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Luttes de classe en Suisse

mardi 16 décembre 2014, par Robert Paris

Luttes de classe en Suisse

« Les Suisses disent non à la lutte des classes », titre le quotidien conservateur allemand Die Welt lundi pour rendre hommage, lui, au « sens des responsabilités des Suisses ». Le refus dimanche de l’initiative 1:12 visant à limiter les hauts salaires à 12 fois le plus bas salaire d’une entreprise a déclenché un large écho dans la presse internationale. Le Figaro triomphe : « À peine 23 % des citoyens de la Confédération helvétique ont voté « oui » ce dimanche où se tenait un référendum portant sur l’introduction d’un salaire minimum. C’est donc à une écrasante majorité que la mise en place d’un salaire minimum de 22 francs suisses, soit environ 18 euros de l’heure, a été refusée… Outre leur extraordinaire prospérité, les Suisses se distinguent plus que jamais par leur régime unique de démocratie directe… Le Wall Street Journal salue, lui, la « sagesse des Suisses » et déplore le « caractère émotionnel » de l’initiative 1:12. « Il n’y a pas de table de la loi en matière de salaires. (…) Le résultat pratique d’un ‘succès’ du texte aurait rendu la Suisse plus pauvre et moins attrayante pour les investisseurs étrangers ». Et le quotidien financier américain de rendre hommage aux Suisses d’avoir trouvé de moins en moins séduisant le mirage de la redistribution offert par le texte. » Même son de cloche dans le Jornal Expresso au Portugal : « Nestlé ou Novartis menaçaient de déménager leur siège ailleurs. Les Suisses, même dans la discrétion d’un local de vote, sont prudents (…), ils rejettent cette initiative qui concerne seulement les gros bonnets de 0,3% des entreprises. » De nombreux titres de journaux mettent l’accent sur les mérites de la démocratie directe et la « sagesse » des Suisses.

La Suisse est devenue en 2011 le premier pays au monde où la fortune a dépassé 500.000 dollars par personne. Cela ne signifie nullement que les travailleurs de Suisse soient devenus des capitalistes ! Ni même que leur comportement soit moins fondé sur leur intérêt exclusif. Pour ne prendre qu’un seul exemple de la législation du travail, en Suisse, les juges des prud’hommes sont des magistrats professionnels qui ne prennent de décisions que financières, pas question, par exemple, d’ordonner la réintégration même si le licenciement est jugé abusif.

L’image d’une Suisse complètement en dehors des luttes de classes est absolument mensongère et n’a jamais eu de sens. On nous présente ce pays du grand capital bancaire et industriel, où la collusion est totale entre pouvoirs politique, financier, judiciaire et militaire, comme le pays de la démocratie directe aux mains du peuple à l’aide des « votations », du « peuple en armes »…

Lire ici : Sur le mythe d’une Suisse sans grèves et luttes de classe

Historiquement, la Suisse des montagnes, des champs et d’édelweiss est une image d’Epinal. Si Voltaire parlait d’ « une Suisse des vaches et des banquiers », cela va surtout une signification satirique contre les banquiers ! C’était déjà de la lutte des classes. (voir ici) D’ailleurs, à l’époque de Voltaire, la Suisse était depuis longtemps un haut lieu des luttes de classe et des révolutions sociales et politiques, bourgeoises et populaires, pour toute l’Europe. (voir ici)

La Suisse a aussi été un haut lieu d’organisation du mouvement ouvrier à ses débuts (voir ici, un pays qui a connu des luttes de classe et des efforts d’organisation de classe (voir ici) et aussi un haut lieu des débats du mouvement ouvrier international (voir ici).

Les grèves ouvrières se développent en Suisse : en 1875, par exemple : les ouvriers du Saint-Gotthard se mettent en grève ; on fait donner la troupe ; bilan : quatre morts, le 8 mars 1889, première grève au chantier du percement du tunnel du Simplon, elle ne durera qu’un jour ; deux autres grèves éclateront en novembre 1899 et en juin 1901, la troupe interviendra chaque fois ; c’est à l’occasion du percement du Simplon que la question ouvrière est véritablement posée en Valais. le 15 mars 1907, grève des ouvriers chocolatiers des usines Peter-Kohler, à Vevey (VD) pour réclamer de meilleures conditions de travail, en novembre et décembre 1922, la grève des ouvriers typographes, en 1929 la grève des maçons et manœuvres des secteurs du Bois et du Bâtiment.

