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Le premier grand commerce international utilisait la monnaie des coquillages cauris il y a plus de 4000 ans

samedi 20 février 2021, par Robert Paris, Tiekoura Levi Hamed

Le premier grand commerce international utilisait la monnaie des coquillages cauris il y a plus de 4000 ans

Il y a plusieurs milliers d’années, le peuple chinois avait besoin d’une monnaie efficace qui pourrait être utilisée pour le commerce dans toutes les parties de son immense empire.
Ils ont ainsi choisi les carapaces de cauris parce qu’elles étaient difficiles à contrefaire, mais surtout parce que les sources de cauris étaient loin de la Chine et étaient donc difficiles à obtenir. Cela signifiait que seules les personnes les plus riches pouvaient obtenir de grandes quantités de ce produit.
Les systèmes monétaires en Chine sont bien documentés. Des gravures nous renseignent sur l’usage monétaire des coquillages, datant du XIIIème siècle av JC.
Les coquilles de cauris sont si profondément ancrées dans la culture chinoise que de nombreux caractères écrits en langue chinoise qui font référence à l’argent ou au commerce, contiennent le symbole de la coquille de cauris : 貝

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Les cauris, utilisées en Chine il y a plus de 4 000 ans : la porcelaine monnaie (Cypraea moneta) et la porcelaine anneau d’or (Cypraea annulus). Les cauris servaient encore de monnaie, dans l’Empire du Milieu, à l’époque de Marco Polo, au début du XIVe siècle. Initialement, il s’agissait de coquillages bruts. Puis, pour éviter de les faire venir de régions trop éloignées, les Chinois en firent des imitations de plus en plus simplifiées, en utilisant de l’os, du métal, de la terre cuite ou de l’ivoire. De cette époque, il reste en Chine l’idéogramme du mot « acheter », qui s’inspire de l’apparence du cauri.
Les cauris circulaient aussi en Inde, au Cambodge, en Thaïlande et en Birmanie il y a 2 000 ans. Au Bengale, ils ont perduré jusqu’au XXe siècle. Pendant longtemps, les cauris qui inondaient le monde étaient pêchés aux Maldives et dans l’archipel de Laccadive, au Sud-Ouest de l’Inde. Leur nom est d’ailleurs issu du terme hindou kauri.
En Afrique de l’Ouest et dans une partie de l’Afrique centrale, les populations utilisaient également les cauris. Des marchands arabes les transportaient par bateau (s’en servant de lest) jusqu’en Afrique du Nord. Puis des caravanes, traversant le Sahara, prenaient le relais.
Les commerçants de la péninsule arabique ont introduit des coquilles de cauris (provenant d’Inde) sur les marchés africains, et ils se sont rapidement répandus sur tout le continent.
Quand les commerçants et les explorateurs portugais, anglais, français et néerlandais ont vu le potentiel de cette monnaie, ils ont commencé à en accumuler d’énorme quantités. Cela a provoqué un énorme déséquilibre dans le système commercial régional. L’importation de cauris le long de la côte ouest de l’Afrique a entraîné la disparition de nombreuses monnaies locales.
D’un autre côté, l’Inde s’est retrouvée avec une énorme pénurie de cauris tout au long du XVIIe siècle.
Les coquillages Cauris ont été retrouvé à de nombreux endroits autour de la Terre, parfois très éloignés des sources principales. L’utilisation de cauris dans le commerce a également été enregistrée en Amérique du Nord. Les Ojibwés (Chippewa) utilisaient des carapaces de cauris pour le commerce et dans leurs cérémonies.
Il est intéressant d’observer que ces coquillage sont arrivés jusqu’à là, si loin au nord, où on ne les trouve pas habituellement. Selon leurs récits, ils les auraient trouvés dans le sol ou échoués sur les rives des lacs, mais historiquement la provenance de ces coquillages est dû aux échanges commerciaux de la tribu avec des étrangers.

