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Argentine, Bolivie, Equateur, Brésil

mardi 21 août 2007, par Robert Paris

Caracas en février 1989

Piqueteros en Argentine en 2000

Révolte en Argentine le 19 décembre 2001

SITE MATIERE ET REVOLUTION

www.matierevolution.fr

Sommaire du site

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Argentine : crise et révolte

La crise est générale
En 2001, l’Argentine s’est effondrée à une vitesse impressionnante. Chaque tentative de stabilisation ne semble qu’une nouvelle étape dans la descente aux enfers. Le pays est en cessation de paiement de sa dette extérieure. Tout le système bancaire est menacé d’un dépôt de bilan. L’Etat lui aussi risque d’être mis en faillite. Les uns après les autres, les présidents tombent et pour la première fois dans l’histoire du pays, c’est seulement la révolte populaire qui les fait chuter et pas un coup d’état militaire. Le système politique argentin est complètement discrédité. Corruption, usure des partis et crise ont eu raison de la patience de la population. La situation sociale est catastrophique avec une hausse vertigineuse du chômage et de la misère. Dans ce pays d’exportations agricoles et d’élevage, la faim gagne une importante fraction de la population Les plans d’austérité successifs n’ont fait que l’aggraver. Les entreprises licencient ou ferment. Tous les services publics, privatisés ou non, subissent des coupes sombres dans leur budget.. Il n’y a plus de santé publique. Les fonctionnaires et les employés communaux sont massivement licenciés. Les salaires, du public et du privé, sont baissés, payés en monnaie de singe (des monnaies locales) ou ne sont pas payés du tout. Les retraits sont limités dans les banques et la petite bourgeoisie dont le niveau de vie s’effondre craint de ne jamais récupérer son argent. Les retraités n’ont plus rien pour vivre.. La population, loin de se laisser faire, est en lutte et est descendue dans la rue à plusieurs reprises malgré une répression violente. Des émeutes de la faim parcourent le pays. Les chômeurs, qui s’organisent et mènent des actions offensives, sont devenus une véritable force dont le pouvoir est contraint de tenir compte. Marches, coupures de routes, grèves, saccages de magasins et supermarchés, émeutes se succèdent, avec à chaque fois des morts, des blessés et des arrestations.
Lors d’une explosion de colère, les 19 et 20 décembre, la population n’a pas craint d’affronter les forces de l’ordre durant deux jours dans les rues de la capitale Buenos Aires. La petite bourgeoisie a participé à la révolte par des rassemblements et de grands concerts de casseroles. La police a fait plus de trente morts, des milliers de blessés et des milliers d’arrestations sans parvenir à se faire craindre. Le calme n’est revenu que lorsque le ministre de l’économie, le détesté Cavallo, et le président De la Rua ont démissionné et levé l’état de siège. Un autre nuit de révolte dans la capitale à la fin 2001 a fait chuter son successeur, le président Saa, qui avait pourtant le soutien du parti péroniste, des syndicats ouvriers et du patronat argentin et qui avait fait des promesses importantes comme l’embauche d’un million d’Argentins ! Le nouveau président Duhalde, le cinquième en treize jours, a prétendu arrêter la crise sociale en déclarant ouvert un vaste dialogue et bloquer la crise économique en dévaluant le peso. Mais il n’a fait ainsi qu’ouvrir la voie à l’inflation et a maintenu les limitations pour retirer son argent des banques. Les concerts de casseroles se sont donc poursuivis, les manifestations ouvrières et chômeuses n’ont pas faibli. Les grandes organisations politiques et syndicales, qui ont eu pendant des décennies la mainmise sur les classes populaires, sont discréditées elles aussi. Les gouvernements péronistes (du parti dit justicialiste) malgré une plus grande démagogie nationaliste ont mené les mêmes politiques au service du capital international. Ils ont eu le soutien des deux principales centrales, les deux CGT péronistes. Elles ont sans cesse limité les réactions de la classe ouvrière et signé des accords pour l’austérité avec les gouvernements et le patronat. C’est donc en dehors de toute organisation politique ou syndicale que des assemblées populaires se développent dans les quartiers des villes pour organiser les rassemblements et manifestations et échanger des informations. Le « dialogue » que met en avant Duhalde, péroniste lui aussi, ne donne pas à manger aux gens, ne donne aucun emploi. La crise a encore rebondi avec la décision de la Cour suprême de considérer comme anticonstitutionnelle le blocage des dépôts bancaires. Le président a déclaré que les banques allaient s’effondre devant l’afflux de détenteurs de compte demandant leur argent et c’est bien possible. Le retrait massif des investissements, en recul de 20% pour 2001, étrangers comme argentins, se généralise. Il est possible que le pays soit sur la voie d’une crise de grande ampleur car la bourgeoisie ne voit pas d’issue, ni sur le plan politique, ni sur le plan économique, ni sur le plan social à court ou moyen terme. A ce jour Duhalde a permis cependant de ressouder la bourgeoisie provisoirement : la dévaluation est accepté par les entres dirigeants du patronat, l’Etat argentin se porte garant des dettes des banques et des entreprises accroissant davantage la dette extérieure, et enfin on envisage en haut lieu une réforme constitutionnelle. Cette dernière pourrait envisager de réformer le Sénat, la Cour Suprême, afin de donner des gages à la petite bourgeoisie. De même l’intégration des assemblées de quartiers, comme interlocuteurs du pouvoir est sérieusement envisagé pour canaliser cette contestation sociale. Malgré cela les marges du pouvoir sont étroites.