Pascale Gazareth, Aspects de la grève et facteurs de sa rareté en Suisse, (Mémoire de licence, Université de Neuchâtel, 1994, pp. 13-29) : Grève-émeute, grève politique, grève sur le tas, grève avec occupation, avec piquet, avec séquestration, grève tournante ou par roulements, grèves articulées, grève larvée, grève-bouchon ou grève-thrombose, grève du zèle, sans oublier le débrayage, la grève d’avertissement et la grève-surprise, cet acte de force revêt les formes les plus variées.

La répression policière contre le mouvement ouvrier n’est pas peu courante : voir ici

Entre 1918 et 1945, l’armée a assuré 22 fois un « service d’ordre » contre le mouvement ouvrier. Le soir du 9 novembre 1932, l’armée ouvre le feu, au pistolet et au fusil mitrailleur, sur une manifestation antifasciste, faisant treize morts et des dizaines de blessés. Puis on félicite les assassins et l’on condamne des dirigeants du Parti socialiste genevois, qui avaient appelé à manifester, pour trouble à l’ordre public.

Voir la lettre de Lénine aux ouvriers suisses

La révolution prolétarienne menace également la Suisse après la première guerre mondiale, dans le cadre de la vague européenne de révolutions débutée en Russie en 1917. (voir ici).

1917

La colère gronde mais le gouvernement ne semble pas accorder d’attention aux revendications des salariés. Nombre de branches industrielles d’exportation - chimie, métallurgie, textiles, machines ou horlogerie - réalisent de gros bénéfices alors que, dans les rues du pays, les manifestations se succèdent.

Pour la première fois, des employés se joignent aux ouvriers, même les femmes protestent contre la faim et la hausse du coût de la vie. Indice évocateur de cette crise sociale, le taux de natalité s’écroule ; de 22 0/00 (vingt-deux pour-mille) en 1914, il tombe à 18 0/00 (dix-huit pour-mille) en 1917. La paix conclue entre patronat et salariat est rompue. Les effectifs des syndicats, des associations de travailleurs et du parti socialiste explosent.

Un événement va mettre le feu aux poudres dans toute l’Europe. En avril 1917 éclate la Révolution russe. Lénine, alors exilé en Suisse, rentre au pays grâce à l’aide de ses camarades communistes suisses, Robert Grimm et Fritz Platten, qui organisent son retour dans un wagon plombé.

La révolution apporte d’immenses espoirs aux classes ouvrière et défavorisée qui voient en l’émergence de cette gauche anticapitaliste la solution à leur situation sociale précaire. Les mouvements insurrectionnels se multiplient, revendiquant plus de protection et de droits pour les travailleurs. Ils ne cesseront d’augmenter en nombre et en intensité jusqu’en 1918, y compris en Suisse.

Tellement que les États-Unis, tête de file du mouvement capitaliste anticommuniste, finissent par s’inquiéter. Ils font savoir à Berne qu’ils interviendront militairement en Suisse en cas de révolution communiste, malgré la neutralité de la Confédération. Ambiance...

1918

L’Allemagne capitule et la première guerre mondiale de l’histoire de l’humanité s’achève.

Celle que tous prédisaient courte dure en réalité 4 ans et laisse plus de 8 millions de morts et 20 millions de blessés sur les champs de bataille. La Suisse, neutre, reste épargnée par les combats.

Mais sur le front social, elle se réveille dévastée, assommée, appauvrie. C’est cette année-là que tout va basculer...

Le conseiller national socialiste Robert Grimm décide de convoquer une « cellule de crise » qui aurait pour mission d’élaborer des revendications adressées au gouvernement pour défendre les droits des travailleurs. Il s’entoure de membres du PS (Part socialiste) et de l’USS (Union syndicale suisse).

Car à cette époque, les travailleurs suisses ne disposent encore d’aucune protection sociale, 700’000 personnes dépendent de la charité publique et 65 heures de travail sont effectuées chaque semaine, soit 11 heures de travail par jour et 10 heures le samedi. Cette séance donnera naissance au « Comité d’Olten ».

Le « Comité d’Olten » organise à Bâle le premier Congrès général ouvrier. Un catalogue de revendications à l’attention du Conseil fédéral est présenté aux salariés présents. Le Congrès décide d’envoyer une délégation chargée de négocier avec le gouvernement. En cas d’échec des négociations, la Grève générale est votée comme moyen ultime de pression.

Dans un premier temps, le gouvernement accepte de discuter avec les représentants du monde ouvrier.

