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Cameroun : révolte contre la cherté de la vie et la dictature de Biya

vendredi 29 février 2008, par Robert Paris

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Face à la révolte qui gronde, le dictateur Paul Biya a déclaré qu’il ne limitera pas la répression contre les manifestants qui, selon lui, veulent le renverser. En réalité, c’est la hausse du prix des carburants et la cherté de coût de la vie qui est venue se rajouter à l’annonce de la présidence « à vie » de Biya pour jeter le feu aux poudres.

Bilan : plus de cnet morts, des milliers d’arrestations et des lourdes condamnations sans preuve. Cependant, le pouvoir est contraint de reculer et augmente les fonctionnaires, prévoit des mesures contre le chômage notamment. Tout cela pour préserver la dictature.

Le "Monde diplomatique" écrit : "Combien de morts au Cameroun au cours du vaste mouvement de révolte de la semaine dernière ? Personne n’est capable, à l’heure actuelle, de donner un chiffre précis. Mais, selon un décompte provisoire réalisé vendredi 29 février par Madeleine Afite, de la Maison des droits de l’homme du Cameroun, il pourrait s’élever à plus d’une centaine de morts, dont une bonne partie dans la seule ville de Douala, capitale économique du pays. Comme au début des années 1990, lors du mouvement de protestation « villes mortes » qui avait abouti à des élections multipartites « libres », le régime du président Paul Biya n’a pas lésiné sur les moyens militaires et policiers pour mater la population."

A Yaoundé, la capitale politique du Cameroun, l’armée a été déployée dans les principaux carrefours de la ville et les stations-service après les manifestations de cette nuit, rapporte l’AFP. Dans la capitale économique, Douala, la plupart des commerces sont restés fermés. En dépit de la fin de la grève des transporteurs, qui ont obtenu une relative baisse du prix du carburant, principale revendication d’un mouvement qui a démarré lundi, de violentes manifestations se sont poursuivies dans tout les pays. Cette vague de protestation aurait déjà fait au moins 17 morts. Les Camerounais, notamment les jeunes qui sont descendus en masse dans les rues, s’insurgent contre la cherté de la vie et le projet de révision constitutionnelle qui permettra à Paul Biya de briguer un nouveau mandat en 2011. (…) Les forces de sécurité auraient ouvert le feu sur des manifestants n’appartenant pas au mouvement des grévistes et menaçant de faire basculer la ville dans l’insurrection. Le Monde

Cameroon-infonet : Les forces de l’ordre mettent le feu aux poudres

Aux premières heures du matin ce 25 février 2008, les carrefours Terminus, Lycée, Mosquée, antenne Kotto, Maçon, Santa Barbara du quartier Bonamoussadi à Douala ont été investis par les manifestants. Ils ont dressé des barricades un peu partout, pour empêcher les voitures des particuliers de circuler. Mais la population avait spontanément adhéré au mot d’ordre, et est restée chez elle en majorité, ou a choisi la marche à pied pour quelques-uns.

Mais pendant qu’ils manifestaient pacifiquement, les éléments de la gendarmerie les ont dispersés avec du gaz lacrymogène. Les manifestants ont pris cet acte comme de la provocation.

Une fois que les gendarmes se sont retirés, ils se sont attaqués au siège de la mairie de Douala V, et leurs actes de violence se sont poursuivis sur les locaux abritant la Snec à Maképé, le centre d’état civil de Maképé, les bureaux de Aes Sonel Bonamoussadi. Le centre des impôts de Douala V toujours à Bonamoussadi, et la sous-préfecture de l’arrondissement de Douala V ont aussi été saccagés.

Dans les deux bureaux administratifs, tout a été mis dehors et brûlé. Le coffre-fort a été récupéré au centre des impôts et au moment où nous quittions les lieux, l’objet résistait encore aux vandales, décidés à l’éventrer et à se partager le butin de guerre. D’autres informations faisaient état de ce qu’un coffre-fort avait aussi été récupéré à la mairie, éventré et l’argent partagé.

Du côté de Bépanda Tonnerre, tout était curieusement très calme, en dehors du gaz lacrymogène lancé depuis l’axe lourd Bépanda qui étouffait jusque-là. Un témoin raconte que les éléments de la gendarmerie de Bépanda se sont montrés conciliants depuis le matin, c’est pourquoi aucune casse n’a été enregistrée ici. Mais plusieurs jeunes ont été grièvement blessés. Vers 14 h, l’un d’entre eux, blessé par balle au pied, était transporté dans une brouette en direction d’un hôpital au niveau d’Akwa-Nord. RT

DOUALA : Akwa, l’impuissance des forces de l’ordre

“ Mes amis, il y a même des “maçons” parmi vous ? En un laps de temps, vous avez érigé une grande barricade sur la chaussée à l’aide des kiosques du Pmuc, de vielles tôles, des planches et autres tables. Notre présence ne vous dissuade pas du tout. ” Ces propos, tenus par un commissaire de police à l’endroit d’une meute de jeunes en furie au lieu-dit “ carrefour cité des palmiers ” à Douala, est révélateur de la détermination des populations ayant pris d’assaut les artères de la capitale économique, dès les premières heures de la matinée d’hier, lundi 25 février. Le commissaire de la police sus-cité est à la tête d’une vingtaine de policiers puissamment armés. Des armes qui, paradoxalement, ne font pas du tout reculer les populations. Celles-ci sont maîtres de la rue. Des véhicules, des motos et même des vélos ne sont pas du tout visibles.

