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Le sens de l’intervention impérialiste en Haïti

vendredi 29 janvier 2010

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Haïti : Les troupes américaines sont déployées alors que la colère populaire monte

par Bill Van Auken

WSWS

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Les premiers contingents des forces armées américaines, qui devraient atteindre 10 000 soldats, sont arrivés en Haïti alors que la colère monte devant l’échec de l’aide internationale à venir en aide aux millions de personnes qui ont été blessées, qui sont devenues sans-abris et qui ont été laissées sans ressource par le tremblement de terre de mardi.

Il y a eu des reportages de pillage et de résidents de Port-au-Prince faisant des barricades dans les rues avec les corps des morts pour protester contre le manque d’aide. Des milliers et des milliers de corps garnissent les rues et sont empilés à l’extérieur des hôpitaux et des morgues.

Les responsables haïtiens ont rapporté vendredi que 40 000 corps ont été enterrés, plusieurs d’entre eux dans des fosses communes qui ressemblent à des sites d’enfouissement. Ils estiment qu’il y a encore 100 000 corps qui doivent être retrouvés. Dans certaines zones, le nombre de morts est tellement grand que les corps ont été empilés et brûlés.

Le ministre de la Santé haïtien, Alex Larsen, a dit que le nombre de morts provenant du tremblement de terre du 12 janvier pourrait grimper jusqu’à un demi-million, en plus de 250 000 personnes blessées.

Plus de 300 parachutistes équipés pour aller au combat rattachés à la 82e division aéroportée ont atterri à l’aéroport de Port-au-Prince jeudi dans la nuit. Il provenait de Fort Bragg en Caroline du Nord. Une flottille navale américaine menée par le porte-avion nucléaire propulsé à l’énergie nucléaire, le USS Carl Vincent, est arrivée sur les côtes vendredi.

Les parachutistes, l’avant-garde d’une force d’environ 3000 personnes, seront rejoints par 2000 marines provenant de la 22e unité expéditionnaire des Marines basée à Camp Lejeune en Caroline du Nord. Transportés dans un navire amphibie, le USS Bataan, les Marines vont demeurer dans le port de Port-au-Prince, prêt à entrer en action pour mater tout désordre social.

Le chef d’état-major des armées des Etats-Unis, le général Mike Mullen, a dit que plus de 10 000 troupes américaines seront déployées dans la nation caribéenne ravagée si nécessaire.

Pour trois millions de personnes, nombre estimé des personnes ayant été affectées par le tremblement de terre, les conditions deviennent de plus en plus désespérées. Ils ne peuvent trouver de la nourriture adéquate ou de l’eau potable ; les soins de santé sont rudimentaires ou non existants ; et l’électricité et les communications téléphoniques demeurent coupées.

Les correspondants situés dans la capitale haïtienne ont rapporté vendredi peu de signes, sinon pas du tout, que l’aide avait rejoint la population.

Au moins 300 000 personnes sont devenues sans-abris alors que des structures de toutes les sortes se sont effondrées lors du tremblement de terre d’une magnitude de 7.0, qui a frappé Port-au-Prince et tous les environs avec une force égale à 500 000 tonnes de TNT ou 25 fois celle de la bombe atomique lancée sur Hiroshima.

Alors qu’un tel évènement catastrophique aurait infligé des dommages énormes partout, l’impact en Haïti est multiplié par les conditions préexistantes de pauvreté intense et d’arriération économique, le produit d’un siècle d’oppression impérialiste principalement sous l’emprise de Washington.

Avec les minutes qui s’égrainent pour plusieurs des victimes du tremblement de terre, que ce soit celles piégées dans les décombres ou celles qui souffrent de blessures internes, de fractures multiples et de blessures sévères qui ne seront pas traitées, le supposé embouteillage entravant l’arrivée de renforts équivaut à une peine de mort.

« Les gens sont sans eau ; les enfants sont sans nourriture et sans toit », a dit Ian Rodgers, un conseiller de haut rang pour Save the Children, au réseau de télédiffusion de nouvelles CNN. « Ce que nous verrons avec le manque d’eau est la possibilité de maladies diarrhéiques qui peuvent, bien sûr, tuer des enfants en quelques heures si elles ne sont pas traitées adéquatement. »

« Il est entièrement possible », a ajouté Rodgers, « que la situation puisse aller de terrible à absolument catastrophique si nous n’apportons pas suffisamment de nourriture et de soins médicaux et que nous ne travaillons pas avec les enfants et leurs familles pour les aider. »

En d’autres mots, des centaines de milliers de personnes qui ont survécu à la destruction initiale pourraient mourir de blessures ou de maladies.

