dimanche 4 janvier 2015
La présidente Dilma Rousseff du "Parti des Travailleurs" a été investie le 1er janvier 2015 pour un second mandat à la tête du Brésil dans un climat d’ajustement budgétaire avec une croissance en berne, et sous pression d’un scandale de corruption au sein de Petrobras, la compagnie phare du pays. Pour composer son gouvernement, il lui est dfficile de trouver des trouver des personnalités qui ne soient pas impliquées dans des scandales de corruption, notamment celui de Petrobras qui atteint tous les dirigeants des principaux partis qui soutiennent sa politique, le Parti des travailleurs évidemment.
Le scandale de Petrobras a éclaté peu avant la réélection de Dilma Rousseff. L’opération policière "Lavage rapide" a montré que le réseau de corruption a blanchi près de 4 milliards de dollars en dix ans. Petrobras fait face à des plaintes d’investisseurs internationaux et les agences de notation pourraient abaisser sa note, de quoi porter un sérieux coup à ses plans d’investissements.
Le scandale est énorme, ce sont vraiment des sommes faramineuses qui ont été redistribuées aux partis politiques et qui ont permis parfois des enrichissements personnels. Donc la justice va devoir faire un travail énorme, les choses ont commencé et ça réorganise la vie politique brésilienne. Maintenant, il n’est pas sûr que les propos anticorruptions de Dilma Rousseff arrivent à convaincre l’opinion publique…
Lors de son premier mandat, où la priorité avait été donnée au social, la croissance du PIB s’est détériorée en passant de 7,5% en 2010 à une prévision proche de zéro. L’inflation a, elle, dépassé le plafond de tolérance en novembre, à 6,56%.
Et d’ores et déjà, Dilma Rousseff a donné le ton en nommant sa nouvelle équipe économique dirigée par Joaquim Levy, un orthodoxe apprécié des marchés, qui a annoncé des mesures comme la réduction de l’assurance chômage et la suspension des subventions gouvernementales pour éviter la hausse des tarifs de l’électricité.
La nomination, le 27 novembre, d’un nouveau ministre des Finances, le très orthodoxe Joaquim Levy, a été un coup dur pour le PT, qui a perdu le portefeuille et craint l’impact des coupes budgétaires annoncées sur les plus défavorisés. Pour les milieux d’affaires, en revanche, ce virage libéral devrait « restaurer la confiance », entamée selon eux sous le premier mandat de Dilma Rousseff, qui a ouvert le robinet des dépenses en faisant fuir une partie des investisseurs. « La Présidente a fait l’erreur fondamentale de vouloir baisser les taux d’intérêt à marche forcée, juge un banquier étranger établi à São Paulo. Avec la hausse de l’inflation, il a fallu les remonter à toute vitesse. »
Dilma Rousseff a cédé aux revendications de son principal allié, le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) du vice-président Michel Temer, qui a obtenu six portefeuilles ministériels, soit un de plus que dans le gouvernement sortant. Le parti des travailleurs (PT) de Dilma et de Lula est paradoxalement le grand perdant. Au pouvoir depuis 12 ans, le PT, qui avait déjà perdu le ministère des Finances au profit du technicien Joaquim Levy fin novembre, se voit dessaisir du portefeuille de l’Education, confié au chef de file d’un nouveau parti, le Parti républicain de l’ordre social (PROS), qui garantira ainsi son soutien au gouvernement au Congrès. Même chose en ce qui concerne le Parti social démocratique (PSD) de l’ancien maire de São Paulo Gilberto Kassab, qui se voit confier le ministère de la Ville. Les évangélistes du Parti républicain brésilien (PRB) héritent quant à eux du portefeuille des Sports à la veille des JO de Rio…
Changement également à la tête de la diplomatie, avec la nomination au poste de ministre des Affaires étrangères de Mauro Vieira, qui était jusqu’alors ambassadeur du Brésil aux Etats-Unis. Ce qui pourrait présager d’un réchauffement des relations entre Brasilia et Washington, mises à mal par des affaires d’espionnage. D’ailleurs, le vice-président américain Joe Biden a rencontré Dilma Rousseff peu après sa prestation de serment.