Chronologie d’une catastrophe annoncée
Si le soulèvement populaire des 19 et 20 décembre a été une surprise, la crise n’est pas inattendue et elle n’éclate pas du tout dans un ciel serein. C’est ce que montre le développement de la situation depuis l’année 2000.
Quand Menem quitte la présidence en décembre 1999, il laisse à son successeur, De la Rua, une situation économique au bord du gouffre. Il a financé la dette du pays en privatisant tous les biens de l’Etat et en vendant toute l’économie à des capitalistes étrangers. 90% des banques et 40% de la production appartiennent à des trusts essentiellement espagnols, français et américains. La prospérité apparente qui en est suivi, avec la formation d’une petite bourgeoisie nombreuse, a été illusoire. Elle se fondait sur l’entrée massive des capitaux étrangers sans provenir d’un développement des exportations permettant de compenser les sorties de bénéfices. L’Argentine était alors le pays des fortunes faciles pour les possesseurs de capitaux, proposant le plus grand taux de profit de toute l’Amérique latine. Comme des rapaces, les capitaux internationaux ont rapatrié des profits colossaux, laissant le pays exsangue. Les Argentins fortunés ont suivi le mouvement, faisant sortir du pays environ 150 milliards de dollars, l’équivalent de la dette publique. Compagnies des eaux et télécom espagnols et français ont rendu les services en question inaccessibles aux plus pauvres. Par exemple, l’eau a augmenté de 400% dans certaines provinces ! Les compagnies aériennes ont pillé les entreprises avant d’annoncer des restrictions draconiennes. Quant au pétrole, entre les mains de compagnies étrangères, il sort du pays sans que son exploitation rapporte au développement économique. L’argent du FMI sert seulement à financer le paiement des intérêts de la dette extérieure qui sont de plus en plus exorbitants. Les prêteurs estiment en effet de plus en plus haut le risque et augmentent leurs agios : 25,4% à 58,2% de 1994 à 1998. La part du paiement des intérêts grandit par rapport aux exportations passant de 25% à 81% de 1994 à 2001. La seule augmentation du coût des intérêts de la dette représente 7 milliards de dollars en quatre ans, à comparer au petit milliard que le FMI a refusé. En 10 mois, c’est 26 milliards de dollars qui vont fuir le pays. Et la part du budget qui est consacrée au paiement des intérêts grandit elle aussi : un cinquième du budget en décembre 2001. Pas étonnant qu’il n’y ait plus d’argent pour les écoles ou les hôpitaux ! Très vite, il est clair que De la Rua va poursuivre la politique d’austérité dictée par le FMI : réduction des dépenses publiques, réduction des salaires et des emplois, attaques contre la santé, l’éducation et tous les services publiques au nom d’un crédo, le « déficit zéro » dont l’expression même va devenir la bête noire des argentins. Au point que certaines manifestations auront lieu sur ce seul mot d’ordre : « à bas le déficit zéro » ! Le recul économique qui commence en 1998 ne trouve aucun point d’arrêt. En effet, les partisans de l’ « économie de marché » ont tué le marché ! La baisse du niveau de vie que les mesures d’austérité entraînent, y compris dans la petite bourgeoisie, diminue encore la demande intérieure alors que la production nationale vise très peu l’exportation. Cela ne peut qu’entraîner les fermetures d’usines et les licenciements, provoquant une nouvelle diminution de la consommation solvable. C’est l’effet boule de neige de la récession.
En mars et avril 2000, la législation du travail proposée par le gouvernement de De la Rua est contestée dans de nombreuses manifestations ouvrières qui culminent par une grève générale le 5 mai 2000. Par la suite le syndicat CGT s’est coupé en deux donnant la « CGT rebelle », une partie de la bureaucratie de la CGT essayant de mettre à son crédit l’envie d’en découdre des travailleurs du secteur des transports (ainsi que de l’Automobile) en contradiction avec l’alignement de la CGT avec le pouvoir et le patronat.
Au mois de mai 2000, le mouvement des chômeurs connaît à Tartagal et Mosconi (dans la région de Salta, zone de grande pauvreté à la frontière de la Bolivie) ses premiers affrontements directs avec le pouvoir. Les fameux « piqueteros » qui vont se développer par la suite sont des groupes de chômeurs (le piquete) qui décident de vivre ensemble dans un campement où ils partagent tout et à partir duquel ils lancent des actions, notamment les coupures de routes. Ils changent le climat de désespoir parmi les sans travail. Il déborde aussi les cadres syndicaux puisque les organisations de chômeurs ne sont pas contrôlées par eux. Il augmente la mobilisation de la classe ouvrière.
En juin 2000, suite aux grèves des fonctionnaires contre une réduction de 10% de leurs salaires. Malgré les limites mises par les directions syndicales, des syndicalistes locaux parviennent à impulser des luttes dans plusieurs secteurs comme le transport, les raffineries de sucre, le secteur du poisson et les céramistes.
Au début du mois de novembre 2000, la mobilisation des chômeurs connaît une nouvelle montée, atteignant Matanza, une véritable concentration de la misère aux portes de la capitale Buenos Aires, avec deux millions d’habitants. Des milliers de chômeurs coupent les routes et sont suivis par d’autres régions, dans le sud. Et, à Tartagal où les chômeurs s’étaient déjà mobilisés, les travailleurs licenciés d’une entreprise de transports coupent eux aussi les routes. Un travailleur du transport est assassiné par la police. Devant l’émotion générale, les centrales syndicales organisent une grève nationale de 36 heures les 23 et 24 novembre. La grève n’a pas le train-train syndical habituel. Les gens ne rentrent pas chez eux mais font des piquets, barrent les routes, les ponts, les rues de Buenos Aires. Aux six millions et demi de grévistes se sont rajoutés l’activité de plus de 150 000 piqueteros. Chômeurs et ouvriers se sont unis pour agir et c’est la première fois que cela se produit à l’échelle nationale.
En somme, par trois fois au cours de l’année 2000 (en mars, juin et novembre), la mobilisation des travailleurs et des chômeurs a grimpé. A chaque fois, les directions syndicales ont freiné au maximum puis ont appelé à une journée d’action, enfin ont signé une nouvelle trêve avec le gouvernement, cassant la montée ouvrière. Avec quelques nuances, les trois centrales syndicales se sont prêtées à la même politique de trahison des intérêts ouvriers.
Le 3 décembre 2000, le gouvernement met en place le corralito - ce petit corral signifie le jardin d’enfants - pour encadrer les sorties d’argent des particuliers : limités à 1000 pesos par semaine et 10.000 pesos pour la sortie du pays. Cette mesure va entraîner des difficultés considérables pour les commerçants et les petits entrepreneurs qui ont déjà vu leurs revenus diminuer de plus de 20% du fait de la récession et qui ne disposent plus de liquidités.
En mars 2001, le projet anti-social du ministre de l’économie Lopez Murphy est contré à la fois par le mouvement des chômeurs du 20 mars et par la grève générale du 21 mars. Les plans de Muphy prévoyaient des coupes sombres dans le budget de l’Etat et des collectivités locales. Les fonctionnaires et les enseignants se sont mobilisés. Le ministre est finalement contraint de démissionner.
La classe ouvrière se heurte dans ses luttes non seulement à un climat défavorable, en période de licenciements, mais aussi à la trahison des directions syndicales, de mèche avec le pouvoir. Cependant, là où des militants syndicalistes organisent les travailleurs et ne se laissent pas faire, des luttes ont lieu et durent malgré la répression patronale et étatique et elles vont marquer l’année 2001 : les chômeurs de Salta (dans le Nord-Ouest), les céramistes de l’entreprise Zanon (à Neuquen dans l’Ouest), les mineurs de Rio Turbio, les fonctionnaires del’etat et des municipalités, les enseignants et les travailleurs de l’aéronautique.
En mai 2001, ce sont les travailleurs de l’aéronautique qui entrent en lutte du fait que les compagnies privatisées veulent imposer, sous menace de la liquidation, 220 licenciements alors que depuis la privatisation 5000 emplois ont déjà été supprimés. Leur lutte, avec blocage total des vols par des piquets et des manifestations de milliers de travailleurs, va durer des mois et avoir un grand écho et recueillir un soutien général dans la population car elle dénonce radicalement les privatisations et la mainmise par le capital international (espagnol en l’occurrence). Les syndicats du secteur s’appuyant sur la popularité du mouvement, organisent la solidarité avec notamment des concerts. La lutte de l’aéronautique sert de porte-drapeau à la dénonciation des privatisations mais au nom du nationalisme puisque ce sont les patrons espagnols qui sont désignés du doigt sous le slogan « à bas les gallegos ! (les espagnols) ». Les syndicats ne se servent pas de leur lutte pour devenir le centre d’une mobilisation de tous les secteurs concernés par les mêmes coupes dans les secteurs privatisés.
Le 17 juin 2001, dans la province de Salta (Nord-est), une coupure de route organisée par des chômeurs est violemment réprimée, faisant deux morts. La révolte contre cette répression et la mobilisation qui va se développer dans la région nord de Salta donne naissance à l’un des mouvements de chômeurs les plus actifs. Le 20 juin, les conflits violents se multiplient dans tout le pays. Les manifestants libèrent de prison leurs dirigeants emprisonnés. Le 24 juillet 2001 a lieu la première assemblée populaire de chômeurs à l’échelle nationale, à Matanza qui regroupent diverses coordinations de piqueteros. Elle vote un plan national de lutte. Et le 31 juillet 2001, cette coordination de la lutte des chômeurs a un premier effet : une journée de protestation au cours de laquelle des routes sont coupées un peu partout en même temps aux abords des grandes villes dans tout le pays. Juillet et août vont connaître un recrudescence d’actions. On est passé de 500 points de barrages de routes en 2000 à 900 en 2001. Mais l’absence de coordination entre la classe ouvrière en activité et les chômeurs entraîne que cette radicalisation des couches les plus pauvres n’entraîne pas un renforcement de la classe ouvrière.
Pourtant la classe ouvrière se bat, même si c’est défensivement. Le 16 juillet, le journal conservateur « La Nacion » titre : « chiffre record des grèves ». Le 21 juillet 2001, c’est la grève générale appelée par les syndicats contre le septième plan d’austérité qui prévoit des diminutions de 13% des salaires et des retraites. La grève est précédée, deux jours avant, par la grève des fonctionnaires. La grève n’est pas pacifique. Elle est suivie d’incendies d’autobus, de wagons de train et de taxis à Buenos Aires et d’émeutes dans des villes de l’intérieur du pays.
Les luttes défensives contre des licenciements se multiplient : 200 licenciements à Volswagen en juin, 250 licenciements à Aceros Zapla (sidérurgie) en septembre par exemple.
Le 14 octobre 2001, le mécontentement social s’exprime également sur le terrain électoral par le « voto de la bronca » (le vote de la contestation), qui désigne le vote blanc (en Argentine le vote est obligeatoire) et la montée d’une opposition en dehors du clivage traditionnel entre péronistes et radicaux. On l’a même appelé « l’ultimatum des urnes » tant le désaveu des partis bourgeois a été marqué et l’apparition de groupes d’opposition ou d’extrême-gauche a fait impression dans un pays où le populisme raflait toutes les voix des classes laborieuses. Le voto de la bronca a même été estimé à 30% à Buenos Aires et 40% à Rosario. Dans certaines localités de province, c’est carrément 50% !
En octobre 2001, commence l’occupation de la mine de charbon de Rio Turbio (province de Santa Cruz au sud du pays) pour réclamer des salaires impayés. La lutte va durer des mois. Le premier novembre, les mineurs organisent une première coupure de route. D’octobre à décembre, les travailleurs de l’entreprise pétrolière YPF mènent une lutte contre les licenciements avec l’appui de la population.
Pendant deux semaines de septembre 2001, la région de Misiones, une province éloignée du nord, à la frontière avec la Bolivie et l’Uruguay, est en lutte : les employés de tous les services publics sont totalement en grève : écoles, hôpitaux comme administrations.
En décembre 2001, c’est des USA qu’est venu le coup qui a mis à genou l’Argentine. La banque d’investissement Morgan classe l’Argentine pays « dangereux », en lui donnant une valeur de l’indice de risque en dessous de celui du Nigeria ! Le FMI déclare que les projets gouvernementaux ne prévoient pas suffisamment d’augmentations d’impôts, de baisses de salaires et de licenciements de fonctionnaires. Et c’est l’annonce début décembre, sur un ton volontairement catastrophiste, du refus du prêt par le FMI d’une somme de 1264 millions de dollars donne le coup final. Pourtant cette somme était très inférieure à tout ce que le FMI avait donné à des pays comme le Mexique ou la Russie. En conséquence, l’Argentine s’est trouvée en défaut de paiement de sa dette extérieure et les financiers se retirent en catastrophe. Des milliards de dollars sortent du pays en quelques jours. Le discours tenu par le directeur général du FMI Kôhler en dit long sur la volonté de faire plier l’Argentine : « Il faut être clair : le chemin vers la croissance ne passe pas par le populisme. (...) Les conséquences sociales devront être particulièrement prise en compte. Mais il faut être honnête : les Argentins ne s’en sortiront pas sans douleur. Si nous avions continué à donner de l’argent nous aurions seulement retardé le moment où les Argentins auraient regardé la réalité en face.(...) Au bout du compte, pourquoi cette crise ne serait-elle pas le point de départ d’une coopération économique et monétaire plus étroite entre les pays de la région ? » (interview au « Monde » du 23 janvier).
Le 13 décembre 2001 la journée de grève générale, la septième en deux ans du gouvernement De la Rua, est massivement suivie et des milliers d’ouvriers convergent sur Buenos Aires ainsi que dans les grandes villes du pays. Déjà la veille de la grève, le pays est parcouru de manifestations de toutes sortes. Le blocage complet des transports en commun a donné un caractère particulièrement fort à la grève. Cette fois, les employés de banque se sont joint au mouvement. Dans de nombreuses villes, les fonctionnaires en grève ont fait cortège commun avec les chômeurs. Les commerçants se rallient à la grève ouvrière. Les chômeurs s’y rallient en coupant des routes. Les étudiants font de même. C’est le concert pour dénoncer les classes dirigeantes. Chacun son instrument : les commerçants avec des casseroles, les fonctionnaires avec des « bombos », les camionneurs avec des « bocinazos ». La journée a été accompagnée de révoltes et d’émeutes dans l’intérieur du pays : à Neuquen, Cordoba, Rosario et Pergamino. A Neuquen, 5000 manifestants se sont heurté aux forces de l’ordre. Le lendemain, des mouvements continuaient comme celui des enseignants et des employés de banque de La Plata, celui du personnel technique des entreprises aéronautiques se battant contre une réduction de salaires de 13 à 25%.
Le 14 décembre commençait à Rosario et Mendoza le mouvement d’attaques des supermarchés, une émeute de la faim qui allait se développer dans tout le pays, et atteindre la capitale le 19 décembre. Des jeunes affamés, des mères de famille portant des enfants dans les bras, des chômeurs se groupent, organisent des colonnes pour attaquer les grandes surfaces. Le 16 c’est la grève des chemins de fer contre un concessionnaire privé qui veut licencier 30% du personnel et réduire les salaires. L’ensemble des cheminots a décidé de faire grève ne solidarité en apprenant que le patron voulait seulement payer 70% de la paie de novembre.. C’est aussi la grève illimitée de dix mille camionneurs du nord du pays Le 18 décembre, des groupes de chômeurs attaquent des magasins dans de nombreuses villes (Rosario, Entre Rios, Mendoza, Santa Fe) et les saccages de supermarchés s’approchent de la capitale.
La révolte des 19 et 20 décembre est le point le plus haut d’une révolte sociale de la classe ouvrière débutée plusieurs mois avant. Elle est l’aboutissement de quatre ans de récession et de sacrifices pour les couches populaires (réductions de salaires, licenciements, réduction des droits sociaux, baisse des services publics, remise en cause des droits sociaux et du droit du travail, etc...). C’est le soir du 19 décembre que cette montée ouvrière a été rejointe par la petite bourgeoisie.

Les journées insurrectionnelles du 19 et 20 décembre 2001
La révolte n’a été prévue ni organisée par personne même si bien des militants de groupes de chômeurs, des syndicalistes de base ou de militants d’extrême-gauche y ont participé. C’est une explosion spontanée de colère populaire.
Ce n’est pas seulement les concerts de casseroles, manifestant bruyamment le désaveu des quartiers petits bourgeois de Buenos Aires, qui ont eu raison du président. Ce sont les affrontements menés par des travailleurs, des chômeurs, des jeunes, des mères de familles. Plusieurs colonnes d’assaillants ont mené une guerre civile pendant ces deux jours.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase n’est pas seulement le refus du gouvernement d’autoriser les détenteurs de compte en banque d’en tirer leur épargne (mesure appelée le corralito ou jardin d’enfants prévoyant qu’on ne peut faire sortir plus de 2,5 dollars par mois). C’est d’abord le fait que l’on tue des affamés y compris des mères de famille et des enfants qui cherchent dans les supermarchés simplement de quoi ne pas mourir de faim.

Le 19 décembre
En effet tout a commencé le 19 décembre par une émeute de la faim se généralisant à tout le pays. Dans de nombreuses villes, des groupes de plus en plus nombreux ont attaqué les supermarchés afin d’y trouver de la nourriture et ont bravé les forces de l’ordre qui voulaient les en empêcher. Et, pour la première fois ces attaques de supermarchés gagnaient la capitale. A Buenos Aires, des manifestants s’en sont pris au président De la Rua, lui ont lancé des oeufs et tiré sur sa voiture à coups de pierres. En même temps à Cordoba, une ville de l’industrie automobile au nord ouest de Buenos Aires des travailleurs protestant contre les réductions de salaires et autres mesures d’austérité ont occupé le siège du gouvernement provincial et y ont mis le feu alors que la police tirait aux gaz lacrymogènes et aux balles plastiques.. A La Plata, ce sont deux mille employés du public qui ont organisé une marche le 19 et se sont affrontés avec les forces de l’ordre en voulant forcer les portes du palais législatif. A Rosario, il y a eu des attaques de magasins et de supermarchés pendant la journée du 19. La révolte de la faim a été attaquée aux gaz lacrymogènes et coups de fusils.
Mais ce qui a fait sortir les gens de leurs gonds c’est l’intervention télévisée du président. De la Rua. Il affirme que les manifestations sont organisées par « des ennemis de la république ». Il suspend les garanties constitutionnelles pour répondre à la multiplication des attaques de supermarchés et instaure l’état de siège pour trente jours afin de faire intervenir l’armée. Symboliquement il était entré dans le palais présidentiel entouré des principaux chefs militaires. De la Rua a ainsi rappelé aux Argentins les pires moments de la dictature militaire qu’a connu le pays de 1976 à 1983 et qu’ils croyaient ne plus jamais revoir. A peine terminé le discours du président que les habitants de Buenos Aires ils sont des dizaines de milliers à descendre d’abord sur le pas de la porte puis à se regrouper, à lancer le concert de casseroles, à manifester. Dans la nuit du 19 au 20 décembre, ils sont plus de 50 000 à crier leur haine du pouvoir et à défier l’état de siège. Un immense cortège s’est constitué vers le centre ville mêlant jeunes, mères de famille, travailleurs, chômeurs, retraités, petits bourgeois. Spontanément le rassemblement de toute la population s’est réalisé pour conspuer le ministre Cavallo. Les gens crient : « Imbécile ! L’état de siège, tu peux te le mettre au cul ! »
Certains des manifestants sont prêts à en découdre avec les forces de l’ordre qui tirent à balles et vont faire plus de trente morts. Sans mot d’ordre ni convocation, des centaines de milliers de personnes s’amoncellent sur la Place de Mai et les forces de l’ordre étaient incapables de les en faire partir. Toutes les autorités politiques, patronales, syndicales et sociales se réunissaient pour une réunion de crise de quatre heures. A la sortie, le président est pris à partie par des manifestants, injurié, reçoit des oeufs et sa voiture subit des jets de pierre. Le 19, le plus détesté des ministres de l’économie Cavallo, qui a quatre mille personnes manifestant en permanence devant sa maison, donne sa démission (c’est le troisième ministre de l’économie à donner sa démission en un an).

