux-mêmes en comités révolutionnaires et prenant le pouvoir politique en supprimant l’armée bourgeoise, la bureaucratie d’Etat bourgeoise, le gouvernement et la justice bourgeoises.

Le faux socialisme algérien ou l’Etat bourgeois dictatorial sans bourgeoisie

Quand le courant communiste était révolutionnaire, il était en tête des luttes d’indépendance au Maghreb

L’indépendance de l’Algérie : un faux socialisme

Algérie 1988 à 1995 : de l’explosion sociale à la guerre contre les civils pour éradiquer la menace prolétarienne

Luttes ouvrières en Algérie

Que se passe-t-il en Algérie

De quoi et de qui les classes dirigeantes ont peur en Algérie

Le début de la révolution « arabe » en Algérie et en Tunisie

Messages

  • Voilà qui en finit avec le mythe de Aït Ahmed !

    « Je n’aime pas les mythes... » affirmait Aït Ahmed dans une interview publiée par Libre Algérie n° 40 , 13 au 28 mars 2000

  • L’opposition d’Aït Ahmed au mouvement citoyen de 2001 montre clairement qu’il
    n’a jamais voulu rassembler à travers la libération des citoyens. Par
    le passé, nous étions convaincus qu’Aït Ahmed participait
    effectivement à l’édification d’une démocratie moderne et que celle-ci
    passerait par des actions politiques pensées dans la perspective de
    mettre fin au pouvoir en place. Nous étions convaincus qu’Aït Ahmed
    endiguerait l’épiphénomène de l’intégrisme islamiste qui faisait
    surface et menaçait d’engloutir l’Algérie. Mais Aït Ahmed nous a
    trompés. En fait, il n’a jamais eu l’intention de sortir le pays du
    sous-développement et donc de renforcer son indépendance, conformément
    à la plate-forme de la vallée de la Soummam et celle d’El Kseur qui en
    découle et qui la parachève en posant les facteurs immatériels
    d’unification nationale dans le sens de la construction d’une société
    moderne.

    Aït Ahmed a toujours mal vécu la libre expression en dehors de son
    sillage. Le débat contradictoire est à ses yeux une entreprise
    subversive. Cela procède de son esprit féodal ; conception qu’il
    pourfend à l’extérieur mais qu’il promouvoit à l’intérieur du pays. Ce
    qui explique ses accointances avec les islamo-conservateurs partisans
    d’un régime autocratique, voire théocratique. Il est habité par une
    ambition dévorante de leadership mais, en même temps, il refuse d’en
    assumer les risques. Alors il s’amuse. Il joue, c’est un « alchimiste »
     ; il procède par empirisme. Le cas du « contrat de Rome » est édifiant :
    un rapprochement de sensibilités contradictoires et antinomiques. Aït
    Ahmed le sait mais défend cette mixture quitte à ce qu’elle explose à
    la figure de l’Algérie. Aït Ahmed ne veut pas assumer le risque
    qu’encourt tout homme politique. Le retour de M. Mohamed Boudiaf au
    pays et son assassinat ont révélé pour l’un, un sens patriotique très
    élevé et pour l’autre un réflexe proche de l’instinct de conservation.
    Aït Ahmed a pris la poudre d’escampette au moment où le pays allait
    sombrer dans le chaos. Il a fui chez lui, à Lausanne, en faisant
    croire que sa vie est plus importante que celle de trente
    millions d’Algériens ! Aït Ahmed ne se remet jamais en cause. Il a
    raison envers et contre tous. C’est toujours la faute des autres. Il
    accuse. Il déplore. Il justifie un fait par un autre. Il subit et fait
    rarement l’événement. Il se saisit de l’actualité qu’il interprète, et
    quand cette dernière n’est pas conforme à sa vision, il s’y oppose. Il
    ruse pour la récupérer et la soumettre à son avantage lorsque cela
    s’avère impossible, il recourt à sa disqualification, et son moyen
    favori est que derrière tout acte politique, il y a l’omniprésente
    police politique, le DRS ! Parce qu’il pense détenir la vérité et tout
    ce qui vient de l’extérieur dans son optique ne peut qu’entrer en
    conflit. Il y a carrément de son point de vue une lutte pour la survie
    idéologique et tous points de vue doivent systématiquement bannir
    celui des autres. Des notions élémentaires telles que la concertation,
    la discussion, la coopération lui sont totalement étrangères. Pendant
    que le peuple est aux prises avec des réalités effroyables et tente
    d’assurer sa survie physique et intellectuelle, Aït Ahmed se bat
    contre ses fantasmes et tente d’utiliser le champ politique afin
    d’exorciser ses propres démons. En 1992, Aït Ahmed aurait pu être
    l’homme porteur d’avenir et d’espérance, il a préféré rester celui du
    passé. Il a fait un choix qui ne tient pas compte des aspirations
    populaires, et cela dénote tout simplement le mépris qu’il porte pour
    la souche dont il est issu.

