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En Egypte comme en Tunisie et dans toute la région, une seule issue pour le peuple travailleur et la jeunesse, s’organiser en comités d’entreprise, en milices, en piquets, en coordinations et en collectifs de quartiers...

lundi 31 janvier 2011, par Max

En Egypte comme en Tunisie et ailleurs, les formes d’auto-organisation des travailleurs, des jeunes, des femmes et des soldats

Pour justifier de la nécessité des forces de répression, le pouvoir a, comme Ben Ali avant lui en Tunisie, fait donner des bandes de pillards, certains issus des forces "de l’ordre" et d’autres des prisonniers...

Il menace ainsi la population du chaos pour la pousser à se jeter dans les bras des forces de l’ordre...

Mais

cet ordre ancien, on n’en veut plus. Alors quelle solution ? Il faut des comités de quartier et pas seulement pour se défendre contre des bandits ! Pour discuter, pour décider. C’est cela la vraie démocratie !

Les citoyens, comme en Tunisie, ont réagi en fondant des groupes d’autodéfense. Dès vendredi soir, des habitants du quartier pauvre Al-Sabtia, munis de couteaux et d’armes artisanales, sont ainsi descendus dans les rues.

Cela ne peut suffire pour l’avenir.

Il faut un véritable contrôle de la population sur ces milices et ces barrages car, sinon, ce sera l’armée qui les contrôlera comme le prouve l’exemple des groupes d’autodéfense algériens des années de guerre civile...

Toue la situation nécessite que le peuple s’organise sans attendre de miracles d’aucun pouvoir d’Etat...

Plusieurs groupes de travailleurs et de jeunes ont pris conscience de cette nécessité et l’un d’entre eux diffusait un tract aux manifestants appelant à l’auto-organisation de la lutte sous forme de comités locaux qui se fédèrent...

L’Egypte ouvrière a déjà initié l’auto-organisation

Avant 2011, le Moyen-Orient, malgré les offensives impérialistes en Irak et en Palestine, connaît le même renouveau des luttes que partout ailleurs. Par exemple, la situation politique et sociale en Egypte, des dernières années a été jusqu’à présent mal connue en France. L’image dominante est celle d’une région martyr qui se réfugie dans les pires extrémismes. C’est en réponse aux guerres en Palestine et surtout en Irak que l’on vit la population défier le pouvoir en place. Selon Sameh Naguib, on dénombre pas moins de 300 000 grévistes en 2007, le niveau d’implication et de militantisme n’a jamais été aussi fort depuis les années 1940, sous l’occupation anglaise. Ce renouveau des luttes s’explique par les bouleversements importants que sont la massification de travailleurs en ville, et la précarisation de leur statut. Le Caire compte aujourd’hui près de 20 millions d’habitants. Cette massification de la classe laborieuse dans les villes s’opère conjointement à un appauvrissement important dans les campagnes, ainsi qu’à la privatisation d’industries. Ainsi, beaucoup de travailleurs et paysans furent contraints d’effectuer des travaux journaliers, donc de subir une précarisation de leur statut. Ces facteurs n’ont pas empêché les ouvriers d’affronter le patronat, au contraire.
Grèves de masse

La particularité de ces luttes, c’est qu’elles ont parfois abouti à des victoires, comme par exemple la grève dans les usines textiles de Mahalla en décembre 2007, rejointe par celle de l’usine de Karf al-Dawar et des ouvriers en minoterie au sud du Caire. L’autre exemple est la grève des usines de ciment, détenue par des capitaux italiens. Au bout de quatre jours, le salaire à été augmenté de 800 à 2 000 livres égyptiennes. À cela s’ajoute l’émergence d’une nouvelle génération militante qui compte un grand nombre de femmes. Ce sont elles qui ont initié la première grève à Mahalla :

[C]e sont les travailleuses du textile, qui sont à 90 % des femmes, qui sont parties faire débrayer les autres sites, et entraîner les hommes à faire grève. La plupart d’entre elles sont intégralement voilées, ce qui ne les empêche pas d’être des militantes extrêmement actives. Elles passent même la nuit entière à occuper les usines avec les hommes.

