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La lutte des travailleurs des ports et docks

lundi 22 février 2010

Mai 2008

Le projet de loi proposé par le gouvernement ouvre une période de négociation de six mois entre les syndicats, les agences de l’Etat et les affréteurs privés comme la CMA-CGM afin de déterminer le contenu précis de la loi. Confiant que les syndicats finiraient par collaborer avec le gouvernement, Bussereau a dit sur la chaîne télévisée France 3, « Il y aura des discussions port par port, métier par métier, on fera du cousu main. Mais nos organisations syndicales savent bien que nos ports doivent bouger. »

Le Syndicat CGT (Confédération générale du travail), qui est en position dominante sur les ports, a répondu par des appels à une grève tournante d’un jour par semaine, commençant le 14 avril. Dès le 18 avril, il commençait à se former des retards. Quelque 33 cargos et tout le trafic de pétrole, de minerais et de conteneurs étaient bloqués à Marseille, le plus grand port français. Le déchargement du trafic de conteneurs avait cessé au Havre et à Rouen, les ports les plus proches de Paris. Le 20 avril, la CGT a mis fin à la grève déclarant qu’elle appellerait plutôt à une grève nationale d’une journée le 23 avril, jour où le projet de loi de privatisation serait présenté au conseil des ministres.

Après la grève du 23 avril, la CGT a appelé à reprendre le travail. Les travailleurs ont finalement repris le travail, tandis que 43 cargos (principalement des navires pétroliers et des cargos transportant des produits chimiques) restaient en rade dans le port de Marseille dont les terminaux à conteneurs étaient menacés de « blocage total », d’après le président du syndicat maritime de Marseille-Fos, Marc Reverchon. Les grèves se sont poursuivies au Havre et à Nantes-St Nazaire durant le week-end du 26 et 27 avril, mais le travail semblait avoir largement repris en début de la semaine.

Après avoir oeuvré pour empêcher ces grèves potentiellement très puissantes de se développer en un mouvement de masse contre les privatisations, la CGT a publié une déclaration officielle le 24 avril critiquant cette réforme pour n’être « pas socialement, écologiquement, et économiquement responsable ». La déclaration conclut : « Le transfert des outillages et installations portuaires, celui de tous les salariés qui assurent le fonctionnement et la maintenance n’est pas acceptable. Il doit et il peut être revu ! Le Président de la République lui-même a été prévenu, il peut encore rectifier le tir, retirer du texte la privatisation des outillages et les transferts de personnels. »

Dans ses efforts pour justifier son sabotage de la grève, la CGT colporte de manière éhontée les mensonges les plus grossiers. Souvenons-nous de quelques faits élémentaires : le président Nicolas Sarkozy est profondément impopulaire. L’effondrement de sa cote de popularité à moins de 30 pour cent reflète la profonde hostilité populaire à son programme de destruction des acquis sociaux. L’idée que la CGT réussirait d’une manière ou d’une autre à convaincre Sarkozy de mettre un frein au projet de privatisation des ports est tout simplement ridicule.

Tout d’abord, c’est Sarkozy lui-même qui avait initié le projet de réforme des ports peu après son élection à la présidence l’année dernière. Le 27 juin 2007, alors qu’il se trouvait à l’aéroport parisien de Roissy Charles de Gaulle, Sarkozy avait dit : « Je vais prononcer un gros mot : le statut des ports autonomes doit changer. A Marseille, le trafic des marchandises conteneurisées a été divisé par deux en dix ans. Ce n’est pas une situation que j’accepte. On s’en sortira par une politique d’investissement et de réforme. » Il avait ajouté, dans une insinuation codée en direction de l’opposition ouvrière à la privatisation : « On ne va pas laisser une minorité empêcher une majorité de travailler. »

Deuxièmement, la CGT a assidûment collaboré avec Sarkozy pour l’aider à faire passer ses réformes réactionnaires. Le syndicat n’a aucun intérêt à s’y opposer sérieusement. Le meilleur exemple en est peut-être l’insistance de la CGT à limiter les grèves des transports d’octobre 2007 à des grèves d’une journée, puis ses efforts répétés et finalement victorieux de contraindre les travailleurs à mettre fin aux grèves de novembre. Comme l’a récemment reconnu Sarkozy, la CGT a poursuivi cette politique tout en travaillant en étroite coordination avec son gouvernement.

Sarkozy a écrit le 18 avril dans un éditorial du quotidien de centre-gauche Le Monde, « Juste après l’élection présidentielle et avant même de rejoindre l’Elysée, j’ai tenu à recevoir les organisations syndicales et patronales pour les écouter et recueillir leurs positions sur les premières actions que je comptais entreprendre. Depuis, je continue à recevoir très régulièrement chacun de leurs représentants. [...] la réforme des régimes spéciaux de retraite, [a] pu être menée à bien à l’automne grâce à une intense période de concertation au niveau national et des négociations dans chacune des entreprises concernées. »

Un bureaucrate de la direction de la CGT, Jean-Christophe Le Duigou a répondu à Sarkozy par une interview parue le 18 avril dans le journal britannique Financial Times et dans laquelle il fait l’éloge de Sarkozy : « Il comprend que nous devons donner une place au dialogue. Nous nous trouvons à un tournant dans la situation sociale de notre pays. Tout le monde pense que les choses doivent changer. »