Le 20 décembre
A une heure du matin, une répression violente commence. La police a cheval organise des charges, la police a envoie des gaz lacrymogènes, tire sur les manifestants, fait refluer les manifestants à l’aide de véhicules lance-eau pour obtenir un reflux des manifestants sur une partie de la Place de Mai. Toute la journée du 20 décembre la capitale va être le siège d’une véritable intifada, pierres contre balles, et certains essaient même de prendre d’assaut le palais présidentiel ! Le peuple se bat pour tenir la place centrale de Buenos Aires, si bien que cette journée s’appelle dans les journaux « la bataille de la Place de Mai » ! Le journal argentin Pagina/12 du 20 décembre décrit ainsi la situation : « La bataille de la Place de Mai. C’étaient des jeunes, des mères avec des enfants, des familles, des gens vivant de débrouillardise. La police montée les chargeait avec une violence inhabituelle mais ensuite ils revenaient. La répression utilisait non seulement les gaz mais aussi les balles de 9 millimètres. C’est la révolte : la cité est incendiée par ceux qui ont été expulsés de la place. Ils sont expulsés de tout. Les uns de leur travail, les autres de leur maison, de la table de repas, de l’éducation, d’une vie digne. Mais ils se sont révoltés. Ils l’ont fait sans chefs pour le plaisir de tenir la rue et de se battre. » Puis les affrontements se généralisèrent à tout le centre ville. Et le nombre de morts et de blessés continuait d’augmenter. Le journal bourgeois La Nacion titrait « cinq morts dans une véritable guerre ». Finalement c’est le président De la Rua qui a dû non seulement démissionner mais s’enfuir en hélicoptère d’un palais présidentiel assiégé par les manifestants. Le lendemain, les deux syndicats CGT, soutiens traditionnels du pouvoir, levaient la grève générale illimitée qu’ils avaient d’abord annoncé, prétextant que « l’objectif est réalisé » : De la Rua (qu’ils soutenaient) et Cavallo ont démissionné et que l’état de siège est levé ! C’est leur totale absence durant les deux journées de révolte qui avaient surtout été remarquée.
Dans le même temps des affrontements se déroulent également à l’intérieur du pays, à Cordoba, Rosario et Entre Rios, et là aussi des morts et des blessés. Les manifestants sont 3500 à Rosario. A Cordoba, les domiciles des politiciens et des hauts fonctionnaires ainsi que des banques sont attaqués. Partout les gens sont descendus par centaines, par milliers jetés littéralement dans la rue à l’annonce de l’état de siège de sinistre mémoire. Là aussi les forces de l’ordre ont montré une violence intense : balles et gaz lacrymogènes contre les pierres des manifestants : contre les employés municipaux de Cordoba défendant leurs salaires et leurs emplois, contre des jeunes et des mères de famille à Rosario qui cherchaient de la nourriture. A La Plata, les forces de police attaquaient un rassemblement de fonctionnaires. A Jujuy, (nord), les fonctionnaires qui manifestaient ont détruit trois banques A Cordoba, trois syndicats appelaient à la grève mais dans le reste du pays les syndicats CGT n’y appelaient pas. En fait, le 20 décembre à 20H la CGT « rebelle » appelait à la grève et à 22H elle n’y appelait plus ! Ce n’est que normal puisque dans la réalité ces syndicats appuyaient le gouvernement et n’ont cessé de le faire que lorsqu’il est tombé.
Une des caractéristiques de ces journées, c’est l’absence totale des organisations classiques, politiques, associatives ou syndicales mis à part les mères de la place de mai et l’extrême-gauche. Les syndicats étaient du côté du pouvoir et n’ont pas montré leur nez et même les principales organisations de chômeurs étaient absentes. Cela montre que les leaders de plusieurs organisations de piqueteros font elles aussi des calculs du même type que ceux des dirigeants syndicaux.

La mobilisation continue
Le 28 décembre c’est à nouveau la rue, les émeutes à Buenos Aires qui font chuter le nouveau président Saa. Les manifestants se sont retrouvé à nouveau sur la Place de Mai et devant le Palais du Congrès. Une partie d’entre eux fait le traditionnel concert de casseroles. Une partie vient pour en découdre avec les forces de l’ordre. Elle attaque le Palais présidentiel dont elle cherche à brûler une porte. Elle provoque un incendie du Congrès. Malgré l’annonce de la démission du président, les émeutes se poursuivirent toute la nuit.
Le nouveau président nommé le 2 janvier, Duhalde (celui que les manifestants appellent « on n’a pas voté pour lui », déclare : « l’Argentine n’a plus un peso ». C’est dire que la politique d’austérité continue. Il annonce la fin de la parité péso/dollar, la dévaluation (de 28,5% au début et qui passera très vite à 40%). Duhalde réussit a réussi en un mois à démontrer qu’il va continuer à faire payer les frais de la crise aux plus démunis, à poursuivre la politique de licenciements massifs et de fermetures d’usines et, reniant ses engagements, à continuer de demander des sacrifices aux petits bourgeois pour sauver les profits des banques et de la bourgeoisie, argentine comme étrangère. Loin de faire payer les banques étrangères ou les entreprises pétrolières comme il le prétendait, il va faire payer la population. Pour le moment sa politique est le dialogue. Pour cela il utilise l’église comme organisatrice de tables de discussion, il écoute les organisations de chômeurs et les autres organisations syndicales. Mais la marge de manoeuvre est étroite et il est difficile de créer l’illusion d’un changement.
D’autant que la mobilisation continue. Elle est plus marquée par les luttes ouvrières dans l’intérieur du pays et plus par la petite bourgeoisie dans la capitale. A partir de début janvier, des assemblées populaires se sont crées dans tous les quartiers de la capitale et elles sont également apparues à la mi-janvier dans de nombreuses villes de province. Y participent des travailleurs, des étudiants, des habitants. Des manifestations ont également lieu quotidiennement devant la cour suprême pour demander la démission de tous les juges. Et dans les villes de province, elles sont aussi régulières pour réclamer des emplois. Le 18 janvier, c’est l’affrontement avec les forces de l’ordre à Rio Cuarto, au sud de la province de Cordoba après un concert de casseroles ; Et le même jour, 300 employés de Santiago del Estero qui réclament trois mois de salaire impayés sont réprimés à balles plastiques et aux gaz organisé Le 24 janvier, dans la station balnéaire de Mar del Plata, 2500 chômeurs et retraités défilent réclamant des aides des pouvoirs publics. Dans la province de San Juan (Ouest) des fonctionnaires occupent les bâtiments publics et barrent les rues pour réclamer leurs salaires impayés.
Buenos Aires comme les villes de province ont organisé le vendredi 25 janvier une manifestation massive et un gigantesque concert national de casseroles contre le blocage des comptes en banque, à l’initiative des assemblées populaires de quartier.
La petite bourgeoisie est loin d’être la seule à se mobiliser. Les chômeurs de la Matanza, un énorme quartier de chômeurs et de travailleurs à une vingtaine de kilomètres de Buenos Aires organisé derrière Courant Combatif de Classe, le CCC, et Fédération Terre et Logement de d’Elia ont occupé le 14 janvier le marché central de la capitale. Le 28 janvier, c’est eux qui ont pris la tête d’une manifestation massive des chômeurs à Buenos Aires. Pour la première fois, la capitale a accueilli favorablement les chômeurs et a même manifesté avec eux sous le slogan « piquets et casseroles, tous ensemble ! » Les piquets ce sont les chômeurs appelés piqueteros depuis qu’ils coupent les routes et les casseroles c’est la mobilisation des quartiers de la capitale contre le corralito, le jardin d’enfants, qui signifie le blocage des comptes en banque.
Les attaques de banques et les coupures de routes qui se poursuivent dans le pays. Les villes de l’intérieur du pays connaissent quotidiennement des manifestations pour réclamer du travail. Malgré les licenciements ou contre eux, les grèves se poursuivent et la répression aussi. Ainsi les travailleurs de l’hôpital de Rio Grande en lutte le 28 décembre, se sont fait tirer dessus à balles en caoutchouc par la police et ont reçu des gaz lacrymogènes et leur dirigeant syndical a été arrêté. Le 11 janvier, il y avait en même temps la manifestation des professions de santé à Buenos Aires, celle des fonctionnaires à San Juan, celle des jeunes chômeurs à Neuquen, Des milliers d’employés municipaux demandant leurs arriérés de salaires à Formosa (Nord-est), Santiago del Estero (Nord), San Juan (Est), et une situation explosive dans la province de Jujuy, région particulièrement pauvre à la frontière de la Bolivie. Certaines luttent durent depuis longtemps. Ainsi les chauffeurs de bus de Mar del Plata depuis septembre 2001 revendiquent le paiement de leurs salaires. Les travailleurs de l’usine céramique Zanon à Neuquen continuent leur lutte contre les licenciements. A Neuquèn, les travailleurs ont organisé une manifestation contre le lock-out de leur patron cette semaine, et qui a réussi à souder la population de la ville par delà les rangs des travailleurs de l’usine et de leurs familles. La répression s’est abattu sur les représentants syndicaux le soir venu : arrestations pour appel à l’insurrection. Certains occupent leurs usines comme dans plusieurs sites industriels de Cordoba. Mais il y a encore plus d’usines dont les patrons mettent la clef sous la porte comme Camions Iveco de Fiat à Cordoba ou mettent en chômage technique comme Renault de Cordoba.
Dans quelques centres métallurgiques (SIDERAR), de construction navale (Rio Santiago), automobile (Grand Buenos Aires), de production d’électricité (Cordoba) ont a vu, dès le 20 décembre, se mettre en place des assemblées. Ils s’agissait, à ce que rapportent les militants révolutionnaires de différentes organisations, plus de discussions que de lieu d’action ou de coordination. Dans quelques endroits, à l’initiative de militants révolutionnaires, se sont mis en place de comités intersyndicaux. A Buenos Aires, on a vu se mettre en place des réunions de quartiers, des assemblées. De l’ordre de quelques dizaines, certaines ont réuni jusqu’à 400 personnes. C’est essentiellement autour des problèmes de la répression que ces comités voient le jour, mais évidement c’est essentiellement autour de questions politiques ou plus pratiques comme l’approvisionnement que se centrent les discussions. La méfiance à l’encontre des organisations politiques, est énorme : seuls quelques anciens militants d’extrême gauche connus (tels Zamora) arrivent à avoir un certain crédit. La jeunesse ouvrière et pauvre, quant à elle, se tient en dehors de ces lieux de débat et préfère les discussions ouvertes sur les places et les squares de Buenos Aires.

Les organisations politiques et syndicales

Des dirigeants syndicalistes surnommés « les gordos », les gros !

 CGT officielle de Daer

 CGT « rebelle » de Moyano, créée dans le secteur du transport et de l’automobile suite à la grève du 5 mai 2000

 CTA de Gennavo : uniquement fonctionnaires et enseignants

Chez les chômeurs, les coordinations de piqueteros - Courant Combattant de Classe de Alderete - Fédération Terre et Logement de d’Elia, MTD, MTR (Mouvement Thérède Rodriguez de Florencio Varela)
L’apparition d’une gauche réformiste (le « Front national contre la pauvreté », FRENAPO qui a obtenu trois millions de participants pour sa consultation populaire en faveur d’une allocation emploi-formation par chef de famille, le « Pôle social » du prêtre tiers-mondiste Farinello, CTA, Gauche Unie, etc...) Ils ont organisé la consultation populaire
Des groupes d’extrême-gauche (Parti Ouvrier, PTS, MAS, PCR, MST dans la Gauche Unie,
Ils ont ici ou là de l’influence dans des mobilisations ouvrières : intersyndicale de La Plata, avec notamment les Construction navales d’Astillero Santiago, enseignants de Suteba, chômeurs du MTD