30 septembre – 1er octobre 1918

A Zurich, des employés de banque manifestent pour obtenir une hausse de leur salaire. La situation est parfaitement inédite ! Ouvriers et cols blancs, peu rompus aux grèves, se rapprochent en partageant les mêmes préoccupations et revendications. Le patronat exprime de vives inquiétudes.

19 octobre 1918

Le PS, Parti socialiste, appelle à fêter l’anniversaire de la révolution russe. Dans un climat social et politique particulièrement tendu, cette démarche est interprétée comme une provocation par le gouvernement. Malgré les menaces des autorités, la manifestation est maintenue.

7 novembre 1918

Des troupes de l’armée suisse investissent Zurich en nombre. La cavalerie soutient l’infanterie et s’affiche de façon ostentatoire, attisant la tension. Les soldats font face aux manifestants dans une ambiance électrique.

Le Comité d’Olten se réunit en séance extraordinaire.

9 novembre 1918

Chute de l’Empire allemand.

A Zurich, l’Union ouvrière décide de poursuivre la grève jusqu’au retrait des troupes de l’armée suisse.

10 novembre 1918

A Zurich, après 3 jours de grève, la place Fraumünster devient le théâtre d’affrontements entre manifestants et militaires.

Suite aux événements de Zurich, le Comité d’Olten lance un appel à la Grève générale pour le 12 novembre. Il présente un programme de revendications politiques et sociales en 9 points.

Résumé des revendications du Comité d’Olten :

 Le Conseil national doit être renouvelé sans délai, selon la représentation proportionnelle (chaque parti politique doit être représenté au parlement en proportion du nombre de suffrages obtenus)

 Les femmes doivent pouvoir voter et être élues

 La semaine de travail ne doit pas dépasser 48 heures, soit 6 journées de 8 heures (65 heures par semaine actuellement)

 Les travailleurs âgés et invalides doivent être protégés par une assurance (les futures assurance vieillesse et survivants – AVS – et assurance invalidité - AI)

 Un impôt sur la fortune des gros contribuables doit être introduit pour éponger l’importante dette publique notamment liée à la mobilisation.

 L’armée doit être démocratiquement réformée et encadrée d’une organisation solide qui permettrait, à l’avenir, de garantir le ravitaillement du pays, particulièrement problématique durant la Grande Guerre.

11 novembre 1918

En Suisse, le travail reprend dans toute la Suisse, à l’exception de Zurich.

12 novembre 1918

La Grève générale commence.

Le pays est paralysé ; le nombre de manifestants demeure inégalé à ce jour. 250’000 personnes répondent à l’appel du Comité d’Olten, dont une grande partie de cheminots qui arrêtent le trafic ferroviaire jusque dans les régions les plus reculées. Le général Wille mobilise 100’000 soldats. 3 grévistes meurent à Granges, important centre horloger soleurois.

Le même jour, à Berne, la mission bolchévique quitte le pays après que Berne, sous la pression des Alliés, a rompu ses relations avec la Russie - contrevenant ainsi au principe de l’universalité des relations diplomatiques d’un pays au bénéfice d’une neutralité permanente. La mission diplomatique russe est accusée de propagande et d’agitation communiste en Suisse.

Toujours ce même 12 novembre, l’Assemblée fédérale est convoquée en session extraordinaire urgente. La Grève générale est naturellement à l’ordre du jour. La majorité, bourgeoise, durcit le ton. Le Conseil fédéral se sent appuyé pour agir. Ce qu’il fera immédiatement.

13 novembre 1918

Le Conseil fédéral exige la fin de la Grève générale. Les menaces sont claires : l’armée pourrait avoir ordre de tirer sur les gréviste. Il lance un ultimatum au Comité d’Olten.

14 novembre 1918

Au matin, le Comité d’Olten accepte l’ultimatum du Conseil fédéral, de crainte que la Grève générale ne dégénère en violences, comme en Allemagne où la révolte a été sauvagement anéantie par l’armée. De plus, certains paysans et commerçants menacent de ne plus livrer de pain ou de lait aux villes en grève. Le Comité déclare : « la classe ouvrière a cédé devant les baïonnettes, mais elle n’est pas vaincue ».

15 novembre 1918

Reprise générale du travail, la Grève générale n’aura duré que trois jours.

22-23 décembre 1918

Deuxième Congrès général ouvrier à Bâle. Suite à l’échec de la Grève générale, le Comité d’Olten est remanié, élargi et rebaptisé « Comité central d’action ».

29 septembre 1919

Le Comité central d’action, anciennement « Comité d’Olten », siège pour la dernière fois de son histoire. Il n’y aura jamais de dissolution formelle.