  • Sous le couvert d’un opposant plutôt irréductible, Aït Ahmed s’est
    toujours ingénié à s’opposer contre la mouvance démocratique. Pour
    preuve : le travail de sape que mène le FFS contre le mouvement
    citoyen et de sabordage de toutes initiatives de rassemblement de
    démocrates. Qu’on se rappelle quelques exemples parmi tant d’autres.

     A la marche des démocrates du 10 mai 1990, il oppose la contremarche
    partisane du 31 mai 1990.

     A la conférence nationale des démocrates, il répond par le Forum
    démocratique.

     A la plate-forme d’El-Kseur, il oppose son mémorandum adressé aux
    décideurs.

     Au mouvement citoyen, il oppose une terminologie réductrice de
    dissidence affaiblie d’un justificatif national pour insinuer que le
    mouvement citoyen de Kabylie est régionaliste, « comme si la Kabylie
    n’est pas une partie de l’Algérie ». A la lumière des points ci-dessus
    énumérés, il est clair qu’Aït Ahmed s’est toujours placé dans la
    posture de celui qui doit briser l’émergence de toute conscience
    démocratique et de modernisation. Sa seule ambition, devenue claire,
    est celle de dédouaner les islamistes de leurs crimes à grande
    échelle. Aït Ahmed s’insurge contre toutes les oppositions de la
    modernité et de la démocratie nées avant et après octobre 1988.

  • Aït Ahmed exclut manu militari toutes les compétences qui tentent d’instaurer un
    fonctionnement démocratique au FFS. Il expulse pratiquement tous les
    « quatrevingtards ». Au FFS, Aït Ahmed est hostile à tout débat
    politique interne. Il impose un discours monolithique au moyen d’une
    alchimie où interviennent à la fois le mensonge, le culte de la
    personnalité, le mythe, la haine et l’intégrisme. La raison finit par
    se perdre, la pensée s’aliène, tout sens de l’analyse est banni.
    L’intelligence cesse d’être une valeur pour devenir une tare, un
    obstacle à la promotion, un facteur de rejet et d’ostracisme. Les
    élites les plus engagées et résistantes sont mal vues, quand elles
    refusent de rejoindre le lot des opportunistes. Elles sont tout
    simplement combattues. Elles sont excommuniées. Toute référence à la
    modernité est perçue comme une trahison. Tout intellectuel est un
    auxiliaire de la police politique ou un élément du DRS. La militance
    acquise à la modernité qui résiste et essaye de dénoncer le populisme
    de Aït Ahmed est désignée à la vindicte ? Le mensonge, la ruse, et la
    duplicité politique sont au FFS un moyen d’émergence. Combien de
    compétences ont été réduites au silence, marginalisées ou exclues. Les
    militants du FFS sont réduits à être des adeptes asservis au chef. Aït
    Ahmed jette une chape de plomb sur tous les leaders d’opinion. Seules
    les voix qui le glorifient, vantent ses mythes et occultent les vrais
    problèmes sont autorisées. Du FFS, il en fait un conciliabule, un
    réseau de sociabilité, une nébuleuse où se fomentent et se concentrent
    des intérêts plus ou moins personnels. Faut-il rappeler l’exclusion de
    plusieurs générations de cadres politiques de valeur à l’exemple des
    frères Sadi, si El Hafid et d’autres ? Faut-il parler de méthodes
    abjectes dont use le FFS dans les villages pour passer au silence les
    voix contestataires ? Combien d’hommes et de femmes politiques
    porteurs d’une vision claire et construite de la société, le FFS a-til
    produits depuis ?

  • Aït Ahmed commentant la marche du 2 janvier 1992 :

    « Notre souci permanent est le changement radical du régime et cela de manière progressive. Ni par la violence, ni par la révolution mais grâce à un processus ordonné et avec la volonté de préserver la paix civile. »

    Jamais la révolution sociale, ni en 1947, ni en 1988, ni en 2001, ni en 2011, ni jamais !!!

