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Egypte, le jeu du nouveau pouvoir militaire : dissocier les forces qui ont fait tomber Moubarak en discréditant les grèves et en poussant les forces bourgeoises à se solidariser avec lui. les travailleurs doivent agir avec décision, entraîner la petite bourgeoisie et les soldats.

mercredi 16 février 2011, par Robert Paris

Des manifestations se poursuivaient mercredi en Egypte, en dépit des mises en garde de l’armée contre les conséquences des rassemblements et des grèves sur le retour à la normale et les efforts visant à améliorer l’économie.
L’armée égyptienne, aux commandes du pays depuis qu’Hosni Moubarak a démissionné et lui a remis le pouvoir, a appelé lundi citoyens et syndicats à cesser les grèves, au moment où les mouvements sociaux prenaient de l’ampleur. "Nous espérons que tout le monde préparera le climat favorable à la gestion des affaires du pays en cette période délicate jusqu’à ce qu’elles soient remises au pouvoir civil légitime et élu par le peuple", explique le Conseil supérieur des forces armées dans un communiqué lu par un militaire à la télévision d’Etat. Dans un premier temps, il avait été question que l’arme publie un décret interdisant purement et simplement les réunions syndicales. Elle se contente donc pour l’instant d’en demander l’arrêt.

Le vent de contestation souffle en effet désormais sur le terrain social. Des employés du vaste secteur public exigent une revalorisation de leurs maigres salaires et de meilleures conditions de travail. Des institutions financières du Caire jusqu’au port d’Alexandrie, de nombreux employés se sont mis en grève dimanche, premier jour ouvré de l’après-Moubarak, ce qui a contraint la Banque centrale égyptienne à décréter lundi jour chômé, alors que mardi est déjà un jour férié.

Plusieurs centaines d’employés de l’aéroport du Caire ont entrepris de protester dans le terminal réservé aux arrivées pour demander de meilleurs salaires et une couverture santé.

A Mahallah al-Koubra, ville du delta du Nil, des ouvriers de la plus grande usine textile d’Egypte se sont mis en grève pour réclamer une hausse des salaires et une enquête sur des faits présumés de corruption au sein l’établissement.

A Port Saïd, à l’entrée du canal de Suez, un millier de personnes ont manifesté pour exiger la fermeture d’une usine chimique, qui déverse ses déchets dans un lac près de la ville.

Malgré les appels de l’armée, de nouvelles manifestations et autres mouvements de grèves ont eu lieu mercredi en Egypte. Des arrêts de travail et des rassemblements étaient signalés mercredi dans de nombreux endroits, en particulier dans le delta du Nil, les villes le long du canal de Suez, au Caire et dans la deuxième ville du pays, Alexandrie.

Selon le quotidien Al-Masry Al-Youm, en date du 14 février 2011, sont entrés en lutte les travailleurs chargés de l’entretien du tunnel stratégique qui permet de rallier, pour les véhicules arrivant d’Heliopolis, le centre du Caire.

Le quotidien indique que les manifestations de ces ouvriers « s’inscrivent dans la vague de mobilisations ouvrières qui déferlent sur le pays depuis le départ du président Hosni Moubarak, le 11 février 2011 ». Une réalité qui est peu relevée dans les médias occidentaux. Ils préfèrent s’attarder sur le « nettoyage » de la place Tahrir ; acte qui recouvre, certes, des dimensions politiques plus profondes pour un certain nombre de leurs acteurs.

Les travailleurs du tunnel ont élevé des barricades à son entrée. Ils protestent contre le refus des « autorités » de tenir les promesses faites le jeudi 10 février. Leurs revendications : obtenir un contrat à durée indéterminée et non pas des contrats temporaires. Ils ont marché dans le tunnel en direction de la Place de l’Opéra. Ils insistent sur le fait qu’ils travaillent depuis onze ans avec des contrats temporaires, sans assurance-maladie. Le salaire mensuel ne dépasse pas 300 livres égyptiennes (50 francs suisses), bien qu’ils soient exposés tous les jours aux gaz dégagés par les automobiles, ce qui provoque des maladies respiratoires.

Ces travailleurs insistent aussi sur le fait qu’ils dépendent de deux agences gouvernementales – l’une, le gouvernorat du Caire, l’autre, l’Autorité nationale des tunnels – qui, de la sorte, évitent, chacune, de répondre à leurs revendications.