Le 5 mars 1921, le Parti socialiste suisse perd son aile gauche, forte d’environ 5 000 membres. Elle le quitte pour fonder le Parti communiste suisse. Le 18 février 1923, le peuple rejette, par 55 145 non (11,0 %) contre 445 606 oui (89,0 %), l’Initiative populaire « Arrestation des citoyens suisses qui compromettent la sûreté intérieure du pays », c’est-à-dire les communistes.`

La Suisse est certes aussi un haut lieu de la collaboration de classe : par exemple, en 1937

En fait, il n’est pas exact que la paix sociale date en Suisse de 1937 puisque le pays a connu en 1945-1947 de nombreuses et grandes grèves (comme à Genève au printemps et en été 1946 et avec notamment un important mouvement des ouvriers du Bois et du Bâtiment). L’intensité des mouvements grévistes est la plus forte en 1946 avec 184.483 journées de travail perdues et un mouvement qui a failli aboutir à une grève génrale, sans compter un poids accru de la classe ouvrière sur les partis politiques. C’est plutôt à partir de 1950 que la paix sociale a pris effet avec moins de dix grèves par an.

Depuis 1957, le Code des obligations distingue la paix relative et la paix absolue du travail. L’art. 323bis disposait au chiffre 2 :

« Chaque partie doit maintenir la paix du travail et s’abstenir en particulier de tout moyen de combat quand aux matières réglées dans la convention. L’obligation de maintenir la paix n’est absolue que si les parties en sont convenues expressément ».

Cet article, devenu l’art. 357a du Code des obligations, a été légèrement modifié dans la version révisée de 1972. Il indique que :

« Chaque partie maintient la paix du travail et, en particulier, s’abstient de tout moyen de combat quant aux matières réglées dans la convention ; l’obligation de maintenir la paix n’est illimitée que si les parties en sont convenues expressément »

En 1977, 67 % des conventions avec clause de paix visaient la paix absolue, 4% la paix relative expressément mentionnée, les autres étant muettes à cet égard (ce qui revenait au même).

La Suisse n’a connu que vingt-cinq grèves entre 1987 et 1996 et une cinquantaine au cours de la dernière décennie. Le nombre annuel moyen de journées de travail ainsi perdues s’est élevé à 0,74 pour mille travailleurs pendant la première décennie susmentionnée.

Les syndicats suisses s’y entendent à pratiquer la collaboration avec les patrons voir ici

Et aussi là

Le 30 octobre 2012, un grand colloque réunissait des représentants des milieux patronaux et des milieux syndicaux pour célébrer l’anniversaire de la paix du travail.

Soixante-dix ans après, la « paix du travail » de 1937 est-t-elle encore une réalité ? Les Conventions Collectives de Travail (CCT) sont censées empêcher les conflits mais on oublie souvent de dire que les CCT ne couvrent même pas un salarié suisse sur deux ! Quant à les présenter comme également favorable au patronat et aux salariés, il suffit pour se faire une opinion d’écouter le directeur général du Centre Patronal, Christophe Reymond, qui en dit beaucoup de bien : L’État est parfois appelé à intervenir, mais seulement à la demande des parties en cause, pour décider qu’une convention collective aura force obligatoire générale, afin que les dissidents ne profitent pas indûment d’un avantage économique qui fausse la concurrence et finirait par ruiner l’édifice. » Des analyses ont été menées par Yves Flückiger, vice-recteur de l’Université de Fribourg, à partir de l’Enquête suisse sur la structure des salaires. Les résultats ne sont pas ceux auxquels il s’attendait : « Il apparaît […] que la couverture par une CCT est paradoxalement synonyme de salaires plus faibles pour les personnes qui en bénéficient. »

Et le mode de fonctionnement des syndicats suisses et leur liaison avec le patronat et avec l’Etat ne permettent pas toujours d’éviter les grèves.

En avril 1970, quelque 200 saisonniers, employés par la société Murer SA active dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, se mettent en grève. Le 6 avril, le chantier du futur centre commercial de Balexert est complètement bloqué par les grévistes et la Fédération des ouvriers du bois et du bâtiment (FOBB) intervient, sans succès, pour obtenir la reprise du travail. La grève dure une semaine. Un accord est conclu le 10 avril et signé le 13. Le samedi 11, une manifestation de soutien réunit 4’000 personnes sur la base d’un appel assez offensif à l’égard des syndicats.

