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Construire la conscience de classe des exploités

vendredi 25 septembre 2009, par Robert Paris

Extraits d’un texte du groupe trotskyste autrichien RKD en 1943

1/ L’influence de la bourgeoisie sur le prolétariat.

La conscience de la classe du prolétariat est une conscience d’une classe opprimée. Toute classe est exposée sans cesse à l’influence idéologique (politique, religieuse, morale, culturelle, etc.) exercée par la classe dominante et pour ne pas subir cette influence et être vaincue par elle, elle doit la combattre sans cesse.
Plus que la bourgeoisie opprimée des temps passés, le prolétariat est exposé à l’influence des classes dominantes parce qu’il est une classe dépossédée.
L’influence idéologique des classes capitalistes sur le prolétariat s’opère au moyen de différentes institutions destinées à ce but : famille, églises, écoles, presse, cinéma, radio, syndicats, partis politiques, etc. Toutes ces institutions sont en société capitaliste des instruments des classes capitalistes pour influencer toutes les classes opprimées dans un sens bourgeois pour les “embourgeoiser”. Tous les moyens de pouvoir et d’influence sont monopolisés dans les mains des classes dominantes et possédantes. Le prolétariat ne dispose
que de moyens modestes (journaux, organisations prolétariennes) qu’il doit concentrer et développer.
En influençant le prolétariat les classes capitalistes se servent aussi surtout des classes moyennes – de la petite bourgeoisie des villes et des petits paysans. Non seulement la bourgeoisie recrute surtout parmi cette petite bourgeoisie citadine ses politiciens, ministres, instituteurs, journalistes, hommes de sciences,parlementaires et artistes, mais elle exerce en général son influence sur le prolétariat par la masse de la petite bourgeoisie. Par des millions de “capillaires sociaux”, la conscience bourgeoise pénètre les cerveaux du prolétariat, trouble et détruit la conscience de classe prolétarienne.

2/ La conscience de classe prolétarienne.

Toute la classe possède une conscience collective plus ou moins développée qui à sa racine dans la position sociale de la classe et qui est représentée, plus ou moins fortement, dans les cerveaux des individus appartenant à cette classe. Le degré le plus bas de la conscience de classe est la conscience d’appartenir à cette classe (par exemple : “Je suis un prolétaire, partie de la classe prolétarienne”) ; la forme la plus élevée est la reconnaissance des devoirs historiques que notre classe a à remplir.
Par les situations communes en tant qu’êtres opprimés et exploités, les prolétaires se rendent compte plus tôt ou plus tard, plus ou moins fort, qu’ils forment une communauté internationale, que leur sort est le même, qu’ils jouent dans tous les pays du monde le même rôle dans le processus de production, qu’ils forment une seule classe. La conscience des autres classes sociales qu’elles soient exploitées ou exploitantes se forme d’une façon analogue. Ce n’est d’abord pas une idéologie subjective qui crée cette conscience mais la situation sociale résultant du développement objectif, automatique et suivant les lois inhérentes à la société de classes. Ce n’est que plus tard que des idéologies subjectives font leur apparition.
Dans le cerveau de n’importe quel prolétaire, la conscience de classe est formée plus ou moins fortement suivant les différentes périodes et moments ; la résultante de toutes les consciences individuelles est la conscience collective que nous appelons la conscience de classe. Dans certaines périodes la simple conscience de classe des prolétaires se lève jusqu’à la conscience révolutionnaire ; c’est-à-dire la connaissance d’appartenir à une classe internationale exploitée et opprimée se lève jusqu’à la conscience que seule l’action commune et révolutionnaire peut apporter le salut et la libération.
Le prolétariat moderne est un produit du capitalisme moderne ; le capitalisme a créé le prolétariat et il le crée tous les jours de nouveau (prolétarisation des couches moyennes, colonisation et industrialisation de nouvelles régions en Asie, en Afrique, en Amérique du sud, etc.), il crée aussi, toujours de nouveau, la conscience de classe prolétarienne. Les contradictions croissantes du développement capitaliste (crises, guerres mondiales, famines et esclavage d’une part, abondance d’autre part) – donc des causes objectives, des conditions générales – amènent contre leur gré une élévation saccadée de cette conscience de classe : de
la connaissance primitive et de la simple solidarité pour de meilleures conditions de travail dans une usine, en passant par une série de luttes de classe, s’accentuant jusqu’à la révolution mondiale, la lutte systématique, consciente et internationale pour le pouvoir ouvrier, des destructeurs de machines (qui faisaient des attentats désespérés contre la technique moderne) jusqu’à la lutte organisée pour la société socialiste.

3/ Conscience de classe prolétarienne-révolutionnaire. Marxisme-léninisme et le parti de classe prolétarienne-révolutionnaire.

La lutte de classe entre le capitalisme et le prolétariat se reflète et est accompagnée par la lutte entre les tendances révolutionnaires et conservatrices au sein du prolétariat même. Cette “lutte intérieure” est en effet une partie décisive de l’expression de toute la lutte de classe entre exploiteurs et exploités.
Dans cette lutte entre conscience de classe révolutionnaire-prolétarienne et embourgeoisement du prolétariat (entre réveil et destruction de conscience de classe prolétarienne) le prolétariat lui aussi possède des armes précieuses et indispensables à la victoire : ces armes employées efficacement et d’une façon juste sont finalement supérieures à toutes les armes ennemies : le marxisme-léninisme et le parti de classe prolétarien. Tous les deux sont des expressions de la conscience de classe prolétarienne :
Le marxisme-léninisme est l’expression idéologique, THÉORIQUE, SCIENTIFIQUE de la conscience de classe prolétarienne.
Le parti communiste-révolutionnaire est l’expression MATÉRIELLE, ORGANISATIONNELLE de la conscience de classe prolétarienne.
Toutes les deux armes – la théorique et l’organisationnelle – sont nécessaires à la victoire : le parti qui n’est pas pénétré de la théorie marxiste-léniniste, qui la nie ou la falsifie, devient l’instrument des ennemies de classe, même le prolétariat de défaite en défaite, d’autre part la meilleure théorie révolutionnaire est impuissante s’il n’y a pas d’organisation qui la réalise conséquemment.
Le marxisme est l’idéologie de la lutte de classe prolétarienne, les partis de type bolchevik sont les formes d’organisation les plus élevées et les plus conscientes de la lutte de classe prolétarienne, les cadres organisés de la classe prolétarienne et de l’idéologie marxiste à la fois.

4/ Le marxisme – l’expression scientifique de la lutte de classe prolétarienne.

