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Un texte de discussion au sein de l’assemblée interprofessionnelle
lundi 6 juillet 2015, par ,
Quel programme pour la lutte de classe ?
Si on réfléchissait collectivement (en se réunissant sur les lieux de travail et d’habitation) pour élaborer un tel programme, celui de lutte pour la classe ouvrière, se mobilisant de manière unitaire par-delà les corporations, les clivages, les divisions et oppositions diverses ?
Nous militons, au comité interpro, pour que la conscience de classe progresse au travers des luttes, qu’elles soient victorieuses ou non car c’est seulement cette manière de comprendre la lutte qui peut déboucher sur les changements radicaux dont les travailleurs ont un urgent besoin.
Bien entendu, la conscience de classe, c’est tout le contraire des mentalités « ma boite », « ma profession », « mon site », « mon secteur d’activité », « ma catégorie », « mon trust », « mon boulot », « mon pays », « ma région », « ma corporation », « mon groupe national, ethnique ou religieux », « mon genre », « mon appartenance », « mon syndicat », « mon clan », et bien sûr ma petite personne !!!
Cela signifie que l’on a conscience que les luttes sociales actuelles ne sont pas compatibles avec le soutien à des oppositions mensongères comme public/privé, titulaire/non titulaire, CDI/CDD, en fixe/précaire, salarié/chômeur, actif/retraité, homme/femme, banlieue/ non banlieue, français/étranger, avec ou sans papiers, jeune/vieux et on en passe…
La conscience de classe, c’est comprendre que les défaites et les victoires des travailleurs de tous secteurs, de toutes entreprises, de tous pays sont aussi nos victoires et nos défaites.
La conscience de classe ne se décrète pas. Elle peut progresser ou régresser au travers des luttes, suivant la manière dont elles sont menées et aussi suivant la manière dont elles sont connues et étudiées dans toute la classe ouvrière. Car les leçons tirées des luttes sont aussi importantes que les luttes elles-mêmes. Rappelons que, sans les textes de Marx, la Commune de Paris de 1871 ou la révolution ouvrière de 1848 seraient inconnues et leurs leçons n’en auraient jamais été diffusées.
Il est clair que la surexploitation et les attaques anti-ouvrières ne suffisent pas à produire une réaction de classe, une mobilisation de classe, ni une conscience de classe. Il n’y a aucun automatisme.
C’est bel et bien la classe capitaliste tout entière, ainsi que son Etat, qui nous attaquent. Cependant, il est aisé de dire aux travailleurs qu’ils ont affaire seulement au patron de PSA, seulement au patron d’Areva ou seulement au patron de Radio France. Il est aisé de faire croire aux salariés des crèches que leur problème est spécifique et que leur combat doit l’être, comme il est aisé de faire croire la même chose au personnel hospitalier de l’APHP ou encore aux cheminots ou aux postiers. Même quand tout le secteur public est concerné par les mêmes attaques, les mêmes suppressions massives d’emplois, justifiées par les mêmes dettes de l’Etat, les mêmes dégradations des conditions de travail qui en découlent, le même blocage des salaires, cela n’empêche pas les dirigeants syndicaux de faire croire que la mobilisation doit « d’abord » se développer dans le secteur particulier et qu’on pourra « ensuite seulement » se préoccuper de la liaison avec d’autres secteurs. On dit la même chose aux enseignants, aux employés des bibliothèques, aux postiers, aux chercheurs, aux universitaires et aux éboueurs… L’attaque est unifiée et la riposte dispersée et elle l’est par ses organisateurs syndicaux eux-mêmes, par-delà les sigles syndicaux et les rivalités. Ils sont tous unis pour que les luttes gardent à tout prix un caractère isolé, divisé, et ne prenne surtout pas un caractère de classe.
Mais la convergence des luttes n’est pas le seul élément déterminant de la conscience de classe.
Il y a aussi la conscience du fait que l’Etat bourgeois, quelle que soit l’équipe gouvernementale, quelle que soit sa couleur, est au service de la classe capitaliste et exclusivement à son service. Demander que l’Etat serve de médiateur, d’intermédiaire, de négociateur entre patronat et syndicats, c’est semer l’illusion sur une prétendue neutralité du gouvernement dans la lutte des classes.