Cette grève inaugure un cycle de conflits du travail qui traverse ce qu’il est convenu d’appeler les « années 68 ». Elle pose immédiatement une série de questions auxquelles le mouvement syndical sera confronté durant toute la décennie suivante au cours de conflits restés plus fameux (Monteforno, Dubied, Matisa, etc.) : rapports avec les travailleurs étrangers, liens avec la base ouvrière, collaboration avec la nouvelle gauche. Comme le remarque cinq ans après un militant genevois : « le mouvement étudiant prenait [alors] ses premiers contacts avec l’émigration. Cette expérience [la grève chez Murer] sera un des moments décisifs de la naissance d’une nouvelle gauche suisse à Genève. Mais la gauche traditionnelle elle-même sera ébranlée par ces journées. » Outre les questions qu’elles posent aux syndicats, ces grèves mettent en mouvement les groupes politiques issus des ruptures avec le Parti du Travail et des mouvements étudiants qui cherchent à les soutenir, à les élargir, voire à les diriger.

Pourtant, ce cycle de grève qui couvre une décennie (voir tableau en annexe) n’est guère pris en compte par les historiens des « années 68 ». Historien spécialiste de l’histoire des grèves françaises de la période, Xavier Vigna s’étonne, dans un compte-rendu du récent ouvrage de Damir Skenderovic et Christina Späti : « [...] la contestation ouvrière, si prégnante en Italie et en France pendant la séquence, s’avère rare en Suisse : une seule grève mentionnée dans une usine de chaussures au printemps 1970. Cette absence relative n’est guère questionnée par les auteurs [...] » Et pour cause : entre 1967 et 1979, un premier repérage permet de mettre en évidence plus de cinquante conflits dont certains durent plusieurs semaines. Ce n’est rien certes en comparaison avec la France et l’Italie, mais ces pays ne connaissent pas le régime conventionnel et idéologique de la « paix du travail ». Voir ici

La Suisse est certes un des centres mondiaux de la bourgeoisie industrielle et financière mais cela ne signifie pas que les Suisse soient tous des capitalistes ! Le prolétariat, qu’il soit d’origine suisse, européenne ou immigrée, existe de longue date. Il y a une importante industrie suisse dans de multiples domaines. Voir ici : la sociologie des classes sociales en Suisse

Le développement d’un courant fasciste en Suisse, loin d’être une preuve de l’absence de luttes de classes, montre que la grande bourgeoisie se prépare à dévoyer les luttes de classes et à les écraser : voir ici

La paix du travail, on a pu le constater encore récemment lors du coup de force illicite de Comedia contre les Presses Centrales, à Lausanne (2001), et dans le conflit de Filtrona, à Crissier (2004), est éminemment fragile. Lors des deux grèves chez Boillat Swissmetal, à Reconvilier (2004 et 2006), on a assisté, de part et d’autre, à une escalade de la violence verbale, mais aussi des mesures d’intimidation et de rétorsion.

Car les luttes sociales ne sont pas non plus absentes au pays de l’Edelweiss qui n’est pas seulement un pays de montagnes et de tourisme.

Du 16 au 25 novembre 2004, c’est la grève de la Boillat, grève spontanée considérée comme une « grève illégale » mais qui reçoit un large soutien populaire avec des manifestations quotidiennes, allant jusqu’à réunir 5000 personnes (plus que la population de Reconvilier), avec des repas offerts dans l’usine par les commerçants du village…

Récemment les employés de Orange et Veillon (vente par correspondance) ont fait grève.
Bien entendu, la lutte des classes, la bourgeoisie la mène comme ailleurs : voir ici

La Suisse touchée par une vague de licenciements

En Suisse aussi, les syndicats s’entendent avec la direction sur le dos des salariés

Et ces syndicats minimisent les effets des grèves

Les fonctionnaires sont attaqués comme ailleurs

Les tendances spontanées à la généralisation des grèves inquiètent patronat et Etat

Comme ailleurs, les patrons estiment illégales les grèves, y compris contre les fermetures

Les salariés ne se laissent pas faire
Michel Bülher, chanteur et radical, commente ainsi les luttes de classes en Suisse

La suite vient : la fonction publique débrayera le 18 décembre

Portfolio

Messages

  • La Bourse suisse a perdu jusqu’à 12 % après l’annonce surprise de la suppression par la banque centrale du taux plancher entre le franc suisse et l’euro.

    Il y a du chambardement au pas des banquiers !

  • L’onde de choc de l’envol du franc suisse se poursuit...

