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L’opération américaine en Haïti

dimanche 7 février 2010

Alors que les États-Unis préparaient une occupation à long terme, les victimes du tremblement de terre d’Haïti tardaient à être secourues (article écrit le 23 janvier 2010).

Avec le « déferlement » des militaires US à Haïti, qui prévoit 20 000 hommes sur terre et dans les navires ancrés à proximité d’ici ce week-end, un officiel US a indiqué que Washington prépare une occupation de longue durée de la nation caribéenne pauvre et dévastée par le tremblement de terre.

“Nous sommes ici à long terme, ce n’est pas quelque chose qui va se résoudre rapidement et facilement,” a déclaré l’Ambassadeur Alejandro Wolff, le représentant permanent des US aux Nations-Unies à propos d’Haïti, suite à un meeting sur l’aide à la nation sinistrée. En plus des Etats-Unis, des représentants du Brésil, du Canada, de France, d’Haïti et d’Uruguay ont participé aux discussions. Le Canada et la France sont les principaux donateurs à Haïti, et le Brésil et l’Uruguay ont chacun plus de mille hommes sur place dans le cadre de la mission de paix des Nations Unies qui a constitué la principale force d’occupation avant le tremblement de terre.

Dans une déclaration précédente aux Nations Unies, Wolff a dénoncé les gouvernements du Nicaragua, de Bolivie et du Venezuela pour avoir accusé Washington d’exploiter la tragédie d’Haïti pour imposer une occupation militaire du pays.

Il a accuse les trois gouvernements d’Amérique Latine de vouloir “politiser le sujet avec des affirmations tendancieuses et non fondées” et d’avoir « ridiculement supposé une conspiration et une occupation ».

Cependant, sur place, la colère et les protestations commencent contre la militarisation par les US de la réponse à une catastrophe dont le bilan estimé se monte à 200 000 morts, sans compter 250 000 blessés et des millions de sans-abris.

Les équipes d’aide humanitaire et médicale ont accusé les militaires US – qui ont pris unilatéralement le contrôle de l’aéroport international et des facilités portuaires – d’avoir pour premières priorités le déploiement des troupes US et l’évacuation de leurs ressortissants.

L’acheminement du matériel médical vital et des équipements ont été relégués au second plan. Les agences de secours médical ont déploré que des dizaines de milliers de personnes mouraient de leurs blessures dues au tremblement de terre par manque de fournitures médicales et médicaments.

11 jours après le séisme, l’aide est maintenant en bonne voie d’acheminement, mais on rapporte qu’elle n’atteint toujours pas ceux qui en ont tant besoin.

Selon CNN jeudi : “de grandes quantités de médicaments, des kits pour bébés et d’autres fournitures de secours traînent sur le tarmac et dans les entrepôts de l’aéroport de Port-au-Prince, mais personne ne s’en occupe”.

Le correspondant du réseau médical Sanjay Gupta a visité l’entrepôt et parlé avec les officiers US en charge des opérations à cet endroit.

Les militaires ont « remis à Gupta un sac poubelle plein de fournitures à rapporter à un hôpital qu’il avait visité auparavant, mais n’ont pu expliquer pourquoi il n’y avait apparemment pas de système organisé pour la distribution. » dixit CNN.

Phillippe Bolopion, correspondant de la télévision FRANCE24, a parlé d’un campement de fortune de victimes du séisme juste à côté de l’aéroport où les fournitures s’entassent : « On penserait que ces gens vont être secourus, mais il n’en est rien » dit-il. Il y a quatre toilettes pour 3500 personnes, et évidemment elles sont bouchées. Ils n’ont aucune nourriture et très peu d’eau. La seule organisation présente est la Croix Rouge espagnole. Les gens ne comprennent pas pourquoi la générosité du monde ne leur parvient pas. C’est vraiment incompréhensible. »

De même, Fran Sevilla, correspondant de la Radio Télévision Espagnole (RTVE), raconte : “Il n’y a toujours pas de distribution de l’aide humanitaire, de nourriture et d’eau. Je me demande comment tous ces êtres humains survivent. Je me demande si quelqu’un leur vient en aide, s’ils reçoivent quelque chose et si la réponse est toujours non. Ils survivent grâce à la solidarité entre eux, en partageant entre famille ou groupes le peu qu’ils ont, le peu qu’ils peuvent trouver.

Les militaires US, tout à fait mécontents du retour des medias étrangers, ont interdit jeudi l’aéroport aux correspondants étrangers, les laissant se débrouiller pour trouver un point de chute dans les décombres de la capitale Haïtienne.

Pendant ce temps, les Nations Unies ont déclaré jeudi que jusqu’à 700 000 personnes de Port-au-Prince sont sans abri, beaucoup vivent dans environ 500 camps installés dans les parcs et terrains vagues, protégés du soleil par de simples draps.

Le représentants des Nations Unies et des travailleurs humanitaires ont visité 350 de ces camps au jour de jeudi dernier, précisant que seulement six d’entre eux ont accès à l’eau potable. Selon les délégués des Nations Unies 45% des personnes les plus affectées sont les moins de 18 ans, et 18% les moins de cinq ans. Les conditions devraient empirer, les officiels de la santé mettent en garde contre les maladies infectueuses qui pourraient se propager dans ces camps comme un feu de broussaille. La pluie est attendue pour le début de la semaine prochaine, qui pourrait inonder ces camps, créant les conditions idéales pour la dengue, le typhus et la malaria.