Le manque d’infrastructure adéquate en termes d’aéroports, de routes et d’établissements portuaires pour apporter les vivres combiné à l’absence presque totale de toute présence gouvernementale coordonnant les opérations de sauvetage ne sont pas seulement le résultat du désastre naturel de mardi. Ils ne sont pas non plus, comme l’a dit vendredi le secrétaire à la Défense des Etats-Unis, Robert Gates, simplement des « choses de la vie ».

Plutôt, ils sont la manifestation de l’arriération forcée à laquelle Haïti a été condamnée par les principales banques et entreprises représentées par le gouvernement américain et les agences de la finance internationale. Leur seul intérêt en Haïti a été un intérêt prédateur, basé sur la capacité de faire du profit à partir de salaires de crève-faim. Tous ont systématiquement cherché à affaiblir le gouvernement haïtien depuis les soulèvements de masse de 1986 qui ont mis fin aux trois décennies de dictature par les Duvalier, appuyés par les Etats-Unis.

Le premier président élu après la dictature, Jean-Bertrand Aristide, fut renversé non seulement une, mais deux fois dans des coups d’État appuyés par les Etats-Unis, en 1991 et 2004. Pendant ce temps, Washington et les agences qui prêtent de l’argent ont mis de l’avant une ronde de privatisation après l’autre, privant l’Etat haïtien de tout pouvoir ou ressources réels.

Même dans les meilleures périodes, les services essentiels en Haïti comme la santé, le logement, le transport, les communications, l’électricité, l’eau ou l’évacuation des vidanges sont très inadéquats et précaires.

Ce n’est pas le développement de l’infrastructure du pays ou la diminution de sa pauvreté désespérée que cherche Washington, mais plutôt de maintenir l’ordre et empêcher les Haïtiens de fuir les conditions opprimantes de leur terre natale pour atteindre les côtes américaines.

L’intervention qu’organisent maintenant l’administration Obama et le Pentagone vise à accomplir des objectifs similaires. Elle fait aussi partie du processus amorcé par Washington qui vise à affermir la domination américaine dans l’hémisphère occidental, en ligne avec le coup d’Etat de droite par l’armée au Honduras et l’accord pour l’établissement de bases militaires américaines en Colombie.

Le déploiement de troupes a eu la priorité sur la distribution d’aide humanitaire. Comme le Miami Herald l’a rapporté vendredi passé, « Le cargo aérien américain a été interrompu pour permettre à l’armée de transporter prioritairement l’équipement et les premiers 100 parachutistes du contingent de 900 de la 82e division aéroportée de Caroline du Nord qui seront déployés [en Haïti]. »

L’UNICEF, qui a rassemblé son matériel d’aide humanitaire au Panama, a envoyé un avion de matériel médical, de couvertures et de tentes qui s’est vu interdire la permission d’atterrir et a été forcé de retourner au Panama.

Les premières opérations de sauvetage ont visé à venir en aide aux citoyens américains et d’autres nationalités étrangères. Les équipes de recherche et de sauvetage venant des Etats-Unis et de la France ont commencé leur travail à l’hôtel Montana, un établissement quatre étoiles fréquenté par l’élite dirigeante et les touristes qui s’est complètement effondré, et aux quartiers généraux de la mission de maintien de la paix des Nations unies. Les Haïtiens devaient, eux, tenter de dégager leurs proches et leurs voisins des décombres à mains nues et en s’aidant de débris des bâtiments écroulés.

Les premières personnes qui ont été évacuées de l’aéroport endommagé de Port-au-Prince, maintenant sous le contrôle de l’armée américaine, furent des citoyens américains.

Les Haïtiens sont conscients que l’on donne plus d’importance à la vie des étrangers qu’à la leur. « Ils étaient furieux, mais pas surpris, d’avoir dû entreprendre par eux-mêmes de dégager les personnes capturées sous les décombres, d’enterrer leurs morts et de supplier pour qu’on aide les mourants » a écrit le Los Angeles Times.

Il y a de plus en plus d’articles qui signalent que les survivants au tremblement de terre sont de plus en plus en colère à cause de la longueur de l’attente avant que l’aide arrive. On rapporte que des coups de feu ont été tirés et que des jeunes armés de machettes ont participé à des pillages. Les hauts responsables internationaux ont averti que plus la situation actuelle se prolongera, plus augmenteront les chances qu’elle se transforme en révolte de masse.