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Ce sont les Chinois qui ont inventé l’économie monétaire et le grand commerce mondial…

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La civilisation chinoise n’a pas été créée par l’Etat, par le pouvoir central, le royaume ni l’empire…

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Le grand commerce mondial date de bien avant le milieu du moyen-âge ! On a connu un marché mondial avec l’extension à une grande partie du monde de la monnaie du « coquillage cauris » ! On a vu une bourgeoisie commerçante parcourir le monde avec les marchands chinois et indiens, avec les « pochtecas » de l’Amérique centrale et du sud, notamment au Pérou, au Guatemala… Le grand commerce a été développé à grande échelle en Afrique, au Moyen-Orient.
C’est d’ailleurs la Chine qui est le premier pays où la grande bourgeoisie a été à deux doigts de prendre et de conserver le pouvoir d’Etat en renversant la classe des seigneurs féodaux. Et cela ne s’est pas produit dans la même période mais beaucoup avant !!! Cela s’est produit avant l’époque de… Jésus-Christ, pour prendre la référence chronologique préférée des historiens occidentaux ! De même, la société bourgeoise n’est pas apparue aux Amériques avec les conquérants occidentaux mais bien avant. Elle est « précolombienne », comme le disent les historiens occidentaux, employant ainsi une expression curieuse, comme si une époque plus ancienne devait être dénommée en fonction des événements qui allaient la suivre… Subrepticement, l’histoire étudiée et enseignée apparaît comme une succession progressive quasiment préétablie, avec une logique simple, comme en marches d’escalier.

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Le cauri, que l’on trouve essentiellement dans les eaux chaudes des océans Indien et Pacifique franchit les mers et les montagnes jusqu’à devenir un des moyens de paiement les plus utilisés par les nations commerçantes de l’Ancien Monde. Il a circulé un peu partout en Asie, en Afrique, en Océanie, et même ça et là en Europe. Les traces les plus anciennes d’utilisation de ce moyen de paiement, représentées sur des objets en bronze découverts en Chine, remontent au 13e s. av. J.-C. De même, certains idéogrammes de l’écriture chinoise évoquent les cauris quand il s’agit de représenter des mots à forte connotation économique comme “monnaie”, “argent”, “acheter”, “valeur” …
La récolte et le commerce des cauris se développa dans les îles Maldives jusqu’à atteindre une échelle quasi-industrielle. Les femmes avaient pour tâche de tisser des nattes en feuilles de cocotier. Celles-ci étaient déposées sur la mer pour permettre aux petits mollusques de s’y accrocher. Après séchage sur la plage, seuls les coquillages subsistaient et étaient ainsi prêts à poursuivre leur existence comme moyen de paiement. Le gros de la production était ensuite acheminé par des marins locaux vers le grand centre de distribution, situé au Bengale.

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Le grand commerce, la Chine l’a développé bien avant son Etat central. 3500 ans avant J-C, se développe déjà ce que sera l’empire commercial bourgeois chinois dont l’extension suit sa monnaie, le cauri, de l’Inde aux Iles du Pacifique, alors que l’Etat central chinois, l’Empire du Milieu, n’apparaît qu’au 4ème siècle avant J.-C ! L’échec de la bourgeoisie chinoise dans sa tentative d’arriver au pouvoir, avec l’écrasement de la révolution des Turbans jaunes au 2ème siècle avant J.-C, sonne le glas de la supériorité (économique, social et culturelle) de la Chine, les féodaux ayant détruit le pays pour conserver leur mainmise (voir chapitre précédent). C’est seulement beaucoup plus tard que d’autres bourgeoisies vont se développer, en Inde, en Mésopotamie et ailleurs dans le monde.

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Le grand commerce fondé sur la monnaie cauri, vers 1300 av. J.-C., a traversé les mers et les océans…

Dès avant notre ère, ces coquillages ont servi de moyen de paiement et leur possession constituait un signe tangible de prospérité et de puissance. Ils ont conservé ce statut jusqu’au 20e siècle après JC. Toutes les caractéristiques que l’on attend d’une monnaie, la solidité, la maniabilité, la divisibilité et le fait qu’elle soit facilement identifiable se retrouvent dans ces petits coquillages. Comparés à des produits alimentaires, par définition périssables, ou à des plumes, qui pourraient être attaqués par la vermine, ils supportent aisément les manipulations, sont petits et donc faciles à emporter.