  • Aït Ahmed ou l’art difficile de s’opposer au régime, sans s’opposer à l’Etat et surtout sans tenter de le déstabiliser et même en cherchant à le renforcer...

  • Au moins L’Hocine a été annoncé mort, ce qui n’est pas le cas de Bouteflika !

    Cela fait une différence... entre un président en exercice qui ne peut pas mourir et un "candidat" permanent à la présidence et en permanence repoussé qui, lui, le peut...

  • En tout cas, vous restez les mêmes !! Vous n’aimiez pas Aït Ahmed, le réformiste, le réconciliateur, le copain de tout le monde et d’abord de l’Etat et vous ne changez pas !

    Par contre, l’Algérie politicienne ne compte plus que des admirateurs de Aït Ahmed alors que les mêmes en disaient pis que pendre de son vivant !!!

    Bande d’hypocrites !!!

  • « Je ne saurais me consoler de la disparition de cet homme fidèle à sa patrie, soucieux de l’unité de sa nation, courageux dans ses positions, attaché à ses principes, affable, constructif dans ses critiques, digne dans son opposition à l’égard de certains responsables dont il contestait le mode de gouvernance et la méthode de gestion » aurait déclaré Bouteflika ou celui qui lui a prêté sa plume, puisque personne ne sait si Boutef n’a pas précédé Aït Ahmed dans la tombe...

  • Décrivant la politique coloniale de la France dans ses mémoires de guerre, Hocine Ait Ahmed écrit : « La liberté d’expression qu’il suppose est inconciliable avec le fait colonial : on ne discute pas avec un peuple qui n’existe pas. Quant à capituler devant les indigènes, mieux vaut passer pour un bourreau que pour un lâche. » Du coup, les militants nationalistes avaient « le sentiment d’être de nouveau piégés et encerclés par la guerre », écrit Hocine Ait Ahmed dans « l’esprit d’indépendance ».

    Cependant, pour affirmer l’existence du peuple algérien, le mouvement nationaliste, le PPA (Parti du peuple algérien), interdit depuis 1939, appelle à des manifestations, dans les grandes villes notamment, pour célébrer la fête du Travail. Bien que l’arsenal de guerre soit ostensiblement montré, le 1er mai 1945, les Algériens sont sortis massivement à Alger. « Deux cortèges, l’un partant de Belcourt et l’autre de la Casbah, devaient converger vers la Grande poste et le Palais du Gouvernement général, c’est-à-dire le cœur administratif de la capitale », note le dernier chef historique de la révolution algérienne encore en vie.

    D’une façon générale, les nationalistes savaient que la police allait réprimer, avec une grande sévérité, leur manifestation. En effet, au moment où les deux cortèges devaient faire jonction, la police française tira sur les manifestants. « On devait relever sept morts et des dizaines de blessés », témoigne Hocine Ait Ahmed. Parmi les blessés, il y avait Ouali Bennai, un membre actif du district du Djurdjura. Après la répression, encore plus aveugle, du 8 mai 1945, ce dernier songe à un combat direct. Pour ce faite, il sensibilise les jeunes militants sur la riposte à donner aux exactions des autorités coloniales.

    Ainsi, le 15 mai 1945, Ouali Bennai sollicite la section lycéenne de Ben Aknoun pour qu’elle fournisse les volontaires capables de mener le combat révolutionnaire. D’après Hocine Ait Ahmed, « le soir même, un taxi nous déposait tous les cinq (Ouali Bennai nous accompagnait) à Tizi Ouzou ; le véhicule appartenait à Mohamed Zekkal, un vieux militant du quartier Belcourt. » Les quatre autres sont : Laimeche Ali, Omar Oussedik, Hocine Ait Ahmed et Amar Ould Hamouda.

    Arrivés à Tizi Ouzou, les cinq rejoignent instamment la réunion du conseil du district. C’est le responsable du district, Halit, qui ouvre le débat. Dans cette réunion, l’agent de liaison du bureau politique, Arezki Djemaa, annonce la décision de la Direction clandestine du PPA : « La Direction décide l’insurrection générale pour la date du jeudi 23 mai 1945, à partir de zéro heure », a-t-il dit.

    De toute évidence, une telle décision mérite de plus amples explications et des instructions précises. « Nous attendions de la Direction des directives élaborées, voire une ébauche de plan général. Nous attendions un bilan sérieux en cadres militaires, effectifs, armement. Nous n’avons rien entendu là-dessus. Et nous étions qu’à une semaine du soulèvement », regrette Hocine Ait Ahmed le manque d’information ayant suivi la prise de décision de l’action armée.