“ Si vous chargez, vous allez devoir tous nous tuer ”, lancent les manifestants à l’endroit des policiers. Une détermination manifestée avec violence sur certains édifices et établissements de commerce. A l’aide de gourdins et cailloux, les populations en colère détruisent les présentoirs de prix dans les stations services Texaco Pk10, Total carrefour cité des palmiers et Tradex Ndokoti. “ Ces prix doivent être revus à la baisse. Et puis, il faudrait aussi revoir à la baisse les prix des denrées alimentaires et de première nécessité dans les marchés ”, lancent-ils. Au passage, le complexe “ Belavie ” à quelques mètres de Ndokoti en venant de Pk10, est entièrement détruit. Sur la chaussée, des pneus et bacs à ordures de Hysacam sont brûlés.

Du lieu-dit “ carrefour Ndokoti ” au lieu-dit “ carrefour Agip ”, les pneus et autres objets sont brûlés sur la chaussée. Un affrontement entre des gendarmes et les populations est enregistré au “ carrefour Agip ”. Venus à bord de deux pick-up et du camion lance eau (anti-émeute encore appelé Mamie water) une trentaine d’éléments de la gendarmerie nationale, dirigée par un lieutenant-colonel, entreprend de lancer des bombes lacrymogènes pour disperser la foule furieuse. Cette dernière, téméraire, réplique avec des cailloux et des bouteilles pleines d’urines.

Un autre affrontement est enregistré au lieu-dit “ carrefour Douche ” entre policiers et populations. Dans la foulée, les éléments de la police arrêtent plusieurs jeunes qu’ils tabassent et jettent sans ménagement dans leurs camions. Honoré FOIMOUKOM

Bonabéri, plusieurs personnes tuées

Le quartier situé sur la Rive gauche du fleuve Wouri a payé un lourd tribut aux manifestations d’hier. Quelques-uns de ses valeureux habitants ont été fauchés par les balles tirées par les forces de l’ordre aux abois. Douloureux épilogue d’une journée chaude qui a débuté aux aurores avec l’affrontement entre une population décidée à manifester son courroux et des forces de l’ordre qui entendaient les en empêcher. Tout est allé très vite. Forêt Bar, une entité populeuse du quartier. Une centaine de personnes divisées par groupes, s’emploient à mettre des barricades sur la chaussée. En face, les flics, se résolvent dans un premier temps à lancer le gaz lacrymogène avant de tirer des coups de semonce, en l’air. Histoire de dissuader les manifestants déterminés. Quelques-uns d’entre eux, tombés dans les filets des flics sont couchés à même le sol avant d’être embarqués peu après pour une destination inconnue. Quatre élèves qui passaient par là supportent mal le gaz et tombent en syncope… “ Venez, venez ”, scandent les populations, en mettant le feu aux pneus disposés sur la chaussée, non loin de la société Uta. Au lieu dit quatre étages, quatre gigantesques barrières de feu barrent le chemin. Stationné à l’entrée de la gare routière, un Pick-up de la gendarmerie subit les jets de pierres de manifestants courroucés. 8 heures.

Le face à face prend une tournure dramatique. Submergée, la flicaille craque et tire à bout portant sur le jeune Mbeng Junior. Atteint au front, le gamin succombe, plongeant ses parents, M. et Mme Mbeng dans le désarroi. “ Je ne sais pas ce qui arrive. C’est tout simplement la malchance. Ce matin, je lui ai pourtant demandé d’aller couper le raphia, mais je ne sais pas à quel moment il est revenu ”, se lamente M. Patrcik Mbeng, inconsolable. A en croire certains témoignages, c’est le commandant de la brigade de Bonanjo en personne, qui aurait tiré sur l’adolescent. L’information jusqu’ici n’est pas confirmée. Furieuse, la foule une expédition punitive au domicile du gendarme. Sous ses assauts forcenés, les gendarmes reculent jusqu’au niveau des rails et établissent une véritable muraille infranchissable, empêchant ainsi les populations d’atteindre la brigade.

Dépités, les manifestants attaquent, pillent et saccagent les stations Total Numéro 2, Mobil et Texaco. Deux véhicules garés au parking de la station Total subissent le même sort. La mairie de Douala 4 et la nouvelle agence de la Bicec échappent de peu. Submergée, la police ne fait pas de quartier. Blaise Ebouelé, 22 ans, passe de vie à trépas tandis que deux autres manifestants reçoivent des balles aux jambes. Prudencia Bih est tuée par une balle perdue alors qu’elle se trouve dans son domicile. Deux jeunes non identifiés et un élève complètent la liste des morts tués par la police. Rodrigue Kaleumeni

Un collégien et un technicien du câble abattus à Bessenguè

“ Mon mari n’était même pas en route. Nous étions ensemble. Il est allé accompagner l’enfant à l’école de bonne heure le matin. Mais quand le désordre a commencé, il est reparti chercher l’enfant. C’est au moment où il revenait qu’une dame me demande si c’est sur mon mari qu’on a tiré à l’entrée de la maison. Je suis allée vérifier et je l’ai trouvé couché, raide mort ”. Ndedi Augustine, l’épouse éplorée, est inconsolable. Elle cherche encore à comprendre ce qui a poussé les forces de l’ordre à tirer sur son mari à bout portant : “ Je veux qu’on me dise ce qu’il a fait de si grave pour qu’on l’abatte comme un chien. Mon mari n’était pas parmi les manifestants. Il voulait juste protéger notre enfant. Il est allé le chercher à l’école pour le mettre en sécurité à la maison ”. Carrefour feu rouge Bessenguè, hier lundi. Il est un peu plus environ 11 heures. A quelques dizaines de mètres de distance, deux corps gisent à même le sol. Peu avant, Etienne Ibaben, l’époux de Ndedi Augustine, c’est un adolescent de 16 ans qui a trouvé la mort. Le jeune Jabea Christian Daniel, élève à L’Iesb à New-Deido, qui a lui aussi reçu un tir à bout portant : “ Les populations avaient enlevé une femme gendarme, lui avaient enlevé ses galons et son béret. Devant les supplications de la femme en tenue, les manifestants l’ont relâché. Moins de trente minutes plus tard, un véhicule de la gendarmerie est revenu sur le lieu. Nous étions nombreux à regarder cela même si quelques-uns ont pris fuite. C’est alors qu’une femme gendarme est descendue du véhicule en même temps que ses collègues. Ces derniers ont tiré en l’air pour faire disperser la foule pendant que la gendarmette tirait derrière la nuque de l’élève ”, raconte un témoin.