Quelles perspectives et quelles menaces ?
Quelques chiffres indiquent la gravité de la situation économique et sociale et montrent qu’il ne suffira pas d’un plan quelconque pour y remédier.
Le chômage est passé de 14,7% en octobre 2000 à 16,4% en juillet 2001, 18% en décembre 2001 et 20% actuellement. (à comparer aux 3% de 1980), 14 millions sur 37 millions en dessous du seuil de pauvreté (un million en 1980), 45 % de la population urbaine indigente. Les villes ont le plus haut taux de suppressions d’emplois. Dans la seule année dernière, le nombre de pauvres de la périphérie de Buenos Aires a augmenté de 650 000 ! Grand Buenos Aires, grand Rosario, grand Cordoba, c’est des armées de travailleurs au chômage concentrées à la périphérie des villes, dans des pôles de la misère mais aussi de la révolte !
Et ça continue. Chaque jour, 2000 personnes tombent en dessous du seuil de pauvreté. Ca s’aggrave même : en un an, il y a eu 500.000 chômeurs de plus sur un total de deux millions et demi ! Et c’est sans compter les 1,4 millions en sous-emploi, en emploi non déclaré.
L’un des phénomènes qui a particulièrement été remarqué c’est que la petite bourgeoisie d’Argentine, une des seules d’Amérique latine qui était autrefois prospère et soutenait le pouvoir à l’époque où le revenu par habitant y était de 7500 dollars, est sortie de ses gonds et descendue dans la rue. Et c’est effectivement le signe du degré de gravité de la crise sociale puisque les couches sociales qui soutenaient le régime ont cessé de la faire.
Cependant il faut remarquer que c’est seulement sur la petite bourgeoisie que les informations ont centré leur commentaire alors que la classe ouvrière a été active dans ces événements. Les petits bourgeois n’ont rejoint la révolte que le 19 au soir. D’ailleurs, il y a plusieurs bémols à mettre à ce qui est dit sur ces « classes moyennes ». Et d’abord il ne faut pas y voir la petite bourgeoisie de nos pays riches. Il faut noter qu’une bonne moitié d’entre elles sont simplement des salariés, des fonctionnaires ou des employés de bureau qui n’ont rien de petits propriétaires. Une partie des professions dites « indépendantes » sont simplement des gens qui se débrouillent en se donnant eux-mêmes un travail mais ne sont pas fortunés pour autant. Il y a de grandes différences entre tous les détenteurs de compte en banque qui sont tous aussi révoltés par le blocage de leurs avoirs. Il y a aussi bien des retraités, des travailleurs, des petits commerçants que des bourgeois petits et moyens. Seuls les grands bourgeois n’ont pas eu de mal à faire sortir leur argent du pays en faillite.
Un autre des commentaires que l’on a pu entendre a été que la misère des gens leur était égale : ils ne sortaient que parce que l’on touchait à leur compte en banque. C’est d’ailleurs ce qu’a déclaré Duhalde : « la classe moyenne égoïste proteste aujourd’hui parce qu’on lui a mis le corralito ». Comme si c’était pour payer les salaires et les retraites que les banques retenaient de gros comptes en banque ! Au contraire ce sont ces derniers que l’on protège et d’abord les profits des banquiers. Quant aux titulaires de comptes, nombre d’entre eux sont des retraités qui risquent d’y perdre tout revenu. D’autres sont des petits commerçants qui ne peuvent même pas travailler sans liquidités. Et surtout c’est sous-estimer la révolte de ces couches sociales dites moyennes qui sont révoltées par la misère autant que par l’argent facile des sommets de la société. D’autre part, c’est oublier que l’une des motivations les plus importantes de ces fameux « petits bourgeois » a été leur révolte contre l’état de siège.
Ceci étant dit, la perte du soutien des petits bourgeois à tout ce que la société compte de nantis ne veut pas dire que ceux-ci vont tout naturellement choisir le camp de la classe ouvrière. Pour le moment, ils sont seulement plus solidaires des chômeurs et des plus pauvres. Ils peuvent cependant marcher dans toutes les opérations « de gauche » qui consistent soi-disant à dialoguer pour donner un petit peu aux plus pauvres. Et même leur révolte peut demain se retourner contre la classe ouvrière si celle-ci ne se met pas à la tête de la révolte contre le système. Le jeu des syndicats ouvriers est, dans cette affaire, toujours aussi nuisible puisqu’il laisse croire que les travailleurs participent du système par le biais de leurs chefs syndicaux.
Même sans perspective, sans solution économique ou sociale acceptable pour les couches populaires, la bourgeoisie argentine va s’accrocher à tout prix au pouvoir, c’est-à-dire au prix du sang des travailleurs et de toute la population. Ce n’est pas parce que la tentative de déclarer l’état de siège de De la Rua a échoué que le retour aux pratiques de la dictature militaire n’est plus une menace. Bien sûr, la réaction de la rue a montré toute l’impopularité de la suspension des droits légaux et d’un retour des militaires dans les rues et au pouvoir. L’expérience est encore trop proche et trop cuisante. Mais cela ne veut pas dire que la bourgeoisie va s’arrêter à de pareilles considérations si elle estime que l’intervention de l’armée est nécessaire pour écraser la révolte.
L’hebdomadaire Clarin titrait le 21 décembre : « les militaires sont prêts à aider à rétablir l’ordre » et les chefs des forces armées déclaraient avoir un plan de maintien de l’ordre. Il expliquait ainsi que les forces armées avaient adopté un plan d’urgence « à un moment où les manifestants semblaient avoir débordé la police. » Il expliquait d’ailleurs qu’il n’était pas nécessaire de toucher à l’ordre constitutionnel pour employer l’armée comme force supplétive des forces de police. Le général Ricardo Brinzoni, chef d’état major de l’armée déclare : « l’armée souhaite servir la société dont elle fait partie en étant une protagoniste et non pas un simple observateur. »
En 2001, on a vu la réapparition en Argentine de groupes parapoliciers, comme celui qui enlevé séquestré et torturé une des filles de madame Hebe de Bonafini, la présidente des mères de la place de mai. Le Service de Paix et Justice, le Serpaj, est spécialisé dans les brigades d’intervention musclées pour faire passer l’austérité.
L’enjeu est d’importance. La question du rapport de forces va devenir une question de vie ou de mort pour la classe ouvrière et ses organisations. Tout le monde se souvient de la dictature militaire qui a dominé le pays pendant de nombreuses années, faisant 30 000 morts et supprimant physiquement tous ses opposants, en particulier les militants ouvriers et les militants politiques radicaux. Il ne serait plus alors question d’intégration des syndicats à l’état et aux entreprises ni de façade démocratique mais de destruction de l’un et de l’autre et d’utilisation des forces armées, des forces spéciales et même d’utilisation de l’embrigadement de couches misérables pour écraser dans le sang le prolétariat argentin.
Duhalde a affirmé que son « rôle était de maintenir la paix sociale » et qu’il n’était « pas un homme faible ». Les discours du nouveau président Duhalde disent clairement au peuple argentin : si vous tentez de me renverser moi aussi, ce sera la guerre civile. Il déclare « Nous sommes tombés de plus en plus bas, étape par étape : récession, dépression anarchique, chaos. Une étape de plus et c’est le bain de sang » et parle de la « période la plus dramatique de l’histoire du pays ». Et au delà de la volonté de Duhalde d’impressionner pour faire reculer les masses populaires, à terme la confrontation est inévitable.
Mais pour le moment, ni Duhalde ni aucun homme politique n’est en mesure de s’attaquer aux couches populaires mobilisées. Les gouvernants sont contraint de « dialoguer » . Ils ressortent leurs évêques pour organiser des « tables de dialogue ». Ils vont chercher tous les réformistes, tous les catholiques, tous les bourgeois réformistes. Mais ils savent qu’il ne s’agit que de gagner du temps. Il n’y a aucune marge de manoeuvre pour une réforme ou pour de vraies réformes sociales au moment où les financiers leur demandent de faire accepter des sacrifices supplémentaires. Ils vont donc temporiser en faisant semblant de dialoguer. En attendant ils se préparent. La classe ouvrière peut également mettre à profit cette période pour se préparer. Et d’abord en étant consciente de l’enjeu, en ne se laissant pas tromper par cette prétendue volonté de trouver des « solutions ». Ensuite en développant ses luttes et son organisation autonome car le principal obstacle aux luttes de la classe ouvrière reste la politique des syndicats péronistes. Enfin en développant son organisation politique.

Equateur et Bolivie : deux mouvements, une seule perspective

Bolivie (mai-juin 2005) et Equateur (avril et août 2005), ont été le théâtre de luttes dans lesquelles les travailleurs, les chômeurs, les étudiants, les Indiens et les paysans se sont opposés aux gouvernants et à la bourgeoisie. Ces mobilisations massives ont bloqué totalement les capitales, La Paz (Bolivie) et Quito (Equateur), (l’activité économique, administrative et politique, les communications et l’approvisionnement) ainsi qu’une grande partie de la production et de la distribution d’hydrocarbures des deux pays, contraignant les deux présidents à la démission. Vu l’ampleur de la mobilisation, les classes dirigeantes n’ont pas estimé raisonnable de faire appel à la répression militaire. Depuis plus de cinq ans, ce ne sont ni les élections ni les coups d’état qui défont les régimes équatoriens et boliviens : c’est la rue. Ces deux pays andins n’ont pas seulement en commun la révolte d’une population paupérisée, d’une population indienne et paysanne subissant une oppression particulière, la révolte contre l’exploitation des richesses en hydrocarbures qui profite uniquement à l’impérialisme et à une bourgeoisie comprador. En Equateur comme en Bolivie, il ne s’agit plus seulement de luttes de paysans, d’Indiens, et d’habitants des bidonvilles ; la classe ouvrière est de la partie. Les puits ne sont plus seulement bloqués par des manifestants extérieurs mais par des salariés du pétrole et du gaz eux-mêmes, travaillant à la production, au raffinage et à la distribution. Des milliers d’autres salariés de multiples secteurs (santé, mines, transport, éducation, …) se sont également mobilisés. Ce sont les organisations ouvrières qui ont été amenées à centraliser la lutte se traduisant par la grève générale, alors qu’elles étaient très affaiblies dans la période précédente. Pendant vingt ans, les organisations paysannes et indiennes étaient largement prédominantes dans les mouvements de ces deux pays.