Le marxisme, comme le prolétariat et sa conscience de classe, est un produit de l’époque moderne du machinisme, de la société capitaliste. Le marxisme se fixe comme tâche d’examiner et d’analyser la société de classe, surtout la société capitaliste et son développement, au moyen de la méthode matérialiste-historique, et d’éclaircir et d’élever de cette façon la conscience de la classe révolutionnaire du prolétariat, pour faciliter l’accomplissement de sa mission historique.
Le marxisme est la théorie du prolétariat, de la lutte de classe révolutionnaire, de la révolution et de la dictature du prolétariat. Le marxisme ne crée pas la lutte de classe, mais il a été créé par la lutte de classe accentué et au cours de celle-ci et il l’influence par l’idéologie et l’organisation. Le marxisme ne crée pas la conscience de classe prolétarienne, mais il l’éclaircit et l’élève ; il rassemble, analyse, généralise et conserve toutes les expériences nombreuses des luttes de classes prolétariennes et antérieures.
Le léninisme est la précision et la continuation du marxisme dans la nouvelle époque capitaliste, par conséquent nous parlons du marxisme-léninisme. Nous parlerons du léninisme dans la dernière partie de cet ouvrage.
Toute cette activité, pour être couronnée de succès, doit être déployée d’une façon consciente et organisée.

5/ Le parti communiste-révolutionnaire – l’expression organisée de la classe prolétarienne.

“Pour résoudre les problèmes posés par l’époque actuelle, le prolétariat a besoin d’une avant-garde appelée : parti. Cette avant-garde réunit les meilleurs révolutionnaires prolétariens, les plus dévoués, éduqués, résolus, elle doit avoir compris toutes les expériences des luttes de classe antérieures, et savoir les utiliser pour des révolutions prolétariennes. L’organisation prolétarienne-révolutionnaire (marxiste) pour unir le prolétariat dans sa lutte révolutionnaire contre le capitalisme doit être indépendante de toutes les autres organisations, les partis et groupes réformistes, staliniens et centristes inclus. Le parti prolétarien révolutionnaire doit posséder son programme et son organisation internationale.”

(Base programmatique des Communistes Révolutionnaires adoptée en 1941)

Le parti du prolétariat révolutionnaire est lui-même une partie du prolétariat révolutionnaire ; avant-garde et état-major de l’armée prolétarienne à la fois. Il embrasse les éléments les plus avancés, les plus conscients et les plus dévoués du prolétariat révolutionnaire.

“Nous nous trouvons à l’époque de l’impérialisme dans laquelle la révolution prolétarienne mondiale se trouve à l’ordre du jour. Pour la conduire à la victoire, le prolétariat a besoin dans chaque pays d’un parti de classe conscient d’après le modèle du parti bolchevik de Lénine et se basant sur les principes du marxisme-léninisme. Nous nous efforçons de remplir ces exigences élevées et de mettre toutes nos forces au service de la création du parti communiste révolutionnaire.”

(Statut d’organisation des Communistes Révolutionnaires)

6/ Existence et conscience.

Nous venons de décrire brièvement l’essence et le rôle du parti d’avant-garde prolétarien. Les rapports entre ce parti d’avant-garde et toute la classe prolétarienne sont les mêmes que les rapports entre la conscience et l’existence, comme par exemple entre le cerceau humain et le corps humain. Nous ne croyons ni à des Dieux, ni à des esprits, nous savons que la matière est la réalité primaire, la conscience est secondaire, résultant de l’existence et toujours liée à elle.
Sans existence, il n’y a pas de conscience. Mais déjà Marx et Engels ont constaté en détail que la conscience obéit à des lois d’évolution qui lui sont propres et que par conséquent elle est capable de réagir sur l’existence et de la former. C’est sur cette théorie matérialiste-historique que se base la conception du parti marxiste-léniniste qui a été réalisé la première fois par le bolchevisme.
L’existence – par exemple le corps humain, la société humaine – obéit à certaines lois matérielles, économiques, qui en peuvent pas être abolies par la conscience humaine, mais qui doivent être comprises par elle pour être exploitées dans l’intérêt du progrès et du bien-être de la société humaine et de ses individus. Un exemple : le corps obéit à certaines lois de développement ; le cerveau humain ne peut pas vivre sans le reste du corps et par conséquent seul il ne peut pas remplir sa fonction (penser) ; il ne peut pas changer non plus la direction de ce développement du corps (enfance, jeunesse, âge mûr, vieillesse), ni les phénomènes qui sont en relation avec cela (par exemple maturité sexuelle, fatigue etc.), mais l’action de penser est capable par exemple d’amener par le sport le corps à des exploits extrêmes ou bien de le détruire par l’alcool. Dans ce dernier cas, l’action de penser contribuera à la destruction de sa base matérielle, du cerveau, et par conséquent à sa propre destruction sur la base duquel seulement elle peut se développer.
La conscience générale d’une société se trouve toujours en retard avec l’existence donnée ; il y a presque toujours un espace entre l’état social donné, le degré d’évolution effectif et le rythme de cette évolution d’une part et les idées de la plupart des gens d’autre part. Presque toujours des préjugés ayant leurs racines dans des temps passés résistaient tenacement et entravaient la marche des évènements effectifs.
Dans certaines périodes – dans des périodes révolutionnaires – la conscience de la société rattrape à une cadence frénétique le retard et s’élance à la hauteur des évènements effectifs, les masses font irruption dans l’histoire, elles font elles-mêmes l’histoire. Dans des périodes pareilles, l’existence et la conscience de la société se trouvent presque sur le même niveau ; la conscience devance même souvent les évènements. Ce n’est que dans des nouvelles périodes de réaction que l’espace plus ou moins grand entre l’existence et la conscience sociales se rétablit. La conscience a fait des progrès, mais elle retombe ; absolument en rapport avec son degré dans des périodes révolutionnaires, et relativement même en rapport avec la nouvelle
existence effective (réactionnaire).
La conscience des révolutionnaires, de l’avant-garde, doit être dans toutes les périodes non seulement à la hauteur de l’existence mais aussi la précéder de beaucoup. Les révolutionnaires conscients doivent prévoir, comprendre et préparer l’histoire future.

7/ Avant-garde et prolétariat.

De tout ce que nous avons dit jusqu’à maintenant les rôles du prolétariat et de son avant-garde et leurs réactions réciproques ressortent. L’avant-garde prolétarienne est elle-même un enfant du prolétariat (tous les deux sont des produits de la société capitaliste). Sans prolétariat, il n’y a pas d’avant-garde prolétarienne. Le parti d’avant-garde prolétarien est la conscience organisée, l’organisation consciente du prolétariat.
De cette façon, nous avons donné la réponse au problème toujours actuel : spontanéité et direction. Le prolétariat, comme chaque corps vivant, comme chaque classe réagit dans certaines situations spontanément. Ces situations sont les “situations révolutionnaires”.
Dans d’autres situations, la réaction spontanée du prolétariat ne doit pas être attendue. La direction du prolétariat révolutionnaire, de la révolution prolétarienne, assurée par le parti d’avant-garde prolétarien doit réveiller et déchaîner les énergies spontanées inhérentes au prolétariat, doit être prête à leur éruption subite dans certaines situations et toujours les acheminer sur la juste voie pour déchaîner le maximum d’effets révolutionnaires.
La spontanéité sans direction est aveugle, la direction est aveugle, la direction sans spontanéité est sans effets. Par conséquent les révolutionnaires ouvriers pénétrés de l’idéologie du matérialisme historique doivent rejeter les théories centristes anti-léninistes, trotskystes, luxemburgistes qui contestent la nécessité et l’indispensabilité de l’avant-garde indépendante et disciplinée du prolétariat, comme ils doivent rejeter également les théories subjectivistes et idéalistes, en partie staliniennes, qui contestent la spontanéité des masses pendant des périodes révolutionnaires et qui croient que le parti pourrait “faire” la révolution prolétarienne.
Des individus particulièrement développés comprennent très tôt et d’une façon claire le développement et le besoin de la société ; ce sont les créateurs et les continuateurs du socialisme scientifique, les champions, les vrais chefs du mouvement ouvrier révolutionnaire, c’est l’avant-garde du prolétariat.