La bourgeoisie française est tout à fait consciente de l’orientation de la CGT. En effet, elle en est venue à considérer qu’une petite grève contrôlée par le syndicat est un prix à payer tout à fait acceptable pour la destruction des garanties d’emploi et de prestations des travailleurs. Ainsi quand la CGT a organisé une grève isolée d’une journée contre la réforme des ports le 23 mars, le magazine économique Challenges a fait le commentaire suivant, « L’Etat craint les dockers marseillais, ainsi que les havrais : les deux ports sont des poudrières très militantes et réactives. Jusqu’ici, la CGT imposait le silence et la retenue. Elle a montré les muscles aujourd’hui et n’exclut pas de recommencer. Mais l’Etat a des atouts : une réelle volonté de concertation, qui apaise les parties en présence. »

La classe ouvrière tolère ces désagréments du fait des sommes d’argent vraiment massif en jeu.

Les ports autonomes sont des entités juridiques crées par l’Etat en 1996 pour la gestion des plus grands ports de commerce français. En 2007, les sept ports autonomes de France métropolitaine, Marseille, Le Havre, Dunkerque, Nantes-St Nazaire, Rouen, Bordeaux et La Rochelle, avaient transporté 304,5 mégatonnes (Mt) sur les 384,7 Mt net de marchandises de tous les ports français. Les trois principaux, Marseille, Le Havre et Dunkerque, ont importé respectivement 100 Mt, 79 Mt et 57 Mt. Approximativement la moitié de ce tonnage consiste en produits liquides, principalement du pétrole et du gaz, et le reste consiste pour la moitié en produits solides lourds (grains, charbon, minerais) et marchandises.

En terme de trafic, les ports français sont à la traîne des plus grands ports d’Asie (Shanghai, 443 Mt, Singapour, 423 Mt, Ningbo, 272 Mt, Tianjin, 245 Mt) et d’Europe (Rotterdam, 376 Mt, Anvers, 160 Mt, Hambourg, 125 Mt.) Plus précisément, il n’y a pas eu suffisamment d’investissements pour pouvoir décharger rapidement les produits transportés en containers standardisés. C’est la meilleure méthode pour transporter à grande échelle les produits de consommation, méthode qui s’est révélée essentielle à la mondialisation de la production industrielle. Selon le magazine économique Challenges, « Pour vider un porte-container de 10 000 boîtes, il faut 3 jours à Shanghai, 4 jours à Hambourg, 5 jours au Havre, 10 jours à Marseille. »

L’Etat a systématiquement refusé de financer les améliorations des infrastructures nécessaires aux ports français. En fait, la privatisation des emplois de dockers en 1992 avait eu lieu dans le but d’obtenir des financements d’entreprises privées, dans une situation où le président socialiste François Mitterrand refusait d’investir dans les ports arguant le manque d’argent.

Du point de vue de la classe dirigeante française, la privatisation est essentielle pour que les sommes d’argent massives nécessaires à la modernisation des grues, de l’équipement de déchargement et des connections ferroviaires rapportent ensuite des bénéfices aux banques et aux investisseurs. Avec l’augmentation du nombre de produits à destination de la France qui transitent dans d’autres ports européens, augmentant ainsi la durée du transport et les coûts, la bourgeoisie considère toute garantie d’emploi pour les travailleurs portuaires comme une attaque intolérable sur sa compétitivité à l’échelle mondiale.

L’intégration efficace de la France dans le commerce mondial conteneurisé est aussi essentielle à la situation de compétitivité de la bourgeoisie, de façon à ce que les entreprises françaises puissent acheter des produits bon marché directement sur les marchés mondiaux sans créer de goulets d’étranglement dans les ports. France Info écrit : « But de l’opération, selon le gouvernement : renforcer la compétitivité des ports français. Le ministère des Transports estime que cette réforme et les 445 millions d’euros qui seront consacrés à la modernisation des ports doit permettre de passer de 3,6 millions de conteneurs traités en 2006 à 10 millions en 2015. »

Cette intégration, potentiellement progressiste, dans l’économie mondiale aurait pour conséquence, dans une économie capitaliste, de désindustrialiser davantage la France, occasionnant la fermeture de larges secteurs de l’industrie incapables de concurrencer les produits bon marché en provenance de l’étranger et le début d’une attaque massive sur le niveau de vie de travailleurs. Il n’y aurait, de plus, aucune raison d’espérer des garanties de l’Etat pour la protection de l’emploi des travailleurs portuaires actuels, ce que la CGT prétend rechercher. Comme l’a fait remarquer le secrétaire de la CGT de Nantes, Yves Tual, « en 1992, quand le statut des dockers avait été remis en cause. Au final, il y a eu 4.000 suppressions de postes de dockers. »

Face à la complicité de la CGT avec l’Etat, la lutte pour protéger la classe ouvrière de la désindustrialisation, de l’appauvrissement et du programme de réformes de Sarkozy doit devenir une lutte politique. La classe ouvrière doit se défaire de l’influence de la bureaucratie de la CGT et de ses alliés politiques du Parti communiste français stalinien. Cela signifie la renaissance d’une alternative socialiste que ces organisations ont finalement supprimée : le trotskysme révolutionnaire et la lutte pour le contrôle démocratique et planifié de l’économie mondiale.

http://www.wsws.org/ http://www.wsws.org/

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