Le cauri, que l’on trouve essentiellement dans les eaux chaudes des océans Indien (notamment aux Maldives) et Pacifique franchit les mers et les montagnes jusqu’à devenir un des moyens de paiement les plus utilisés par les nations commerçantes de l’Ancien Monde. Il a circulé un peu partout en Asie, en Afrique, en Océanie, et même ça et là en Europe. Les traces les plus anciennes d’utilisation de ce moyen de paiement, représentées sur des objets en bronze découverts en Chine, remontent au 13e s. av. JC. De même, certains idéogrammes de l’écriture chinoise évoquent les cauris quand il s’agit de représenter des mots à forte connotation économique comme « monnaie », « argent », « acheter », « valeur ».

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Bien avant notre ère, ces coquillages ont servi de moyen de paiement et leur possession constituait un signe tangible de prospérité et de puissance.
Ils ont conservé ce statut jusqu’au XXe siècle. Toutes les caractéristiques que l’on attend d’une monnaie, la solidité, la maniabilité, la divisibilité et le fait qu’elle soit facilement identifiable se retrouvent dans ces petits coquillages dont les deux espèces principales sont les cypraea moneta et cypraea annulus. Comparés à des produits alimentaires, par définition périssables, ou à des plumes, qui pourraient être attaqués par la vermine, ils supportent aisément les manipulations, sont petits et donc faciles à emporter (…). IIs ont pratiquement tous la même forme et la même taille, de sorte qu’il suffisait de les compter ou de les peser pour déterminer la valeur d’un paiement.
Ils étaient le plus souvent enfilés en bracelets ou en colliers ou empaquetés de façon à former de plus grandes unités. Ainsi, sur le marché du Bengale, les transactions importantes se faisaient au moyen de paniers de cauris. Chaque panier contenait environ 12 000 coquillages. La forme du cauri en faisait en outre un symbole de fécondité, ce qui le rendait d’autant plus appréciable dans certains peuples.
Le cauri, que l’on trouve essentiellement dans les eaux chaudes des océans Indien et Pacifique franchit les mers et les montagnes jusqu’à devenir un des moyens de paiement les plus utilisés par les nations commerçantes de l’Ancien Monde. Il a circulé un peu partout en Asie, en Afrique, en Océanie, et même ça et là en Europe. Les traces les plus anciennes d’utilisation de ce moyen de paiement, représentées sur des objets en bronze découverts en Chine, remontent au XIIIe s. av. J.-C. De même, certains idéogrammes de l’écriture chinoise évoquent les cauris quand il s’agit de représenter des mots à forte connotation économique comme “monnaie”, “argent”, “acheter”, “valeur” (…)
La récolte et le commerce des cauris se développèrent dans les îles Maldives jusqu’à atteindre une échelle quasi-industrielle. Les femmes avaient pour tâche de tisser des nattes en feuilles de cocotier. Celles-ci étaient déposées sur la mer pour permettre aux petits mollusques de s’y accrocher. Après séchage sur la plage, seuls les coquillages subsistaient et étaient ainsi prêts à poursuivre leur existence comme moyen de paiement. Le gros de la production était ensuite acheminé par des marins locaux vers le grand centre de distribution, situé au Bengale.
La loi de l’offre et de la demande, une des règles de base de l’économie, déterminait en grande partie la valeur du cauri. Dans les régions retirées, loin des lieux de production ou des importants centres de commerce, on pouvait acheter une vache pour une poignée de cauris. Les caravanes de marchands arabes introduisirent l’usage – limité – du cauri en Afrique. En revanche, les Portugais, les Français, les Anglais et les Hollandais ont profité pleinement du penchant de certaines tribus africaines pour les cauris, pour en faire le moyen de paiement par excellence pour le commerce des esclaves, de l’or et d’autres biens encore. Cependant, l’introduction massive des cauris sur la côte occidentale de l’Afrique provoqua bien quelques perturbations : le XVIIe siècle vit apparaître une pénurie de cauris en Inde tandis qu’en Afrique, des moyens de paiement locaux ont été relégués à l’arrière-plan ou ont tout simplement disparu.
Encore utilisé ça et là jusqu’au XXe siècle, le souvenir de ce moyen de paiement extrêmement populaire se perpétue dans les collections des musées consacrés à la monnaie.