Dans les deux cas, les forces de l’ordre ont utilisé les mêmes méthodes, les mêmes armes.

Jean-Célestin EDJANGUE

Deido : des enfants chantent l’hymne national

“ Paul Biya, la jeunesse avant la révision de la Constitution ”, pouvait-on lire sur la pancarte tenue par un enfant d’à peine 14 ans. Autour de lui, une meute de jeunes venus du coté de Bépanda s’avance vers le “ carrefour école publique de Deido ”. Ils avancent en scandant des slogans à peine audibles sous le regard des populations médusées. Le commissariat de police du 9e arrondissement, à une centaine de mètres, est alerté. Les policiers sortent, matraques à la main, déterminés à disperser cette foule venue troubler leur quiétude. Ils se heurtent à des manifestants peu ordinaires. Des bambins qui, pour la plupart, sont des écoliers. Arrachant les applaudissements et les youyous du public, ils s’immobilisent devant le drapeau national en face du commissariat. “ Au Cameroun berceau de nos ancêtres ” : l’hymne national est entonné et exécuté par les enfants sous un silence digne des occasions solennelles. Les jeunes vont contourner le carrefour pour disparaître vers New-Deido non sans avoir détruit en passant le kiosque du Pmuc.

La tension monte d’un cran vers 10h. La panique s’est emparée des parents qui, sentant la situation dégénérer, ont courus vers le Lycée Bilingue, l’Ecole publique, et l’Institut de Bonadjinje, chercher leurs enfants en plein cours. Quelques temps après, un autre groupe de manifestants arrive et se fait plus agressif. Le dispositif sécuritaire est renforcé. Cela ne dissuade pas les manifestants. Des barricades seront érigées sur les voies allant vers Bonamoussadi, Deido, Bessengue et Grand Moulin. De vieux pneus exposés sur la chaussée crachent du feu. La police lance des bombes lacrymogènes. Les maisons d’habitation et l’hôpital de district de Deido ne sont pas épargnées. Un manifestant, tombé au cours de l’affrontement, est couvert de sang. Il est transporté dans un “ pousse-pousse ” vers l’hôpital. Bernard BATANA

Un jeune homme tué à Village

La scène rappelle quelque peu la Palestine. Il est environ 10 heures à Texaco aéroport. Cinq jeunes gens, plongés dans une immense foule, poussent un porte-tout en courant et en hurlant, “ Ils ont tué ! Ils ont tué ! ”. Sur le porte-tout, gît le corps inerte d’un jeune homme d’une vingtaine d’années. Sur sa poitrine, on peut voir le cratère laissé par la balle perdue qui lui a ôté la vie. De manière spontanée, d’autres personnes se joignent aux poursuivants des forces de l’ordre. “ Arrêtez-les ! Ils ne doivent pas s’en aller ”, haranguent des manifestants. Les policiers, qui se trouvent déjà sous l’échangeur de l’aéroport, accélèrent le pas pour monter dans leurs camions. Certains reçoivent quelques projectiles, avant de riposter avec du gaz lacrymogène et de démarrer en trombe.

Les manifestants fondent alors sur l’entreprise Sidem. “ C’est l’entreprise du fils du président ”, crient-ils en escaladant la barrière. Résultat de la furie : trois camions citernes brûlés, des véhicules de l’entreprise cassés et du matériel emporté. “ C’est notre argent qu’on récupère ”, justifient certains. A Ellery Automobiles, tout est également mis à feu et à sac. De temps en temps, la police tente des intimidations, sans grand succès. Les manifestants continuent allègrement leur marche. Jusqu’au carrefour Hôtel de l’air où ils se dispersent après avoir semé la terreur.

Retour à Village. Il est presque midi et le spectacle est désolant. Le bilan du pillage semble lourd. Plusieurs magasins, pharmacies et boulangeries n’ont pas échappé à l’assaut des jeunes gens. Les stations service paient le prix fort. Aucune d’elles n’a rien pu préserver. Petit à petit, et avec l’arrivée des renforts, une certaine accalmie règne dans le secteur. Les forces de l’ordre procèdent à quelques interpellations. Et en profitent pour se défouler. Le gros des manifestants a disparu dans les quartiers, pour se reposer. Hier soir, une de nos sources à Village indiquait que les jeunes gens étaient descendus de nouveau dans la rue. “ Ils ont recommencé à faire des casses. Ils brûlent des voitures… ”, précisait-elle. Alain NOAH AWANA