Cette génération a d’abord affronté les syndicats officiels affiliés au régime pour exiger une autre représentation des travailleu-r/se-s. Elle s’attaque ces derniers mois de plus en plus directement à Moubarak. Anne Alexander, dans son récent article sur la politisation des mouvements ouvriers en Egypte reprend la thèse de Rosa Luxemburg selon laquelle il n’y a pas de séparation fondamentale entre le domaine économique et politique. Ces deux domaines sont intimement liés, car la base de revendication est économique, et la forme que prennent les luttes est politique. Elle l’est d’autant plus dans un Etat autoritaire qui interdit tout droit de grève, d’assemblée et d’auto-organisation des travailleurs. Ainsi, pour satisfaire les revendications économiques, des gains démocratiques sont nécessaires. L’accumulation de victoires fait ressentir le besoin d’une autre représentation politique des travailleurs. On comprend donc le fort retentissement qu’ont les slogans anti-Moubarak, et les portraits du dictateur que l’on brûle sur la place publique. Les rumeurs justifiées de succession de son fils Gamal sont perçues comme allant à l’encontre des intérêts du peuple. Son orientation politique se démarque de son père dans le sens où il trouve la vieille élite trop molle, et trop lente à engager des réformes économiques libérales. Pour ne pas le laisser passer,il devient nécessaire de créer un mouvement global qui fasse converger les préoccupations anti-impérialistes, et les luttes sociales de tous les secteurs d’activité.

Cette volonté à été relayée dans la ville de Mahalla, connue en Egypte pour avoir joué un rôle moteur pour les mouvements sociaux de ces derniers mois. Elle est forte de 27 000 ouvrier-e-s, ce qui en fait le plus grand complexe d’industries textiles du Moyen-Orient, et des actions de solidarité pour la Palestine s’y organisent. La grève la plus récente, qui a débuté la veille de la convention chargée de fixer les salaires pour le pays a pour objectif l’augmentation du salaire minimum à 175 euros, alors gelé à 5 euros depuis 1984 ! Les grèves et mes manifestations sont quasi-illégales. Pour initier une grève ou une manifestation, il faut que ce soit fait dans le plus grand secret. Ou spontanément. Le 19 février, malgré la tentative des forces de police de faire avorter toute action, une manifestation s’est tenue en ville. 10 000 habitants ont rejoint les travailleurs sous des slogans anti-Moubarak. Ces deux exemples montre que Mahalla constitue un embryon d’organisation de la classe ouvrière pour la défense des intérêts du prolétariat dans son ensemble. D’où un large écho dans le pays, entraînant alors d’autres secteurs à entamer des actions, sit-in et grèves. Ce fut le cas des cheminots, des médecins, des universitaires, etc... En plus de cela, le drame de la hausse des prix, phénomène mondial qui a touché plus gravement les pays plus pauvres, a entraîné une pénurie de pain. On dénombre15 morts à cause des échauffourées. Le point culminant de ces mouvements a été la grève générale du 6 avril, appelée par divers secteurs en lutte. Elle a donné lieu à des manifestations massives réunissant étudiants, universitaires, ouvriers, habitants des villes. La répressions et les combats de rue ont été terribles. Selon l’appel du Centre d’études socialistes du Caire, on dénombre 800 arrestations au Caire, dont 150 militants, et 600 à Mahalla dont un certain nombre de femmes et d’enfants. Les deux organisateurs clés du mouvements, deux ouvriers à Mahalla qui sont Tarek Amin et Kamal el-Faioumy, ont été arrêtés. Cette journée rappelle pour beaucoup d’égyptiens l’intifada du pain de 1977. Ce soulèvement intervient la veille des municipales, et a démonté de manière éclatante cette farce électorale. Cette fois, et on le voit clairement, ce sont les luttes ouvrières qui affrontent le pouvoir, et montrent que la voie du changement ce ne sont ni les concessions, ni les élections. On comprend pourquoi cette initiative n’a pas du tout plu au régime ! Les jours suivants, Mahalla fut encerclée par les forces de l’ordre, et les protestations continuèrent.