Dilma Rousseff a choisi Katia Abreu, grande propriétaire en Amazonie, pour diriger l’Agriculture au grand dam des écologistes et de Sans Terre. C’est la "reine de la déforestation" qui est nommée ministre de l’Agriculture ! Katia Abreu est surtout connue pour ses propositions en faveur non seulement de l’agrobusiness, mais aussi de la déforestation, en faveur aussi de la suppression de la limitation des droits des zones protégées en faveur des Indiens.
Après avoir choisi un ministre de l’Économie "orthodoxe" et, à ce titre, très apprécié des marchés, la présidente de gauche Dilma Rousseff, réélue de justesse en octobre, a récidivé : elle a nommé mardi soir à l’Agriculture, Katia Abreu, une représentante du puissant secteur agroalimentaire, au grand dam des écologistes et des Sans Terre. En 2010, Katia Abreu avait remporté le titre ironique de "Tronçonneuse d’or" décerné par Greenpeace et les paysans sans-terre. Les indigènes l’ont baptisée "reine de la déforestation" en Amazonie. Ils l’accusent de privilégier l’expansion de l’agrobusiness au détriment de l’agriculture familiale et de l’environnement.
Katia Abreu, 52 ans, est une grande propriétaire terrienne de l’État amazonien du Tocantins. Sénatrice depuis 2006, elle appartient au parti centriste PMDB, de la coalition gouvernementale, mais a commencé dans la politique à droite. Elle devient la première femme à prendre la tête du ministère de l’Agriculture au Brésil, pour le second mandat de Mme Rousseff qui commence le 1er janvier.
Soutenue par les grands producteurs agricoles, elle a été critiquée par ses sympathisants pour faire partie d’un gouvernement du Parti des travailleurs (PT, gauche, au pouvoir depuis douze ans) qu’elle critiquait vertement. Mais elle s’attire aussi les foudres des mouvements de Sans Terre qui réclament une réforme agraire et voient dans sa nomination une "trahison" de la part de la présidente Rousseff. Ils ont déjà promis une résistance féroce à sa gestion.
Le caractère volontaire de Mme Abreu lui a valu la comparaison avec Margaret Thatcher, l’ancienne Premier ministre britannique surnommée la "dame de fer". Elle justifie son soutien au gouvernement de Mme Rousseff en assurant qu’"elle n’accepte ni les exigences de la droite ni celles de la gauche". "Je suis libre et je vis dans une démocratie", a-t-elle posté sur son compte Twitter.
Présidente de la Confédération nationale de l’agriculture (CNA) - poste qu’elle abandonne pour devenir ministre -, elle défend bec et ongles l’agrobusiness qui représente 23,3 % du PIB du Brésil, 7e économie mondiale. Elle rejette l’expropriation de terres non productives à des fins de réforme agraire et soutient les cultures transgéniques. Elle veut que le Brésil détrône les États-Unis comme premier producteur mondial d’aliments. "Nous figurons parmi les dix principales économies de la planète et cela exige, entre autres, des investissements en infrastructures. Nous devons dépasser les vieux modèles qui alimentent l’action prédatrice de groupes idéologiques de gauche et de droite", déclarait-elle récemment à la CNA.
Pour les Indiens qui réclament la délimitation de leurs terres, sa nomination va "à l’encontre des revendications des mouvements sociaux brésiliens". Car Katia Abreu a d’ores et déjà prévenu que si le taux moyen de création de réserves indiennes se maintient, en 2031 il n’y aura plus de surface pour la production agricole.