YAOUNDE : Scènes de guerre à Mendong

C’est un matin paisible à Mendong, ce lundi 25 février 2008. Dès 6h30, trottoirs et chaussées sont encombrés par quelques piétons et véhicules personnels. Pas l’ombre d’un taxi. Les moto-taximen font quelques va-et-vient. “ On ne travaille pas ”, répondent-ils à ceux qui les hèlent. Seul le bus est en service. Puis la tension monte d’un coup. Une “ armée ” de moto-taximen décide de barrer la route au lieu dit “ Entrée Simbock ”. Un bac à ordures et un poteau électrique sont mis à contribution. Les conducteurs de véhicules personnels sont priés de rebrousser chemin. Certains tentent de négocier le passage, et d’autres s’exécutent. Les éléments du commissariat du 9ème arrondissement descendent sur les lieux. Et le commissaire leur demande de manifester sans rien casser. Son départ est suivi de l’arrivée d’un groupe de gendarmes de la légion du Centre, puis de policiers du Groupement mobile d’intervention (Gmi) n°1. Boucliers, casques, protège-tibias, bombe à gaz lacrymogène et autres fusils sont de mise. Ils demandent aux protestataires de dégager la voie. Un autre groupe de gendarmes arrive. Menés par le commandant Essomba. Il s’entretient avec le commissaire en charge du Gmi n°1. Entre plusieurs coups de fils, et des instructions par radio. Subitement, les forces de l’ordre foncent dans la foule et interpellent quelques personnes. Coup de bottes, de matraques, de crosse et de poings y passent. C’est alors qu’un civil gare son véhicule et se défoule sur un autre manifestant interpellé. “ C’est toi qui m’a barré la route tout à l’heure non, tu es malade ”, lui lance-t-il.

Les frondeurs tentent d’organiser la résistance. Mais une centaine de gendarmes s’ajoute. Leur camion se remplit de civils interpellés au fur et à mesure. Le commandant de la légion du Centre évalue la situation depuis son véhicule 4x4. Les forces de l’ordre font la boucle du quartier et repartent aux environs de 11h. Une trentaine de personnes sont emmenées. Détenues à la brigade de recherche d’Efoulan, elles n’avaient pas encore été entendues jusqu’à hier soir. Des éléments veillent à tous les carrefours du coin. Mendong est “ pacifié ”, mais, vient probablement d’obtenir une place dans la liste des “ quartiers chauds ” de Yaoundé. Edouard TAMBA

La grève affecte le travail dans les ministères

“ Si la grève continue demain, je ne me déplace plus. J’ai trop souffert aujourd’hui [lundi 25 février, Ndlr]”. Ces propos sont d’un agent de l’Etat, employé du ministère de la Santé publique. Son déplacement de son domicile du quartier Mendong pour son lieu de service a été une torture. “J’habite une zone enclavée. D’habitude, l’un des motos taximen du quartier me dépose en route. De là, j’emprunte un taxi pour le centre ville. Aujourd’hui, ils avaient peur de me transporter à cause de la grève. J’ai dû faire près de 200 mètres à pied pour sortir du quartier. Une fois en route, j’étais pleine de poussière et à bout de souffle. Mon poids ne me permet pas d’aller vite. Il m’a fallu près de trois heures pour atteindre mon bureau ”, raconte-t-elle, avec tristesse.

Comme cette dame, de nombreux fonctionnaires ne sont arrivés à leur lieu de service qu’à midi après avoir effectué de longues distances à pied. A cette heure-là, on pouvait encore les voir ouvrir la porte de leurs bureaux. Où les conversations tournent autour de la grève. Au ministère de l’Enseignement supérieur par exemple, deux collègues devisent. “ Il est temps que quelqu’un s’achète une voiture ”, lance un employé à sa collègue. “ Tu auras l’argent du carburant ? ”, interroge cette dernière. “ Au moins pour les jours comme celui-ci, je pourrais faire un effort ”, conclut-il en riant.

Dans ces bâtiments, certaines personnes véhiculées ont profité de la situation de grève pour arriver aux environs de midi. C’est le cas d’un agent du ministère des Affaires sociales. Celui-ci explique : “ Tout simplement parce que je sais que mes collègues n’allaient pas être à l’heure ”. Edith DJUIDJE (Stagiaire)

Essos, les véhicules personnels interdits de circuler

“ Monsieur serrez ici. Rapidement, ne nous perdez pas le temps ! ”, ordonnent des motos-taximen, furieux, à un conducteur, au volant de son véhicule personnel. Ils sont au niveau du Lycée bilingue d’Essos. Ce dernier essaye de leur faire comprendre que son véhicule n’est pas à usage commercial. En vain. “ Vous utilisez du carburant. C’est l’essentiel. Ne nous faites pas croire que lorsque vous arrivez à la pompe, les prix sont réduits parce que le carburant que vous prenez ne sera pas utilisé à des fins commerciales. Cessez de vous moquer de vous-même. Aidez-nous à lutter pour tout le monde ”, lui rétorque un moto-taximan. “ Tant que les véhicules personnels circulent, le gouvernement ne peut pas prendre notre problème au sérieux ”, ajoute un autre, en ôtant les clés du contact. Ce conducteur conduit son épouse à son travail. Enceinte, cette dernière est incapable de joindre le centre ville à pied.

Comme cette dame, beaucoup de travailleurs du quartier Essos n’ont pas répondu présents au lieu de service lundi. Seuls ceux sortis très tôt le matin ont eu la chance de le faire. On peut ajouter ceux qui ont décidé d’aller à pied. Les grévistes ont pris d’assaut les carrefours du quartier Essos. Avec pour mot d’ordre : “ Aucun véhicule ne passe ”. Les motos taximen tentés de ne pas respecter la mesure, voient les clés de leurs motos confisquées. Les taxis sont quasiment invisibles. Ici, les grévistes disent avoir opté pour le calme et la non violence. “ C‘est pourquoi nous n’avons rien placé sur la chaussée comme ailleurs. Nous interpellons poliment les conducteurs ”, explique l’un d’eux. Toutefois, les éléments des forces de l’ordre ont été déployés dans ce quartier. Dans leurs bagages, un camion anti-émeutes placé au lieu dit Mobil Essos. Laure NGATSING TCHUENTE