« Malheureusement, ils deviennent lentement de plus en plus en colère et impatients », a dit David Wimhurst, porte-parole de la mission de paix des Nations unies sous direction des Brésiliens. « Je crains que nous sommes tous conscients que la situation devient plus tendue alors que les plus pauvres attendent une aide dont ils ont désespérément besoin. Je crois que la colère pourrait s’étendre. »

Kim Boldue, la chef intérimaire de la mission de l’ONU, a dit que « le risque de troubles sociaux à très court terme » faisait qu’il était impératif que l’aide commence à arriver.

La véritable attitude de l’impérialisme américain envers le peuple haïtien a été exprimée dans un article du magazine Time intitulé « Les gangs de criminels profiteront-elles du chaos haïtien pour prendre le contrôle ? » L’article affirmait qu’« Alors que les hauts responsables haïtiens et internationaux essaient de coordonner une réponse efficace à ce qui est probablement le pire désastre à jamais frapper le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental, ils ne doivent pas oublier les rats humains de la capitale qui sortiront de leur cachette dans un moment comme celui que nous vivons actuellement. »

L’article continuait en avertissant que « les bandes de criminels des quartiers pauvres comme Cité Soleil et La Saline vont presque assurément tenter d’exploiter le vide sécuritaire. » Il a cité Roberto Perito, présenté comme un expert sur les gangs haïtiens de l’Institut pour la paix, une agence publique avec des liens étroits avec le renseignement américain et la CIA, qui disait que cette soi-disant menace est « très certainement l’explication des mesures de sécurité importantes mises en œuvre lors du déploiement de l’armée américaine ».

Le Time ajoute : « L’armée américaine a une bonne expérience avec les gangs de Port-au-Prince », notant qu’elles sont souvent « de nature politique », se regroupant autour, dans les termes de Perito, « de personnages charismatiques et impitoyables à la Robin des bois ».

Selon toute vraisemblance, le déploiement militaire américain en Haïti sera utilisé contre le peuple haïtien pour écraser tout désordre de masse. Ayant occupée le pays pendant vingt ans dans la première moitié du 20e siècle et étant intervenue deux autres fois en 1994 et en 2004, l’armée américaine prend de nouveau le contrôle de ce que le haut commandement affirme être une opération à long terme.

Article original en anglais, Haiti : US troops deployed as popular anger mounts, WSWS, paru le 16 janvier 2010.

Bill Van Auken

Les États-Unis préparent une occupation à long terme à Haïti par Bill Van Auken
jeudi 28 janvier 2010 (12h15)

Pendant ce temps, les victimes du tremblement de terre d’Haïti ne sont pas encore secourues

WSWS 23 Janvier 2010

par Bill Van Auken

Alors que les États-Unis préparaient une occupation à long terme, les victimes du tremblement de terre d’Haïti tardaient à être secourues

Avec le « déferlement » des militaires US à Haïti, qui prévoit 20 000 hommes sur terre et dans les navires ancrés à proximité d’ici ce week-end, un officiel US a indiqué que Washington prépare une occupation de longue durée de la nation caribéenne pauvre et dévastée par le tremblement de terre.

“Nous sommes ici à long terme, ce n’est pas quelque chose qui va se résoudre rapidement et facilement,” a déclaré l’ Ambassadeur Alejandro Wolff, le représentant permanent des US aux Nations-Unies à propos d’ Haïti, suite à un meeting sur l’aide à la nation sinistrée. En plus des Etats-Unis, des représentants du Brésil, du Canada, de France, d’Haïti et d’Uruguay ont participé aux discussions. Le Canada et la France sont les principaux donateurs à Haïti, et le Brésil et l’Uruguay ont chacun plus de mille hommes sur place dans le cadre de la mission de paix des Nations Unies qui a constitué la principale force d’occupation avant le tremblement de terre.

Dans une déclaration précédente aux Nations Unies, Wolff a dénoncé les gouvernements du Nicaragua, de Bolivie et du Venezuela pour avoir accusé Washington d’exploiter la tragédie d’ Haïti pour imposer une occupation militaire du pays.

Il a accuse les trois gouvernements d’Amérique Latine de vouloir “politiser le sujet avec des affirmations tendancieuses et non fondées” et d’avoir « ridiculement supposé une conspiration et une occupation ».