8/ De la Ligue Communiste jusqu’à l’Internationale de la victoire prolétarienne révolutionnaire.

Le prolétariat mondial possédait déjà une série de partis qui se fixaient comme but la lutte conséquente pour la victoire internationale du prolétariat, mais qui échouaient dans cette lutte ; ou bien disparaissaient, ou bien – ce qui est pire – ils étaient infectés par l’ennemi de classe dont ils devenaient les instruments. Cela prouve que l’ennemi de classe est encore très puissant et que par tous les moyens il essaie d’arrêter sa chute. Cela prouve qu’il est capable d’empoisonner non seulement le prolétariat mais aussi l’avant-garde de celui-ci !
L’histoire nous enseigne que tout parti ouvrier est perdu si le poison bourgeois une fois entré dans ses rangs n’est pas expulsé immédiatement ; si le poison bourgeois s’étend dans la direction de ce parti ouvrier et éclate la démocratie intérieure, il est évident que ce parti, toujours prolétarien à sa base sociale, est devenu un parti bourgeois, c’est-à-dire un instrument diabolique des capitalistes contre les révolutionnaires prolétariens.
Ce changement s’accomplit souvent d’abord seulement dans la forme de discussions théoriques, de résolutions, de changements et de critiques de programme, etc. La phraséologie marxiste et révolutionnaire est maintenue. Il faut l’éclatement d’une guerre impérialiste ou d’une grande lutte de classes pour dévoiler d’un seul coup le caractère contre-révolutionnaire et pro-capitaliste de l’ancien parti d’avant-garde prolétarien.
Pour des révolutionnaires, le parti n’est pas un fétiche mais un instrument indispensable qui, s’il est devenu pourri, doit être remplacé par un autre. Des partis s’usent, mais la lutte, la classe, la cause restent les mêmes.

a) Ligue communiste et Première Internationale.

La création de l’Association Communiste, la fondation de la Première Internationale n’étaient possibles que dans certains moments historiques ; ces moments furent exploités par Marx et Engels pour favoriser le progrès ultérieur. Ils fondaient l’Association Communiste et plus tard l’Association Internationale Ouvrière, la victoire de Bismarck et la défaite de la révolution prolétarienne française en 1871 contraignirent Marx et Engels à l’auto-dissolution de la Première Internationale ; le prolétariat ne formait pas encore une classe assez nombreuse pour accomplir sa mission.

b) La Seconde internationale.

La création d’une Internationale de masses – de la Seconde – n’était possible que vers la fin du siècle passé. Mais c’était l’insuffisance objective de la plupart des chefs sociaux-démocrates, qui ne pouvaient pas arrêter la désagrégation bourgeoise de la Seconde Internationale. Et c’était les illusions d’unité de presque tous les communistes ultérieurs qui empêchaient la scission de la Seconde Internationale d’avoir lieu à temps – avant 1914 – De cette façon la première guerre mondiale impérialiste devint possible, la Seconde Internationale périt par les conséquences de sa politique opportuniste. La réaction causée par les sociaux-démocrates avait des effets désastreux dans le mouvement ouvrier entier.

c) La préparation de la Troisième Internationale.

Ce n’était qu’une minorité révolutionnaire qui s’engageait après 1914 à préparer la Troisième Internationale. Au moins depuis 1914 la Troisième Internationale était une nécessité historique. Mais ce n’était qu’un lustre après – en 1919 – que cette nécessité historique fut aussi une possibilité pratique et de cette façon réalité. Il fallait que les révolutionnaires prolétariens pendant de longues années marchent contre le courant causé et déchaîné par les opportunistes avant et depuis 1914 pour le changer en un courant contraire.

d) Février 1917.

En février 1917 la révolution éclatait à Petersbourg, s’étendait dans la Russie entière, s’aggravait de jour en jour. Le parti bolchevik avait prévu depuis beaucoup d’années la révolution de février, analysé son caractère et contribué beaucoup à la préparation de cette révolution, mais il ne l’a pas fait ni en a fixé la date (février 1917). La révolution de février a été faite par les masses et le parti bolchevik, lui aussi a été surpris. Mais quelque temps après février les masses conservaient l’initiative. Lénine disait au printemps et en été 1917 plus d’une fois : “Les masses sont cent fois plus à gauche que nous”. Pour tenir compte de ces masses radicalisées qui poussaient violemment en avant, Lénine s’opposait à la majorité des “vieux bolcheviks” et menaçait le CC modéré : “J’irais aux masses”. En juillet 1917 les masses ouvrières de Petersbourg contraignent le parti bolchevik à une manifestation armée ; le parti bolchevik ne réussit que difficilement à freiner cette manifestation dans l’intérêt du développement révolutionnaire général, sans y perdre du prestige.
La révolution de février 1917 ouvre une nouvelle période révolutionnaire en Europe. Le développement révolutionnaire spontané de février jusqu’en septembre 1917 fait du parti bolchevik un parti de masses qui conquiert la confiance de la majorité de tous les ouvriers russes.

e) Octobre 1917.

En octobre 1917 le parti bolchevik en prenant le pouvoir assure et accentue le développement révolutionnaire en Russie et dans l’Europe entière. La révolution d’octobre 1917 fut décidée, fixée et exécutée par le parti bolchevik ; la date en fut fixée par un très petit cercle et tenue secrète jusqu’à l’insurrection. La révolution d’octobre était un acte conscient qui concentrait les énergies des masses sur le point décisif.

f) Fondation et devoirs de la Troisième Internationale.

La révolution d’octobre accélérait le développement révolutionnaire en Europe ; accélérait et favorisait les insurrections spontanées en Allemagne et en Europe Centrale (1918-1919) et accélérait et favorisait la croissance des groupes et des partis d’extrême gauche dans tous les pays du monde.
La révolution d’octobre 1917, rendue possible par le développement spontané depuis février 1917, préparée et exécutée par le parti bolchevik amenait à une montée révolutionnaire internationale et à la création d’une nouveau parti mondial communiste, de la Troisième Internationale.
La Troisième Internationale avec toutes ses sections avait le devoir de pousser aussi loin que possible dans tous les pays du monde la montée révolutionnaire ouverte en 1917 et de mener le prolétariat (surtout l’Allemagne, d’Europe Centrale et Orientale et des Colonies) à la victoire. Ce n’est que de cette façon que la révolution russe aurait pu être sauvée et développée. La Troisième Internationale fut créée comme instrument de la révolution prolétarienne mondiale, comme dirigeante de tous les opprimés vers la dictature du prolétariat, vers la société socialiste.

g) L’échec de la Troisième Internationale est le point de départ de la période de réaction.