Dans la ville d’Assiut, dans la haute Egypte, des milliers de travailleurs et d’employés se sont mobilisés ce 14 février 2011 pour revendiquer de meilleures conditions de travail et une augmentation de leur salaire. Ils condamnent de même les agences gouvernementales à la tête desquelles siègent des officiels corrompus mis en place par le régime de Moubarak.

Les 2000 ouvriers de l’usine Assiut Fertilizer ont de même organisé un sit-in. Ils réclament, comme la plupart des travailleurs en Egypte, des contrats de travail permanents, des meilleurs salaires et exigent le départ du directeur de l’entreprise.

Tous les jours de tels exemples indiquent, d’une part, l’accentuation et accélération de la mobilisation sociale sur les brisées des premiers gains politiques obtenus par la « révolution du 25 janvier » et, d’autre part, les problèmes liés à l’émergence d’une expression syndicale propre, indépendante, des travailleurs et travailleuses.

Mais, dans l’immédiat, une question plus « élémentaire » se pose : le Commandement suprême de l’armée, vient ce 14 février 2011, d’exiger l’arrêt des sit-in et des grèves, le « retour au travail » afin « de ne pas mettre en danger l’économie du pays ». La Junte affirme ses intérêts et sa « transition ». Ils s’opposent directement à ceux des travailleuses et travailleurs.

Dans une déclaration à la télévision d’Etat, le Conseil suprême des forces armées d’Egypte a appelé lundi les Egyptiens à renoncer aux grèves et aux manifestations, rapporte le correspondant de RIA Novosti.

"De telles actions ont des répercussions négatives. A présent, tous les citoyens doivent conjuguer leurs efforts pour garantir la sécurité de la patrie", a indiqué l’armée.

Selon les militaires, les grèves et les actions de protestation dégénèrent souvent en désordres qui portent atteinte à la sécurité nationale et privent les autorités de la capacité d’approvisionner les citoyens en biens de première nécessité.

"Le Conseil suprême des forces armées appelle les citoyens et les syndicats à assumer leur rôle, chacun à sa place. Nous espérons que tout le monde participera à la création d’un climat propice à la gestion des affaires du pays jusqu’à ce qu’elle soit remise au pouvoir civil, élu par le peuple", dit la déclaration.

L’armée prévient que les actions de protestation entravent la vie quotidienne des Egyptiens et "portent atteinte à l’économie nationale". С’est elle qui est aux commandes du pays depuis que le président Hosni Moubarak a démissionné et lui a remis le pouvoir.

Depuis hier, et en réalité bien avant, les militants de la classe moyenne exhortent les Égyptiens à suspendre les manifestations et à retourner au travail, au nom du patriotisme, leur chantonnant quelques-unes des berceuses les plus ridicules du genre « Construisons une nouvelle Égypte », « Travaillons encore plus dur qu’avant », etc. Au cas où vous ne sauriez pas qu’en réalité, les Égyptiens sont déjà parmi les peuples qui travaillent le plus dur dans le monde.

Ces militants veulent que nous fassions confiance aux généraux de Moubarak pour une transition vers la démocratie - la même junte qui lui a fourni l’ossature de sa dictature toutes ces trente dernières années. Et si je crois qu’effectivement le Conseil suprême des Forces armées, qui tous les ans reçoit des USA 1,3 milliard de dollars, va finir par manigancer une transition vers un gouvernement « civil », je suis sûr aussi que ce sera un gouvernement qui assurera la continuité d’un système qui ne touchera jamais aux privilèges de l’armée, qui maintiendra les forces armées comme l’institution qui aura le dernier mot en politique (comme par exemple, en Turquie), qui garantira que l’Égypte continue d’appliquer la politique étrangère états-unienne qu’il s’agisse d’une paix non désirée avec l’État d’apartheid d’Israël, d’un passage assuré à l’US Navy dans le Canal de Suez, de la continuation du siège de Gaza ou de l’exportation du gaz naturel en Israël à des taux subventionnés. Un gouvernement civil, ce n’est pas un gouvernement constitué de membres qui ne portent pas d’uniformes militaires. Un gouvernement civil, cela veut dire un gouvernement qui représente pleinement les exigences et les désirs du peuple égyptien sans aucune intervention des galonnés. Et je vois cela comme quelque chose de très difficilement admis, et encore moins mis en oeuvre par la junte.