  • Krach historique" titrait la presse après l’annonce brutale, jeudi 16 janvier, de la Banque nationale suisse (BNS) d’abolir le cours du taux plancher de 1,20 CHF pour 1 €, "vache sacrée" du pays depuis septembre 2011. Surprise, panique, secousse, onde de choc : face à "l’insoutenable légèreté du franc", jolie formule de la presse suisse italophone, les termes alarmistes pleuvent depuis hier sur une Confédération stupéfaite. Incrédules et furieux, les industriels, économistes, politiques se relaient suite à "la gifle" pour dénoncer "une catastrophe pour l’économie" et critiquer une BNS dont l’image est écornée : "naïve" , "agenouillée devant les spéculateurs" ou "minée dans sa crédibilité" suite aux garanties données lundi dernier par son numéro deux, répétant que "le taux plancher doit rester le pilier de la politique monétaire" , une vidéo relayée avec ironie sur Investir.ch ou Twitter.

  • Les salariés de la filiale genevoise d’un équipementier automobile français ont tous fait grève mardi pour dénoncer les efforts demandés par la direction. Les menaces de licenciement de tout le personnel par le patron ont mis de l’huile sur le feu.
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    La première grève en Suisse liée à l’abandon du taux plancher a été provoquée…par un groupe Français. Les salariés de Mecalp Technology, filiale genevoise de l’équipementier automobile français Bontaz-Centre, souhaitaient contester les efforts demandés par leur maison mère. De fait, pour contrer les effets de la hausse du franc suisse de janvier, le groupe français a demandé à ses salariés helvètes de travailler gratuitement le samedi, de les rémunérer en euros (ce qui représente une diminution du pouvoir d’achat en Suisse de l’ordre de 20%) et de diminuer tous les salaires de 10%. Et si les salariés refusent ces concessions, la direction a fait planer des menaces de licenciement.

    Mais ces mesures sont illégales en Suisse, les salariés avaient donc alerté le principal syndicat Unia, particulièrement vigilant sur ces questions. Le syndicat veille en effet au bon respect par les entreprises des conditions sociales des travailleurs en dépit du franc fort. « Au lieu de dénoncer la mauvaise décision de la Banque nationale suisse (BNS), elles cherchent à faire payer les pots cassés aux travailleuses et travailleurs », fustige le syndicat. « Des baisses de salaires sont bien la pire chose qui puisse arriver à l’économie suisse », ajoute l’Unia.

    Mais ce qui, au départ, devait être un simple avertissement de la part du personnel s’est transformé en grève quasi généralisée de 40 salariés sur les 50 que compte l’entreprise. De fait, les menaces de licenciement de la direction a donné une nouvelle tournure au mouvement de contestation. « Le patron a viré tout le monde, le personnel sort protester », a confié le syndicat Unia au Temps .

    Mais face à la mobilisation générale, la direction n’a pas mis ses menaces à exécution. Après avoir licenciée trois salariés de manière arbitraire, elle les a finalement réintégrées. Mais les concessions demandées aux salariés n’ont pas toutes été retirées. Le syndicat Unia reste mobilisé et le dialogue se poursuit.

  • L’envolée du franc suisse nuit à la compétitivité des entreprises locales. Conséquence, des milliers d’employés se sont imposer par leur patron de passer à la semaine de 45 heures sans hausse de salaire.

  • Le cauchemar de nombreuses communes françaises, c’est le Franc Suisse. Ces collectivités ont contracté des emprunts qui sont indexés sur cette monnaie. Son cours a beaucoup fluctué, ce qui entraîne une explosion du montant des remboursements. Par exemple, deux communes de la Sarthe, Mamers et Allonnes sont concernées.

  • Réunie mardi soir à Genève, l’assemblée du personnel de la fonction publique et du secteur subventionné a décidé, à une très large majorité, de maintenir le préavis de grève. Les négociations avec le Conseil d’Etat au sujet des économies annoncées n’ont pour l’heure pas abouti.

    La fonction publique est remontée contre les économies annoncées par le Conseil d’Etat. L’exécutif veut diminuer d’ici 2018 de 5% la masse salariale de l’Etat. Il propose notamment d’augmenter le temps de travail hebdomadaire des fonctionnaires de 40 à 42 heures et de ne remplacer que partiellement les départs naturels.

    Le comité de lutte des services publics s’oppose aussi aux coupes prévues dans le projet de budget 2016, dont une réduction linéaire de 1% sur les charges de personnel. Parmi ses griefs figurent aussi le gel des annuités et l’engagement de nouveaux collaborateurs deux annuités en dessous de ce qui est prévu. Enfin, une loi qui bloque les embauches tant que la dette n’a pas drastiquement diminué est aussi contestée.