La Troisième Internationale ne se montra pas à la hauteur de ces devoirs. La première poussée internationale du prolétariat (1917-1923) échouait, l’ennemi de classe internationale se révélait mieux organisé. La démoralisation, la déception s’étendaient et réagissaient aussi dans toute la Troisième Internationale ; la dictature du prolétariat fut détruite, l’échec mondial aboutissait à l’isolement de la révolution russe, cet isolement aboutissait à la réaction stalinienne et à la contre-révolution en Russie ce qui causait la dégénérescence de la Troisième Internationale, sa transformation en un des instruments de la contre-révolution bourgeoise, cette dégénérescence de la Troisième Internationale aboutissait à de nouvelles défaites, des nouvelles luttes de classe révolutionnaires (Angleterre 1926, Chine 1927, Allemagne 1929-1933, France et Espagne 1936-1939) et enfin à la deuxième guerre impérialiste mondiale.
La Troisième Internationale qui était incapable en 1919-1923 de mener le flux révolutionnaire à la victoire se transformait depuis 1924 de plus en plus en un instrument de l’ennemi de classe et aggravait de cette façon directement le reflux du mouvement révolutionnaire.

h) Causes et effets des effondrements de la Seconde et de la Troisième Internationale.

Jusqu’à maintenant la défensive de la bourgeoisie avait du succès. Le capital réussi à corrompre et à embourgeoiser la Seconde et la Troisième Internationale et presque tous les petits groupes oppositionnels de gauche, cela veut dire que les partis révolutionnaires avançaient toujours le mouvement, mais qu’ils échouaient finalement et succombaient sous l’influence bourgeoise, la Seconde Internationale fut embourgeoisée par “l’aristocratie ouvrière”.
La Troisième Internationale ne fut préparée que pendant la première guerre mondiale, jusqu’au début de cette première guerre mondiale impérialiste les bolcheviks demeuraient dans la Seconde Internationale, ils furent surpris par la trahison de la Seconde Internationale en 1914 ; les spartakistes restaient encore pendant la première guerre impérialiste mondiale au sein de la social-démocratie allemande de la Seconde Internationale.
De cette façon, la Troisième Internationale était chargée dès le début d’une forte hypothèque social-démocrate ; elle est restée trop longtemps au sein de l’Internationale pourrissante et quand elle vit le jour (1919) le prolétariat avait déjà essuyé des échecs et était en train de subir des défaites plus grandes ; les cadres et les membres de la Troisième Internationale étaient éduqués en grande majorité par la social-démocratie opportuniste, l’école communiste était nouvelle. Donc les cadres communistes étaient jeunes, sans expérience et sans protection contre l’influence opportuniste. Dès le début la Troisième Internationale ne souffrait non seulement de la maladie infantile du radicalisme, mais aussi du cancer opportuniste.

Nous avons vu comment l’échec de la Troisième Internationale de 1919 et de 1923 causé par les fautes subjectives aboutissait à une période de stagnation et enfin une période de réaction et comment la Troisième Internationale elle-même devenait de plus en plus (environ 1920/1924) une organisation centriste et enfin contre-révolutionnaire ; nous avons vu à quels résultats conduisent des négligences subjectives et comment l’Internationale, dégénérée par les défaites, cause, organise et approfondit de nouvelles défaites ; comment ces nouvelles défaites poussent l’”Internationale” encore plus dans le camp de la contre-révolution jusqu’à ce
que tout ce cercle vicieux aboutisse à la seconde guerre mondiale impérialiste qui fut préparée et organisée par les deux “Internationales” traîtres, indirectement (par les échecs et les capitulations dans les luttes de classe) et aussi directement (par la propagande social-impérialiste et excitations à la guerre “antifasciste”).

i) La nécessité de la Quatrième Internationale.

La deuxième guerre impérialiste mondiale conduit au dévoilement politique et à l’effondrement organisationnel de tout l’ancien mouvement ouvrier, la nouvelle guerre mondiale engendre le nouveau flux révolutionnaire et cette nouvelle avance révolutionnaire exige la nouvelle avant-garde ; la Quatrième Internationale Communiste.
La quatrième internationale est déjà depuis la victoire du centrisme dans la Troisième Internationale, c’est-à-dire au moins depuis 1928 une nécessité historique qui ne fut reconnue que par peu de monde (en ce qui concerne les erreurs commises par les trotskystes dans ce domaine nous en parlerons dans la dernière partie de cet ouvrage).

j) La voie vers la Quatrième Internationale Communiste.

La Quatrième internationale Communiste cessera d’être une simple nécessité historique et deviendra une réalité quand la nouvelle montée révolutionnaire s’ajoutera aux efforts subjectifs actuels et aux préparations idéologiques et organisationnelles des Communistes Révolutionnaires. Mais dans le cas où la montée trouvera une préparation subjective trop faible, elle se perdra et finira encore plus honteusement que la montée révolutionnaire qui suivait la première guerre mondiale !
Les cadres actuels du mouvement pour la nouvelle Internationale ouvrière continuent la voie tracée par Marx, Engels et Lénine ; ces cadres sont les héritiers et continuateurs des traditions révolutionnaires prolétariennes des Première, Seconde et Troisième Internationales ; ils sont les pionniers et les constructeurs de la Quatrième Internationale. Ils ne sont pas encore la Quatrième Internationale même et ils ne peuvent pas l’être ; il est inévitable que leur nombre est d’abord très petit et que leur conscience (clarté théorique) passe par des crises parce qu’ils déploient de nouveau le drapeau rouge au milieu d’une période de réaction particulièrement intense et au lendemain de l’effondrement le plus épouvantable qu’ait connu jusqu’à maintenant le mouvement ouvrier. Après des catastrophes, comme celles de 1914 et de 1933 suit inévitablement une période sans Internationale. Les révolutionnaires les plus conscients doivent abréger cette période et limiter ses ravages.
Dans la période actuelle des exigences très élevées sont posées à l’Internationale ouvrière : elle doit conduire les millions d’opprimés du monde entier, par des guerres et des guerres civiles étendues et difficiles à la victoire, au pouvoir ouvrier international. Si elle est capable de faire ce prochain pas, elle ne mérite pas d’être appelée “Internationale”, elle doit échouer encore plus vite que ses prédécesseurs.
Le temps de 1860 et de 1870 où l’Internationale pouvait se contenter de résolutions est passé depuis longtemps, la nouvelle Internationale doit conduire des armées de millions dans des batailles internationales de classe et par conséquent ses capacités doivent surpasser celles du Parti bolchevik.
La période de réaction touche à sa fin, les cadres communistes révolutionnaires qui restent sauvent le drapeau de Marx et de Lénine pour la nouvelle période de défaites, contre la nouvelle guerre mondiale impérialiste, pour le développement des points de départ révolutionnaires, pour l’accélération de la nouvelle montée révolutionnaire. De cette façon, ils préparent depuis des années la Quatrième Internationale Communiste. De nouveau le flux révolutionnaire récompensera ces efforts. La Quatrième Internationale Communiste se lèvera et elle aura à conduire la nouvelle montée révolutionnaire à la victoire, elle devra prévenir de nouvelles fatigues et assurer les fruits de la victoire.