L’armée est l’institution régnante dans ce pays depuis 1952. Ses chefs font partie de l’establishment. Et si de jeunes officiers et soldats sont bien nos alliés, nous ne pouvons pas, ne serait-ce qu’une seconde, accorder notre confiance aux généraux. De plus, il faut que ces chefs militaires fassent l’objet d’enquêtes. Je veux en en savoir plus sur leur implication dans le secteur des affaires.

Toutes les classes en Égypte ont pris part au soulèvement. Place Tahrir, vous trouvez des fils et des filles de l’élite égyptienne, ensemble avec les ouvriers, les citoyens de la classe moyenne, et les pauvres des villes. Moubarak a réussi à s’aliéner toutes les classes sociales de la société, y compris le vaste secteur de la bourgeoisie. Mais n’oubliez pas que c’est seulement quand les grèves massives ont débuté, il y a trois jours, que le régime a commencé de s’effriter et que l’armée a dû forcer Moubarak à démissionner parce que le système était sur le point de s’effondrer.

Certains ont été surpris quand les travailleurs ont lancé leurs grèves. Je ne sais vraiment pas quoi leur dire. C’est complètement idiot. La vague des grèves les plus longues et les plus soutenues que les travailleurs ont organisées dans l’histoire de l’Égypte depuis 1946 a été déclenchée par la grève de Mahalla, et c’était en décembre 2006. Ce n’est pas la faute des travailleurs si vous ne faites pas attention à ce qui se passe chez eux. Chaque jour au cours des trois dernières années, il y a eu une grève dans telle ou telle usine, soit au Caire, soit en province. Ces grèves n’étaient pas juste économiques, elles étaient aussi de nature politique.

(JPG) Depuis le premier jour du soulèvement, la classe ouvrière participe aux manifestations. Qui pensez-vous qu’ils étaient ces manifestants de Mahallah, Suez, et à Kafr el-Dawwar, par exemple ? Toutefois, ces travailleurs y prenaient part en tant que « manifestants » et pas nécessairement en tant que « travailleurs » - au sens où ils ne manifestaient pas de façon autonome. C’est le gouvernement, pas les manifestants, qui a conduit à l’arrêt de l’économie, par ses couvre-feux, par ses fermetures des banques et des entreprises. Le gouvernement a fait une grève capitaliste, cherchant à terroriser le peuple égyptien. Ce n’est que lorsque le gouvernement a tenté de ramener le pays à la « normale », dimanche, que les travailleurs sont retournés dans leurs usines, ils ont débattu de la situation présente et ils ont commencé à s’organiser en masse, en bougeant comme un bloc.

Les grèves engagées par les travailleurs cette semaine sont à la fois économiques et politiques, les deux ensembles. Dans certains endroits, les travailleurs ne mettent pas la chute du régime dans leurs exigences, mais ils scandent les mêmes slogans que ceux qui manifestent à Tahrir, et dans de nombreux cas - au moins ceux sur lesquels j’ai pu m’informer, et je suis sûr qu’il y en a d’autres -, les travailleurs mettent en avant une liste d’exigences politiques solidairement avec la révolution.

Ces travailleurs ne sont pas rentrés chez eux de sitôt. Ils sont stimulés par le renversement de Moubarak. Ils ont commencé les grèves parce qu’ils n’arrivent plus à nourrir leurs familles. Ils ne peuvent pas retourner vers leurs enfants et leur dire que l’armée a promis de leur donner de la nourriture et leurs droits dans je ne sais combien de mois. La plupart des grévistes ont déjà commencé à rajouter des exigences nouvelles et ils ont créé des syndicats libres, distincts des syndicats de la Fédération égyptienne, corrompus et soutenus par l’État.

Aujourd’hui, je commence déjà à recevoir des informations selon lesquelles des milliers de travailleurs des transports publics organisent des manifestations à el-Gabal el-Ahmar. Les travailleurs intérimaires d’Helwan Steel Mills manifestent aussi. Les techniciens des chemins de fer maintiennent toujours les trains à l’arrêt. Ils sont des milliers à la raffinerie de sucre d’el-Hawamdiya à manifester, et ceux de l’industrie pétrolière entament une grève demain, sur des exigences économiques, et aussi pour s’en prendre au ministre Sameh Fahmy et faire cesser les exportations de gaz en Israël. Et de nouvelles informations arrivent régulièrement d’autres centres industriels.

A ce stade, l’occupation de la Place Tahrir est susceptible d’être suspendue. Mais nous devons faire Tahrir dans nos entreprises maintenant. Alors que la révolution se poursuit, une polarisation de classe inévitable se profile. Nous devons être vigilants. Nous ne devons pas en rester là. Nous détenons les clés de la libération de la région tout entière, pas seulement de l’Égypte. Aller jusqu’à une révolution permanente qui donnera le pouvoir au peuple de ce pays par une démocratie directe venant du bas...