    Quoi qu’il en soit, bien que la Direction ait agi sans préparer minutieusement l’action, le district du Djurdjura s’est apprêté à suivre le mot d’ordre. À cet effet, quatre grandes régions sont ainsi créées : Fort National (Larbaa Nath Irathen), Azazga, Dellys-Tigzirt et Michelet (Ain El Hammam). Les responsables sont respectivement Laimeche Ali, Bennai Ouali, Omar Oussedik et enfin Hocine Ait Ahmed et Amar Ould Hamouda.

    Cependant, après la répartition des responsabilités, les cinq décident de se voir le 19 mai à Larbaa Nath Irathen pour faire le point. « Le 19 mai, nous nous retrouvons donc près des hautes murailles de la forteresse, et nous mettons en commun nos constatations. La première, et la plus importante, c’est que les effectifs annoncés au conseil du district ont fondu au soleil, car ils n’existent pratiquement pas », note Hocine Ait Ahmed. En effet, ceux qui cotisent ne sont pas forcément des militants.

    Du coup, en peu de temps, les organisateurs doivent réunir les troupes nécessaires pour être prêt le jour J. Recrutant son commando à Ath Ouacif, Ait Ahmed rassemble une centaine d’hommes. « Et voici arrivée la journée du 22 mai. Je passe toute la matinée au grand marché rural de Beni-Ouacif, pour les ultimes préparatifs. Cinquante membres du commando sont prêts ; aucun de ceux qui ont été choisis ne s’est dérobé », relate Hocine Ait Ahmed.

    Finalement, avec des moyens infimes, le groupe des cinq est prêt à lancer l’insurrection à 21heures 30. Mais à 18 heures, Laimeche Ali a appelé Hocine Ait Ahmed au téléphone pour lui dire que l’opération avait été annulée. « Ne viens pas, la fête est reportée », tel est le message codé annonçant la non-exécution du plan prévu. Toutefois, « En Haute Kabylie, et, en basse Kabylie, dans la région d’Azeffoun, la situation politique fut rapidement et totalement maitrisée après le message d’annulation… En revanche, dans la zone qui va de Boghni à Tigzirt, les choses se gâtèrent », note Hocine Ait Ahmed.

    La révolution est annulée par le PPA. Pour la leçon politique que tire Haït Ahmed de tout cela, il suffit effectivement de lire le rapport de 1947. Il repousse définitivement le soulèvement de masse, la révolution sociale...

  • A propos de la révolte de 1988...

    Deux semaines avant le déclenchement des premières révoltes, surgit la rumeur d’une grève générale pour le 5 octobre. Celle-ci s’amplifie une semaine après, alors même que n’existe aucun tract ou mot d’ordre d’une quelconque organisation, comme le relèvera Abed Charef, journaliste et observateur attentif des événements. Pourtant, les grèves restent limitées à certains secteurs : SNVI (Société nationale de véhicules industriels), Air Algérie, PTT ; et elles cessent le 5 octobre.

    En fait, les premières émeutes ont déjà lieu le 3 octobre à El-Harrach, un quartier d’Alger. Un dispositif de sécurité renforcé est déjà mis en place pour prévenir toute extension des manifestations.

    Dans la nuit du 3 au 4 octobre, interviennent les premières arrestations de militants de gauche (comme Kamel Kateb, enseignant à l’École polytechnique d’architecture et d’urbanisme). Mais c’est surtout à partir du 5 qu’elles seront nombreuses. Le PAGS (Parti de l’avant-garde socialiste, ancien parti communiste algérien, opérant dans une semi-clandestinité depuis l’indépendance) publie le 9 octobre une déclaration pour annoncer que :

    « Depuis le 27 septembre, des dizaines de militants ou de sympathisants de ce parti ont été arrêtés, interpellés, ou sont recherchés par les services de répression. »

    Le 4 octobre au soir, à Alger, des émeutes se déclenchent à Bab-el-Oued, qui aboutissent quelques heures plus tard à des confrontations violentes avec les forces de l’ordre.