Cependant, sur place, la colère et les protestations commencent contre la militarisation par les US de la réponse à une catastrophe dont le bilan estimé se monte à 200 000 morts, sans compter 250 000 blessés et des millions de sans-abris.

Les équipes d’aide humanitaire et médicale ont accusé les militaires US – qui ont pris unilatéralement le contrôle de l’aéroport international et des facilités portuaires – d’avoir pour premières priorités le déploiement des troupes US et l’évacuation de leurs ressortissants.

L’acheminement du matériel médical vital et des équipements ont été relégués au second plan. Les agences de secours médical ont déploré que des dizaines de milliers de personnes mouraient de leurs blessures dues au tremblement de terre par manque de fournitures médicales et médicaments.

11 jours après le séisme, l’aide est maintenant en bonne voie d’acheminement, mais on rapporte qu’elle n’atteint toujours pas ceux qui en ont tant besoin.

Selon CNN jeudi : “de grandes quantités de médicaments, des kits pour bébés et d’autres fournitures de secours traînent sur le tarmac et dans les entrepôts de l’aéroport de Port-au-Prince, mais personne ne s’en occupe”.

Le correspondant du réseau médical Sanjay Gupta a visité l’entrepôt et parlé avec les officiers US en charge des opérations à cet endroit.

Les militaires ont « remis à Gupta un sac poubelle plein de fournitures à rapporter à un hôpital qu’il avait visité auparavant, mais n’ont pu expliquer pourquoi il n’y avait apparemment pas de système organisé pour la distribution. » dixit CNN.

Phillippe Bolopion, correspondant de la télévision FRANCE24, a parlé d’un campement de fortune de victimes du séisme juste à côté de l’aéroport où les fournitures s’entassent : « On penserait que ces gens vont être secourus, mais il n’en est rien » dit-il. Il y a quatre toilettes pour 3 500 personnes, et évidemment elles sont bouchées. Ils n’ont aucune nourriture et très peu d’eau. La seule organisation présente est la Croix Rouge espagnole. Les gens ne comprennent pas pourquoi la générosité du monde ne leur parvient pas. C’est vraiment incompréhensible. »

De même, Fran Sevilla, correspondant de la Radio Télévision Espagnole (RTVE), raconte : “Il n’y a toujours pas de distribution de l’aide humanitaire, de nourriture et d’eau. Je me demande comment tous ces êtres humains survivent. Je me demande si quelqu’un leur vient en aide, s’ils reçoivent quelque chose et si la réponse est toujours non. Ils survivent grâce à la solidarité entre eux, en partageant entre famille ou groupes le peu qu’ils ont, le peu qu’ils peuvent trouver.

Les militaires US, tout à fait mécontents du retour des medias étrangers, ont interdit jeudi l’aéroport aux correspondants étrangers, les laissant se débrouiller pour trouver un point de chute dans les décombres de la capitale Haïtienne.

Pendant ce temps, les Nations Unies ont déclaré jeudi que jusqu’à 700 000 personnes de Port-au-Prince sont sans abri, beaucoup vivent dans environ 500 camps installés dans les parcs et terrains vagues, protégés du soleil par de simples draps.

Le représentants des Nations Unies et des travailleurs humanitaires ont visité 350 de ces camps au jour de jeudi dernier, précisant que seulement six d’entre eux ont accès à l’eau potable. Selon les délégués des Nations Unies 45% des personnes les plus affectées sont les moins de 18 ans, et 18% les moins de cinq ans. Les conditions devraient empirer, les officiels de la santé mettent en garde contre les maladies infectueuses qui pourraient se propager dans ces camps comme un feu de broussaille. La pluie est attendue pour le début de la semaine prochaine, qui pourrait inonder ces camps, créant les conditions idéales pour la dengue, le typhus et la malaria.

Le peu qu’il reste du gouvernement Haïtien – le président René Préval, marionnette de Washington, a cédé tout le pouvoir opérationnel au Pentagone et a pratiquement disparu – a répondu à la crise en proposant que 400 000 sans-abris soient évacués de Port-au-Prince, 100 000 d’entre eux seraient « relogés » dans des camps près de la ville de Croix-des-Bouguets, au nord de la capitale.

Il n’y a pourtant pas de camps là-bas, et jusqu’ici le gouvernement n’a mis que 34 bus à disposition pour transporter cette foule.