En ce 13 février, une tension s’exprime sur la place Tahrir entre l’armée qui veut l’évacuer complètement et une couche importante de manifestants qui veulent démontrer, en y restant, leur vigilance face à une « transition » qui prend des airs de continuité après la victoire initiale de l’énorme mobilisation qui a conduit à la démission forcée de Moubarak.

Mais, comme cela était indiqué dans un article publié sur ce site (« Les bâtiments du pouvoir bloqués… »), la « transition » peut voir le choc entre deux options : celle d’une continuité rénovée du régime et celle d’une rupture plus profonde avec le régime. C’est dans cette perspective que nous publions l’article ci-dessous, écrit le 12 février 2011. (Rédaction)

*****

Depuis hier, le 11 février 2001, et de fait depuis avant, des activistes des « classes moyennes » ont insisté pour que les Egyptiens mettent fin à leur mobilisation et retournent travailler, cela au nom du patriotisme. Ils l’ont fait en chantant les plus ridicules comptines sur le thème : « Commençons à construire une nouvelle Egypte » ; « Travaillons plus fort que jamais auparavant », etc.

Au cas où vous ne le saurez pas, actuellement les Egyptiens sont déjà parmi ceux qui travaillent le plus dur au monde.

Cette couche « militante » veut que nous déposions notre confiance dans les mains des généraux de Moubarak pour organiser la transition vers la démocratie. Au cours des trente dernières années, cette junte militaire a constitué la colonne vertébrale de la dictature Moubarak.

Et bien qu’il soit possible, je le crois, que le Conseil suprême des forces armées – qui a reçu 1,3 milliard de dollars par année des Etats-Unis – puisse mettre en place une transition vers un gouvernement civil, des élections, je n’ai aucun doute que ce sera un gouvernement qui assurera la continuité du système. Un gouvernement qui ne touchera jamais aux privilèges de l’armée [entre autres, ses avoirs très importants dans l’économie]. Un gouvernement qui maintiendra les forces armées comme une institution qui aura le dernier mot dans les importantes questions politiques (sur le modèle turc) ; qui garantira que l’Egypte continuera à suivre la politique étrangère des Etats-Unis, que ce soit la paix avec l’Etat d’apartheid qu’est Israël ou d’assurer le libre passage du canal de Suez pour la flotte militaire des Etats-Unis, ou encore le blocus de la bande de Gaza et l’exportation de gaz naturel vers Israël à des prix subventionnés. Le gouvernement « civil » n’a rien à voir avec des membres d’un cabinet gouvernemental qui ne portent pas l’uniforme militaire. Un gouvernement civil signifie un gouvernement qui représente effectivement les revendications et les espoirs du peuple égyptien et cela sans intervention des hauts gradés. Et cela est difficile à concevoir comme pouvant être accompli ou permis par cette junte militaire.

Les militaires ont été l’institution dominante dans ce pays depuis 1952. Ses dirigeants sont insérés entièrement dans l’establishment. Alors que les jeunes officiers et les soldats sont nos alliés, nous ne pouvons déposer notre confiance et notre foi dans les généraux. De plus, ces dirigeants de l’armée doivent être soumis à des enquêtes. Je veux en savoir plus sur leur présence active dans le monde des affaires.

Toutes les classes de l’Egypte ont pris part au soulèvement. Sur la place Tahrir, vous trouviez des fils et des filles des élites de l’Egypte, à côté de travailleurs, de membres des classes moyennes et des couches paupérisées urbaines.

Moubarak avait réussi à se mettre à dos toutes les classes sociales de la société, y compris des secteurs assez larges de la bourgeoisie. Mais ayez à la mémoire que ce n’est que depuis le 8-9 février, lorsque des grèves de masse commencèrent à secouer profondément le régime, que l’armée a été contrainte d’obliger Moubarak à démissionner parce que le système risquait de s’écrouler.

Certains ont été étonnés de voir que les travailleurs se mirent en grève. Je ne sais vraiment pas quoi répondre. Cette réaction relève de la bêtise. Les travailleurs se sont engagés dans des grèves longues et soutenues, cela depuis 1946. Et, elles réapparurent avec force depuis 2006. Ce n’est pas la faute des travailleurs si vous n’avez pas attaché d’importance à ces données. Chaque jour, au cours des trois dernières années, a été marqué par une grève dans la région du Caire ou dans les provinces. Ces grèves n’étaient pas strictement économiques, elles étaient aussi, dans leur nature même, sous ce régime, politiques.