    Le lendemain, vers 8 h 30, des marches de lycéens sont organisées au centre-ville. Se rallient des centaines de jeunes qui sillonnent les rues et bloquent les véhicules, dans une ambiance bon enfant. Les policiers présents n’interviennent pas, partout les magasins ont ouvert normalement, les terrasses de café sont pleines. Ce n’est que deux heures après que les émeutes débutent et se propagent dans toute la ville. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, M. El Hadi Khediri, relate :

    « Tout le monde croit que les événements ont éclaté le 5 alors que nous étions mobilisés depuis que, le 3 octobre, des perturbations s’étaient déclarées à El-Harrach. En outre, une grève générale avait été lancée un mois auparavant à Rouiba. [.] La police était donc déjà mobilisée bien que dispersée. Elle devait, en effet, faire face aux manifestations d’El-Harrach, à la grève de Rouiba et aux émeutes de Bab el-Oued qui avaient commencé le 4 octobre vers 18 heures. »

  • Le 12 mai 2001, alors que la révolte des jeunes, des femmes et des travailleurs bat son plein, Aït Ahmed écrit dans son « Mémorandum aux décideurs » :

    « Le FFS interpelle solennellement tous les décideurs. Il les adjure d’opérer les révisions déchirantes nécessaires pour mettre en œuvre sans délai une sortie de crise politique et démocratique. Les enjeux dépassent plus que jamais aujourd’hui les considérations de personne, de régions ou d’appareils. Il s’agit d’abord de sauver notre pays du chaos, de le hisser au rang digne de son rayonnement passé, de ses immenses potentialités présentes et par dessus tout de l’avenir et du bonheur des générations montantes. Il importe de tourner la page des fausses solutions, des faux dialogues, des manœuvres de sérail et des diversions dangereuses. Le vrai patriotisme nous impose l’obligation d’en finir avec les atteintes aux droits de l’Homme, l’arbitraire sans limite, la détresse morale et sociale, l’impunité du crime organisé que les détenteurs de la rente pétrolière tentent d’occulter par des campagnes médiatiques et diplomatiques qui ne trompent personne, y compris désormais à l’étranger. »

    Il demande donc à la dictature militaire de s’auto-réformer et n’appelle nullement le peuple travailleur d’Algérie à imposer la démocratie !

  • Dans ce « mémorandum » adressé aux tueurs, il parle de « créer un climat favorable à l’ouverture d’un dialogue entre le pouvoir et les forces politiques et sociales en vue d’amorcer une véritable transition démocratique. »

    Au moment où il écrit cela des jeunes sont tués « à belles réelles » !!!

  • 18 juin 2001 : à la radio française France Inter, Aït Ahmed déclare : « Il faut une transition démocratique avec la garantie de l’armée. »

    Audition d’Aït Ahmed à la requête de la défense Le procès de « La Sale Guerre »

    « Par exemple, ce n’est pas inintéressant de vous dire que j’avais eu une mésentente avec Boudiaf qui, comme moi, avait été élu député et qui ne voulait pas siéger. Il avait créé un parti : le PRS. J’ai eu une longue discussion avec lui et je lui ai expliqué : « Ton parti, c’est une petite verrue, le FLN a la légitimité intérieure et internationale. Le mieux que l’on puisse faire, au stade actuel, c’est de faire connaître nos idées démocratiques, de rappeler que le but de guerre qui est inscrit dans la déclaration du 1er novembre, c’est de créer une république démocratique sociale, évidemment en invoquant le respect des principes de l’islam. Donc, viens combattre, viens animer le débat à l’Assemblée… »

    Comment Aït Ahmed acceptait d’être manipulé par Nezzar, de bavarder avec les responsables dont il venait de dire qu’ils avaient massacré la jeunesse algérienne à l’arme lourde deux ans avant :