Mme Abreu a commencé sa trajectoire de leader agricole à la mort de son mari dans un accident d’avion. Elle avait 25 ans et était enceinte de son troisième enfant. Elle a dû prendre les rênes de son énorme propriété terrienne. "Au début, je ne distinguais pas une vache d’un taureau", a-t-elle confié à l’hebdomadaire conservateur Veja. Mais elle ne cache pas ses ambitions : "Disputer la présidence n’est pas un plan, c’est un fait. (...) C’est mon destin", a-t-elle assuré dans un entretien au journal The Guardian, cette année.
"Abreu représente l’importance de l’agrobusiness pour relancer l’économie en berne. Rousseff sera plus pragmatique pour son second gouvernement et renforcera sa relation avec le secteur. Le défi sera de gérer les répercussions négatives de sa nomination avec le PT", explique à l’AFP Rafael Cortes, analyste politique du consultant Tendencias.
En tant que ministre, Mme Abreu devra affronter ses vieux adversaires. "Elle représente le Latifundium (grand propriétaire terrien, NDLR) arriéré qui a la terre comme instrument de pouvoir et de spéculation immobilière, sans aucune préoccupation avec l’environnement", déplore Igor Santos, un dirigeant du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST). Selon l’Institut national de statistiques, 43 % des terres agricoles du pays appartiennent à 1 % des propriétaires.
Le gouvernement prévoit des mesures d’austérité, un ajustement fiscal très douloureux et que va subir de plein fouet, les personnes qui n’imaginaient pas que le Brésil allait si mal, c’est-à-dire essentiellement les couches populaires et les couches moyennes basses. On s’apprête à avoir des vagues de licenciement importantes, le secteur industriel a un taux de croissance extrêmement faible, il y a un déficit très grave de la balance commerciale pour les produits industriels, donc il faut faire des réformes de structure et puis essayer de lutter contre tout un ensemble d’effets nocifs. Ça va se traduire par environ 20 milliards d’euros d’économies sur le budget.
Les riches sont devenus toujours plus riches, donc les plus pauvres sont devenus un peu moins pauvres, il y avait des dizaines de millions de Brésiliens qui dans les années Lula et Dilma Rousseff sont sortis de la pauvreté sauf que tous ces programmes tenaient leur efficacité essentiellement dans la croissance économique du pays, or cette croissance n’est plus là, elle n’a pas été au rendez-vous en 2014 et 2015 ne sera pas une bonne année non plus, ainsi que 2016, si on en croit les prévisions.
Or le Brésil s’enfonce dans la crise… Pour la première fois en dix ans, le Brésil devrait enregistrer un déficit commercial. Le déficit de la balance des paiements courante atteint 4% du PIB, alors que le déficit budgétaire, en nette détérioration, frôle les 6% du PIB. La dette va être surveillée de très près, ainsi que l’évolution du crédit. Depuis son arrivée au pouvoir, en 2011, le taux de croissance moyen est tombé à 1,6% par an, contre 4% sous son prédécesseur et mentor, Lula (2003-2010). Et pour cette nouvelle année 2015, le FMI ne prévoit que 0,3% de croissance pour le Brésil.
Le PT au pouvoir est plus que jamais au service des trusts. Alors que plusieurs anciens dirigeants de Petrobras ont confessé avoir détourné plusieurs millions de dollars, Petrobras figure selon Dilma Rousseff en position de victime. « Nous avons de bonnes raisons de préserver et de défendre Petrobras de prédateurs internes et de ses ennemis de l’extérieur ».
Le gouvernement au service des trusts va donc s’attaquer aux travailleurs. Mais les derniers mouvements sociaux au Brésil ont montré que la révolution sociale n’était pas bien loin…
Des dizaines de milliers de manifestants ont défilé samedi 6 décembre dans le centre de Sao Paulo contre la corruption au Brésil et la politique du gouvernement de la présidente Dilma Rousseff, lors d’un rassemblement soutenu par l’opposition. Il s’agissait de la cinquième manifestation de ce genre depuis la réélection le 26 octobre de Mme Rousseff au second tour de l’élection présidentielle.