Un autre exemple de l’inadaptation criminelle de l’opération de secours, les autorités des Nations Unies et US ont annoncé que les tentatives de secourir ceux qui gisaient encore sous les décombres à Port-au-Prince allaient cesser sous prétexte qu’il n’y avait pratiquement aucune chance de trouver encore des survivants.Toutes les équipes de secours – sauf 10 sur 43 – sont reparties.

Cet effort, qui était malheureusement sous dimensionné et mal coordonné dès le début, est arrêté bien que deux personnes de plus aient été sorties vivantes des ruines jeudi. Il est certain que beaucoup vont encore y être laissés mourir.

On peut prévoir qu’avec la fin des opérations de secours, les media alignés vont également s’éloigner d’Haïti, réduisant la couverture de la tragédie sans fin du peuple Haïtien et de tous les nouveaux morts à venir.

Il est également probable que les activités des militaires US, de leurs auxiliaires des forces de maintien de l’ordre des Nations-Unies et la police haïtienne passent inaperçues quand ils se mettront à réprimer la colère du peuple.

Il semble que ça a déjà commencé. La police haïtienne a tiré et tué un charpentier de 20 ans, Gentile Chérie, mercredi, parce qu’on l’avait vu porter des sacs de riz. Un autre homme avec lui fut sérieusement blessé. On leur a tiré dans le dos.

La police a prétendu que les hommes avaient volé ce riz, mais l’homme blessé a dit que c’était un chauffeur de camion qui leur avait donné les sacs. Les locaux et boutiquiers on dit qu’aucun de ces hommes n’était un voleur. CNN rapporte que la police haïtienne a refusé de dire si on lui avait donné l’ordre de tirer à vue sur les pillards présumés.

Pendant ce temps, une télévision cubaine a filmé des scènes de troupes des Nations Unies tirant des balles de caoutchouc et des grenades lacrymogènes vers des foules d’Haïtiens qui s’approchaient de l’aéroport occupé par les US pour chercher de la nourriture et du travail.

Tandis que la colère croît du fait de la négligence criminelle qui a caractérisé la réponse US au désastre haïtien, que le ressentiment contre une nouvelle occupation US s’exprime, les troupes américaines vont inévitablement être utilisées pour supprimer les protestations et la résistance.

Traduction : Madeleine Chevassus

Messages

  • Naître humain, Vivre en haïtien et mourir en animal

    L’histoire s’achève à Villa Vasquez. Une petite commune de la République Dominicaine. Là ou s’achève des milliers d’histoires. Des histoires semblables ou seuls les acteurs changeant de visage ou de noms jouent toujours le même rôle.

    Il s’appelait Jean Baptiste Antoine. Peu importe le nom. Il avait 44 ans. Peu importe son âge. Il avait cru comme beaucoup d’autres que naître de l’autre côté de la rivière aurait changé son karma.

    Pour survivre il voulut forcer le destin et traversa le « massacre » à pied. A contre courant à contre sens et à contre jour.

    Qui sait. Peut être avait il sillonné pendant plus de dix heures les sillons dénudés et arides de la chaîne du Bahoruco ?

    Peu importe, il y est parvenu. La terre promise ! Là ou coulent, le travail, les discriminations et de quoi manger. Là il faut savoir fermer les yeux, veiller à ce que les oreilles restent bouchées, courber l’échine et marcher sur sa propre dignité. Juste pour avoir droit à quelques bouchées de manioc bouilli, saupoudré d’un soupçon de blanc d’œuf ou de hareng.

    Il avait fini par s’adapter et s’intégrer harmonieusement dans sa condition d’immigrants-sans-papiers comme il s’était accommodé dans sa carapace d’haïtien depuis sa naissance.

    Avant la dernière scène de Villa Vasquez, personne ne s’était inquiétée de savoir s’il avait de la famille, une ou des femmes. Cinq ou dix enfants.

    Pourtant il n’était pas malheureux. Sous une tonnelle en bordure d’un champ en friche il avait l’habitude de se réunir avec des amis.

    Doté d’une certaine inconscience bien venue et superbement calculée, il aimait s’asseoir de dos à l’ouest et tout ce qui s’y trouve. Ses pas dans l’eau. Ses trébuchements sur les sentiers abrupts. Les regards hagards de ses géniteurs. L’air perdu et vague du voyageur de l’inconnu de sa vieille mère attendant la mort. Ses racines…Haïti

    Il prêtait peu d’attention à ceux qui ironisaient son accent et son mauvais espagnol. Mais dans une contrée ou l’espoir se dessine surtout en gris et en terre battue, tout était bon à prendre. Rire, remède infaillible.