Briqueterie : des motos taximen molestés

A Yaoundé, le quartier Briqueterie regorge le plus grand nombre de chauffeurs de taxis. La plupart des syndicats de transports urbains y ont justement installé leurs sièges. Lundi 25 février 2008 aux environs de 7h du matin, l’atmosphère est électrique. Au lieu dit Carrefour Aurore, un groupe de chauffeurs de taxis échange et observe comment le mouvement de grève décidé la veille se déroule. Les élèves et autres passants sont agglutinés au bord de la route depuis le lever du jour. Ils attendent les taxis et autres moyens de transport. Aucune voiture jaune ne se présente. Presque tous décident de faire leur chemin à pied. Youssoufa, chauffeur de taxi, semble se délecter de cette situation : “ Le carburant coûte cher. Et les élèves que vous voyez payent généralement 100 Fcfa, la moitié du prix officiel du taxi au Cameroun. Le gouvernement ne dit rien. Lorsqu’on ajoute à cela les tracasseries de la police et de la communauté urbaine, on se demande à quoi sert cette activité. Il faut donc que les populations supportent… ”” Pendant qu’il s’exprime ainsi, sous les sourires approbateurs de ses collègues, les voitures se font de plus en plus rares sur la route. Par contre, la foule des élèves qui doivent gagner leur établissement se presse sur la chaussée. Même les voitures à usage personnel se font rares. Surtout que les taximen grévistes leur ordonnent de se montrer solidaires du mouvement. Quelques motocyclettes transportant des élèves viennent à passer. Cette situation irrite tout de suite le groupe des chauffeurs de taxis. “ Mais qu’est-ce que cela signifie ? ”, lance l’un d’eux. “ On dit qu’il y a grève et certains se permettent de tricher ? Il faut arrêter tout de suite cela ”. Immédiatement, toutes les motocyclettes qui sortent du quartier Briqueterie avec des passagers sont stoppées et déchargées.

Les motos-taximen qui protestent sont violentés et molestés. C’est le cas de Félix. Il montre les traces de coups qu’il a reçus. “ Je ne savais pas vraiment comment la grève devait se dérouler. C’est ainsi que j’ai pris comme d’habitude mes deux clients sur ma moto pour les déposer au Collège de la Retraite. J’ai été interpellé au niveau de “Total Brique” par des gens se disant membre du syndicat des taximen. Ils m’ont frappé et ont même failli confisquer ma moto ”, raconte-t-il. Pendant près de deux heures, les taximen grévistes ont dicté leur loi au quartier Briqueterie. Jusqu’à ce que, informés, des policiers du Groupement mobile d’intervention n°1 les dispersent. Cependant, la circulation est restée timide. A Nlongkak, certains bendskineurs sillonnent la ville à l’effet de décourager leurs collègues. Les clés sont arrachées aux “ tricheurs ”. Jean François CHANNON

Des bus sous forte escorte policière à Soa

Tout commence à 6 heures au lieu dit “ Carrefour éleveurs ”. L’ambiance est tendue. Les grévistes ont érigé des barricades de part et d’autre. Le trafic routier est bloqué. Il est pratiquement impossible de continuer le voyage qui mène à la banlieue universitaire de Yaoundé II à Soa. Les motos taxis, les taxis, les cars et même les véhicules de personnels sont obligés de faire marche en arrière. L’on s’échauffe et la situation devient incontrôlable. On frôle l’émeute à 7h 30 min lorsque deux bus pleins à craquer d’étudiants tentent de forcer le passage. Excités, les chargeurs et transporteurs de cars s’y opposent et font descendre les étudiants à bord. “ Allons à pieds. Il ne reste plus que 11 km de route. Nous pouvons bien arriver. De toutes les façons, nous n’avons pas de choix, si nous devons rattraper les examens ”. Bernard Adiobono, étudiant en 2eme année à la faculté des sciences économiques et de gestion, auteur de ces propos, est désemparé.

Abono Pauline et Essala Angeline ont le cœur qui balance. Le regard anxieux, la mine grave, plusieurs étudiants s’engagent à braver à pieds le reste du trajet. La désolation est générale. En ce jour où démarrent les examens pour tous les niveaux de la faculté des sciences économiques et de gestion. Ceux qui réussissent à échapper aux barricades négocient à prix fort le trajet par moto.

Il est 9 heures 30 minutes. C’est toujours le statu quo lorsque débarque une forte escorte de policiers et gendarmes, armés et prêts à en découdre avec les grévistes. Ils sont un peu plus de 100, armés jusqu’aux dents, fermement engagés à évacuer le site d’occupation. Ils réussissent à libérer les véhicules et à disperser la dissidence. Les bus commencent à circuler, à la joie et à la satisfaction générale des étudiants. Mais après une distance de 5 km, une autre résistance se forme. Elle sera à nouveau dispersée par les gendarmes et policiers. Pour éviter des surprises désagréables, les forces de l’ordre se décident à accompagner les automobilistes avec des sirènes de polices. Au campus, le lancement des épreuves est décalé, pour le bonheur des retardataires.

Souley ONOHIOLO

Personne, visiblement, ne dirige les opérations sur le terrain. Aucun homme politique, encore moins des leaders syndicaux n’a été aperçu à travers les rues de la capitale économique du Cameroun en train de piloter les opérations. La grève leur ayant échappé, semble aller d’elle-même. La population donne l’impression d’avoir repris son destin en main.