    « M. Nezzar a demandé à me rencontrer. D’habitude, c’est un principe dans notre parti, on prend les contacts officiels à deux ou trois, c’est plus responsable. Je me suis dit que quand même c’était important, que s’il y avait une chance après le premier tour d’éviter la catastrophe, il fallait la saisir. Donc j’ai eu un très long débat avec M. Nezzar. En fait, je n’avais pas compris le but de sa démarche. C’est par la suite qu’on m’a dit que peut-être il désirait que je sois à la tête du pays parce que je suis un « historique », parce que si on allait chercher Boudiaf au Maroc, loin, en négligeant ceux qui sont sur place, ce ne serait pas compris des gens. Ou bien m’inclure dans le Haut Comité d’État. Je n’ai pas compris, c’est par la suite qu’il y a eu des interprétations. Bref, mon souci c’était de lui dire : « S’il vous plaît, n’intervenez pas. » Nezzar, nous sommes sous serment, je suis sous la foi du serment. Je vous ai dit alors de ne pas intervenir. Vous m’avez dit : « Nous n’interviendrons jamais. » Je vous ai dit : « Non, pas jamais. Si on a au préalable utilisé la loi, la Constitution, nous avons un président, nous avons ce qu’on appelle un retranchement constitutionnel, si un Parlement vote une loi liberticide ou attentatoire aux principes constitutionnels, si cette loi passe en deuxième lecture, il y aura dissolution. Nous avons donc cette possibilité. » La deuxième possibilité, c’est le deuxième tour. C’est vrai que le FIS avait pris un très grand avantage, mais là aussi nous avions la possibilité d’un troisième tour grâce aux cent cinquante à cent soixante recours déposés. Nous-mêmes avions déposé auprès de la Cour constitutionnelle trente dossiers de recours pour fraude contre le FIS, avec des documents, des preuves. Il y avait donc cette possibilité. Mais puisque de toute manière les islamistes auront la majorité relative, c’est à ce moment-là, lorsqu’ils seront au Parlement, qu’ils seront divisés. C’est facile de faire des manifestations de rue au nom de l’islam en disant « Le Coran est notre Constitution », mais quand il s’agit de proposer des programmes culturels, des programmes économiques, c’est un autre problème. Or j’ai découvert au sein du FIS Abdelkader Hachani, qui était une véritable tête politique, qui pensait que l’Algérie n’était pas mûre pour la République islamique. Lui en particulier et ses hommes voulaient trouver un canal d’expression. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, après l’arrestation des deux grands chefs en juin, il a convoqué un congrès à Batna au mois d’août et il a exclu tous les violents du FIS. C’est vous dire qu’il y avait des chances d’impliquer politiquement une partie du FIS et d’éviter surtout une interruption des élections. Alors, M. Nezzar, vous avez fait le coup d’État... Quelques jours après le coup d’État, M. Nezzar demande à me voir de nouveau. Je dis alors : « Non, moi je ne viens pas tout seul, je viens avec mes camarades. Et puis, où doit-on se rencontrer ? » Il m’a dit : « Ici, à la Défense. » J’ai dit : « Pourquoi vous ne venez pas au siège du parti ? » Évidemment, c’était une prétention de ma part, je le savais, c’est même indécent, mais c’est une manière de casser la langue de bois, de dire qu’on ne veut pas apparaître dès qu’on appuie sur un bouton. Il a dit : « Bien. On va venir. » Effectivement, on nous a envoyé des voitures, mais pour nous amener. On nous a fait faire des tours du diable pour nous conduire de notre siège à la Défense nationale, pour « tromper l’ennemi parce que le FIS est partout », alors qu’il n’y avait même pas encore de violences. Arrivés à l’entrée de la guérite, on a fait baisser la tête à mes amis pour que le soldat de faction ne les reconnaisse pas. J’ai refusé. C’est toujours ces décors à la Potemkine ! Montrer que le GIA est partout, qu’il a une direction politique importante, qu’il a des réseaux partout ! Nous avons eu de très longues discussions, très sereines, n’est-ce pas, M. Nezzar ? Vous avez parlé, j’ai parlé. Vous m’avez dit : « Qu’est-ce qu’il faut faire ? » J’ai dit : « Négociez maintenant, avant que la violence n’apparaisse, et je connais des gens qui sont assez modérés pour jouer le jeu. » Vous n’étiez pas d’accord. »

  • .
    La thèse numéro un du « zaïm », Aït Ahmed, c’est d’affirmer que « toutes les révolutions ont été manipulées » mais il est lui-même la preuve du contraire, en ce qui concerne la fausse révolution algérienne. En effet, son texte fondamental, le rapport de l’Organisation spéciale (OS) expose par avance ce que sera la perspective du FLN pour l’Algérie, celle de l’ « indépendance » à savoir non pas une révolution des masses ouvrières et paysannes, non pas une révolution pour en finir avec l’impérialisme et le capitalisme, non pas pour mettre en place le pouvoir des travailleurs, mais pour convaincre l’impérialisme français de s’entendre avec sa direction, pour lui laisser une petite place au sein du monde impérialiste, et pour donner le pouvoir à l’armée algérienne et utiliser l’islam pour encadrer la population. Le programme de la prétendue « révolution algérienne » n’a pas été trahi mais appliqué à la lettre !

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.