    Jean Baptiste n’avait pas trop réfléchi au futur. Ni proche. Ni lointain. Les jours se bousculaient à sa porte. Chacun avec son lot d’exigences.

    Ce matin sous la tonnelle de Villa Vasquez, il racontait sa dernière blague. Il riait à tue tête et en cascade. Avec le plus beau rire de l’imbécile heureux. Tout à coup, il fut surpris par une déchirante douleur. Des céphalées, des coliques, des précordialgies, une angine. Peu importe. Il ne le dira à personne. Il avait appris aussi à maîtriser sa douleur.

    Mais celle là était vraiment intense. Insupportable. Il voulut une dernière fois courber l’échine ; mais la douleur griffonna une ignoble grimace sur son visage qui se déforma et le terrassa.

    L’assistance mis du temps à comprendre. Personne ne lui porta secours. Il ferma les yeux et cessa de vivre…

    La nouvelle ameuta davantage les gens que l’expression hideuse de cette douleur extériorisée malgré lui. Les curieux se sont rassemblés pour écouter le récit de ceux-là qui avaient eu l’insigne privilège de voir mourir quelqu’un qui était bien vivant avant sa mort.

    De l’autre côté de a la rivière il n’existe pas de mort naturelle. Il y a toujours une relation anticartésienne de cause à effet.

    Trouver les causes de la mort n’était pas à l’ordre du jour. La réalité de la situation se dessina quand la multitude des curieux laissa place à un tableau plus que sombre. Il n’y eut que ce silence. Pas un cri, pas de larmes. Ni un pleureur ni de chorale de pleureuses professionnelles. Pas de famille. Pas de parents.

    Les curieux s’en allèrent. Le corps de Jean Baptiste gisait à même le sol. Sa peau noire luisait encore couverte de fine couche de poussière blanche incorporée à l’épiderme.

    Ceux qui l’écoutaient deux heures plus tôt se regardaient entre eux. Etonnés de ne pas ressentir de tristesse particulière. En fait cet individu n’était qu’un parfait inconnu. Ils ne savaient rien de lui. Si ce n’est qu’il était haïtien et qu’il s’exprimait en un mauvais dominicain qui faisait rire.

    Le groupe diminua progressivement en nombre. Le silence devint de plus en plus lourd au fil des heures qui défilaient sans tenir compte qu’un cadavre non réclamé gisait au milieu de ces terres qui se perdaient à l’horizon. On n’entendait que zouzoument des cohortes de mouches qui arrivaient en battant de l’aile, attirées par l’odeur déjà pestilentielle d’un corps en décomposition.

    Quelques chiens de rues, galeux et affamés commencèrent aussi à s’approcher d’une proie inhabituelle mais facile.

    Plus le jour tombait, plus le corps inerte de Jean Baptiste prenait du volume et se déformait. Les rumeurs ont vite fait le tour de l’ensemble des quartiers de Villa Vasquez. Elles étaient de toute sorte. Revues, augmentées et corrigées jusqu’aux oreilles des autorités locales. La situation devenait inquiétante. Presque humainement insupportable. Le cadavre d’un haïtien sans papiers servait de nourriture à une bande de chiens affamés. C’est au moins ce qu’a appris le maire champêtre de Villa Vasquez.

    La situation exigeait une action énergique et ferme pour le salut des habitants de la Ville. La municipalité ne dispose pas de fonds destinés à l’enterrement d’haïtiens sans papiers et indigents.

    La peur d’être submergé sous le poids nauséabond d’une odeur pestilentielle de chair humaine en décomposition, réveilla de vocations de bienfaiteurs à un grand nombre d’habitants de Villa Vasquez qui généreusement cotisèrent et contribuèrent à l’achat d’un cercueil premier prix.

    Le maire champêtre, une sorte de « chef section » de l’autre côté de la rivière se chargea d’accompagner Jean Baptiste libéré enfin de son fardeau vers une dernière demeure.

    Il est né humain, il a vécu en haïtienn et il mourut en animal de l’autre côté, là ou il trouva du travail, des discriminations et de quoi manger.

  • Cela faisait longtemps que je n’avais vu cela, mais cette fois les Haïtiens sont en colère et quand ils sont en colère, cela peut aller très loin. ...

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