Depuis le premier jour de notre soulèvement, la classe travailleuse a pris part aux mobilisations. Qui, pensez-vous, étaient les personnes qui manifestaient à Mahalla, à Suez et à Kafr el-Dawwar, par exemple ? Cependant, les travailleurs participaient à ces mobilisations en tant que manifestants et pas nécessairement en tant que travailleurs – au sens où ils ne se mobilisaient pas de manière séparée. Le gouvernement a bloqué l’économie – et non pas les manifestants par leurs manifestations – en fermant les banques et des firmes. C’était une grève capitaliste, ayant pour but de susciter la crainte parmi le peuple égyptien. Toutefois, quand le gouvernement a cherché à remettre le pays dans « une situation normale », le dimanche 5 février, les travailleurs de retour dans leurs entreprises ont discuté de la situation et ont commencé à s’organiser, engageant un mouvement de grève de plus en plus large.

Ces grèves des travailleurs, cette semaine-là, étaient à la fois économiques et politiques. Dans certains endroits, les travailleurs ne demandaient pas la chute du régime dans leurs revendications, mais ils utilisèrent les mêmes slogans que ceux de la place Tahrir dans de nombreux cas. Au moins parmi ces grèves que j’ai pu examiner – et je suis certain que d’autres exemples existent – les travailleurs mettaient en avant des revendications politiques et de solidarité avec la révolution.

Ces travailleurs ne vont pas retourner tranquillement à la maison, « à la normale », de suite. Ils ont commencé leurs grèves parce qu’ils ne peuvent plus nourrir leurs familles. Ils ont été encouragés par le renversement de Moubarak et ils ne peuvent pas retourner voir leurs enfants et leur dire que l’armée a promis de leur offrir de la nourriture et leurs droits dans, je ne sais pas, quelques mois. Beaucoup parmi les grévistes ont déjà mis en avant des nouvelles revendications concernant l’établissement de syndicats indépendants rompant avec la Fédération officielle des syndicats, corrompue et appuyée par l’Etat.

Aujourd’hui, 12 février, j’ai reçu l’information selon laquelle des milliers de travailleurs des transports publics engagent des mobilisations à El-Gabal el-Ahmar. Les travailleurs intérimaires se mobilisent aussi dans l’aciérie Helwan Steel Mills. Les techniciens des chemins de fer continuent leur action. Des milliers de travailleurs des usines de sucre el-Hawamdiya Sugar Factory sont mobilisés. Et les travailleurs du secteur pétrolier commenceront une grève demain (le 13 février) portant sur des revendications économiques et aussi demandant le renvoi du ministre Sameh Fahmy. Ils interrompront l’exportation de gaz vers Israël. Et de nombreuses informations nous parviennent sur des grèves dans des centres industriels.

En ce moment, l’occupation de la place Tahrir sera probablement suspendue. Mais nous devons, maintenant, transférer Tahrir dans les usines. Lorsque la révolution se poursuit, une polarisation de classes va s’affirmer. Nous devons rester vigilants. Nous ne devons pas nous arrêter ici… Nous détenons les clés de la libération de toute la région, pas seulement de l’Egypte. La perspective reste celle d’une « révolution permanente » (extension et approfondissement) qui assurera le peuple de ce pays avec une démocratie directe venant d’en bas. (Traduction de A l’Encontre)

Hossam el-Hamalawy

Messages

  • Nous, travailleurs et syndicalistes de différents lieux de travail à travers l’Égypte qui ont vu des centaines de milliers d’ouvriers se mettre en grève, occuper et manifester ces temps-ci, jugeons utile d’unifier les revendications des grévistes afin qu’elles puissent devenir partie intégrante des buts de notre révolution, faite par le peuple, et pour laquelle les martyrs ont versé leur sang. Nous vous soumettons un programme ouvrier qui rassemble nos revendications légitimes, en vue de souligner la dimension sociale de cette révolution et d’éviter qu’elle soit confisquée à la base qui doit en bénéficier.

    Les revendications ouvrières que nous portions avant la glorieuse révolution du 25 janvier et qui en furent le prélude sont :

    1. Augmentation nationale des salaires et des pensions minimum, ainsi que la réduction de l’écart entre les salaires minimum et maximum, le salaire maximum ne pouvant excéder 15 fois le salaire minimum, en application de l’exigence de justice sociale portée par la révolution ; paiement d’une allocation chômage, indexée sur la hausse des prix.