Le Centrisme (”Luxemburgisme”).

A cette conception les réformistes et les centristes (kautskystes, luxemburgistes et en partie trotskyste) opposent la conception mécanique du marxisme. Pour eux la victoire du prolétariat est un processus automatique. Dans la première thèse du travail “au sujet de la question du parti” (écrit en 1940) nous écrivions :

“Le principe du matérialisme historique exprimant que l’existence mine la conscience a été interprété d’une façon mécanique par tous les opportunistes , droitiers et ultra-gauchistes. Les uns conçoivent une évolution pacifique vers le socialisme, les autres sont persuadés que le prolétariat, pour réaliser sa révolution n’a besoin que d’organiser les masses (syndicats, soviets) parce que la conscience prolétarienne se développerait automatiquement dans la masse.”

Les opportunistes mentionnés ci-dessus sont et les réformistes, les centristes (luxemburgistes) et les “communistes de conseils”. Toutes ces tendances capitulent devant les difficultés accumulées par les classes bourgeoises contre la formation d’un parti de cadres communistes révolutionnaires. Pour justifier leur capitulation, ils déclarent comme “superflu” et même “nuisible” le parti qui est reconnu comme indispensable et nécessaire par toute l’expérience de la lutte des classes. De cette (illisible) ils préparent de nouvelles et certaines défaites du prolétariat. Les réformistes sont pour l’”unité” de leurs partis de trahison. Les “luxemburgistes” et les “communistes gauchistes” s’ils sont pour un parti prolétarien récusent l’exemple du parti de Lénine. Tous ils contestent à la partie la plus consciente et la plus conséquente du prolétariat le droit de se constituer en parti et de s’organiser d’après le modèle de Lénine comme si ce n’étaient que les agents de la bourgeoisie, fascistes, réformistes et staliniens qui avaient le droit de créer des partis puissants, mais non la partie la plus révolutionnaire de la société ! Les Communistes Révolutionnaires doivent rejeter le plus énergiquement ce rôle de tuteur, de frein fatal joué par les opportunistes droitiers et ultra-gauchistes.
Syndicats et conseils (soviets) sont des formes d’organisation naturelles de la lutte de classe prolétarienne ; dans ces organismes qui se créent dans toutes les révolutions, toute la masse de ceux qui travaillent est représentée. Dans les syndicats, il n’y a souvent que l’aristocratie ouvrière qui est représentée (USA), en tout cas jusqu’à maintenant c’était elle qui dirigeait les syndicats. Dans les conseils (soviets) il y a non seulement tous les ouvriers (les ouvriers réactionnaires (illisible)), mais aussi la plupart des paysans et les couches moyennes laborieuses qui y sont représentés.
N’est-il pas naturel que les Communistes Révolutionnaires s’unissent en fractions dans les syndicats et aux différents congrès de soviets, pour défendre et pour imposer le point de vue communiste révolutionnaire contre les influences (qui l’emporteront au début) réformistes, staliniennes, bref bourgeoisies ? Ou bien est-ce le privilège des agents de la bourgeoisie de dominer au moyen de telles fractions les syndicats, les conférences de conseils, le prolétariat.
Et n’est-il pas logique que tous les communistes révolutionnaires représentés dans les différents syndicats et congrès de conseils d’une ville, d’un pays, d’un continent se réunissent pour échanger leurs expériences et pour discuter et décider de l’action commune et internationale ? Et qu’ils exécutent leurs décisions avec une discipline de fer internationale et révolutionnaire ? Or, voilà le parti que nous exigeons et pour lequel nous luttons.
Ou bien faut-il laisser à nos ennemis mortels le privilège de dominer par des ententes nationales et internationales entre eux et avec la bourgeoise les organisations de masses prolétariennes, pour les dissoudre un jour et pour massacrer tous les prolétaires révolutionnaires ? ! C’est presque incroyable, mais les “luxemburgistes” et les “communistes de conseils” veulent pour des raisons “morales” interdire au prolétariat révolutionnaire de se servir de cette arme qui est la plus importante et qui est absolument nécessaire à sa défense et à la victoire. Ils devraient s’ils étaient conséquents rejeter aussi (avec les mêmes raisonnement “moraux” et avec les mêmes “allusions” à la Russie stalinienne), la terreur rouge et toute violence prolétarienne en général.
Même les anarchistes devaient lever la visière pendant la dernière guerre de lutte de classes avant la deuxième guerre mondiale, c’est-à-dire dans la guerre civile espagnole et ils ont pris position dans la question du parti. Eux qui prétendaient rejeter par principes tout parti, toute politique et toute dictature d’une classe, devenaient en Espagne un parti de gouvernement et d’un gouvernement bourgeois. Mais d’autre part une aile gauche se séparait de ces anarchistes et refusait de prendre part à la trahison de classe. Cette organisation anarchiste de gauche devant reconnaître au feu de la guerre civile les défauts et l’insuffisance des idées anarchistes et la nécessité de la dictature du prolétariat. S’il y avait eu en Espagne un parti communiste révolutionnaire (marxiste) il aurait trouvé dans ces camarades anarchistes de gauche des combattants précieux. Ciliga nous rapporte de Russie que là-bas également, dans l’illégalité stalinienne, un rapprochement important à lieu entre communistes révolutionnaires et anarchistes de gauche.
Tout autre est l’hostilité des soi-disant “luxemburgistes” contre la création d’un parti d’avant-garde prolétarien. Les “luxemburgistes” aiment s’appeler “marxistes”. Cette manière de se réclamer de Marx est d’autant plus comique que les “luxemburgistes” ne sont pas d’accord avec Marx dans toutes les questions qui ont été nettement prévues et formulées par lui, tout en ce qui concerne la nécessité de la dictature du prolétariat (la formule est de Marx). La plupart des “luxemburgistes” est aujourd’hui pour la défense d’une des grandes puissances contre-révolutionnaires (USA, Angleterre ou Russie), donc pour la continuation de la guerre mondiale impérialiste, ils récusent le léninisme – c’est-à-dire le défaitisme révolutionnaire contre les gouvernements réactionnaires, la fraternisation révolutionnaire des ouvriers “occupés” avec les soldats ouvriers “occupants”, la création de nouveaux partis bolcheviks, la dictature du prolétariat, etc. Par conséquent ils agissent contre tout les principes établis par Marx et par Engels (les ouvriers n’ont pas de patrie, …, les ouvriers n’ont rien à perdre, …, Prolétaires de tous les pays unissez-vous, …, etc.”). Mais il y a un point où ils doivent se réclamer de Marx ; dans la question du parti.
En effet, Marx n’a pas préconisé la création de partis bolcheviks. Dans le Manifeste Communiste (1847) on dit que le parti communiste ne se distingue des autres partis que par une plus grande clarté de but. Nous traduisons de l’allemand :