La grande curiosité d’un quartier à l’autre, ce sont les messages portés sur des pancartes accrochées sur des poteaux ou brandies par des manifestants. Outre des pancartes, d’autres messages étaient inscrits sur la chaussée, les bacs à ordures de la société Hygiène et salubrité du Cameroun (Hysacam) et sur des kiosques ayant échappé aux scènes de vandalisme. Ces messages parfois assez osés, collent particulièrement avec le contexte socio-politique qui prévaut ces derniers temps au Cameroun. Des manifestants ont d’ailleurs rivalisé d’imagination et d’ingéniosité. A l’entrée de Douala, au quartier dit Village, une statuette portant une mallette suspendue sur un poteau à une station-service porte le message suivant : “ Popol tu seras pendu avec ta Constitution ”, “ Biya doit partir ”, “ Non à la révision constitutionnelle ”, “ On a faim ” sont d’autres messages portés par la foule. Au quartier Bonamoussadi, les manifestants ont été plus imaginatifs. “ Non à la vie chère, trop c’est trop ”, “ Baissez le prix du tapioca sur le marché ”, “ Baissez les prix des denrées de première nécessité ”. Ils ont poussé la réflexion jusqu’à proposer des prix de certains produits. Ainsi, selon les manifestants, le litre de super devrait être vendu à 250 Fcfa contre 150 Fcfa pour le litre du gasoil, alors que la bouteille de gaz domestique de 12,5 Kg reviendrait à 2 500 Fcfa et la baguette de pain à 100 Fcfa, une bouteille de top grand modèle à 250 Fcfa et le petit modèle à 150 Fcfa. Ils souhaitent que la bouteille de bière grand modèle soit vendue à 350 Fcfa contre 250 Fcfa pour la petite. “ Non à la vie chère et à la clochardisation des Camerounais ! ”, “ Nous disons non à la modification de la Constitution ! ”, “ Non à la fermeture des radios et télévisions privées pour museler la liberté d’expression !”, scandaient çà et là des manifestants vers la zone universitaire. Au lieu dit “ Ecoles publiques Deido ”, on pouvait lire sur l’une des pancartes : “ Paul Biya, la jeunesse avant la Constitution ”.

Tout se passe comme si, à travers le Cameroun, les manifestants se sont passé le mot. A Kumba, une meute de manifestants a marché avec un crucifix sur lequel il était écrit en pidgin (langue populaire) : “ Even Jesus a di vex ” qui veut dire en anglais “ Even Jesus himself is angry ” (traduction libre : Même Jésus lui-même est fâché ”. Dans la même ville et en face de la poste à lettres, des pancartes sont brandies avec des messages hostiles au chef de l’Etat et à son gouvernement. “ Biya is old and tired ” (Biya est vieux et fatigué), “ No peace for the government still further notice ” (Aucune paix pour le gouvernement jusqu’à nouvel ordre), ou encore “ Biya must go ” (Biya doit partir).

La grève organisée depuis lundi à travers les principales villes du pays est la manifestation d’un ras-le-bol généralisé. Les différentes tentatives de certains membres du gouvernement et pontes du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) de manipuler l’opinion dans certains médias à capitaux publics et même privés ( ?), ont aussi irrité la population. La police et la gendarmerie mises à contribution pour réprimer les manifestants devraient intégrer ces paramètres. Elles ont échoué dans leurs missions de conseil et d’encadrement des populations. Noé Ndjebet Massoussi

BAMENDA, GAROUA… Bamenda au rythme de la grève

Le mouvement de grève a été respecté dans le chef lieu de la province du Nord Ouest. “ J’avais cours ce matin [lundi 25 février, Ndlr]. Je n’ai pas trouvé de taxi pour aller à l’établissement où j’enseigne, à près de 12 km d’ici. Si cela continue ainsi, j’ai peur que les élèves n’en souffrent également, ce d’autant qu’il y a un programme scolaire à couvrir pour les classes d’examen. Surtout, une heure de cours seulement de perdue ne se rattrape pas. Et si tu as huit heures pour la seule journée de lundi, c’est très grave ”, se plaint Tassan Wilfred, enseignant à Bamenda. Son collègue, Tchinda Heissen, renchérit : “ Comme tout Camerounais, cette grève pose assez de difficultés parce que je ne peux pas accomplir mon programme journalier car je dois aller à pied. Si cela perdure, l’économie de ce pays va en prendre un sérieux coup…”

Les premiers signes de la grève lancée par les syndicats des taxis et motos taxis se sont ressentis hier dès 7h50 mn. Au lieu dit Foncha junction, une centaine d’élèves de lycées et collèges attendent désespérément les taxis. A l’accoutumée, ce n’est pas le cas. A cette heure de la matinée, ils accusent déjà 20 minutes de retard. Las d’attendre, certains décident d’aller à pied. C’est le même scénario pour la plupart des habitants de la ville. Les derniers véhicules de couleur jaune, à bord desquels se trouvent des passagers, se précipitent pour déposer ces clients et aller garer. A 9h 10 mn, aucun taxi n’est plus visible dans la ville. Quelques conducteurs de motos taxis vaquent à leurs occupations. Ce qui soulève le courroux de ceux qui ont respecté le mot d’ordre. Tout benskineur transportant un passager est interpellé. Cailloux, chicotte, gourdins, … sont mis à contribution pour dissuader “ ces récalcitrants ”. La scène se déroule à City chemist round-about, sous le regard impuissant des équipes spéciales d’intervention rapide (Esir) postées non loin de là. "ANNÉES DE BRAISE" A la mi-janvier, les manifestations ont été interdites dans la région de Douala, bastion de l’opposition (…). Depuis, une "marche" organisée le 13 février, au terme d’une conférence de presse contre la réforme constitutionnelle de Ni John Fru Ndi, chef du parti d’opposition camerounais Social Democratic Front (SDF), a entraîné des heurts avec la police et a fait deux morts. En quelques semaines, la dégradation du climat au Cameroun rappelle celui des "années de braise" du début des années 1990. Il s’agissait alors d’obtenir le retour au multipartisme puis de protester, purement et simplement, contre le maintien au pouvoir du président Biya, baptisé l’"omni-absent" en raison de ses séjours répétés à l’extérieur du pays et de son manque de goût pour l’expression publique. Celui-ci, vingt ans après la vague de protestation et de répression qui avait mené le pays au bord de la guerre civile, est toujours au pouvoir. Jean-Philippe Rémy – Le Monde