Il est important de préciser que la naissance de ce syndicat est le produit d’une vague de grèves sans précédent qui secoue le pays depuis 2007, et en particulier de la lutte acharnée des collecteurs de taxes pour obtenir son officialisation. Cette première organisation qui défend les intérêts des travailleurs est appelée à jouer un rôle moteur dans les mobilisations à venir, et son élargissement aux autres secteurs se présente comme un enjeu crucial de celles-ci. Depuis la première grève déclenchée à Mahalla al Kubra située dans le Delta du Nil, le pays a connu une succession de grèves, sit-in et manifestations qui ont culminé avec l’appel à une grève générale le 4 avril 2008. Les victoires obtenues ont permis d’accroître la confiance des travailleur-euses quant à leur capacité à défier le pouvoir en place. Il est également apparu nécessaire, pour consolider et étendre la lutte, de faire reconnaître des droits démocratiques tels que le droit à l’auto organisation.

Les syndicats dominants sont affiliés au pouvoir, en héritage du système nassérien. Ils constituent un obstacle à la mobilisation des travailleurs. En effet, ils condamnent souvent les grèves, car elles sont illégales, ce qui a été le cas des collecteurs de taxes qui ont entamé une grève de trois mois ainsi qu’un sit-in de 11 jours devant le Ministère des finances en décembre 2007. Au cours de la lutte, il est apparu évident pour l’ensemble des travailleur-euse-s de rester organisé-e-s, à distance du gouvernement et de sa bureaucratie corrompue. Officieusement, le syndicat existait sous forme de comités au moment où la grève prenait de l’ampleur, et il a fallu un an et des protestations massives devant le Ministère du travail pour le faire reconnaître. Sur le même modèle que les collecteurs de taxes, et par l’ampleur qu’a pris la grève dans le secteur postal début mai 2009, les postiers ont eux aussi tenté d’officialiser leur syndicat indépendant. Le motif de la grève était le refus de la mise en place d’un système qui permettait aux cadres de licencier les postiers les moins productifs. Les employé-e-s demandaient également l’égalité de statut avec les employé-e-s de la compagnie égyptienne des télécommunications. Ils se sont heurtés dès le début à la police postale et au syndicat contrôlé par l’état. Ce dernier a essayé de saboter l’action des grévistes à Kafr al-Shaykh, lieu central du mouvement. La stratégie utilisée par les postiers, similaire à celle des collecteurs de taxes, a été de coordonner le mouvement à l’échelle nationale et à organiser des manifestations combatives.

Souvent, les mouvements qui reposent sur des revendications syndicales prennent un tour politique, et affrontent directement l’appareil d’État et son emprise militaire sur la société. Selon le camarade du Centre d’Études Socialistes au Caire, Hisham Fu’ad, alors que les grévistes de Tanta Flax demandaient la renationalisation de l’entreprise en brandissant le portrait de Moubarak, leur mouvement les a conduits à remettre en cause leur soutien au gouvernement, en manifestant leur défiance par des slogans violemment anti-Moubarak. A Mahalla, les travailleureuse- s sont même allé-e-s jusqu’à piétiner son portrait et à ériger son tombeau symbolique. C’est donc face à la pression des employeurs, de l’État et de ses valets syndicaux que les militante- s pour un syndicalisme indépendant luttent et se coordonnent pour généraliser l’avancée des collecteurs de l’impôt foncier. On comprend que des revendications économiques prennent immédiatement un caractère politique quand des activistes sont licencié-e-s, intimidé-e-s, ou même arrêté-e-s, comme les deux travailleurs de l’usine textile Abul Sebae à Mahalla al-Kubra le 2 août dernier, pour de faux motifs selon les militant-e-s pour un syndicalisme indépendant. On comprend aussi qu’un tel combat soit à l’avant-garde des luttes de classe dans la région, ouvrant des perspectives révolutionnaires en Égypte comme dans l’ensemble du Proche et Moyen-Orient.

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