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Ce que Victor Hugo nous a dit…

14 septembre 2016, 00:57, par Fred Burns

Je vous remercie pour cette précision mais j’avais déjà lu la conclusion avant d’écrire mon message et je me doutais que je gagnais aussitôt le droit à y être renvoyé. C’est précisément pour cette raison que je me suis permis d’intervenir. Et ça n’a pas raté ! Le bombardement immédiat de citations transgresse la règle d’expression valable pour mener des commentaires viables. Nécessairement, mon commentaire présent doit maintenant arriver au mauvais moment au mauvais endroit pour être complètement saisi. Ce n’est pas bien grave, je ne suis pas un démocrate absolu mais j’espère être lu et répondu convenablement, c’est-à-dire attentivement.
Je tiens à préciser que ce commentaire ne recherche pas du tout l’invective facile. Bien au contraire ! Il est nécessaire de pousser la roue avec les forces dont on dispose, voilà tout !
Par ailleurs, j’aime assez bien votre site internet.

Par contre, je trouve que toutes ces cabrioles sur Victor Hugo (comme une unité des contraires) sont franchement invraisemblables. C’est de la sophistique. Je ne suis pas du tout d’accord, même si je crois comprendre l’intention. C’est tout à votre honneur d’ailleurs. En effet, il faut savoir être nuancé, mesuré et précis. Il faut être radical sans vouloir être absolument plus radical que la racine.

Dans ce cas là, la bonne intention est intenable. Lisez la critique de Paul Lafargue, La Légende de Victor Hugo. Lafargue n’est pas n’importe qui et il n’a pas vécu n’importe quand non plus. Dans sa critique, le gendre de Marx, ne décrit pas seulement Hugo comme un personnage inconsistant, oscillant mais comme un être parfaitement égal à lui-même durant toute son existence, le type même du bourgeois égoïste, préoccupé par ses petits intérêts personnels, le bourgeois érigé au rang de miroir de la nation dans lequel la classe bourgeoise se contemple. Une légende bourgeoise, écrivain éternel de la misère ouvrière ...

Vous dites :
" Nous donnons ici exclusivement la parole à Hugo révolutionnaire, celui qui se voulait l’héritier de son père, sachant que tout le monde se charge de donner la parole à l’autre Hugo, celui qui était influencé par sa mère..."

Hugo serait donc essentiellement le résultat d’un tiraillement entre ses deux géniteurs ? Et "Tout le monde" ne soulignerait que son « côté maternel ». Ainsi, il faudrait montrer au monde le révolutionnaire qu’était Hugo. C’est absolument indéfendable de présenter les choses ainsi.
Dans l’étendue écrasante du discours officiel de la bourgeoisie, Hugo est systématiquement présenté comme une des grandes âmes qui aurait eu le courage d’oser soulever la question sociale ! En réalité, c’est un hallucinant charlatan d’envergure industrielle qui a bénéficié d’un débouché de masse pour répandre sa camelote anti-socialiste.
Hugo n’est tout de même pas simplement une belle plume désintéressée. C’est un représentant bourgeois engagé dans la lutte politique, un symbole authentique de la bourgeoisie qui ne se réduit pas seulement à la littérature bourgeoise.
Je sais très bien que vous n’osez pas mettre un commerçant de la phrase parfaitement égoïste et perfide, aux côtés d’authentiques révolutionnaires qui ont réellement lutté pour renverser les gouvernements bourgeois.

Mais franchement, Qui est réellement Victor Hugo ?
Il est "un des soixante représentants envoyés par la Constituante pour réprimer l’insurrection [de Juin 48] et diriger les colonnes d’attaques."

Victor Hugo n’a jamais été un révolutionnaire. Parfaitement !

L’unité des contraires, (quand bien même, en tous lieux et en tous temps), cela ne signifiera jamais participer à un accouplement posthume insensé entre Blanqui et Louis Blanc. Hugo est clairement bien au-dessus de toutes ces chimères abattues. Il a pour lui l’immortalité bourgeoise du Panthéon.

Mais jusqu’où mène cette manière alambiquée de manier l’unité des contraires ? Hugo défendait donc tout de même les intérêts des ouvriers lorsque de facto ils les attaquaient inconditionnellement ? Est-ce cela qu’il faut comprendre ?
N’est-ce pas bien plus profond de comprendre avec Lafargue que "Hugo est un héros de la phrase", un publicitaire bourgeois qui a fait sa richesse en enrobant la misère ouvrière avec des pamphlets remplis de charité et de romantisme libéral.

