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Chirac en Algérie

samedi 25 janvier 2003, par Robert Paris

Chirac en Algérie : coup de coeur pour Hassi Messaoud ?

4 mars 2003

« Chirac en Algérie : la visite du coeur » titrait le Journal du Dimanche. C’est que pour Chirac aussi, l’Algérie, c’est le retour aux sources. C’est sa jeunesse, et quelle jeunesse ! En 1956, sorti frais émoulu de l’école d’officiers, il s’est porté volontaire pour aller défendre une cause sur le terrain : celle de l’Algérie française. Expérience inoubliable, si on en croit l’intéressé : « pour moi, l’Algérie a été la période la plus passionnante de mon existence (...) ce fut un moment de très grande liberté (...) c’est le seul moment où j’ai eu le sentiment de commander » (interview à Paris-Match, 1978). Déterminants pour le futur chef de l’Etat français, ces 14 mois passés en Oranie : « Cette guerre d’Algérie... m’a d’abord formé moralement, car un chef de peloton ou un commandant d’escadron sur son piton est un peu, comme on le dit d’un pacha sur un navire, le seul maître à bord après Dieu ».
Quelques 45 ans plus tard, Chirac, auréolé d’une réputation bien usurpée d’opposant à la guerre, voire de « pacifiste », peut se payer le luxe d’un bain de foule en Algérie : des centaines de milliers d’Algériens, et un slogan : « Chirac ! Visa ! ». Dans un pays où la pauvreté n’a jamais été aussi grande, beaucoup se raccrochent à cet ultime espoir : atteindre librement le territoire de l’ancienne métropole de plus en plus fermée aux immigrants. Quelle revanche pour l’ex-sous-lieutenant d’une armée coloniale défaite ! Paternaliste, il a adressé un « éloge de la démocratie » au peuple algérien. Peu lui importe que les forces de l’ordre algériennes aient violemment arraché les pancartes des associations de défense des disparus (7000 personnes enlevées par le pouvoir) au cours d’une guerre civile qui a fait plus de 200 000 morts. Ou encore que les manifestants venus de Kabylie en lutte aient été empêchés d’entrer dans Alger, toujours par la force. Cela, le pseudo-démocrate Chirac n’a rien à y redire, solidarité avec la dictature militaire algérienne oblige.
Car c’est avec Bouteflika, ce représentant politique des généraux assassins, que Chirac a signé une « déclaration politique de l’amitié », qui doit permettre de « surmonter le passé et de sceller les retrouvailles ». Pour l’occasion, Chirac a même déterré le sceau que le dey d’Alger avait remis aux Français lors de sa reddition en 1830, afin de le restituer à Bouteflika ! Comme l’indique le cérémonial, le temps de la colonisation est révolu. Mais si Chirac a mis au rencart ses rêves de jeunesse d’une « Algérie française », c’est qu’il compte sur d’autres moyens, tout aussi efficaces, pour piller pays : Il a pris soin d’emmener dans ses bagages les « investisseurs », une quinzaine de chefs d’entreprise, depuis les gros groupes capitalistes comme Alstom, Total, Gaz de France, Airbus, jusqu’aux représentants des PME françaises, en passant par le président de la commission Algérie du Medef.
Entre 1999 et 2001 les exportations françaises vers l’Algérie ont déjà augmenté de 40%. Avec 24% des parts de marché, la France est le 1er fournisseur de l’Algérie, un marché juteux pour des PME françaises. Mais la « déclaration d’Alger » signée ces jours-ci est bien plus ambitieuse. Elle définit un nouveau « partenariat économique » entre les deux pays. L’objectif affiché, c’est de transformer une « économie étatisée obsolète » en une « économie de marché ».
Bouteflika est notamment contesté dans son pays pour s’être fait le défenseur de la privatisation annoncée du secteur pétrolier et gazier. Raison de plus pour Chirac pour lui apporter son soutien, à un an des prochaines élections présidentielles en Algérie. Car si la visite de Chirac a un « sens historique », c’est bien celui de donner toutes les chances à la compagnie pétrolière française TotalFinaElf de rafler la mise. L’enjeu est énorme. « Le sous-sol algérien est largement sous-exploité », estime Bernard Sudreau, directeur de TotalFinaElf-Algérie. Une course de vitesse est engagée entre les impérialismes concurrents, surtout français et américain. Au début des années 1990, les Américains ont mis à profit les premières mesures de libéralisation relatives à l’exploitation et au développement de nouveaux gisements, pour s’implanter dans les hydrocarbures algériens. La visite aux Etats-Unis que vient de faire le ministre algérien de l’énergie ne fait que le souligner. La France est alors bien décidée à défendre et même faire avancer ses positions. TotalFinaElf vient de s’implanter dans des sites d’exploitation de gaz naturel, et vient d’arracher un permis d’exploration près de Timimoun, dans l’Ouest du pays. Le coup de coeur de Chirac en Algérie a pour noms Hassi Messaoud ou Hassi R’Mel et autres champs pétroliers !
Dans une situation où la concurrence s’exacerbe entre impérialismes, la position de Chirac sur l’Irak lui est bien utile vis-à-vis des autres Etats arabes. Elle peut permettre aux entreprises françaises de regagner de ce côté, des affaires qu’elles vont probablement perdre en Irak, du fait de l’opposition aux Etats-Unis du gouvernement français sur l’opportunité du déclenchement de la guerre. Ces calculs d’affairistes qui investissent avec le sang des peuples n’ont rien à voir avec la véritable aspiration à la paix, ni des populations des pays arabes ni de ceux du monde entier, ni des travailleurs français dont Chirac se moque bien. Et si la France des affairistes y gagne des profits nouveaux en Algérie, ce n’est pas le peuple algérien qui s’en sortira mieux mais seulement quelques margoulins des deux côtés de la Méditerranée !

Messages

  • On nous présente Jacques Chirac, décédé, comme un personnage sympathique et bon enfant alors que c’était, comme tous les autres, le président des milliardaires, celui du chômage de masse, de la tentative de flexibilisation du travail de 1995 et on en passe sur son amitié avec Saddam Hussein, ses procès, ses grands repas de luxe et sur les petites filles mineures nues dans ses voyages privés en avion payés par on ne sait qui… Les petites filles, les grands repas et la fête dans le luxe, il les retrouvait aussi bien chez Kadhaffi, chez Saddam Hussein ou chez le dictateur roumain Ceaucescu, ou encore chez Ben Ali… Pas dégoûté le Chirac… Pour cela, il n’était pas raciste, c’est « la saleté et l’odeur » des pauvres qu’il n’aimait pas…

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