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On retrouve des traces de son utilisation en Chine dès la dynastie Shang (1600-1046 av. J.-C.). Pendant la dynastie Zhou (800-300 av. J.-C.), des cauris en jade ou en noyaux d’arbres fruitiers sont utilisés comme monnaie.
Répandus par les marins arabes et européens dès le Xe siècle, ces coquillages étaient utilisés comme monnaie dans une grande partie de l’Afrique et de l’océan Indien : le principal fournisseur en était les Maldives, qui conservent encore ce coquillage comme symbole de leur monnaie sur tous les billets de banque.
Dans le cadre des traites négrières, au XVIIIe siècle, « 74 tonnes [de cauris] étaient annuellement introduites par les Hollandais, et 50 par les Anglais, tandis que Français, Danois et Hambourgeois transportaient une dizaine de milliards de coquilles ».
Au milieu du XIXe siècle, le cauri — appelé l’ouda — pouvait s’acheter à Mogador au prix de 40 à 45 francs de l’époque pour un quintal anglais, et passer ensuite à Tombouctou comme monnaie courante au change de 4 000 pour un mizen d’or, soit 12,50 à 12,60 francs de l’époque. Les plus petits étaient les mieux appréciés.
Au début du XXIe siècle, certains États africains (Bénin, Burkina Faso) utilisent encore les cauris en complément du franc CFA. Un sac de coquillages (soit 20 000 cauris7) vaut 2 000 francs CFA, environ 3 euros.

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Lire sur les cauris d’Afrique :

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Lire sur l’utilisation monétaire des cauris au royaume de Ouidah (Bénin) :

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Les caravanes de commerçants arabes furent sans doute les premières à introduire les cauris en Afrique de l’Ouest, probablement dès le 8ème siècle. Au 15ème siècle, ces coquillages circulaient déjà en tant que devise, en particulier dans l’Empire du Mali. Mais ce sont les Portugais, Français, Anglais et Néerlandais qui ont enterré l’Afrique sous une véritable avalanche de cauris. Les Européens, s’apercevant de l’affection des Africains pour ces petits coquillages, ont aidé à en faire la devise principale dans le commerce, en particulier d’esclaves et d’or.