“En Allemagne, quand la bourgeoisie se présente révolutionnaire le parti communiste lutte ensemble avec la bourgeoisie contre la monarchie absolue, la propriété féodale et le petit bourgeoisisme (”kleinbürgeren”), … Les communistes fixent leur attention essentielle sur l’Allemagne se trouve à la veille d’une révolution bourgeoise et parce que la révolution bourgeoise ne peut être que le prélude direct d’une révolution prolétarienne”

C’est de cette conception que se réclament nos “luxemburgistes”. Il est clair pour tout marxiste que les phrases ci-dessus, écrites avant la révolution bourgeoise, avant la prise du pouvoir par la bourgeoisie, avant l’époque impérialiste, il y a cent ans, sont dépassées depuis longtemps.
Puis il est clair que Marx et Engels qui ont si bien vu la perspective générale se sont trompés dans les délais et les dimensions de la révolution prolétarienne. Ce n’est qu’après la mort des deux hommes que toute une époque de guerres impérialistes mondiales, de révolutions prolétariennes et de contre-révolutions fascistes, commençait. Le prolétariat ne lutte plus avec la bourgeoisie contre le féodalisme, mais seul contre toute la contre-révolution bourgeoise dégénérant en barbarie. Cette lutte gigantesque dont les dimensions n’ont pas été prévues non seulement par Marx et Engels, mais non plus par Luxemburg ni même par Lénine ne peut être soutenue par le prolétariat sans parti de type bolchevik. La nouvelle époque, les nouvelles méthodes et armes de l’adversaire réclament également du prolétariat de nouvelles méthodes de lutte et de nouvelles armes. Ces méthodes et ces armes ont été développées jusqu’à maintenant surtout par le léninisme.
A l’opposée de nos “luxemburgistes”, Rosa Luxemburg était malgré ses erreurs, marxiste.
Seulement il ne lui était plus possible d’apprécier les expériences de la révolution allemande (1918-1923) et du développement ultérieur ! Avant la première grande guerre il y avait entre Rosa et Lénine des divergences sur la nécessité et la structure d’un parti de type bolchevik et sur les relations entre chefs, avant-garde et classe. A l’opposée de Lénine, Rosa restait jusqu’après 1914 au sein du parti social-démocrate (allemand) officiel, se liait à la soi-disant “spontanéité” des masses et rejetait l’organisation “presque militaire” de l’avant-garde prolétarienne de Lénine.
Si on ne compare pas les résultats des deux lignes politiques et organisationnelles, mais leurs formes extérieures, les idées de Rosa paraissent plus sympathiques parce qu’elles sont plus “humaines” et plus “commodes” que celles de Lénine. Sans doute il est plus beau de renoncer une fois pour toute à toutes contraintes, à toute direction et “tutelle” et d’assister à la victoire du prolétariat révolutionnaire en “enseignant” et en “conseillant” seulement. Mais la réalité capitaliste est plus concrète et brutale que les conceptions idéales de Rosa ; cette réalité a donné raison à Lénine. Lénine a vu plus loin et plus profondément que Rosa. Par la défaite de la révolution allemande (1918-23) et la victoire de la révolution russe (1917) l’histoire a rendu son jugement sur la théorie et la pratique de Lénine d’une part et celles de Rosa Luxemburg d’autre part. La victoire prolétarienne en Allemagne était aussi possible qu’en Russie, mais le parti forgé depuis 1903 par Lénine manquait en Allemagne. Cette circonstance, c’est-à-dire la différence des facteurs subjectifs (parti) et des idées dominantes en Allemagne et en Russie (”luxemburgisme” d’une part, bolchevisme de Lénine d’autre part) ne décidait d’ailleurs non seulement du sort des deux révolutions et de cette façon de la révolution internationale en général, mais aussi du sort de ses chefs. Quand Lénine était menacé de mort par la montée contre-révolutionnaire, comme “espion étranger” (août 1917), il savait se retirer dans l’illégalité ; Karl et Rosa furent assassinés par la contre-révolution quelques semaines après le début de la révolution. De façon, la révolution allemande fut privée de ses meilleurs chefs. Une chaîne de défaites héroïques suivait jusqu’en 1933. L’histoire a prononcé son jugement sur le “luxemburgisme” ; l’enthousiasme révolutionnaire et la spontanéité ne suffisent pas pour réaliser et assurer la victoire prolétarienne.
A tout cela les “luxemburgistes” nous répondent en faisant “allusion” à l’effondrement de la révolution russe qui est remplacée par la contre-révolution stalinienne. Par cette “allusion”, ils veulent viser le bolchevisme, mais par cela ils ne sauvent pas encore leur “luxemburgisme” !
Par l’inculpation fausse ou même juste du bolchevisme on n’excuse pas les conséquences du “luxemburgisme”.
Au contraire, par cette “allusion”, ils formulent l’accusation la plus grave contre leurs propres théories. Oui, la révolution russe a pitoyablement dégénéré et pitoyablement péri ; et personne n’a mieux prévu cet effondrement que Lénine et son parti même. Le grand “témoin” des “luxemburgistes”, Souvarine a écrit à la page 300 de son livre Staline :

“Dès 1906, Lénine prévoyait comme “unique garantie contre une restauration de la révolution socialiste en Occident”, précisant que “la révolution russe peut vaincre par ses propres forces mais en aucun cas ne pourrait maintenir et consolider de ses propres mains ses conquêtes.”