Faire croire à la négociation, c’est aussi laisser entendre que patronat et syndicats pourraient échanger valablement des opinions et que de bons négociateurs syndicaux pourraient « faire avancer les dossier ». Toutes ces illusions servent à casser la conscience de classe.
Le fait que les travailleurs soient dirigés vers des luttes sectorisées, éparpillées, particularisées, localisées, corporatistes, divisées de toutes les manières possibles n’est qu’un des éléments servant à briser cette conscience de classe. Un autre est la croyance que, dans « ma boite », on roule tous pour la même chose, du patron au dernier des salariés. Une troisième est la croyance que l’Etat est au service des citoyens. Une quatrième est que la démocratie donne la même voix à tous. Une cinquième est que le droit des confédérations syndicales est la même chose que le droit démocratique des travailleurs.
Mais le pire est de faire croire que la loi du Capital peut profiter au Travail, c’est de diffuser la croyance mensongère de l’alliance du Capital et du Travail, en prétendant à l’existence d’un intérêt supérieur de l’entreprise, de la profession, du secteur, du pays ! Le pire est de faire croire que l’Etat serait au-dessus de la lutte des classes, chargé seulement d’équilibrer les relations sociales dans l’intérêt soi-disant commun ! Le pire est de faire croire que la loi de la bourgeoisie est celle de tous les citoyens, qu’ils soient ou non des possesseurs de capitaux ! Le pire est de faire croire que la loi bourgeoise qui affirme qu’il est interdit de toucher à la loi sacro sainte de la propriété privée des capitaux et des entreprises serait la loi commune des citoyens ! le pire est de faire croire, sous prétexte qu’il y a des élections, que le gouvernement représenterait les citoyens et pas les classes dirigeantes ! Le pire est de faire croire que l’on pourrait réformer le capitalisme, le rendre moins exploiteur, moins licencieur, moins oppressif, moins dictateur, plus transparent, plus égalitaire, plus durable, plus juste et autres balivernes. En somme, le pire de ce qui est diffusé au sein de la classe laborieuse, c’est le réformisme, c’est le meilleur moyen de détourner les travailleurs de la conscience de classe et de les pousser à la négociation, à l’accord, à l’entente, au constat partagé, à la collaboration, à la gestion paritaire avec leurs adversaires de classe ! C’est au nom de « la réforme » que toutes les tromperies, tous les reculs sociaux, toutes les attaques ont été programmés et sous ce drapeau que nous n’avons cessé de reculer toutes ces dernières années.
Car la conscience de classe est inséparable de la nécessité de combattre le réformisme et de diffuser un point de vue révolutionnaire, au plan syndical comme au plan politique.
En constatant que les hommes politiques qui se disputent nos suffrages et qui veulent gouverner sont au service des classes dirigeantes et que les dirigeants syndicaux qui constituent des boutiques concurrentes mais unies pour désorganiser les luttes ouvrières, nous n’appelons pas les travailleurs à ne plus faire de politique ou à ne plus mener d’action syndicale. Nous les appelons à le faire de manière révolutionnaire, dans le sens des intérêts de classe qui consistent à remettre en cause les droits de la classe exploiteuse.
En effet, la loi du Capital n’est pas fondée sur une règle humaine, du vivre ensemble, mais sur une régle d’une classe très minoritaire, celle des possesseurs de grands capitaux, celui des banques, des trusts, de la finance. Et cette loi dit que le non-propriétaire n’a aucun droit d’empêcher le propriétaire du capital d’en faire ce qui lui chante. Mais si le propriétaire d’une brosse à dents peut en faire ce qui lui chante sans que cela prête à conséquences dramatiques, le propriétaire de capitaux, lui, peut se fonder là-dessus pour décider, en fermant des entreprises, en démolissant des économies, de détruire la vie de millions de gens, les licenciant, les jetant à la rue, les réduisant à la misère.
La propriété privée des capitaux est une loi qui se doit d’être mise en cause sans cesse au cours de la lutte des classes, même si les réformistes sont tous d’accord sur un point : ne jamais franchir cette barrière et la respecter en tout point.