Bolivie

Détentrice du pouvoir en Bolivie, l’armée était dirigée par des officiers nationalistes prétendant, pour stabiliser leur pouvoir, s’appuyer sur le peuple contre l’impérialisme US et même sur les travailleurs. C’est sous leur égide notamment qu’était organisée une grande assemblée du peuple en mai 1971, rassemblement principalement organisé autour des syndicats et partis ouvriers. Les travailleurs, et tout particulièrement les mineurs, restaient une force incontournable en Bolivie. En 1971, le coup d’état militaire du général Hugo Banzer était dirigé directement contre le classe ouvrière., les syndicats ouvriers sont déclarés illégaux en 1974, de même que les grèves ouvrières. C’est encore aux travailleurs des mines et du textile que s’est heurtée en 1975 l’ggravation de la dictature réactionnaire par Hugo Banzer qui suspend les droits politiques. Les mines, occupées militairement, ont continué à mener des grèves tout au long des années 1975 à 1977. En 1976, quatre femmes de mineurs, dont la fameuse Domitilia Changara dont l’autobiographie « Si on me donne la parole » est bien connue, épouses de mineurs licenciés suite aux grèves, lancent un mouvement national de protestation, mouvement qui triomphera en 1977. En 1979, la classe ouvrière a répondu par la grève générale au coup d’état du colonel Busch. Et, en juillet 1980, le président Garcia Meza, à l’école des militaires tortionnaires argentins, a fait assassiner de nombreux leaders ouvriers et bombardé les mines. De 1982 à 1985, une vague de grèves ouvrières est organisée par la centrale ouvrière COB contre le gouvernement Siles qui veut imposer de nouveaux sacrifices à la classe ouvrière. En 1983, il y a des centaines de grèves et la COB se reconvertit en un centre de coordination de toutes les luttes populaires. La fédération des mineurs occupe les mines d’Etat et impose le contrôle ouvrier. Six grandes grèves ponctuent l’année 1984 et Siles recule partiellement sur ses mesures anti-sociales avant de quitter le pouvoir. En mars 1985, la COB amène 10.000 mineurs armés de dynamite à La Paz pour la « marche contre la faim » qui se transforme en vingt jours de siège de la capitale.
En fait, il a fallu, en 1985, le retour au pouvoir d’un civil, Paz Estessoro, l’ancien vainqueur de la révolution de 1952, pour véritablement briser la force politique et sociale de la classe ouvrière bolivienne. Paz Estenssoro est revenu au pouvoir après une entente avec l’ex-dictateur Banzer et il annonce immédiatement une thérapie de choc avec des méthodes violentes, pour mettre au pas les mineurs. Les mines d’Etat sont déclarées non rentables et réorganisées en vue d’être privatisées. Onze mines ferment et 23.000 mineurs sont licenciés. En septembre 85, la COB déclenche la grève générale à durée illimitée. Le gouvernement réplique par la loi martiale, arrête des centaines de leaders syndicalistes. Les licenciements massifs de 1986 (30.000 mineurs, 18.000 ouvriers, 20.000 employés de banque et des milliers d’employés d’Etat sont licenciés). Une nouvelle confrontation a lieu en août 86 dans laquelle 10.000 mineurs envahissent la capitale se solde par un nouvel échec : à nouveau la loi martiale et l’arrestation des leaders. Pour les mineurs, c’est la répression, les licenciements, la misère et la démoralisation. Le leader Juan Lechin, ayant échoué dans une nouvelle tentative d’une conciliation impssible, démissionne de la direction de la COB. La COB, la centrale ouvrière bolivienne, qui a été l’un des principaux organisateurs des mouvements, va aller de plus en plus à droite jusqu’en 2000, devenant même l’auxiliaire de la dictature. Il faudra attendre 2003 et surtout 2005 pour que la classe ouvrière redevienne une force que craignent les classes dirigeantes.
Des milliers de salariés licenciés, en particulier les mineurs, sont contraints, pour survivre, de devenir planteurs de coca. Ils apportent au mouvement paysan une expérience de lutte qui va se sentir dans le développement du syndicalisme paysan mais nombre d’entre eux sont démoralisés par la défaite ouvrière et l’effondrement des syndicats ouvriers. Dans les campagnes, ils ne disposent plus de la force qu’ils détenaient comme mineurs. Les syndicats de paysans n’ont pas le même type de structure que les syndicats boliviens qui, même bureaucratisés, restaient sous la pression des salariés mobilisés. Les syndicats ouvriers mis au pas, dorénavant c’est la paysannerie et les Indiens qui tiennent le devant de la scène dans la protestation collective. La répression lancée dès 1988 contre les paysans de la coca par le gouvernement bolivien avec l’appui des USA mène à de nombreuses réactions paysannes, particulièrement vives à partir de 1994 et à leur organisation autour des syndicats paysans et des partis indiens. Les cocaleros, organisés notamment par Evo Morales, mènent la lutte depuis 1997 et prennent un poids de plus en plus considérable dans le CSUTCB, syndicat des indiens travailleurs des campagnes.
En 1993, le gouvernement organise des privatisations massives (chemin de fer, pétrole, électricité, fonderies, télécommunications, compagnies aériennes). Les services publics se dégradent. La misère augmente, tout particulièrement dans les campagnes. La révolte a débuté en avril 2000 avec le soulèvement de la vallée de Cochabamba contre la mainmise sur le service public de l’eau par le trust américain Bechtel. La population est descendue dans la rue, construisant des centaines de barricades, occupant pendant plusieurs jours la place principale et, faisant reculer Hugo Banzer, la population a obtenu en avril 2000 que le service de l’eau soit retiré à Bechtel. La Coordination de l’eau regroupe désormais producteurs de coca, cultivateurs, ouvriers et étudiants. La lutte s’est poursuivie en 2001 (d’avril à septembre) avec la révolte des paysans de la coca dirigée par Evo Morales et Felipe Quispe, deux leaders indiens paysans. En juin 2002, cette radicalisation paysanne se traduit sur le plan politique par le vote massif (21% des voix malgré un truquage manifeste) pour Evo Morales l’un des leaders paysans des producteurs de coca du MAS, Mouvement pour le Socialisme, parti social-démocrate. Ce parti considéré comme marginal électoralement réussit à passer au second tour à l’étonnement général. Malgré cette tromperie, le MAS reconnaît les résultats et donne toujours comme objectif la conquête du gouvernement par les élections et non par la lutte sociale. C’est le gouvernement qui se charge de démolir les illusions semées par les dirigeants : en janvier 2003, un mouvement des paysans de la coca est durement réprimé (20 morts). Un mouvement de masse des chômeurs et des jeunes est déclenché contre les nouveaux impôts promulgués en février 2003. Des affrontements opposent la police mutinée et l’armée. En avril 2003, la COB se radicalise lors de son congrès et élit une nouvelle direction beaucoup plus radicale (Parti Communiste, MAS et LOR). Puis un nouveau mouvement des paysans a lieu en septembre 2003 contre le plan d’éradication de la coca suivi d’une lutte conjointe des paysans et des travailleurs contre l’exportation du gaz vers les USA, en septembre-octobre 2003. Trois mouvements s’additionnent alors, se coordonnent et se renforcent mutuellement en 2003 : les paysans, les Indiens et les travailleurs, mais ces derniers ne sont pas à la tête du mouvement. Les Indiens sont révoltés par l’oppression spécifique qui les frappe. Il existe près de trente ethnies indiennes (aymaras, quechuas, guaranis,…) en Bolivie qui représente ensemble 80% de la population environ et ce sont de loin les plus pauvres. Il en va de même en Bolivie où les Indiens voient leurs organisations se développer. Les paysans de l’Altiplano sont organisés dans la Confédération Tupak Katari. La question de la vente du gaz bolivien devient vite le point commun des mouvements. La revendication de « la renationalisation du gaz bolivien sans indemnisation  » qui commence alors à être mise en avant, est un objectif que la bourgeoisie bolivienne ne peut bien entendu satisfaire puisque ce signifierait renoncer à la plus grande part de ses revenus et à ses bonnes relations avec l’impérialisme américain. Le pillage des hydrocarbures est tel que seuls 18% des revenus du gaz échappent aux trusts Petrobras (Brésil), Repsol (Espagne), ExxonMobil (États-Unis) et Total (France). Le trust français Total possède à lui seul 23% des réserves de gaz de la Bolivie. Malgré des réserves de gaz estimées à 100 milliards de dollars (deuxième pays producteur d’Amérique Latine après le Venezuela) et celles de pétrole estimées à 27 milliards de dollars, la Bolivie est le deuxième pays le plus pauvre de l’Amérique du sud, juste devant Haïti ! Cinq mille familles riches détiennent 1 700 millions de dollars en banque pendant que 600 mille familles pauvres doit survivre avec moins de 41 euros par mois. 63% de la population vit en dessous du minimum vital. Le peuple bolivien a déjà vu lui passer sous le nez l’or, l’argent, l’étain et le pétrole et on voudrait encore lui voler le gaz !
En septembre 2003, le gouvernement a voulu vendre le gaz à la multinationale Pacific LNG. Le 15 septembre 2003, les paysans de la région de Titicaca bloquent les autoroutes pour protester contre la vente du gaz aux USA. Le 17 septembre 2003, ils sont rejoints dans leur protestation par les quartiers de Cochamba et la Paz, rajoutant à leurs revendications celle du refus de la vente du gaz. Le 19 septembre, 150.000 manifestants occupent les principales villes du pays en mettant la récupération du gaz par le peuple et le départ du président Lozada. La « guerre du gaz » a commencé. Le 20 septembre, suite à un massacre de manifestants bloquant routes et chemin de fer à Warisata, c’est la mobilisation générale. Le 24 septembre, un blocage massif des routes est organisé. Le 29 septembre, la centrale syndicale COB appelle à la grève générale illimitée. De façon tout à fait inattendue, y compris des dirigeants de la centrale qui ont un poids plus que limité depuis de longues années, le mot d’ordre est suivi et la grève s’étend réellement. Les mineurs décident de marcher sur La Paz. A El Alto, faubourg de 800.000 habitants dominant La Paz sur la hauteur de l’altiplano (4000 m d’atitude) et qui regroupe les indiens paupérisés et urbanisés dans des taudis en parpaings, les forces de l’ordre interviennent et tuent deux personnes, provoquant ainsi une hausse de la mobilisation autour de El Alto. Les communautés indiennes du haut plateau andin, en particulier les indiens Aymaras, participent au soulèvement de El Alto, une ville qui va être à l’épicentre de la révolte et est tombée complètement aux mains des émeutiers. Le mouvement de El Alto contamine d’autres villes (Oruro, Chuquisaca, Potosi, Cochamba). Au bout d’une semaine de lutte, le leader des cocaleros de la vallée de Cochamba, Evo Morales, s’est décidé à se joindre à la lutte. Le 6 octobre 2003, la région d’El Alto rejoint le mouvement et devient un des centres les plus radicaux et des plus réprimés. La mobilisation y sera désormais réalisée principalement sous l’égide de la Fédération des comités de quartiers, la FeJuve, dirigée par Abel Mamani et par la Centrale syndicale COR d’Edgar Patani, membre de la COB mais assez indépendante, plus encore que le mouvement paysan indien MIP de Felipe Quispe. Du 9 au 11 octobre, une attaque militaire de El Alto provoque un massacre (50 morts sur les 80 victimes que fit la répression en octobre). Le 10 octobre, la route d’El Alto à La Paz est couverte par l’armée (lhélicoptères, chars, camions de troupes). La ville d’El Alto massivement mobilisée sous la direction des associations indiennes, des syndicats ouvriers coordonnés régionalement dans la COR et des comités de quartiers organisés dans la Fejuve, met en déroute les forces de l’ordre et démet toutes les autorités locales pour s’autogérer et diriger sa lutte avant que les manifestants d’El Alto ne décident de partir en marche sur La Paz pour bloquer la capitale. Du 12 au 16 octobre 2003, un véritable soulèvement va de la ville de El Alto à la capitale La Paz. Le 12 octobre, la COB appelle à la résistance civile et à la chute du gouvernement de Lozada. Le 13 octobre, après 48 heures de face à face dans El Alto entre les forces de l’ordre et les manifestants, ces derniers descendent sur La Paz qui est complètement occupée. Le 14 octobre, il y a un million et demi de manifestants aux funérailles des morts d’El Alto. Le 15 octobre, les mineurs de Huamani marchent eux aussi sur La Paz armés de bâtons de dynamite et font reculer l’armée. Le 17 octobre 2003, alors que 200.000 manifestants encerclent le congrès, le président Sanchez de Lozada démissionne. Son successeur Carlos Mesa, qui est son vice-président, fait trois promesses : organiser un référendum sur la question du gaz, voter une nouvelle loi sur les hydrocarbures afin d’augmenter les ridicules 18% que l’Etat bolivien reçoit des multinationales pour l’exploitation du gaz et du pétrole et la convocation d’une assemblée, qui était rejetée par Lozada. Mesa s’engage à établir les responsabilités des gouvernants, de l’armée et de la police dans les massacres de la guerre du gaz. Sur ces bases, Mesa obtient de nombreux soutiens dont celui de Evo Morales et aussi de certains partis indiens. Il bénéficie d’illusions dans la population. Ainsi, il réussit à se faire acclamer à El Alto ! Evo Morales a appelé à soutenir le gouvernement pour « la défense de la démocratie » et la COB en a fait autant au nom du « repli stratégique ». Felipe Quispe, considéré comme un leader radical, se considère lui-même comme « opposant en veilleuse » face à Mesa ! Un référendum est organisé le 18 juillet 2004 dans lequel 70% des votants se prononcent pour que l’Etat récupère les hydrocarbures. Mais les organisations contestataires à l’exception du MAS de Evo Morales, appellent à l’abstention qui atteint 50%. Tout cela n’empêche pas Mesa de remettre en route un plan d’ajustement structurel prévoyant la mise aux enchères des richesses en gaz boliviennes, plan qui met à nouveau le feu aux poudres en mai 2005.