Depuis Lénine avait répété fréquemment la même idée, surtout pendant la révolution russe même, où il disait plus d’une fois que la révolution sera perdue si elle ne s’étend pas à l’Allemagne “en quelques lois”, …
Le parti bolchevik de Lénine était le seul parti qui était capable de conduire le prolétariat à la victoire – dans un pays, mais il ne pouvait pas remplacer le parti bolchevik inexistant d’Allemagne ni l’Internationale communiste révolutionnaire ! La révolution russe devait périr parce que la révolution prolétarienne en Allemagne, grâce aux manques centristes, “luxemburgistes” du temps d’avant-guerre, échouait. Il n’y a que des adversaires de la révolution prolétarienne qui peuvent en rendre responsable les bolcheviks et peut-être leur reprocher encore d’avoir (illisible) la révolution d’Octobre. Il n’y a pas de parti ni de chefs infaillibles. Même les meilleurs commettent parfois des erreurs. Peut-être aurait-on pu être mieux préparés que les bolcheviks, mais de tous les autres ils étaient les mieux préparés, ils ont osé le suprême et malgré toute la réaction ultérieure ils ont donné un exemple unique au prolétariat international. Si nous pouvons dire faire un reproche à Lénine, c’est celui-ci : qu’il faisait trop de concessions au “luxemburgisme”, qu’il avait sous-estimé jusqu’en 1914 la pourriture de la Seconde Internationale, qu’il avait été surpris par sa trahison et qu’il n’avait pas poussé déjà longtemps avant à la scission de la toute la Seconde Internationale et à la création de partis socialistes de gauche indépendants.
Or, nous voyons que l’effondrement de la révolution allemande (1923) et par conséquent de toute la révolution prolétarienne internationale et donc aussi de la révolution russe et l’effondrement actuel du mouvement ouvrier allemand et de cette façon du mouvement ouvrier international ont leur dernière cause en la préparation idéologique et pratique insuffisante des révolutionnaires avant 1914, ce qui devait se payer après 1917/18. Pour chaque révolutionnaire conséquent il ressort de ceci que le bolchevisme de Lénine est la méthode la plus juste de la lutte libératrice prolétarienne à laquelle nous devons la seule véritable victoire du prolétariat depuis 1871, que cette méthode échouait parce qu’elle restait isolée nationalement et que par conséquent elle doit être internationalisée. Elle restait isolée nationalement grâce au “luxemburgisme”. Les “luxemburgistes” (et aussi Souvarine par exemple) aiment identifier le bolchevisme de Lénine avec l’antibolchevisme de Staline ou de Trotsky, ou bien construire la “parenté” entre ces idéologies diamétralement opposées. Sans “luxemburgisme”, le prolétariat aurait vaincu non seulement en Russie, mais aussi en Allemagne et dans le monde entier, il n’y aurait pas eu de stalinisme ; l’isolement de la révolution russe engendrait le stalinisme, la réaction bureaucratique et finalement la contre-révolution en Russie, en Allemagne et dans le monde entier.
Donc ce n’est pas le bolchevisme-léninisme mais le “luxemburgisme” allemand qui conduisit au stalinisme russe. Il ne suffit pas d’opposer deux épreuves instantanées, “Allemagne” et “Russie” (même une telle raison est défavorable pour le centrisme allemand – “luxemburgisme”), mais il s’agit de voir la réaction réciproque des deux révolutions.
La révolution bolchevique (1917) accélérait et déchaînait la révolution spartakiste (1918) ; l’échec de cette révolution spartakiste (dû au manque d’avant-garde) amenait à l’isolement et à la dégénérescence de la révolution russe, à la naissance d’un mouvement contre-révolutionnaire en Russie qui de son côté freinait et étouffait toutes les révolutions prolétariennes dans le monde entier. Ainsi arrivions-nous au fascisme et à la deuxième guerre impérialiste mondiale.
Après toutes ces “expériences”, les “luxemburgistes” nous proposent de renoncer à la création de ce qui manque depuis des décades pour la victoire de la révolution prolétarienne : des partis bolcheviks suivant le modèle du parti de Lénine. Ce “luxemburgisme” approfondit les erreurs de Rosa qu’elle a vues en partie elle-même et qu’elle aurait toutes vues si elle avait vécu plus longtemps.
Ce n’est pas un hasard que le “luxemburgisme” ait fait sa réapparition dans tous les groupes d’émigration (allemands et autres) après et depuis la plus grande défaite du prolétariat allemand (et international), depuis 1933. Les illusions “luxemburgistes” qui sont au début une évolution et qui en outre ont contribué à cette catastrophe de 1933 en ressortent fortifiées.
C’est le sort de toutes les théories opportunistes. Ce n’est que plus tard que le prolétariat apprend de ces défaites. Après 1905, trop de révolutionnaires disaient : “Nous n’aurions pas dû prendre les armes”. Lénine répondait : “C’est plus audacieusement et mieux que nous aurions dû prendre les armes”. Or le parti, suivant le modèle du parti de Lénine, est l’arme la plus tranchante du prolétariat révolutionnaire, nous aurions donc dû la forger plus tôt et mieux, et nous en servir plus résolument !
Le “néo luxemburgisme” critiqué ici fait dix pas en arrière ; non seulement derrière le bolchevisme, mais aussi derrière le menchevisme et les social-révolutionnaires russes. Il est plus proche du menchevisme que du bolchevisme ; mais il est plus proche encore des narodniki (populistes) qui se contentaient d’un “travail d’éclaircissement”. Il ignore toutes les expériences et est la conséquence du désarmement matériel du prolétariat ; il signifie désarmement idéologique et matériel et doit aboutir à un nouveau désarmement du prolétariat.
Après que le prolétariat ait été battu matériellement dans le monde entier par la bourgeoisie, après que cette bourgeoisie ait aussi détruit le parti bolchevik et l’Internationale Communiste de Lénine, les néo-”luxemburgistes” renoncent aussi idéologiquement à des armes de la révolution prolétarienne et veulent nous empêcher de les reconstruire et de les améliorer. Ce “luxemburgisme” est la conséquence psychologique et l’expression “idéologique” de la défaite du prolétariat, de son avant-garde communiste bolchevik-léniniste ; il est l’expression idéologique du prolétariat d’aujourd’hui battu, désarmé et sans direction. Nous devons réfuter et vaincre idéologiquement cette idéologie centriste pour rendre possible la reconstruction du parti mondial communiste et la victoire matérielle du prolétariat. Le bolchevisme de Lénine signifie le réarmement maximum idéologique et matériel du prolétariat révolutionnaire.

Le parti mondial de la victoire prolétarienne révolutionnaire.

Depuis deux décades (depuis la mort de Lénine et la victoire de Staline) nous sommes en lutte pour la nouvelle (quatrième) Internationale du prolétariat qui devra remporter et assurer la victoire. Nous forgeons le nouveau parti international de la révolution prolétarienne mondiale. Nous savons que seul le nouvel essor révolutionnaire couronnera nos efforts de succès. Nous savons aussi que ce nouvel essor révolutionnaire resterait sans résultat si nos efforts subjectifs d’aujourd’hui et de toujours ne préparaient pas l’arme de la victoire et de cette façon la victoire même.
L’Internationale révolutionnaire est un seul parti international, un parti mondial ; les partis nationaux sont des sections de l’Internationale révolutionnaire. Le prolétariat est une seule classe internationale.

“L’économie transitoire pendant la dictature du prolétariat et plus tard l’économie socialiste est une production satisfaisant les besoins, une économie planifiée dirigée internationalement et collectivement. Par conséquent le parti prolétarien est international en ce qui concerne son organisation et son programme, sa structure est démocratique, sa direction centraliste, mais collective.”

(”Au sujet de la question du parti”, 1940 ; “Système économique et structure du parti”).

