samedi 18 novembre 2017, par
On vient de voir le nouveau Sultan d’Arabie saoudite tenter d’entraîner le Liban dans la déstabilisation et dans la guerre civile avec l’affaire Saad Hariri. L’Arabie appelle ses ressortissants à quitter le Liban. On se souvient qu’il en avait été de même avant l’affrontement avec le Yémen, avec la Syrie ou avec le Qatar. C’est le début de la déclaration de guerre. La suite est l’enlèvement du premier ministre libanais Saad Hariri suivie de sa démission de son poste de chef de l’Etat du Liban et la mise en cause par l’Arabie saoudite de la « mainmise du Hezbollah qui est une mainmise de l’Iran »…
À Beyrouth, le dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a, dès le lendemain, accusé l’Arabie Saoudite d’avoir contraint Saad Hariri à démissionner, puis de le retenir de force à Riyad.
L’Arabie saoudite a précisément accusé mercredi l’Iran "d’agression directe" après le tir samedi dernier d’un missile en direction de l’aéroport international de Ryad par des rebelles yéménites chiites houthis. Financés par l’Iran.
On a vu dans les épisodes précédents l’Arabie saoudite tenter de déstabiliser le Qatar, comme elle avait mené le front guerrier sunnite au Yémen ou comme elle avait soutenu Daesch en Syrie et en Irak. Tout cela est présenté comme une lutte contre l’offensive iranienne au Proche orient. L’Arabie saoudite a pris, pour cela, la tête d’une « coalition arabe » qui n’a d’arabe que le nom puisqu’en réalité elle englobe Israël ! On voit bien que les objectifs affichés, sunnites contre chiites, sont déjà bel et bien dépassés. Il y a loin de l’affichage aux buts réels !
Il est indispensable de remarquer que cette nouvelle politique offensive de l’Arabie saoudite a fait suite aux « printemps arabes » et est une réponse aux risques de déstabilisation sociale et politique qui menacent les dictatures pétrolières dont l’Arabie saoudite et les autres dictatures du monde arabe, comme la Syrie et l’Irak. Transformer des risques de révolution sociale en guerre de bandes armées, le Liban a déjà connu cela et c’est ce qui explique que les groupes ethniques libanais soient réticents à tomber dans le piège saoudien. Transformer le Liban un nouvel Irak ou une nouvelle Syrie ou encore un nouveau Yémen ne dit rien qui vaille au peuple libanais mais cela ne signifie pas que les classes dirigeantes ou Israël ne s’engouffrent pas dans cette voie. Il est bien trop tôt pour se rassurer ainsi parce que les dirigeants politiques libanais, y compris le Hezbollah et les dirigeants sunnites, le disent ou parce qu’Israël a prétendu ne pas vouloir mener de guerre au sud-Liban contre le Hezbollah chiite. En politique, il n’est pas courant de dire ce que l’on va faire ni d’agir de manière ouverte, en Orient moins encore qu’ailleurs ! Quand l’Arabie saoudite et Israël ont agi ensemble en Syrie, en Irak ou au Yémen, ils se sont bien gardés de le proclamer sur tous les tons, même s’ils n’ont pas eu besoin de s’en cacher vraiment.
Le nouvel élément de la situation est l’intervention française. Ce n’est pas nouveau pour le Liban mais l’alliance France-Arabie saoudite est, par contre, d’une totale nouveauté. On connaissait par contre l’alliance USA-Arabie saoudite qui a été bien douchée par la politique d’Obama pour pacifier la relation avec l’Iran.
Après avoir été très proche du Qatar sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la France cherche désormais à se rapprocher de l’Arabie saoudite, ennemie mortelle du Qatar que l’Arabie saoudite tente de bloquer et d’étouffer. Car la France a une carte à jouer en Arabie saoudite. Nouvel homme fort du pays, le prince héritier Mohammed Ben Salmane, ou "MBS" comme il est surnommé, a annoncé un plan extrêmement ambitieux à l’horizon 2030, le "projet Neom", qui va représenter 500 milliards d’euros de marchés à saisir. Et comme ses prédécesseurs à l’Élysée, Emmanuel Macron rêve que la France se taille la part du lion dans ce gâteau colossal.