Une autre contestation de la politique de Mesa va venir de la bourgeoisie la plus riche et la plus réactionnaire de Bolivie, celle de la région de Santa Cruz. Elle occupe les basses terres de l’Ouest, riches, et cette bourgeoisie latifundiaire a développé une économie agro-exportatrice. Elle craint également que le mouvement paysan ne domine l’assemblée constituante et impose dans la région de Santa Cruz une réforme agraire qu’elle a toujours réussi à éviter. Elle conteste également que l’ensemble du pays puisse être consulté sur des richesses appartenant à la région (pétrole de Santa Cruz et gaz naturel de Tarija). Elle tente de profiter des mouvements identitaires et régionaux pour jouer la carte « autonomiste » contre le pouvoir central de La Paz à l’autonomie de la province minière la plus riche du pays (20% de la population mais 40% du PIB et 60% des exportations). Le comité civique de Santa Cruz lance un référendum pour l’autonomie régionale. L’incapacité de Mesa à faire entendre raison à l’oligarchie de Santa Cruz lui fait perdre le soutien d’Evo Morales. Il suffit cependant que Mesa menace de démissionner pour que Morales lui redonne son soutien au nom des risques pour la démocratie ! Mais il est clair désormais que Mesa, pris entre le mouvement populaire et la bourgeoisie de Santa Cruz, n’en a plus pour longtemps.
Le 17 mai 2005, c’est le vote imposé par le président Mesa de la loi sur les hydrocarbures. Si elle porte la taxation du gaz à 50%, cette loi, loin de proposer la renationalisation des hydrocarbures, légalise au contraire les privatisations d’hydrocarbures précédentes, et met le feu aux poudres. Une marche paysanne organisée par le MAS de Evo Morales partie le 16 de la ville de Caracollo atteint La Paz le 27 mai avec 40.000 manifestants. Les syndicats de travailleurs, reprochant au MAS de ne pas mettre en avant la nationalisation des hydrocarbures, contestent la direction de la lutte à Evo Morales et appellent à des grèves générales illimitées dans les villes de La Paz, Oruro, Potosi, Cochabamba et Sucre. Les centrales syndicales régionales rejoignent ainsi la grève générale déclenchée dans la ville d’El Alto dès le 23 mai avec pour revendications la démission de Mesa et « la nationalisation sans indemnisation des hydrocarbures ». Le point culminant de la mobilisation pour le gaz a en effet lieu dans cette ville andine. Les manifestants, habitants et travailleurs, y occupent la plantation pétrolière. La répression ne fait que jeter de l’huile sur le feu et c’est toute la ville et même toute la région qui s’est embrasée. Sous la pression des grèves ouvrières, le MAS évolue vers un soutien à la renationalisation. La ville d’El Alto est insurgée et occupée par les travailleurs, la capitale entourée de blocages de routes, coupée de tout approvisionnement en nourriture et en combustible et envahie par les manifestants et la grève générale s’étend aux autres villes. Les travailleurs de la capitale loin d’attendre passivement l’arrivée de cette marche monstre descendant des montagnes, se sont eux-mêmes mobilisés (travailleurs, habitants des bidonvilles et des quartiers ouvriers). La classe ouvrière, en particulier son secteur principal minier et pétrolier, y est apparue comme un élément central de la mobilisation populaire (travailleurs, chômeurs, paysans, mouvement indien, étudiants, enseignants, quartiers pauvres). Le 31 mai, une démonstration de force en rassemblant tous les mouvements sociaux pour la renationalisation, mouvement ouvrier, paysan et indien, a lieu sur la place Murillo de la capitale, place qui regroupe toutes les institutions d’Etat boliviennes. Une « Assemblée Nationale Populaire Indigène » appelée par les mouvements contestataires n’aura pas le temps de voir le jour car le pouvoir tombe plus vite. L’ensemble du pays est paralysé par la grève générale et par des myriades de barricades. Le 6 juin, il y avait véritablement de la révolution dans l’air avec les centaines de milliers d’ouvriers et de paysans qui avaient pris La Paz et l’avaient transformé en un gigantesque meeting-débat d’ouvriers, de paysans et d’étudiants, à l’initiative de la COB et des organisations d’El Alto. Sous la pression, les dirigeants annoncent la formation d’une assemblée nationale ouvrière et paysanne face aux institutions bourgeoises et devant le vide du pouvoir avec la nationalisation des hydrocarbures au service de peuples comme programme. Le président bolivien Carlos Mesa, artisan de nombreuses « réformes » anti-sociales, a dû démissionner le 6 juin 2005 devant l’ampleur de la révolte.
Loin d’entraîner un reflux du mouvement, la démission de Mesa l’enflamme, la population craignant le coup d’Etat ou le « coup d’Etat constitutionnel ». En effet, constitutionnellement le candidat à la succession est le président du sénat qui n’est autre que le chef de l’oligarchie de Santa Cruz, Vaca Diez, le plus détesté des représentants de la bourgeoisie bolivienne. Refusant cette perspective, c’est 80.000 manifestants qui investissent immédiatement La Paz et plus de 120 blocages ont lieu dans tout le pays à l’initiative des syndicats COB et CSUTCB (syndicat des paysans-travailleurs de Bolivie). Si l’appareil de la COB n’est plus ce qu’il était avant 1985, une nouvelle jeunesse cobiste a vu le jour qui ne regarde pas vers le passé mais vers l’avenir. Le 8 juin, les travailleurs du pétrole de Senkhata, principal centre d’approvisionnement et de stockage de la capitale, partent en grève et occupent les installations et ils proposent d’organiser avec les syndicats ouvriers le contrôle de la distribution de combustible. La station de pompage de Sayari est également occupée ainsi que le pipeline de Sica, avec l’appui des salariés. Les travailleurs de la santé et les instituteurs sont particulièrement mobilisés. El Alto, banlieue de La Paz et cité dortoir, est encore une fois le point le plus chaud et la ville est véritablement soulevée. C’est elle qui donne le la de la mobilisation générale et le pouvoir est suspendu aux décisions de El Alto. Une assemblée populaire défiant le pouvoir d’Etat y est organisée par les syndicats ouvriers et comités populaires. C’est bien la capacité de mobilisation des travailleurs des villes qui se manifeste là. Vaca Diez tombe avant même d’être intronisé le 9 juin 2005 parce que les masses révoltées (surtout des mineurs) ont investi la ville de Sucre (capitale constitutionnelle) où il comptait se faire nommer en douce. La mort d’un manifestant à Sucre, le mineur Juan Coro, tué par la police, a achevé de soulever les travailleurs. La mobilisation des mineurs des coopératives d’Oruro, la grève des travailleurs de l’aéroport et la paralysie de la ville de Sucre, occupée par les manifestants, a contraint la bourgeoisie à reculer et à renoncer de nommer Vaca Diez. Elle a renoncé à faire usage de la répression devant un début d’armement des travailleurs (une colonne armée de 3000 paysans d’Omasuyos notamment). Lui succèdent dix jours de vide du pouvoir comblés avec peine par les manœuvres dilatoires de l’Eglise.
Finalement un nouveau président est nommé le 9 juin : le président de la Cour Suprême, Eduardo Rodriguez. Il débute son mandat sur une position beaucoup plus faible que Mesa. Sa nomination n’a pas entraîné les illusions provoquées par son prédécesseur qui avait été acclamé par les milieux populaires. Il a affirmé que son principal mandat est d’organiser de nouvelles élections générales (présidentielles et parlementaires) en espérant détourner les espoirs populaires vers les urnes. Appuyant cette manœuvre, l’idée selon laquelle « le mouvement est suspendu jusqu’aux élections  » a été propagée par diverses organisations dont le MAS. Il déclarait lors de son investiture : « Je demanderai une trêve, un espace de paix nous permettant de nous donner la main pour résoudre les problème des mères qui n’ont pas de lait pour leurs enfants, pas de gaz pour cuisiner et les meilleurs des citoyens qui sont à la rue. » En ce qui concerne les revendications populaires, les gouvernants opèrent de petits reculs prudents : une renégociation des contrats en Bolivie avec un nouveau partage plus favorable à l’Etat bolivien notamment. Lors de son intronisation, Rodriguez a même déclaré que « Les hydrocarbures appartiennent à l’Etat et il faut trouver la meilleure manière de récupérer ce que la nature a donné à notre pays. »
Les leaders du mouvement appellent à la « suspension du mouvement », le justifiant par la nécessité de « permettre aux familles de reprendre des forces et constituer des stocks de nourriture et d’essence dans l’éventualité d’une nouvelle mobilisation  », et cautionnent le nouveau gouvernement, prétendant une nouvelle fois qu’il faut voir ce qu’il va faire. Le dirigeant de la confédération traditionnellement la plus ouvrière, la COB, la centrale ouvrière bolivienne, qui après bien des trahisons a repris quelques couleurs et s’est un peu radicalisée et a changé de direction lors de son congrès d’avril 2003, a finalement appelé à la grève générale reconductible, ne jure plus que par une alliance avec les militaires (« l’armée doit conduire le processus donnant ses droits au peuple » ou encore « on pourra vraiment parler d’un vrai gouvernement quand les militaires imposeront que le peuple ait le dernier mot » ) avant d’accepter le compromis avec le nouveau président Rodriguez et le report de la lutte : Jaime Solares de la COB parle à ce propos de « repli stratégique ». Le dirigeant politique du plus grand parti paysan, Evo Morales du Mouvement Au Socialisme - parti social-démocrate fondé par les paysans de la coca, parle de « la nécessité de défendre la démocratie » et se déclare comme « une opposition légale et responsable » au nouveau président Eduardo Rodriguez, affirme qu’ « il faut soutenir la transition constitutionnelle » et que l’on ne peut triompher que par les élections. Il avance la nécessité du « respect constitutionnel  » et de la « voie électorale ». Il assure que « La lutte est suspendue jusqu’aux prochaines élections » ! Contrairement à la COB, Evo Morales n’est même pas clair sur le maintien de l’objectif du mouvement : la renationalisation des hydrocarbures sans indemnisation. Le seul engagement qu’il prend en tant que candidat aux élections présidentielles de décembre 2005 est la dépénalisation de la culture de la coca. Pour le reste, il affirme que pour la production d’hydrocarbures il « entend trouver des partenaires comme l’a fait Chavez », ce qui est loin d’être clair. Le dirigeant, au départ apparemment le plus radical, celui des travailleurs de El Alto,, ville en révolution, Felipe Quispe du Mouvement Indigène PachaKutik et dirigeant du syndicat régional d’El Alto la COR, bien que dénonçant Evo Morales comme traître, déclare qu’ « il n’y a jamais eu de révolution » ! En réalité, c’est la caution des dirigeants du mouvement de El Alto qui a été la plus importante pour Rodriguez car c’était la plus difficile à obtenir vu l’importance qu’y avait eu la mobilisation. Les positions des autres dirigeants ne valent pas mieux. Ils affirment qu’il faut voir si le nouveau président ne va pas faire des propositions intéressantes concernant les hydrocarbures. Edgar Patana de la Centrale Ouvrière Régionale de la ville de El Alto et Abel Marnani de La FeJuve -fédération des comités de quartier- affirment qu’ils reconnaissent le nouveau gouvernement dont ils se déclarent « être une opposition légale et responsable » à Rodriguez. Patana affirme que « s’il a des propositions, nous les écouterons avec attention. » Et Marnani se rassure : « Ce n’est pas une révolution qui est en gestation à El Alto. » Quant aux organisations plus radicales comme, en Bolivie, le Parti Communiste Bolivien et le Parti Ouvrier révolutionnaire de Lora, s’en tiennent à un discours général révolutionnaire en paroles mais cautionnent la politique des précédents. PCB et POR jouent un rôle important au sein de la centrale syndicale COB mais ils sont loin d’y défendre une politique révolutionnaire.
Les communautés indiennes, les Huaorani de la réserve Yasuni bloquent la production de la firme brésilienne Pétrobras en juillet 2005, donnant trente jours au président équatorien pour expulser la compagnie et provoquant les protestations indignées du président brésilien Lula ! Pourtant, l’exploitation pétrolière que défend Lula détruit le parc naturel dans lequel vivent ces Indiens. On remarquera que Lula a réussi, au travers des multiples gouvernements, à toujours soutenir le pouvoir bolivien !
Malgré les manœuvres politiciennes qui voudraient bien voir la lutte se dissoudre dans les élections présidentielles de décembre 2005 (dont les sondages donnent Evo Morales vainqueur), la lutte est loin d’être terminée. Evo Morales n’est pas soutenu par les principales organisations radicales qui ont dirigé le dernier mouvement : FeJuve, COR, COB, … Déjà des assemblées de travailleurs ont appelé à la reprise de la lutte. C’est le cas notamment dans la ville d’El Alto. Le 20 août, 29 organisations ont constitué le « front ouvrier, paysan et indigène » pour préparer la suite de la lutte et présenter une alternative électorale au MAS. La bourgeoisie ne s’y trompe pas : les financiers de City group Smith Barney affirment ainsi en septembre 2005 que « la situation en Bolivie reste inquiétante et menaçante pour des trusts pétroliers comme Repsol. » Des mouvements de contestation, comme la « Rencontre continentale pour la nationalisation des hydrocarbures » convoquée notamment par le syndicat COB du 12 au 14 août 2005 à La Paz en Bolivie, posent à l’échelle de toute l’Amérique latine la question de l’expropriation, sans indemnisation, des multinationales pétrolières. Le mouvement bolivien a fait tâche d’huile en Amérique latine, influençant notamment la lutte en Equateur d’août 2005 qui a mis en avant la renégociation des contrats avec les multinationales, négociée en Bolivie, notamment un rapport 50-50 de partage des revenus entre compagnies pétrolières et Etat.