Cameroun : au moins 17 morts depuis le début des violences DOUALA (Cameroun) - Au moins 17 personnes ont été tuées dans les violences qui secouent le Cameroun depuis samedi en marge d’une grève des transporteurs et des protestations de l’opposition contre un projet de révision constitutionnelle, selon un nouveau bilan établi mercredi par l’AFP. Mercredi, le maire de la ville de Njombé, Eric Kingué, membre du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) au pouvoir, a fait état de deux morts dans la matinée dans sa ville (60 km au nord de Douala). S’exprimant sur la chaîne de télévision privée Canal 2, proche du pouvoir, il a ajouté que six autres personnes avaient été tuées mardi soir à Loum (30 km plus au nord). Jusque-là, on dénombrait neuf victimes dans plusieurs incidents qui ont eu lieu depuis samedi à Douala, capitale économique du Cameroun, et dans d’autres villes de l’ouest du pays. Les transporteurs ont annoncé mercredi qu’ils cessaient leur grève entamée lundi après avoir obtenu une baisse du prix de l’essence, mais les incidents se poursuivaient à travers le pays malgré les appels au calme. A Douala, des affrontements ont notamment eu lieu sur le pont franchissant le fleuve Wouri où les forces de l’ordre ont fait usage de lances à eau pour disperser les manifestants, ont rapporté des témoins, qui ont affirmé que des personnes étaient tombées à l’eau. D’autres incidents ont eu lieu dans la ville. Des tirs ont retenti à Bonaberi, quartier de Douala où les incidents de lundi entre forces de l’ordre et manifestants avaient été particulièrement violents, a constaté une journaliste de l’AFP. A Yaoundé, le trafic a repris en début de matinée avant de s’interrompre à nouveau à la mi-journée et la situation était très tendue. "Les boutiques et magasins sont fermés. Ces incidents s’inscrivent dans un climat social dégradé en raison du renchérissement de plusieurs produits de première nécessité, mais aussi dans un contexte politique tendu en raison du projet de révision de la Constitution, visant à autoriser le président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, à briguer un nouveau mandat en 2011. Dès la mi-janvier, les autorités de la région de Douala avaient interdit les manifestations. Mais samedi, dans le sillage de la dispersion d’un rassemblement de l’opposition contre la révision constitutionnelle, des incidents ont fait au moins un mort dans cette ville. (©AFP / 27 février 2008 15h30)

Emeutes au Cameroun : baisse des prix et augmentation pour les fonctionnaires

Il y a 1 jour

YAOUNDÉ (AFP) — Les droits de douane sur plusieurs produits de première nécessité sont suspendus et les salaires des fonctionnaires vont être augmentés, a annoncé vendredi la radio nationale une semaine après les émeutes qui ont secoué le Cameroun.

L’Etat va suspendre les droits de douane sur plusieurs produits de première nécessité parmi lesquels les poisson, la farine, le blé et le riz alors que les taxes sur le ciment passent de 20% à 10% pour le ciment importé, selon une ordonnance signée par le président Paul Biya à l’issue du conseil des ministres.

"La rémunération mensuelle de base des personnels civils et militaires est à compter du 1er avril revalorisée de 15%", indique un décret présidentiel.

Plusieurs autres mesures devraient également être prises par les autorités camerounaises au cours des semaines à venir, notamment dans le domaine de l’emploi et des tarifs téléphoniques. Les prix des produits pétroliers devraient aussi être réexaminés.

A l’issue de ce conseil des ministres, le président Paul Biya a aussi fait part de sa "détermination" à poursuivre la lutte contre la corruption.

"Aucune défaillance ne sera plus tolérée" pour l’exécution de ces décisions, a-t-il averti, selon le communiqué.

L’annonce de cette série de mesures fait suite à un violent mouvement de contestation qui a secoué le Cameroun la semaine dernière. Les manifestants protestaient contre la cherté de la vie et un projet de révision constitutionnelle qui permettrait au président Biya, au pouvoir depuis 1982, de briguer un nouveau mandat en 2011.

Selon une ONG, plus de 100 personnes ont été tuées dans des affrontements avec les forces de l’ordre, un chiffre contesté par le gouvernement qui établit le nombre des victimes à 24.

Les violences avaient pris fin après un discours musclé du chef de l’Etat, qui avait implicitement accusé l’opposition d’avoir manipulé les manifestants afin de le renverser. L’armée avait ensuite été déployée à Douala et Yaoundé.