La France a annoncé ouvertement son intervention lors de la visite de Macron à l’Arabie saoudite, visite au cours de laquelle a été affirmée une union jamais vue encore entre les deux pays… A été annoncée également la venue en France de Hariri au nom de l’intervention française, soi-disant en vue de la paix dans la région, mais n’est-ce pas plutôt en vue de la guerre puisque c’est avec l’accord total de l’Arabie saoudite et le désaccord total de l’Iran ?
Est-ce que cela signifie que la France pourrait basculer dans le camp Israël-Arabie saoudite, cela n’a rien d’impossible ni de contre-nature. On a bien remarqué dans la visite de Macron en Arabie saoudite que les saoudiens mettaient les petits plats dans les grands et offraient beaucoup à la bourgeoisie française, ce qui ne peut pas être sans contre-partie géopolitique… Les classes possédantes du Liban ont eu l’habitude des interventions de la France croisée, puis de la France colonialiste, puis de la France néocolonialiste et impérialiste, y compris lors de la grande guerre civile et elles y sont favorables. La France peut donc, plus ou moins discrètement, jouer le jeu de l’Arabie saoudite de façon plus efficace que l’était l’opération Hariri, avec sa démission de chef de l’Etat libanais visiblement forcée par l’Arabie saoudite. Ce personnage, chef d’entreprise toujours au bord de la faillite frauduleuse, qui n’a jamais été qu’une marionnette manipulée par l’Arabie saoudite à laquelle il doit toute sa fortune, n’a aucun poids social ou politique réel. La France va sans doute tenter de se relancer au Moyen Orient au travers de ce pantin mais rien ne prouve que cela fonctionne…
Une déclaration bien significative du tournant de la France vis-à-vis de l’Iran et de l’Arabie saoudite, celle de Le Drian, affirmant que la France est inquiète de la tendance de l’Iran à imposer son hégémonie au Moyen-Orient, sous-entendant notamment le Liban. Or, il semble bien que ce soit la tendance de la France à s’impliquer militairement dans cette région qui soit inquiétante….
En tout cas, les bruits de bottes se rapprochent du Liban et l’étendue de la zone de destructions massives ne cesse de s’étendre dans le monde…
Si les classes dirigeantes d’Arabie saoudite peuvent se permettre, sans subir une forte pression américaine, de déstabiliser ainsi le Moyen orient, c’est notamment grâce au fait que Trump souhaite apparaître en rupture avec la politique d’Obama de paix avec l’Iran. Cela ne signifie pas que les USA soient déjà prêts à entrer directement en guerre contre l’Iran mais ils ne seraient pas gênés que d’autres, notamment la France, le fassent à leur place…
Bien entendu, les dirigeants impérialistes occidentaux ou israéliens n’en ont rien à faire de l’opposition du chiisme et sunnisme, rien à faire d’objectifs pseudo-religieux ou ethniques, mais les dirigeants du Moyen orient eux aussi ne font que cacher que leurs vrais objectifs sont bien différents. Désigner du doigt l’Iran comme l’ennemi commun permet aux uns comme aux autres de donner un drapeau qui unifie derrière eux des peuples et qui permette d’accroître l’ampleur et la violence des guerres et des guerres civiles et fasse encore plus basculer le monde dans la violence. Mais la véritable nécessité de cette violence mondiale généralisée se trouve bien plus dans la faillite économique mondiale, qui n’est que momentanément retardée, bien plus que dans des oppositions ethniques, religieuses, idéologiques, ou de confrontations réelles entre des blocs.
Le capitalisme à l’agonie ne peut que mener à des violences extrêmes et que monter les peuples les uns contre les autres. Il y va de l’avenir du pouvoir des classes capitalistes sur le monde.