Equateur

Ce sont les masses indiennes opprimées d’Equateur qui ont marqué les luttes depuis les 90. Comme en Bolivie, la classe ouvrière est encore sous le coup des attaques (répression et licenciements) et des défaites précédentes. La crise économique équatorienne des années 90 frappe particulièrement les masses paysannes et indiennes. 40% de la population est d’origine indienne (4,5 millions) et c’est la fraction la plus pauvre de la population, encore en grande partie paysanne. Selon le Monde Diplomatique d’avril 2005 les Indiens sont « 5 millions sur une population totale de 13 millions. (...) Leur situation économique et sociale demeure catastrophique et (...) 80 à 90% dispose de moins de 2 euros par jour. » Longtemps, la principale organisation indienne, « La Conaie » ou Confédération des nationalités indigènes d’Equateur est une organisation rurale aux revendications essentiellement identitaires bien qu’elle ait dirigé des insurrections aux revendications d’abord sociales. Son bras politique était un parti indianiste prônant l’autonomie indienne appelé Pachakutif. Un très grand nombre d’autres formes d’organisation existent dans les masses indiennes : coordination des mouvements sociaux, fédération évangélique indigène, confédération des associations de quartiers de l’Equateur… De marche en mobilisation, les organisations indiennes obtiennent une reconnaissance légale de leur identité, de certains de leurs droits à la terre et une entrée dans le pouvoir politique. La mobilisation indienne monte jusqu’en 2000 où la mobilisation arrive au seuil du pouvoir.
Suite à la grève générale du 7 février 1997, le président Bucaram est destitué. En 1998, Jamil Mahuad est élu président. Il est à la fois sous la pression du mouvement populaire auquel il affirme être contre la dollarisation de l’économie et de la bourgeoisie bancaire et agro-industrielle qui lui impose de sauver les banques privées quitte à couler les revenus de l’Etat. Il est particulièrement sous la pression de la bourgeoisie de Guayaquil qui joue un rôle équivalent de celle de Santa Cruz : une aile de droite radicale exigeant qu’on fasse d’avantage payer la population quitte à réprimer et qui menace sinon de s’autonomiser. La crise économique ne cesse de s’aggraver, frappant particulièrement les plus pauvres : la population en dessous du seuil de pauvreté passe de 12% en 1995 à 21% en 1999 (et 77% dans la population rurale) alors que les prix augmentent de 52% par an (contre 22,9% en 95). Une vingtaine de banques font faillite entre 98 et 99. Le 9 juillet 1999 une grève des transports éclate contre la hausse des prix des carburants, mouvement qui paralyse le pays pendant quinze jours. Une occupation symbolique et pacifique de la capitale à l’appel de la CONAIE est violemment réprimée (17 blessés par balles, 561 arrestations). Devant la chute de la monnaie de 197% et sous la pression de la bourgeoisie, le président Mahuad se résout finalement Le 9 janvier 2000 à annoncer la dollarisation, en même temps qu’un nouveau gel des avoirs bancaires de particuliers. Les masses indiennes contestent la politique du président Jamil Mahuad de dollarisation de l’économie qui accroît la dépendance économique vis-à-vis des USA, des prix du pétrole et des investissements étrangers. Elle ne sauve, momentanément, que l’oligarchie bancaire. Avec la dollarisation, le pouvoir d’achat s’effondre car le sucre est dollarisé au taux de 25.000 sucres pour un dollar alors que dollar valait 20.000 sucres juste avant et 5700 sucres en 1998. Censée bloquer l’inflation, elle ne ralentit même pas sa hausse puisqu’elle atteint 91% fin 2000. L’Equateur est passé en 2000, pour le niveau de pauvreté, du rang 72ème rang mondial au 91ème, selon le rapport du PNUD. « La dollarisation de l’économie équatorienne a détruit l’économie paysanne  » écrit Le Monde du 23 août 2005 et la chute de la banane y a provoqué un recul catastrophique du niveau de vie des paysans équatoriens. Le 9 janvier, un appel à la grève générale est lancé. Le président décrète l’Etat d’urgence. Le 11 janvier, un « parlement des peuples indigènes » est proclamé, qui dénonce les politiques gouvernementales comme la dollarisation de l’économie ou les privatisations mais n’a jamais été jusqu’à dénoncer le capitalisme. Il formulait ainsi ses objectifs : « une économie mixte de marché solidaire auquel participent les patrons privés en respectant leur responsabilité sociale, éthique et environnementale.  » Le 16 janvier 2000, une marche massive des Indiens afflue sur la capitale Quito qu’elle occupe complètement du 19 au 21 janvier. C’est à cette date qu’un groupe de jeunes officiers conduits par le colonel Lucio Guttierrez, déclare soutenir les Indiens. Une fois de plus, les organisations indiennes n’ont pas appelé les soldats à se solidariser d’elles mais ont conclu un pacte avec une partie de l’appareil militaire, de jeunes officiers en l’occurrence menés par le colonel Lucio Guttierrez. Celui-ci déclarait être parfaitement capable de manœuvrer les dirigeants indiens : « notre relation avec eux remonte à de nombreuses années. Depuis nous avons constamment travaillé avec cette classe… spécialement la classe indigène.  » Une junte de salut national est formée avec cet officier, un ex-président de la Cour suprême et Antonio Vargas président de la Conaie. Le palais du congrès est occupé. Les généraux tentent un coup d’état qui destitue Mahuad le 21 janvier mais échoue le 22 du fait de la mutinerie d’une partie des officiers qui soutient Guttierrez. L’occupation des centres du pouvoir et la chute de celui-ci le 21, lorsqu’une partie des forces de répression, a pris partie pour la révolte. Les USA semblent avoir conseillé aux généraux de laisser faire le colonel pour ne pas risquer de radicaliser le mouvement. Le mouvement paysan et indien qui arrive aux portes du pouvoir se comporte comme un mouvement décidé à renverser et à prendre le pouvoir. A ceci près que ses dirigeants n’y sont, en réalité, nullement décidés.
Le soulèvement en masse occupant la capitale La Paz a mis à bas le régime en trois jours mais les organisations indiennes n’ont pas pris le pouvoir, incapables de l’enlever à la bourgeoisie même si ce pouvoir leur tombe entre les mains. Syndicalistes paysans et indigénistes, aussi réformistes les uns que les autres – les réformistes ont horreur du vide … du pouvoir - n’ont de cesse que de le remettre au colonel Lucio Guttierez, sous prétexte que celui-ci avait pris la tête de la mutinerie. Cette opération s’est faite avec la bénédiction de tous ses dirigeants, y compris ceux du PCMLE, maoïste. Aucune organisation indienne ne vise à une révolution donnant le pouvoir aux masses exploitées.
Et, bien entendu, les dirigeants militaires qui accèdent au pouvoir font appel immédiatement aux politiciens qui sont les pires représentants de la bourgeoisie. Cela n’empêche pas ces leaders de mouvements paysans, indigénistes et associatifs (y compris les maoïstes) de devenir ministres et de se discréditer au pouvoir comme des politiciens classiques. Ils seront bien embarrassés quand la lutte suivante débarrasse « leur » président en 2005… Quant à la bourgeoisie, elle poursuit ses pressions sur ce nouveau pouvoir comme elle l’avait fait avec les précédents. La bourgeoisie de Guayaquil organise un référendum d’autonomie de la province.
Ce dernier ayant traité de « hors-la-loi » les 5000 manifestants qui le conspuaient le 13 avril 2005 par un concert de casseroles devant son domicile, le mouvement décidait de s’appeler lui-même « la rébellion des hors-la-loi ». Du 14 au 21 avril les masses équatoriennes exaspérées occupaient massivement la capitale Quito aux cris de « Lucio dehors ! Qu’ils s’en aillent tous ! » jusqu’à ce que, devant son incapacité à imposer l’état d’urgence, le président Lucio Guttierrez démissionne le 20 avril et, encerclé par les manifestants, s’enfuie en hélicoptère (troisième président à chuter en huit ans – en 1997, 2000 et 2005) et donne le pouvoir au président Alfredo Palacio. Lui aussi fait maintenant face à la révolte qui a débuté août 2005 avec l’occupation des puits de pétrole et la grève. Lors du mouvement d’août 2005, d’autres responsables à nouveau tombés comme le ministre de la Défense, le ministre de l’Economie, le ministre de l’intérieur et le président de Petroecuador. Ce dernier est tombé suite au blocage de la centrale pétrolière équatorienne publique Petroecuador. Sous la pression de l’état d’urgence décrété par le président Alfredo Palacio et de l’intervention violente des forces de l’ordre (arrestations de leaders syndicalistes et nombreux occupants blessés) avec menace d’utilisation des armes, le pouvoir a obtenu « une trêve » des dirigeants de la lutte.
En 2005, tout a commencé par le blocage de la capitale en avril 2005 par des masses mobilisées dans la rue qui a contraint le président Lucio Guttierrez à la démission. La question agraire et la question nationale sont dans cette région loin d’être réglées en Equateur. La situation de la paysannerie est loin de s’améliorer.
Le parti Pachakutif lié à la Conaie a dirigé le mouvement de 2003 et participé au gouvernement de Lucio Guttierrez qui a suivi la chute du président Jamil Mahuad mais a perdu ensuite une grande partie de son prestige, et a été quasi absent de la mobilisation de 2005.
Et en août 2005, la bourgeoisie d’Equateur a été prise à la gorge, le pétrole équatorien ne sortant quasiment plus du pays. Les livraisons de brut aux USA étant complètement interrompues par son cinquième fournisseur mondial alors que ce dernier, principal bénéficiaire de l’exploitation ce pétrole, est plus que jamais avide de ce pétrole du fait de la pénurie mondiale. Selon la revue économique Econoticias du 26 mars 2033 : « Pour l’exportation du gaz vers les USA, pour chaque dollar qui revient à l’Etat et aux régions, les entreprises étrangères reçoivent 20 dollars. »
Le 14 août 2005, les habitants équatoriens de deux provinces pétrolières les plus pauvres du Nord-Est du pays, Sucumbios et Orellana, ont coupé les routes et occupé deux aéroports et 200 puits de pétrole. Ils ont été suivis à partir du 15 août par la grève des salariés du pétrole, bloquant la production et la livraison et exigeant que l’Etat renégocie les contrats de vente du pétrole avec les compagnies pétrolières. Pendant douze jours à partir du lundi 15 août les habitants et salariés de deux provinces d’Amazonie ont maintenu le blocage des puits malgré les agressions des forces de répression et à l’état d’urgence décrété par le gouvernement. La grève a été très importante : la production pétrolière équatorienne a chuté de 200.000 à 10.000 barils/jour. Les grévistes et les habitants revendiquaient notamment que l’argent revienne d’avantage aux régions, qu’il créée des emplois, permette de faire fonctionner les services publics et de construire 200 km de routes et autres infrastructures. Les manifestants scandaient « des routes et des emplois » et réclamaient que l’Etat renégocie avec les compagnies car les parts du butin de ces brigands sont incroyables. Ils s’attaquent aux trusts multinationaux qui pillent le pétrole équatorien et en particulier au trust Occidental Petroleum (Oxy). Cette entreprise américaine est régulièrement désignée du doigt car elle paie 12 dollars le baril alors que celui-ci est vendu sur le marché au prix moyen de 60 dollars ! Cela donne une petite idée de la rapine exercée par ces compagnies… Ces mouvements exigent que les richesses profitent d’abord aux populations. La question de la réquisition sans indemnité des hydrocarbures par le mouvement populaire est au centre d’un ensemble de revendications concernant le développement économique, la défense des services publics, la défense des travailleurs et des peuples ainsi que les revendications démocratiques (réforme agraire, question indienne, …). L’Equateur est le 5e plus grand producteur de pétrole en Amérique latine, avec une production de 541 000 barils de brut par jour, dont 201 000 provient de la société d’Etat PetroEcuador et le reste des sociétés étrangères. Le pétrole est le principal produit exporté de l’Equateur et a rapporté 3,9 milliards de dollars en 2004 mais la population n’en a pas vu un centime. En Equateur, en 1999 plus de 60% de ses 12 millions d’habitants vivaient en dessous du seuil de pauvreté et le chômage dépasse 50% alors que les ressources en pétrole, surexploitées, menacent de s’épuiser.
Le journal Le Monde du 23 août écrit « Les habitants de ces régions pétrolières se sentent des laissés-pour-compte de l’exploitation de l’or noir qui fournit le quart du PIB du pays mais les maintient dans la misère ». Est particulièrement en cause la relation avec l’impérialisme américain dont l’Equateur est le cinquième fournisseur en pétrole brut. Volant au secours de la dictature équatorienne le président Chavez du Venezuela, tout en prétendant « ne pas vouloir s’immiscer dans leurs problèmes intérieurs » a annoncé qu’il prêtait gratuitement le pétrole vénézuelien (660.000 barils de brut) pour éviter à l’Equateur une rupture dans ses engagements commerciaux. Voilà comment Chavez prétend combattre l’impérialisme, les multinationales et lutter aux côtés des peuples d’Amérique latine ! Il faut dire que la revendication de renationalisation des hydrocarbures gène Chavez au moment où il permet la création d’entreprises 100% privées exploitant le gaz vénézuelien… Pour arrêter la grève et l’occupation des puits, le président Alfredo Palacio a fait donner l’armée, décrété l’état d’urgence et, chargé violemment ceux qui occupaient les puits blessant des centaines de travailleurs, fait de nombreuses arrestations, Les manifestants et les grévistes n’ont pas cédé à l’état d’urgence. Le gouvernement n’a repris le contrôle le 18 août qu’après avoir annoncé qu’il donnerait l’ordre aux soldats de tirer. ainsi qu’il est parvenu à mettre en place son simulacre de négociation avec l’aide des responsables des provinces qui avaient participé au mouvement, sans pouvoir pour autant faire reprendre la production et la livraison de pétrole. L’oléoduc est dynamité, les pompes et installations pétrolières endommagées et les locaux des compagnies pétrolières dévastées. Et surtout, les travailleurs de ces compagnies n’ont pas l’intention de se laisser tromper en reprenant le travail en échange de paroles… Les manifestants équatoriens ont seulement obtenu que soient transférés aux autorités locales une partie des impôts payés par les compagnies pétrolières et un engagement de celles-ci de développer les infrastructures régionales. Autrement dit, une miette.

Quelles perspective ?
L’énoncé de cette série de batailles sans véritable victoire pour les travailleurs peut sembler décourageante. Cela fait six ans que la révolte gronde en Bolivie et en Equateur, avec toute une série de mobilisations contre la misère, contre les gouvernements successifs, contre l’impérialisme et contre la classe dirigeante qui lui est liée. Six ans que les travailleurs relancent la lutte, redonnent du poids à leurs organisations discréditées par les compromissions de leurs dirigeants, font reculer les classes dirigeantes et tomber les gouvernants. Et six ans que les directions, syndicales et politiques des masses ouvrières, indiennes et paysannes sauvent les classes dirigeantes, en se contentant de changements de gouvernements, en lanternant les travailleurs et en dévoyant leur lutte. Les dirigeants réformistes des mouvements équatorien et bolivien se sont révélés Et une fois encore en 2005, les classes dirigeantes s’en tirent à bon compte, en changeant simplement de président et de promesses mensongères, en organisant de nouvelles alliances politiciennes en vue de nouveaux pièges électoraux. Avec l’aide conciliatrice de l’Eglise et des élus locaux, grâce à la politique réformistes des leaders paysans, indiens mais aussi syndicalistes, le mouvement est « suspendu » la lutte en échange de quelques concessions, dont un partage des revenus des hydrocarbures plus favorable aux pays d’origine et dans l’attente de l’issue d’une consultation électorale, comme si celles-ci pouvaient résoudre de tels problèmes.
Au vu des efforts, des sacrifices consentis, les résultats semblent relativement minimes. Ce serait faire le bilan un peu vite. On s’attendrait à ce que les travailleurs soient gagnés par le découragement et cela ne semble pas être le cas. Au contraire même, dans ces deux pays, de 2000 à 2003 et de 2003 à 2005, la participation de la classe ouvrière, le caractère massif de sa mobilisation n’a cessé de croître, de nouvelles générations de travailleurs et de militants se forment grâce à ces expériences nouvelles. La classe ouvrière revient de loin en termes de mobilisation et d’organisation. Dans les années 90 elle atteint le fond et elle semble en train de se redresser. Une partie de la bourgeoisie, de ses hommes politiques et y compris l’impérialisme US, semblent avoir perçu le danger et, dans les événements récents, ont fait pression pour éviter un affrontement décisif. Cela révèle que le rapport des forces commence peut-être à devenir favorable aux travailleurs. Cependant l’affrontement ne peut être éternellement différé. Cette situation de match nul est inacceptable pour les deux camps, d’un côté les travailleurs qui subissent une crise économique de plus en plus catastrophique et de l’autre une fraction de la bourgeoisie liée l’agro-business (de Guayaquil comme de Santa Cruz) et une partie de l’appareil militaire, qui rêve d’en découdre. Tiraillés entre ces violentes forces adverses, les régimes tentent de résoudre une équation impossible puis tombent. Dans ces conditions, ce qui menace les travailleurs dans un premier temps, ce n’est pas seulement les réactionnaires de Santa Cruz qui peuvent difficilement jeter de l’huile sur le feu pour le moment. Ce n’est pas encore la dictature militaire réactionnaire qui menace. Ce serait plutôt le risque que le mouvement populaire soit dévoyé, divisé ou trompé par la démagogie de militaires radicaux et nationalistes, défendant un discours à la Chavez ou par les illusions réformistes semées par des leaders réformistes comme Evo Morales.
Il n’y a pas de solution réformiste, pas de politique de la bourgeoisie qui puisse satisfaire les travailleurs, pas d’arrangement possible. Un des camps doit triompher de manière décisive. Pour ne pas en rester aux « solutions » trompeuses du passé, la classe ouvrière doit développer sa propre politique. Il ne s’agit pas seulement qu’elle soit l’aile marchante de la mobilisation de toutes les couches sociales opprimées. Il faut aussi qu’elle soit organisée en tant que classe, c’est-à-dire de manière indépendante. Aucune assemblée populaire ne peut remplacer la formation de comités dans les quartiers mais aussi et surtout dans les usines, les mines, les puits de pétrole ou les bureaux. Il faut non seulement que cette classe revendique pour elle-même mais mette en avant des revendications de tous les opprimés (la réforme agraire, les droits des Indiens, le contrôle des richesses par la population) mais il faut surtout qu’elle fasse de ses comités de mobilisation des embryons d’un nouveau pouvoir. Un pouvoir par lequel les travailleurs contrôleront que les richesses ne soient pas à nouveau volées par les classes dirigeantes et s’en assureront les armes à la main. Sans ces comités, et sans cette volonté qui va avec de tout contrôler, dire que les hydrocarbures appartiendront au peuple tout entier ne peut qu’être un mot creux.
Sur la question des hydrocarbures, revendication qui unifie la lutte, comme sur toutes les autres questions, ls travailleurs doivent avoir des objectifs propres qui les distinguent des directions réformistes bourgeoises et petites bourgeoises. La nationalisation ne suffit pas, même si elle est assortie de l’absence d’indemnisation. La bourgeoisie impérialiste a mille moyens de se faire indemniser… L’Etat bourgeois sait parfaitement comment mettre une nationalisation au service des intérêts de la bourgeoisie. Car le problème provient de la nation, de l’Etat, qui est à leur service. Notre objectif doit être la socialisation des richesses et non seulement leur nationalisation. Cela suppose que les travailleurs organisent eux-mêmes le contrôle de la production, de la distribution des hydrocarbures mais aussi de toute l’économie. En somme, il n’y a pas d’autre alternative à la dictature de la bourgeoisie que celle du prolétariat en armes et exerçant par lui-même le pouvoir. Mettre seulement en avant des aspirations générales démocratiques, c’est noyer les travailleurs dans la masse des opprimés des campagnes. C’est risquer qu’à nouveau, les revendications de la révolte, y compris celles des paysans et des Indiens, soient renvoyées aux calendes grecques, ou plutôt boliviennes et équatoriennes ! Toute autre perspective serait illusoire et, du coup, criminelle car elle désarmerait les travailleurs et boucherait la voie de la lutte, la livrant finalement à une défaite certaine et mortelle. La révolution de 1952 comme les multiples expériences de luttes des travailleurs des villes et des champs de Bolivie comme d’Equateur méritent qu’on en tire les leçons. Préparer la mise en place d’une telle politique, c’est construire une nouvelle direction révolutionnaire, celle dont les travailleurs ont aujourd’hui un urgent besoin.
En Equateur comme en Bolivie, les travailleurs sont devant des échéances déterminantes pour leur avenir. Tout dépendra de la politique que mèneront leurs organisations. Dans ces conditions, le réformisme n’est pas seulement une erreur mais un crime. Du moment que se pose la question du pouvoir, le plus radical des réformistes n’est qu’un modéré quand ce n’est pas un traître Pour l’ensemble du continent latino-américain en crise et en révolte, ces deux mouvements vont jouer un rôle fondamental pour l’avenir. Les groupes trotskystes boliviens et équatoriens sont encore des petits groupes mais en période de crise les semaines et même parfois les jours comptent comme des années.