Rappel sur le passé de la lutte d’indépendance au Cameroun

Dès 1945, la répression coloniale française fait rage en Afrique. Elle prend un tour violent à Douala, au Cameroun. Dans cette ville, c’est un soulèvement spontané de la classe ouvrière qui menace de débuter une véritable insurrection anticoloniale. Elle est écrasée dans le sang le 24 septembre 1945. Au début des événements, la grève des journaliers du chemin de fer pour laquelle le quartier populaire de Bou-Béri a pris fait et cause. C’est toute une population pauvre qui s’est mobilisée, armée seulement de bâtons, et a envahi le quartier de New Bell. Les Blancs réagissent à l’arme à feu, faisant immédiatement 80 morts et lançant une chasse à l’homme contre les militants ouvriers. Les chemins de fer sont un des hauts lieux de la classe ouvrière et, partout, ils sont le point central de la mobilisation. Au Cameroun, c’est la classe ouvrière qui commencé la lutte en 1955 à Douala, à Yaoundé et dans d’autres villes de moindre importance. C’est ce qui va amener les dirigeants nationalistes comme Ruben Nyobe, ancien syndicaliste, à se radicaliser. L’organisation de Ruben, l’UPC, n’est pourtant pas si radicale. Au début, elle se contente d’organiser des manifestations non violentes. La répression ne va pas lui donner le choix. Pour le pouvoir français, il n’est pas question d’accepter le moindre compromis, car l’UPC est « communiste ». En 1955, la répression de Roland Pré, gouverneur du Cameroun, fait 5000 morts. L’UPC n’a pas choisi tout de suite la lutte armée. Très clairement, Um Nyobé, tout stalinien qu’il était, ne proposait pas la révolution, ni la lutte radicale. Il ne s’en cachait pas, déclarant : « Nous offrons des garanties qui prouvent non seulement notre détermination d’œuvrer pour sortir le Cameroun de l’impasse, mais aussi de travailler de concert avec le gouvernement français (…) ». Ce qui montre le mieux les limites sociales et politiques des nationalistes de l’UPC, c’est leur volonté de laisser la classe ouvrière en dehors du combat. L’UPC mobilise trois régions : Bassa, Bamiléké et la Sanaaga. Les travailleurs de Douala qui ont pourtant maintes et maintes fois montré leur combativité sont laissés en dehors par l’UPC. Nyobé a tourné le dos à la classe ouvrière, d’où il vient. Désormais, il est un dirigeant de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie camerounaises. Il s’adresse à eux ainsi qu’aux chefs traditionnels.

En juillet 1957, Pierre Messmer est nommé par Gaston Defferre haut commissaire du Cameroun en remplacement de Roland Pré. Dans ce que Pierre Messmer qualifie de « négociation de la dernière chance », il charge Mgr Thomas Mongo, nouveau vicaire apostolique de Douala de persuader le leader de l’UPC que « la France n’est pas hostile à l’indépendance du Cameroun, et qu’il est temps pour lui, et pour le parti qu’il est seul représenter à l’intérieur du Cameroun, de sortir de la clandestinité pour accepter le verdict des urnes dans les élections à venir. »

Le 1er octobre 1957, Ruben Um Nyobè secrétaire général de l’UPC, Théodore Mayi Matip, président de la JDC, une militante de l’UDEFEC, Pierre Yem Mback, chef du secrétariat de l’UPC et son adjoint rencontrent Mgr Thomas Mongo.

Le 19 octobre 1958, 1 mois après l’assassinat de Ruben Um Nyobè, Xavier Torre, le nouveau haut commissaire de la République française, annonce que la France du général de Gaulle est prête à accorder l’indépendance au Cameroun.

En octobre 1959, l’ALCAM vote les pleins pouvoirs à Ahmadou Babatoura Ahidjo en vue de « négocier » avec la France les termes de « l’indépendance » dont la proclamation est fixée au 1er janvier 1960.

L’indépendance du Cameroun se fera, comme pour les autres colonies africaines de la France, dans la dépendance. Que ce soit Biya ou Ahidjo ou leurs sous-fifres, il ne sera jamais question de remettre en question la mainmise impérialiste. malheureusement, des leaders comme Nyobé, malgré ses origines politiques, ne le voulaient pas non plus. Cela aurait supposé s’appuyer sur la force de la classe ouvrière, force qui ne réside pas seulement sur un territoire national mais à l’échelle internationale. ce communisme, auquel les staliniens avaient depuis belle lurette renoncé, n’est pas celui de Nyobé.

Messages

  • C’est sur un nouveau média, Twitter, que le vieux président du Cameroun, Paul Biya, a annoncé, vendredi 13 juillet, sa candidature à sa propre succession. Au pouvoir depuis 1982, le chef d’Etat âgé de 85 ans briguera un septième mandat lors de l’élection présidentielle à un tour fixée au 7 octobre. Sur ces mêmes réseaux sociaux circule depuis quelques jours un message d’un autre genre, sous la forme d’une vidéo. Elle se déroule dans l’Extrême-Nord du Cameroun, sans doute dans l’un de ces villages désolés lovés dans les collines pierreuses du Mayo-Tsanaga. On y voit de présumés militaires aux tenues dépareillées user de leur kalachnikov pour exécuter à bout portant deux femmes – et leurs deux enfants, dont un bébé – soupçonnées d’être des complices de Boko Haram. Ces images d’atrocités ont suscité une vive indignation au Cameroun et au-delà. Elles viennent brutalement rappeler que le pays qui s’apprête à voter est en guerre.

    Longtemps à huis clos, elle a fini par fuiter sur les réseaux sociaux où s’accumulent désormais des images d’exactions et de brutalités commises par les forces de sécurité, mais aussi par les miliciens. Des cafés branchés de Douala aux bars des quartiers populaires, nul n’ignore plus qu’une guerre impitoyable se déroule entre le pouvoir de Paul Biya et des concitoyens désespérés qui, au départ, ne faisaient que manifester pour demander le respect au quotidien de leur spécificité anglophone.

    La dictature casse de partout.

    Par le haut, de nombreux hauts fonctionnaires et directeurs ou membres des conseils d’administration des sociétés parapubliques puisent directement dans le Trésor public. Par le bas, mal rémunérées, bureaucratie et soldatesque vivent sur l’habitant.

    Les niches de corruption prolifèrent et les activités illégales sont omniprésentes dans toutes les filières bureaucratiques et secteurs économiques.

    En réalité, tout est prétexte à détournements et surévaluations, qu’il s’agisse de la gestion des projets, des activités de passation et d’exécution des marchés publics, des indemnisations de tout genre ou des transactions au titre de la vie quotidienne.

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