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Pendant mille ans, elle a été la monnaie africaine la plus répandue et le symbole de la richesse de ses rois. On le trouve encore aujourd’hui sur les marchés, dans les maisons et sur les masques. Le cauri, coquillage, talisman et amulette, symbole sexuel et décoration de beauté, est le miroir d’une Afrique secrète, qui ne se révèle pas à nos yeux. Les cauris sont depuis mille ans et plus (et sur certains marchés de savane, ils sont encore aujourd’hui) la monnaie par excellence de l’Afrique. La pièce de monnaie Cyprea (c’est son nom scientifique), une coquille de forme ovale, de couleur porcelaine, aux reflets lumineux, faisait la richesse des grands royaumes africains du Mali, du Dahomey et du Nigéria. Les rois du peuple Mossi, pendant de nombreux siècles, ont exigé de leurs vassaux, un hommage annuel d’un million de cauri. Les marchands d’esclaves européens payaient en cauri les biens humains qu’ils achetaient aux pillards africains (sur la Gold Coast, en 1600, un esclave coûtait 55 livres de cauri). Le roi Gezo, souverain du Dahomey, n’a jamais caché sa préférence pour les paiements de cauri à l’or : "C’est seulement ainsi que je suis sûr que je ne serai pas trompé." Le roi de Juda avait le même souci : "Mieux vaut être payé en cauri - il a avoué à un missionnaire - les marchands blancs ne peuvent ni me tromper, ni compenser le poids." Les petits coquillages, en effet, pouvaient être comptés, empilés, empilés les uns sur les autres. Ils étaient simples à utiliser et ne pouvaient pas être truqués. Et c’est peut-être la solution simple à un petit mystère économique : « Nous n’avons jamais su pourquoi le cauri avait été choisi comme monnaie », explique l’économiste Karl Polanyi. Fin 1500, nous racontent les chroniques médiévales, la descente du fleuve Niger de Djennè à Tombouctou coûtait deux mille cauri. L’explorateur du XVIIIe siècle Mungo Park a loué une cabane dans le village malien de Soubou pour deux cents cauri (un prix blanc). Bref, le cauri est devenu une monnaie puissante et polyvalente : signe de la richesse des royaumes du golfe de Guinée et don aux pauvres, en de grandes occasions, des rois d’Afrique de l’Ouest. Ils étaient et sont toujours un talisman, symbole de puissance, de fertilité et de magie. Ils étaient (et sont) utilisés par les prêtres vaudous pour leurs divinations, par les conteurs comme amulette, par les femmes comme décoration de colliers et de ceintures. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, ces coquilles avaient une diffusion monétaire beaucoup plus large que le dollar ou la livre sterling. Mais les empires coloniaux ne savaient pas quoi faire de ces obus. Pour les impôts, ils exigeaient d’être payés en monnaie « occidentale » : ils interdisaient l’importation de cauri et envoyaient l’armée étouffer les révoltes des Africains. "Si la France demande à être payée en biscuits français au lieu de nos pièces de monnaie, elle veut un combat", a craqué un chef touareg. La nouvelle finance internationale ne pouvait pas supporter un univers économique et social séparé et différent comme l’Afrique. Les monnaies européennes ont donné une main brusque et impitoyable dans la démolition de l’économie traditionnelle. Le cauri devait être interdit, la nouvelle monnaie devait être frappée à la menthe de Paris ou de Londres et ne pas se trouver sur les plages des Maldives.

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Le cauris en Afrique occidentale française :

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Le cauri monnaie de la traite des esclaves :

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Quand la bourgeoisie française s’enrichissait grâce aux cauris :

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Depuis Boas et Malinowski, on a découvert de multiples sociétés préoccupées d’accumuler des objets précieux (parures de plumes, perles, dents de cochon, de dauphin, etc.) et de les transformer en un « fond de pouvoirs », en moyens d’accéder aux fonctions et aux statuts les plus valorisés au sein de ces sociétés. En apparence, ces biens précieux semblaient jouer le rôle de notre monnaie, mais, très rapidement, on ne pût ignorer que ces « monnaies » primitives s’échangeaient rarement, et le plus souvent jamais, contre de la terre et contre du travail, que leur accumulation et leur circulation entre les individus et les groupes n’entraînaient pas un développement général des forces productives, comme c’est le cas de l’accumulation du capital dans les sociétés marchandes capitalistes.

Objets à exhiber, à donner ou à redistribuer pour créer une relation sociale (mariage, entrée dans une société secrète, alliance politique entre tribus), pour effacer une rupture dans les relations sociales (offrandes aux ancêtres, compensations pour meurtres ou offenses), pour créer ou symboliser une position sociale supérieure (potlatch, objets de luxe accumulés et redistribués par les hommes importants ou les chefs ou les rois), les objets précieux des sociétés primitives n’étaient donc pas du capital et fonctionnaient rarement à l’intérieur de ces sociétés comme une monnaie ou comme un moyen d’échange commercial. Ils fonctionnaient comme des moyens d’échange social, de valeur symbolique multiple et complexe, mais d’usage et de circulation cloisonnés, aux limites déterminées par la structure même des rapports sociaux de production et de pouvoir.