    Un important mouvement de protestation a débuté il y a un mois dans le canton. Le comité de lutte des services publics a organisé sept manifestations, dont la plus importante a rassemblé plus de 10’000 personnes, et six journées de grève. Des actions sectorielles sont aussi en place. Ainsi, les enseignants ne transmettent plus les notes à l’administration.

    De son côté, le Conseil d’Etat a écrit à tous les collaborateurs de l’administration cantonale et des établissements publics afin de suspendre le mouvement de grève et de manifestations. Dans cette lettre, le Conseil d’Etat relève notamment qu’un « sentiment anti-fonctionnaire » ressurgit au sein de la population, « avec le risque d’aboutir à une fracture nuisible et durable ».

    La décision de cesser le travail a été adoptée à une très grande majorité lors d’une assemblée du personnel de l’Etat et du secteur subventionné, lundi soir.

    La grève s’achèvera par une manifestation et la tenue d’une nouvelle assemblée pour déterminer de la suite à donner au mouvement, a fait savoir Marc Simeth, le président du Cartel intersyndical de la fonction publique.

    Puis, rebondissement final, les syndicats retirent le mot d’ordre de grève !!!

  • A lire sur le droit du travail en Suisse, ou du moins le droit du capital qui se nomme hypocritement le droit du travail :

    cliquer ici

  • La RIE III en cours s’apprête à créer de nouvelles niches fiscales et à diminuer ou supprimer certains impôts. Elle inaugure un nouveau cycle de sous-enchère fiscale, qui fera perdre des revenus considérables à la Confédération et à certains cantons, dont Genève. Elle entraîne déjà un nouveau cycle de réduction des dépenses des collectivités publiques, avec des attaques aux prestations à la population, à la formation, à l’aide au développement, aux conditions de travail de la fonction publique et subventionnée, et par des privatisations.

    A Genève, elle s’inscrit dans un contexte de défiscalisation agressive, qui a déjà fait perdre près d’un 5e des revenus fiscaux à Genève, soit plus d’1.2 milliard sur 6.4 milliards. Le taux d’imposition des bénéfices des entreprises visé par le Conseil d’État « autour de 13% », aura, selon les mesures retenues, un impact entre 500 millions à plus d’un milliard pour les finances cantonales et communales.

  • La révolution viendra-t-elle de Suisse ? Dimanche 5 juin, le pays est appelé à voter sur l’instauration d’un « revenu de base inconditionnel ». Ce référendum fédéral, autorisé à la suite d’une pétition qui a récolté plus de 100 000 signatures, vise à modifier la Constitution helvétique, afin que chacun dispose dès sa naissance d’une rente à vie. Si le groupe à l’origine de cette proposition – élus socialistes, Verts, syndicalistes ou encore citoyens du milieu de l’art et de la santé – n’articule formellement aucun chiffre, ses argumentaires se basent sur un montant de 2 500 francs suisses (environ 2 300 euros) par personne et par mois.

  • Un accord répondant aux revendications des grévistes a été passé entre la commission du personnel, Unia et la direction de Thermo Fisher à Ecublens (VD). La grève est donc suspendue.

    Le combat des salarié-e-s de Thermo Fisher visait au maintien de leurs emplois à Ecublens.

    Cet objectif n’est pas atteint et pourtant les syndicats ont signé un accord de fin de grève !

    Cherchez l’erreur !!!

    Après 6 jours de grève et d’intenses négociations, le projet d’accord passé hier sous l’égide du Département vaudois de l’économie entre la direction de l’entreprise, la commission du personnel et Unia a été accepté par l’ensemble des parties. Les revendications des grévistes ont été entendues. L’accord prévoit entre autres l’intégration d’Unia aux négociations, une prolongation du délai de consultation d’une dizaine de jours et la remise des documents internes à l’entreprise nécessaires à l’établissement de propositions alternatives. Les partenaires sociaux se sont également mis d’accord sur un calendrier de négociations.

    En somme... Les travailleurs n’ont rien obtenu et arrêtent la grève en échange de... rien !!!

  • Les employés du service de livraison à vélo Notime ont protesté à Berne contre la violation de leurs droits. Jusqu’ à présent, les conducteurs étaient des indépendants sans couverture d’assurance. Aujourd’hui, ils réclament des contrats équitables et la reconnaissance de leur comité d’entreprise.