    2. Droit inconditionnel et absolu de s’organiser en syndicats indépendants, protection des syndicats et de leurs représentants.

    3. Sécurité de l’emploi contre les licenciements pour les travailleurs manuels, les travailleurs du clergé, les ouvriers agricoles. Embauche des travailleurs intérimaires et réintégrations des travailleurs licenciés. Fin du travail temporaire.

    4. Re-nationalisation de toutes les entreprises privatisées et arrêt de l’odieux programme de privatisations qui minait notre économie nationale sous l’ancien régime.

    5. * Retrait total des managers corrompus qui étaient imposés par les entreprises pour les couler et les liquider.
    * Redéploiement de l’emploi en faveur des jeunes.
    * Retour à un contrôle des prix des biens et services afin de maintenir des prix bas et de ne pas pénaliser les pauvres.

    6. Droit de grève, de constituer des piquets et de manifester pacifiquement pour les travailleurs, à commencer par tous ceux qui sont actuellement en grève pour chasser les hommes du régime déchu. Si cette révolution ne conduit pas à un partage des richesses, elle n’aura servi à rien. Il n’y a pas de liberté sans libertés sociales. Le droit de vote dépend bien évidemment du droit à se nourrir.

    7. La santé est une condition nécessaire à la productivité.

    8. Dissolution de la Fédération égyptienne des syndicats, qui constituait un des symboles majeurs de la corruption sous l’ancien régime. Mise en exécution des jugements prononcés à son encontre et saisie de ses avoirs financiers et de ses archives. Saisie et enquête sur le patrimoine de ses dirigeants et de ses syndicats.

    Signé par :

    Employé du Bureau météorologique, Ahmad Kamal Salah
    Union des techniciens de la Santé, Hossam Muhammad Abdallah Ali
    Infirmière, Sayyida Al-Sayyid Muhammad Fayiz
    Raffinerie sucrière Al-Fayyum, Ashraf Abd al-Wanis
    Omar Effendi Department Store, Abd-al-Qadir Mansur
    Future Pipes Co, 6th October City, Hafiz Nagib Muhammad
    Egypt – Helwan Textiles Co., Muhammad Hassan
    Cimenterie Tora, Mahmud Abd-al-Munsaf Al-Alwani
    Egyptian Commercial Pharmaceutical Co., Ali Mahmud Nagi
    Raffinerie sucrière Hawamidiyya, Omar Muhammad Abd-al-Aziz
    Egyptian Pharmaceuticals, Muhammad Galal
    Suez Fertilisers Co., Shazli Sawi Shazli
    Usine militaire no. 45, Muhammad Ibrahim Hassan
    Usine militaire no. 999, Wasif Musa Wahba
    Direction générale des Transports, Gamil Fathi Hifni
    Cairo General Contractors, Adil Abd-al-Na’im
    Al-Qanah Rope Co., Port Sa’id, Ali Hassan Abu Aita
    Centre d’information, Hind Abd-al-Gawad Ibrahim
    Centre d’information, Hamada Abu-Zaid
    Centre d’information, Muhammad Khairy Zaid
    Direction générale des Centres culturels, Hatim Salah Sayyid
    Direction nationale des Postes, Muhammad Abd-al-Hakim
    International Ibex Co., Ahmad Islam
    Usine militaire 99, Tariq Sayyid Mahmud
    Usine militaire 999, Nabil Mahmud
    Syndicaliste, Mahmud Shukri
    Usine militaire 999, Ahmad Faruq
    Usine militaire 999, Osama Al-Sayyid
    Future Pipe Industries, Yasir Al-Sayyid Ibrahim
    Travailleurs des Tanneries, Mahmud Ali Ahmad
    Future Pipe Industries, Abd-al-Rasul Abd-al-Ghani
    Omar Effendi Department Store, Ali Al-Sayyid
    Impôts (RETAU), Kamal Abu Aita
    Impôts (RETAU), Ahmad Abd-al-Sabur
    Impôts (RETAU), Salah Abd-al-Hamid
    Impôts (RETAU), Mahmud Umar
    Ouvrier, Khalid Galal Muhammad
    Petrotrade Co., Muhammad Zaki Isma’il
    Suez Canal Co., Saud Omar
    Suez Fertilizers Co., Kamal el-Banna

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