Cependant, on oublie généralement que tous ces objets précieux étaient soit fabriqués, soit obtenus au prix d’un grand travail ou de compensations très importantes en produits rares et possédaient donc dès qu’on les troquait une valeur d’échange. A Malaïta par exemple, les brasses de monnaie de perle blanche venaient de chez les Kwaio qui les exportaient chez leurs voisins. Un individu ne pouvait récolter sur les récifs, polir et percer, plus de deux brasses de perles (au maximum) par mois. Les dents de dauphin venaient de chez les Lau, pêcheurs d’une adresse remarquable qui vivaient sur de petites îles où l’agriculture était impraticable et qui échangeaient ces dents contre des porcs et de la nourriture végétale. Les meules de pierre de Yap provenaient d’îles fort lointaines et exigeaient de véritables expéditions maritimes pour aller les extraire, les tailler et les rapporter. De façon générale, partout, à l’intérieur de l’Afrique, de l’Asie, de la Nouvelle-Guinée, circulaient des cauris qui provenaient des rivages lointains, de l’Inde par exemple, et étaient acquis par l’échange de produits locaux rares. Donc à l’entrée ou à la sortie de chacune de ces sociétés, ces objets précieux prenaient provisoirement la forme de marchandises troquées à des taux fixes ou fluctuant assez peu. A l’intérieur de chaque société, ils circulaient le plus souvent non plus comme marchandises, mais comme objets à donner ou à redistribuer dans le procès même de la vie sociale, des rapports de parenté, de production et du pouvoir.

Donc, si notre analyse est exacte, elle oblige à conclure que très souvent les objets précieux que l’on rencontre dans les sociétés primitives sont d’une double nature, à la fois marchandise et non marchandise, « monnaie » et objet à donner, selon qu’ils sont troqués entre les groupes ou qu’ils circulent en leur sein.

Ils fonctionnent d’abord comme marchandises si on est obligé de les importer ou qu’on les produise pour les exporter. Ils fonctionnent ensuite comme objets de prestige, objets d’échange social lorsqu’ils circulent à l’intérieur d’un groupe par le mécanisme des dons et d’autres formes de redistribution. Le même objet change donc de fonction, mais de ses deux fonctions, la seconde est dominante car elle prend racine et sens dans les exigences des structures dominantes de l’organisation sociale primitive, parenté et pouvoir.

Il faut d’ailleurs signaler qu’un objet précieux ne fonctionne pas seulement comme marchandise lorsqu’il est importé ou exporté entre des groupes, mais à chaque fois aussi qu’il est troqué entre membres d’un groupe et non donné ou redistribué. Il circule dès lors à l’intérieur de ce groupe comme marchandise, bien qu’il puisse y circuler la plupart du temps comme une non-marchandise, un objet à donner, un objet d’échange social.

Il faut enfin préciser qu’il ne suffit pas à un objet précieux de circuler comme marchandise pour qu’il devienne une « monnaie ». Il faut en outre une condition supplémentaire : qu’il soit possible de l’échanger contre plusieurs marchandises de type différent. Par exemple à Malaïta, un collier de perles rouges s’échangeait contre des porcs ou contre des outils de pierre taillée, ou contre de la nourriture crue ou cuite, etc., et fonctionnait dans ce cas-là comme une monnaie.

Donc, pour nous résumer, la plupart du temps, les objets précieux qui circulaient entre les sociétés primitives et en leur sein étaient à la fois des objets d’échange commercial et des objets d’échange social, des biens à troquer et des biens à exhiber et à donner, des marchandises qui parfois devenaient des monnaies et des symboles, des signes visibles de l’histoire des individus et des groupes qui recevaient leur sens du fond le plus intime des structures sociales. C’étaient donc des objets multifonctionnels dont les fonctions ne se confondaient pas, même quand elles se superposaient et se combinaient, et qui circulaient toujours dans des limites étroites, déterminées par les structures mêmes des sociétés primitives où le travail, et surtout la terre, ne se transformaient jamais en marchandises qu’on peut acquérir contre d’autres marchandises.

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