Le peu qu’il reste du gouvernement Haïtien – le président René Préval, marionnette de Washington, a cédé tout le pouvoir opérationnel au Pentagone et a pratiquement disparu – a répondu à la crise en proposant que 400 000 sans-abris soient évacués de Port-au-Prince, 100 000 d’entre eux seraient « relogés » dans des camps près de la ville de Croix-des-Bouguets, au nord de la capitale. Il n’y a pourtant pas de camps là-bas, et jusqu’ici le gouvernement n’a mis que 34 bus à disposition pour transporter cette foule.

Un autre exemple de l’inadaptation criminelle de l’opération de secours, les autorités des Nations Unies et US ont annoncé que les tentatives de secourir ceux qui gisaient encore sous les décombres à Port-au-Prince allaient cesser sous prétexte qu’il n’y avait pratiquement aucune chance de trouver encore des survivants. Toutes les équipes de secours – sauf 10 sur 43 – sont reparties.

Cet effort, qui était malheureusement sous dimensionné et mal coordonné dès le début, est arrêté bien que deux personnes de plus aient été sorties vivantes des ruines jeudi. Il est certain que beaucoup vont encore y être laissés mourir.

On peut prévoir qu’avec la fin des opérations de secours, les media alignés vont également s’éloigner d’Haïti, réduisant la couverture de la tragédie sans fin du peuple Haïtien et de tous les nouveaux morts à venir.

Il est également probable que les activités des militaires US, de leurs auxiliaires des forces de maintien de l’ordre des Nations-Unies et la police haïtienne passent inaperçues quand ils se mettront à réprimer la colère du peuple.

Il semble que ça a déjà commencé. La police haïtienne a tiré et tué un charpentier de 20 ans, Gentile Chérie, mercredi, parce qu’on l’avait vu porter des sacs de riz. Un autre homme avec lui fut sérieusement blessé. On leur a tiré dans le dos.

La police a prétendu que les hommes avaient volé ce riz, mais l’homme blessé a dit que c’était un chauffeur de camion qui leur avait donné les sacs. Les locaux et boutiquiers on dit qu’aucun de ces hommes n’était un voleur. CNN rapporte que la police haïtienne a refusé de dire si on lui avait donné l’ordre de tirer à vue sur les pillards présumés.

Pendant ce temps, une télévision cubaine a filmé des scènes de troupes des Nations Unies tirant des balles de caoutchouc et des grenades lacrymogènes vers des foules d’Haïtiens qui s’approchaient de l’aéroport occupé par les US pour chercher de la nourriture et du travail.

Tandis que la colère croît du fait de la négligence criminelle qui a caractérisé la réponse US au désastre haïtien, que le ressentiment contre une nouvelle occupation US s’exprime, les troupes américaines vont inévitablement être utilisées pour supprimer les protestations et la résistance.

Article original en anglais, As US Prepares Long-term Occupation, Haiti’s Quake Victims Still Without Aid, publié le 23 janvier 2010.

Messages

  • PORT-AU-PRINCE - Une manifestation a rassemblé dimanche à Pétionville, en banlieue de Port-au-Prince, plusieurs centaines d’Haïtiens qui protestaient contre la corruption et la mauvaise distribution de vivres, ont rapporté des témoins.

    Plusieurs centaines d’Haïtiens protestant contre la corruption et la mauvaise distribution de vivres ont manifesté dimanche à Pétionville, dans la banlieue de Port-au-Prince. (Reuters/St Felix Evens)

    Il s’agissait de l’une des plus grandes manifestations à Haïti depuis le séisme du 12 janvier, qui a fait plus de 200.000 morts et laissé un million de personnes sans domicile.

    Les organisations humanitaires du monde entier ont acheminé des tonnes de riz et d’autres aliments en Haïti, mais la distribution est souvent difficile, parfois chaotique.

    Frappant sur des seaux de plastique et brandissant des branches, les manifestants se sont dirigés vers la mairie de Pétionville pour accuser la maire Lydie Parent de retenir l’aide humanitaire.

    "J’ai faim, je meurs de faim. Lydie Parent garde le riz et ne nous donne rien. Ils ne viennent jamais distribuer là où nous vivons", a accusé l’un des manifestants.

    La plupart des manifestants étaient des femmes. Les agences humanitaires remettent les rations alimentaires aux femmes afin d’éviter que les hommes ne dominent les sites de distribution, et car elles estiment que les femmes partagent davantage les vivres avec leurs enfants et leurs proches.

    Certains Haïtiens dénoncent également la corruption, qui a entravé l’aide après le versement de dizaines de millions de dollars par les pays donateurs.

    Des sacs de riz à vocation humanitaire se retrouvent ainsi sur les marchés, un phénomène jugé inévitable par les ONG étant donné l’état de corruption à Haïti.

    La manifestation s’est déroulée et achevée dans le calme, sans que la police n’intervienne.

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