  • 1500 fonctionnaires ont débrayé et défilé dans les rues de Genève, en colère contre plusieurs projets du Conseil d’Etat. Ils ont voté la reconduction de la grève le 14 décembre. Ils ont défilé lundi, slogans dans les mégaphones, sifflets aux lèvres, calicots au bras : « Serge, casse pas ma caisse ! » Ou : « Au Score, ils sont devenus fous ! » Et encore : « Prochain vol du Conseil d’Etat : une école low cost ». Leurs revendications : réforme de la grille salariale à l’Etat (Score), renflouement de la caisse de pension des fonctionnaires (CPEG), mesures d’économies structurelles. La stratégie syndicale est cependant classique : se contenter de montrer son mécontentement sans mener vraiment la lutte de classes. Le président du Cartel intersyndical, Marc Simeth a déclaré ainsi : « Il s’agit aujourd’hui de tirer un coup de semonce, pour ensuite se rapprocher des cibles ».

  • Suisse :
    Plus de 400 électricien-ne-s venus de toute la Suisse ont manifesté cet après-midi à Zurich. Les syndicats Unia et Syna demandent entre autres une revalorisation générale des salaires, des jours de formation continue supplémentaires et une retraite anticipée à 62 ans. Ils n’ont rien obtenu de cela mais crient victoire parce que les patrons auraient décidé de retirer un prétendu projet de semaine de 44 heures.

  • Un mouvement social de trois jours, 250’000 travailleurs mobilisés et trois morts. La grève générale de 1918 en Suisse a marqué un tournant. Un siècle plus tard, son histoire et ses répercussions font l’objet d’un livre qui vient de paraître aux éditions Livreo-Alphil. Les deux auteurs principaux sont l’ancien conseiller national et syndicaliste jurassien Jean-Claude Rennwald et l’historien Adrian Zimmermann.

    Des causes multiples

    La grève générale, qui a eu lieu du 12 au 14 novembre, a deux causes principales. La Suisse a souffert de la Première Guerre mondiale, même si elle n’a pas pris part au conflit. Et l’intervention de l’armée pour réprimer certains mouvements sectoriels a été très mal accueillie. Cette grève a été suivie de manière disparate à travers le pays : le mouvement a surtout rencontré du succès en Suisse alémanique, dans l’Arc jurassien, à Lausanne et à Genève. Trois jeunes horlogers ont trouvé la mort sous les balles de l’armée suisse à Granges. La fin du conflit a été décidée par peur d’une guerre civile.

    Neuf revendications

    Les grévistes avaient neuf revendications, parmi lesquelles le renouvellement du Conseil national selon le système de la représentation proportionnelle qui sera réalisé dès l’automne 1919. La réduction du temps de travail de 59h à 48h dans l’industrie et les transports publics a été rapidement acceptée. D’autres revendications ont mis plus de temps à être concrétisées, comme l’introduction d’une assurance-vieillesse et le droit de vote et d’éligibilité des femmes.

    La grève générale de 1918 a donc marqué un tournant décisif pour la construction d’une Suisse sociale et moderne.

  • 14 novembre 1918. Au troisième jour de LA Grève générale en Suisse, ses dirigeants ont cédé à l’ultimatum répressif des autorités sans avoir obtenu la moindre concession. Beaucoup de grévistes restent incrédules et ne veulent pas s’en accommoder.

    C’est le jour des violences, celui qui voit mourir trois jeunes ouvriers horlogers, Marius Noirjean, Hermann Lanz et Fritz Scholl, victimes de la répression militaire à Granges.

    Dès lors, même s’il va bien lui falloir céder plus tard sur des revendications de bon sens, la classe dominante, aidée par l’armée et des gardes civiques, fait régner l’ordre et impose rapidement un récit faussé de ce mouvement social présenté comme une prétendue insurrection bolchévique.

    Cette issue de la Grève générale mérite d’être rappelée. La troisième journée de la grève a en effet été chaotique, violente. Si un appel à reprendre le travail avait bien été lancé, c’était seulement à partir du jeudi soir à minuit. Mais la droite et les gardes civiques voulaient que la grève cesse tout de suite.

    Dans le Volksrecht du jour, le syndicaliste Ernest Nobs (qui deviendra en 1943 le premier conseiller fédéral, socialiste, ce qui ne change rien à ces propos de 1918) s’est indigné avec verve, dans des termes sans équivoque, de cette issue piteuse imposée à un vaste mouvement social sans le moindre acquis :

    "C’est à pleurer ! Jamais une grève ne s’est effondrée si honteusement. [...] Jamais une bataille de cette ampleur n’a été interrompue sans conditions dans des circonstances comparables à celles d’aujourd’hui."

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