Quand les travailleurs des montres LIP, menacés de fermeture et de licenciements massifs, avaient réquisitionné le capital de l’entreprise, les plans, les montres, les stocks, les machines, et fait tourner l’entreprise à leur propre profit collectif en s’organisant pour cela en collectif de salariés, ils ont violé la loi du Capital mais ils n’ont fait que défendre ce qui était pour eux vital, leur emploi, leur source de revenus. La loi bourgeoise leur donnait tort mais l’opinion ouvrière leur a donné raison. Ils ont donné un exemple de ce qui peut être fait dans des entreprises qui ferment leurs portes ou licencient. Ils ont tenté de diffuser largement leur expérience mais les appareils syndicaux n’ont pas donné de large écho à leur tentative d’auto-organisation et de réquisition, de remise en cause de la propriété privée des capitalistes. Quant à l’Etat bourgeois, il a, bien entendu, pris parti pour les capitalistes. Dans aucune autre entreprise en France, les syndicats n’ont proposé de s’organiser de cette manière en collectifs de salariés décidant eux-mêmes, prenant eux-mêmes le pouvoir dans l’entreprise, remettant en cause le sacro saint droit du patron sur celle-ci. Pourtant, ces dernières années, ce n’est pas les cas d’entreprises qui ferment et de licenciements massifs qui ont manqué ! Non seulement les bureaucraties syndicales n’ont pas uni les salariés de ces entreprises dans un même mouvement pour interdire les licenciements mais ils ne se sont pas donnés l’arme pour l’imposer : la réquisition des capitaux, des stocks et des entreprises par les salariés eux-mêmes.
Tout au plus parfois, les syndicats ont fait appel à l’aide de l’Etat, demandant à celui-ci d’aider le patron ou encore de nationaliser l’entreprise. Mais jamais ils n’ont mis en avant, comme nous le faisons ici, la socialisation c’est-à-dire la mainmise par les salariés eux-mêmes organisés collectivement. Tout au plus certains syndicats se sont transformés en racheteurs collectifs du capital pour le gérer de manière capitaliste et sans auto-organisation des salariés. L’expropriation et la réquisition, ce n’est ni le rachat, ni la simple gestion coopérative et encore moins l’aide d’Etat aux capitalistes !
En période de crise aigüe, il n’est pas possible de remettre en question les plans patronaux sans
– s’unir avec les salariés de tous les secteurs, de toutes les catégories
– s’en prendre directement au droit du grand capital de mettre la main sur toute l’économie et au droit des propriétaires privés de capitaux
– unir les salariés et les chômeurs (y compris les jeunes encore inactifs) au sein de comités d’action, les chômeurs devenant attachés à une entreprise et destinés à y être embauchés que ce soit avec ou sans l’accord des patrons
– créer une liaison entre la classe ouvrière et la fraction de la petite bourgeoisie qui est menacée par la crise du capitalisme, petits artisans, petits paysans, petits pêcheurs, chauffeurs de taxis ou petits commerçants
Pour cela, la classe ouvrière a besoin d’un programme de mobilisation qui ne soit pas un programme pour s’entendre avec les gouvernants ni avec les classes dirigeantes mais pour les combattre ouvertement :
– Interdiction des spéculations contre les entreprises, contre la monnaie, contre l’économie et saisie des capitaux des spéculateurs et, en particulier, réquisition de toutes les banques et bourses qui spéculent contre l’emploi, contre les revenus de la classe laborieuse
– Interdiction des abandons d’entreprises par leurs patrons, interdiction des licenciements collectifs, interdiction des chantages à la fermeture pour obtenir des reculs sociaux, sous peine de réquisition par les salariés de l’entreprise, de ses capitaux ainsi, éventuellement, que des biens détenus par ses propriétaires.