Lisez attentivement Paul Lafargue La légende de Victor Hugo :

"De 1848 à 1885, Hugo se comporte en "républicain honnête et modéré" et l’on peut défier ses adversaires de découvrir pendant ces longues années, un seul jour de défaillance.
En 1848, les conservateurs et les réactionnaires les plus compromis se prononcèrent pour la république que l’on venait de proclamer : Victor Hugo n’hésita pas une minute à suivre leur noble exemple. "Je suis prêt, dit-il, dans sa profession de foi aux électeurs, à dévouer ma vie pour établir la République qui multipliera les chemins de fer... décuplera la valeur du sol... dissoudra l’émeute... fera de l’ordre, la loi des citoyens... grandira la France, conquerra le monde, sera en un mot le majestueux embrassement du genre humain sous le regard de Dieu satisfait." Cette république est la bonne, la vraie, la république des affaires, qui présente "les cotés généreux" de sa devise de 1837.
— Je suis prêt continua-t-il, à dévouer ma vie pour "empêcher l’établissement de la république qui abattra le drapeau tricolore sous le drapeau rouge, fera des gros sous avec la colonne, jettera à bas la statue de Napoléon et dressera la statue de Marat, détruira l’Institut, l’Ecole Polytechnique et la Légion d’honneur ; ajoutera à l’illustre devise : Liberté, Egalité, Fraternité, l’option sinistre : ou la mort ; fera banqueroute, ruinera les riches sans enrichir les pauvres, anéantira le crédit qui est la fortune de tous et le travail qui est le pain de chacun, abolira la propriété et la famille, promènera des têtes sur des piques, remplira les prisons par le soupçon et les videra par le massacre, mettra l’Europe en feu et la civilisation en cendres, fera de la France la patrie des ténèbres, égorgera la liberté, étouffera les arts, décapitera la pensée, niera Dieu." "
(...)
"L’Evénement prenait cette devise, qui, après juin, était de saison : "Haine à l’anarchie — tendre et profond amour du peuple." Et pour qu’on ne se méprit pas sur le sens de la deuxième sentence, le numéro spécimen disait que l’Evénement "vient parler au pauvre des droits du riche, à chacun de ses devoirs." Le numéro du premier novembre annonçait "qu’il est bon que le National qui s’adresse à l’aristocratie de la République se donne pour 15 centimes, que l’Evénement qui veut parler au pauvre se vende pour un sou." Le poète commençait à comprendre que dans les petites bourses des pauvres, se trouvaient de meilleures rentes que dans les fonds secrets des gouvernements et les coffres-forts des riches."
(...)
"Des gens qui seraient de la plus atroce mauvaise foi, s’ils n’étaient des ignorants et des oublieux, ont prétendu que l’homme qui, en novembre 1848, écrivait que "l’insurrection de juin est criminelle et sera condamnée par l’histoire, comme elle l’a été par la société... ; si elle avait réussi, elle n’aurait pas consacré le travail, mais le pillage," (Evénement, nº 94) que cet homme avait déserté la cause de la sacrée propriété et pris la défense de l’insurrection du 18 mars. Et cela parce qu’il avait ouvert sa maison de Bruxelles aux réfugiés de la Commune. Mais dans sa bruyante lettre, tout chez Hugo est réclame, et plus tard dans son Année terrible, n’a-t-il pas protesté avec indignation contre les actes de guerre de la Commune ; n’a-t-il pas injurié les Communards aussi violemment qu’autrefois les Bonapartistes, les stigmatisant avec les épithètes de fusilleurs d’enfants de quinze ans, de voleurs, d’assassins, d’incendiaires ? "
(...)
Le Temps du 4 septembre 1885 fournit les renseignements suivants sur la fortune de Hugo : "La succession liquidée de Victor Hugo s’élève approximativement à la somme de cinq millions de francs. On pourra se faire une idée de la rapidité avec laquelle s’accroissait la fortune du maître quand on saura que celui-ci réalisa, en 1884, onze-cent mille francs de droits d’auteur.
Ajoutons que celui des testaments de Victor Hugo qui contient la clause d’un don de cinquante mille francs aux pauvres de Paris est tout entier écrit de sa main, qu’il est terminé et daté, mais non signé."
Donner 50000 francs aux pauvres, même après sa mort, dépassait ce que pouvait l’âme généreuse et charitable de Victor Hugo. Au moment de signer le cœur lui manqua. " (Paul Lafargue, La Légende de Victor Hugo)

Nous avons déjà suffisamment de mal à mener la lutte de manière révolutionnaire contre l’idéologie bourgeoise. Nous n’avons pas besoin de chercher des révolutionnaires dans les idéologues bourgeois. Au contraire, il est nécessaire de flétrir les intrigants !

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