“… La structure doit être le centralisme démocratique. “Centralisme démocratique signifie : démocratie au sein du parti, liberté de discussion et de fraction dans le cadre des principes marxistes (et révolutionnaires prolétariens), les minorités sont obligées d’exécuter les résolutions de la majorité, mais elles ont, même comme minorité, le droit de critique et de fraction. Centralisme démocratique signifie en plus : élections régulières à tous les échelons de bas en haut, dans les périodes de légalité ; sélection et contrôle démocratique et réciproque de tous les révolutionnaires professionnels (dans le sens de “Que faire ?” de Lénine). Le livre de Lénine est compétent pour le caractère de l’organisation révolutionnaire prolétarienne.
Dans cet ordre d’idée, il faut après la faillite de la Deuxième et Troisième Internationales enfoncées dans le marais de l’opportunisme, bâtir à un rythme accéléré des nouveaux partis communistes et la nouvelle Quatrième Internationale Communiste.”"

Messages

  • « Dans la révolution, quand la masse apparaît elle-même sur la scène politique, la conscience de classe est pratique, active. Aussi une année de révolution a-t-elle donné au prolétariat russe cette “formation” que trente années de luttes parlementaire et syndicale n’ ont pu artificiellement donner au prolétariat d’ Allemagne » (R. Luxemburg, Grève de masses, partis et syndicats.)

    « Qu’était-ce donc que le soviet ? Le conseil des députés ouvriers fut formé pour répondre à un besoin pratique : il fallait avoir une organisation jouissant d’ une autorité indiscutable, libre de toute tradition, qui grouperait du premier coup les multitudes disséminées et dépourvues de liaison (...) ; l’essentiel enfin, c’était de pouvoir la faire surgir dans les 24 heures (...) Pour avoir de l’ autorité sur les masses, le lendemain même de sa formation, elle devait être instituée sur la base d’ une très large représentation. Quel principe devait-on adopter ? La réponse venait toute seule. Comme le seul lien qui existât entre les masses prolétaires, dépourvues d’organisation, était le processus de production, il ne restait qu’à attribuer le droit de représentations aux entreprises et usines. (...) Le 13 octobre au soir eut lieu la première séance du futur soviet. Il n’ y avait pas plus de 30 à 40 délégués. On décida d’appeler immédiatement le prolétariat de la capitale à la grève générale et à l’élection des délégués (...) Il y avait un délégué par groupe de 500 ouvriers. Les petites entreprises s’unissaient pour former des groupes d’électeurs » (Trotsky, 1905 ).

    « La Russie tout entière apprenait à lire (...) La soif d’instruction si longtemps réfrénée devint avec la révolution un véritable délire. Du seul Institut Smolny sortirent chaque jour, pendant les six premiers mois, des tonnes de littérature, qui par tombereaux et par wagons allaient saturer le pays. La Russie absorbait, insatiable, comme le sable chaud absorbe l’eau (...) Et quel rôle jouait la parole (...) On tenait des meetings dans les tranchées, sur les places des villages, dans les fabriques. Quel admirable spectacle que les 40 000 ouvriers de Poutilov allant écouter des orateurs social-démocrates, socialistes-révolutionnaires, anarchistes et autres, également attentifs à tous et indifférents à la longueur des discours ! (...) Dans tous les meetings, la proposition de limiter le temps de parole était régulièrement repoussée ; chacun pouvait librement exprimer la pensée qui était en lui ... » (Reed, les 10 jours qui ébranlèrent le monde)

    « Quand la Commune de Paris prit la direction de la révolution entre ses propres mains ; quand de simples ouvriers, pour la première fois, osèrent toucher au privilège gouvernemental de leurs « supérieurs naturels », les possédants, et, dans des circonstances d’une difficulté sans exemple, accomplirent leur oeuvre modestement, consciencieusement et efficacement (et l’accomplirent pour des salaires dont le plus élevé atteignait à peine le cinquième de ce qui, à en croire une haute autorité scientifique, le professeur Huxley, est le minimum requis pour un secrétaire du conseil de l’instruction publique de Londres), le vieux monde se tordit dans des convulsions de rage à la vue du drapeau rouge, symbole de la République du travail, flottant sur l’Hôtel de Ville. Et pourtant, c’était la première révolution dans laquelle la classe ouvrière était ouvertement reconnue comme la seule qui fût encore capable d’initiative sociale, même par la grande masse de la classe moyenne de Paris. (…)La Commune de Paris devait, bien entendu, servir de modèle à tous les grands centres industriels de France. Le régime de la Commune une fois établi à Paris et dans les centres secondaires, l’ancien gouvernement centralisé aurait, dans les provinces aussi, dû faire place au gouvernement des producteurs par eux-mêmes. Dans une brève esquisse d’organisation nationale que la Commune n’eut pas le temps de développer, il est dit expressément que la Commune devait être la forme politique même des plus petits hameaux de campagne et que dans les régions rurales l’armée permanente devait être remplacée par une milice populaire à temps de service extrêmement court. Les communes rurales de chaque département devaient administrer leurs affaires communes par une assemblée de délégués au chef-lieu du département, et ces assemblées de département devaient à leur tour envoyer des députés à la délégation nationale à Paris ; les délégués devaient être à tout moment révocables et liés par le mandat impératif de leurs électeurs. Les fonctions, peu nombreuses, mais importantes, qui restaient encore à un gouvernement central, ne devaient pas être supprimées, comme on l’a dit faussement, de propos délibéré, mais devaient être assurées par des fonctionnaires de la Commune, autrement dit strictement responsables. L’unité de la nation ne devait pas être brisée, mais au contraire organisée par la Constitution communale ; elle devait devenir une réalité par la destruction du pouvoir d’État qui prétendait être l’incarnation de cette unité, mais voulait être indépendant de la nation même, et supérieur à elle, alors qu’il n’en était qu’une excroissance parasitaire. Tandis qu’il importait d’amputer les organes purement répressifs de l’ancien pouvoir gouvernemental, ses fonctions légitimes devaient être arrachées à une autorité qui revendiquait une prééminence au-dessus de la société elle-même, et rendues aux serviteurs responsables de la société. Au lieu de décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante devait « représenter » et fouler aux pieds le peuple au Parlement [4], le suffrage universel devait servir au peuple constitué en communes, comme le suffrage individuel sert à tout autre employeur en quête d’ouvriers, de contrôleurs et de comptables pour son affaire. Et c’est un fait bien connu que les sociétés, comme les individus, en matière d’affaires véritables, savent généralement mettre chacun à sa place et, si elles font une fois une erreur, elles savent la redresser promptement. D’autre part, rien ne pouvait être plus étranger à l’esprit de la Commune que de remplacer le suffrage universel par une investiture hiérarchique. (…)Son véritable secret, le voici : c’était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le résultat de la lutte de la classe des producteurs contre la classe des appropriateurs, la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l’émancipation économique du travail."

    Karl Marx dans "La guerre civile en France"

  • « Pour le triomphe final des thèses établies dans le Manifeste communiste, Marx comptait uniquement et exclusivement sur le développement intellectuel de la classe ouvrière, tel qu’il devait résulter nécessairement de l’action unifiée et de la discussion. »

    Friedrich Engels

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