– Interdiction des expulsions de logements, des fermetures de comptes en banque qui sont dans le rouge, des coupures de droits aux allocations chômage, des aides sociales, des accès à la santé et à l’éducation, des coupures de courant électrique, du gaz et de l’eau courante
– Interdiction des actions policières répressives contre les grévistes, contre les travailleurs qui se défendent collectivement, contre les chômeurs, contre les jeunes
- Interdiction des contrôles au faciès, des chasses aux sans papiers et aux étrangers
– Interdiction de l’utilisation des fonds publics dans l’intérêt des capitaux privés
– Interdiction des aides d’Etat aux capitalistes
– Interdiction des autorisations d’Etat de ne pas payer d’impôts, de taxes ou de cotisations sociales pour les capitalistes
– Interdiction de payer au grand capital les intérêts des dettes contractées au service de ce même grand capital
– Non paiement des dettes des capitalistes et fin des fonds pour sauver le grand capital de sa faillite
– Annulation de tous les engagements de l’Etat à l’égard du grand capital et des autres Etats bourgeois du monde, que ce soient des engagements financiers, sociaux, politiques, diplomatiques, policiers ou militaires
– Annulation de toutes les dettes privées et publiques et autres engagements ou lois qui profitent seulement au grand capital
– Interdiction de toute obéissance aux hiérarchies des classes dirigeantes, qu’elles soient administratives, policières, militaires, judiciaires, religieuses ou provenant de toute forme de hiérarchie au service des classes dirigeantes.
Ces objectifs, radicaux et globaux, ne s’opposent nullement à ceux que peuvent se donner les salariés lors d’un combat partiel qui peut être d’abord défensif et limité. Ils servent à rappeler le sens dans lequel la lutte peut se développer et prendre de l’ampleur et sont une menace permanente dressée contre les classes dirigeantes tout comme ces dernières se servent des licenciements, du chômage et de la misère pour faire reculer les travailleurs dans la lutte des classes.
Il n’est pas question d’imposer de telles revendications à la classe ouvrière mais de lui proposer de définir elle-même au cours de sa lutte ses revendications, ses modes d’action et d’organisation, mais l’existence d’un tel programme de classe est un moyen d’exprimer qu’une alternative existe à la loi du Capital, c’est la loi du Travail.
Messages
1. Un texte de discussion au sein de l’assemblée interprofessionnelle, 7 juillet 2015, 01:06, par Max
Interdictions diverses mais ce qui est important plus qu’une liste à la Prévert, c’est de s’organiser entre exploités pour commencer à dire ce que l’on veut et ce que l’on ne veut plus.
Avant , pendant ou après un mouvement, l’essentiel est autant dans le but que dans la façon d’y parvenir.
Dans notre cas , soit nous établissons des listes de revendications en tant que syndicaliste et militants d’un groupe politique et dans ce cas nous agissons de la même façon que les autres syndicalistes et militants ;
soit nous discutons de tel sorte dans des AG, comités, réunion, que les travailleurs vont proposer eux même leur mot d’ordre.
Le point de départ se doit d’être la discussion entre exploités .
Et pour l’instant c’est ce qui fait le plus défaut.
Nous en sommes au début et à mon avis le fameux programme d’urgence vient plaquer des idées à la place des travailleurs.
Chaque mesure, comme l’interdiction des licenciements, est une telle remise en cause de la propriété privé , qu’un groupe ou plusieurs se doivent de le présenter comme tel.
Nous sommes pour l’abolition du salariat, mais nous savons aussi que seule la révolte complète contre un système qui ne permet plus de travailler pour gagner sa vie, pourra donner un sens à cette perspective.
Vivre en travaillant ou mourir en combattant , les prolétaires sont à nouveau devant ce choix.
Nous voulons convaincre que la 1er partie de la proposition, est illusoire dans ce système qui est KO.
La seule solution est un combat décisif , mais le chemin est semé d’embuche réformiste.
1. Un texte de discussion au sein de l’assemblée interprofessionnelle, 7 juillet 2015, 09:11, par Robert Paris
La discussion est inséparable du thème de celle-ci et si notre discussion nous mène seulement à nous enfermer dans notre usine et dans notre site, dans notre corporation, on n’aura pas avancé vraiment...
2. Un texte de discussion au sein de l’assemblée interprofessionnelle, 27 septembre 2015, 20:53
Elles ,ces discussions, pourraient même rester coincer sur un site internet ou une bourse du travail....il n’y a pas de recette .
Si des âmes révolutionnaires veulent aider à créer/diffuser un bulletin sur 1 site industriel pour défendre des perspectives communistes et non pas syndicaliste d’EG ou stalinienne , c’est avec plaisir que j’accepterai ce coup de main.
fraternellement,
Max