L’ancien syndicaliste Lula à la présidence du Brésil

Pour une grande partie de la presse française, la venue de Lula au pouvoir au Brésil est une victoire de la démocratie, de la gauche et même des travailleurs. Selon l’Humanité, “ un vent d’espoir souffle sur l’Amérique latine ”. Elu président au deuxième tour avec plus de 61% des voix, l’ancien ouvrier métallurgiste, dirigeant du Parti des Travailleurs, suscite il est vrai énormément d’espoirs de la part des travailleurs, des chômeurs, des paysans pauvres et même de la petite bourgeoisie. Des millions de Brésiliens ont attendu plus de sept heures dans d’immenses queues sous quarante degrés de température et dans une ambiance survoltée pour voter Lula. Les manifestations populaires lors de sa victoire électorale ont illustré combien les petites gens veulent croire qu’il va les sauver, à un moment où le pays est frappé par une crise sans précédent, au bord de la catastrophe économique et sociale.
En dépit de l’image de syndicaliste et d’homme politique d’une gauche radicale qu’il s’est forgée depuis longtemps, Lula arrive au pouvoir ouvertement pour aider la classe dirigeante à résoudre ses problèmes et pas du tout pour résoudre ceux des exploités, des opprimés et des pauvres. Après le résultat du premier tour, une représentante du PT expliquait sur la radio française RFI que Lula allait avoir une lourde tâche pour faire accepter les sacrifices mais qu’il avait une grande capacité de dialogue… Cela signifie qu’il va mettre au service des patrons toutes ses possibilités au sein des mouvements populaires : dans le Parti des Travailleurs (PT) mais aussi dans le syndicat CUT ou dans le Mouvement des Sans Terre (MST). Lula appelle “ tous les entrepreneurs, tous les syndicalistes, tous les ouvriers et tous les paysans à construire le pays. ” Et comme il l’a dit lui-même, “ la partie la plus difficile commence maintenant ” car rien ne dit que les travailleurs, les chômeurs et les paysans pauvres se laisseront faire. Le Journal du Dimanche écrit : “ Une fois Lula au pouvoir, des dizaines de millions de Brésiliens exigeront une politique de gauche et feront pression pour que leur nouveau président tienne ses promesses. ” Vrai ou pas, en tous cas la partie qui va se jouer pourrait être d’autant plus difficile que la contradiction est brutale entre les espoirs soulevés et la politique que Lula va mener au pouvoir. Rien ne permet cependant encore d’affirmer si sa mise en œuvre va soulever la colère et entraîner dans la lutte les plus démunis ou au contraire susciter le découragement des classes populaires.
Ce qui est certain en revanche, c’est que les travailleurs brésiliens et tous les exploités vont, plus que jamais, avoir besoin d’une organisation qui leur apporte une claire compréhension de la situation, leur trace des perspectives de lutte.
Pas de créneau pour une politique social-démocrate réformiste
Lula n’a pas uniquement obtenu les suffrages des classes pauvres. Et dans la campagne électorale il a bénéficié du soutien évident d’industriels et de politiciens centristes ou réactionnaires. Si la bourgeoisie la plus riche de l’Amérique Latine a dû, pour gouverner, faire appel au Parti des Travailleurs, qui est loin d’être un parti bourgeois classique, ce n’est certainement pas parce qu’elle s’est convaincue d’ouvrir davantage la démocratie au Brésil. Pas non plus de permettre aux travailleurs (ou même seulement à des syndicalistes) d’avoir une part du pouvoir. Cette bourgeoisie a une autre tradition : elle a eu plus souvent l’occasion de gouverner à l’aide de la dictature militaire et par la répression ouverte. Si elle est amenée à recourir à un parti d’origine aussi populaire – et même prolétarienne – c’est parce qu’elle a besoin de tout le crédit de celui-ci pour maintenir un relatif calme social dans le contexte de l’offensive contre les classes pauvres qu’elle entend mener.
Tous les partis bourgeois brésiliens ont usé leur crédit jusqu’à la corde. Ils sont discrédités par leurs mensonges, par leur corruption et par les sacrifices qu’ils ont imposés aux masses populaires sans parvenir à relever l’économie. Le dernier président en date, Cardoso, s’est particulièrement illustré en la matière, au nom de la lutte contre l’inflation. Résultat, la monnaie s’effondre dans des proportions impressionnantes : le dollar est passé de 1994 à aujourd’hui de 1 à 3,8 reals et la dette de 148 à 235 milliards de dollars. Un milliard de dollars quittent le Brésil chaque semaine. La crise économique sape les fondements de toute la société brésilienne. Les classes dirigeantes sont prêtes à tout essayer pour s’en tirer en la faisant payer aux exploités. L’économie brésilienne ne tient pour le moment que grâce à l’aide financière massive du FMI (un nouveau prêt de 30 milliards de dollars !), mais la remise de 80 % du chèque est conditionnée par de nouveaux sacrifices que le gouvernement Lula s’est engagé à imposer.
Lula a signé les engagements à l’égard du FMI et des financiers nationaux et internationaux qui saignent le pays, déclarant : “ L’accord avec le FMI peut laisser le pays respirer ”. En réalité, il s’est engagé à l’étouffer pour faire en sorte que le budget de l’Etat serve essentiellement à payer la dette, en augmentant les impôts et en diminuant les dépenses, c’est-à-dire en s’attaquant aux services publics et aux budgets sociaux. Il va mener une politique anti-sociale, sans que rien n’assure pour autant que ce choix suffise à éviter au Brésil la même évolution catastrophique que son voisin l’Argentine.
Lula n’a pas cessé de faire des gestes en direction du patronat brésilien, de l’église et de l’armée pour convaincre la bourgeoisie qu’il est prêt à mener la tâche en question. Il a fait disparaître toute référence au socialisme de son programme de gouvernement. Il a choisi comme vice-président un grand patron du textile, José Alencar, président de la confédération du patronat dans l’Etat de Minas Gérais, lequel a soutenu le coup d’Etat militaire de 1964 et est lié à la secte maffieuse nommée Eglise universelle du royaume de Dieu… Il a récolté des applaudissements de parterres de patrons en leur annonçant des baisses de charges et même été acclamé lors d’une assemblée des officiers supérieurs de l’armée à laquelle il a fait de multiples promesses sonnantes et trébuchantes. Il promet aussi à l’Eglise la suppression de ses impôts. C’est ainsi qu’il obtenu au deuxième tour sinon directement au premier, le soutien de plusieurs partis bourgeois et même d’anciens chefs d’Etat.
Mais en même temps qu’il se montrait responsable vis-à-vis des intérêts capitalistes, Lula se devait quand même de susciter quelques espoirs. Son programme économique dans les dernières élections présidentielles ne prétend certainement pas s’attaquer à la bourgeoisie, ni locale ni impérialiste, mais Lula continue de laisser croire qu’il y aurait place au Brésil pour une politique réformiste au sein du système capitaliste. Il laisse entendre qu’avec l’aide de l’Etat, la bourgeoisie brésilienne va se mettre à investir dans la consommation populaire et, du coup, à embaucher massivement. Il a promis la création de milliers d’emplois, l’augmentation des salaires et la lutte contre la misère. En réalité, son programme de restrictions des dépenses de l’Etat, comme celui de ses prédécesseurs, ne mènera qu’à des licenciements massifs de fonctionnaires et à la dégradation des services publics.
Comme l’écrit le journal les Echos : “ Les milieux populaires attendront de lui des mesures sociales. Mais il y a fort à parier que les efforts fiscaux qui seront demandés au pays devront d’abord financer les déficits existants. Quelle marge restera-t-il alors pour convaincre le peuple qu’un véritable changement a eu lieu ? ”
Soit Lula parvient à faire accepter les sacrifices aux plus démunis en mettant au service de sa politique la centrale syndicale CUT et le MST, liés tous deux au PT, soit il n’y parvient pas et il usera de la répression. Dans un cas comme l’autre il aura servi la bourgeoisie. A condition que les travailleurs veuillent bien se laisser faire…
La situation économique et sociale ne laisse pas vraiment place au réformisme, moins que jamais pourrait-on dire. Les suppressions d’emplois et les baisses de salaires dans le secteur privé comme dans le public sont déjà en œuvre. En réduisant le budget, en licenciant et en baissant les salaires, il ne peut être possible de relancer l’économie brésilienne par la consommation.
Les questions sociales explosives ne manquent pas déjà dans ce pays où 1% de la population détient 53% des richesses, où 34% des 174 millions d’habitants vivent avec moins de 30 euros par mois (chiffres cités par l’Humanité). Cela se traduit déjà par des confrontations permanentes. L’entretien des forces de l’ordre qui répriment les pauvres, celles de l’Etat, mobilise un budget considérable. Sans compter les armées privées, les milices, les maffias, les bandes d’assassins des grands propriétaires terriens et les gardes des quartiers riches (400 000 gardes privés). Ces forces de répression détiennent déjà un triste record mondial : celui du nombre d’enfants pauvres assassinés. Et les militants des sans terre, les syndicalistes ou les militants du PT, comme de nombreux ouvriers et paysans, ont été aussi la cible des tueurs. Ce n’est pas “ le dialogue ” de Lula qui évitera les confrontations entre grands propriétaires et paysans sans terre, entre pauvres et gardes des quartiers riches ou des grands magasins.
A côté de la lutte des sans terre contre les grands propriétaires (1% des propriétaires détiennent 44% des terres et les 40% des paysans les plus pauvres n’en possèdent que 1% ), s’ajoute la question des indigènes qui réclament la restitution des terres qui leur ont été volées. En Amazonie, elle touche au sommet des forces armées, où des hauts gradés sont directement intéressés à l’exploitation de ces terres. Et Lula ne s’est jamais aventuré sur ce terrain. Il sera contraint de prendre parti et là aussi des confrontations sanglantes sont possibles. Reste aussi la question de l’esclavage, encore employé par des grands propriétaires terriens, en particulier dans les Etats de Para et de Mato Grosso.
Esclaves face aux exploiteurs esclavagistes, grands propriétaires terriens face aux paysans sans terre, travailleurs face aux patrons, riches des beaux quartiers face aux pauvres des favelas, ce qui se prépare ne ressemble pas au slogan “ peace and love ” de Lula ! En tout cas, les exploiteurs ne le laisseront certainement pas jouer les conciliateurs.
Les patrons de l’industrie veulent modifier la législation du travail pour flexibiliser l’emploi, les horaires et les salaires. Ils veulent licencier, imposer des “ départs volontaires ” et ils comptent sur Lula pour obtenir une caution syndicale. Les financiers internationaux veulent eux aussi des décisions rapides en leur faveur et menacent sinon d’aggraver encore la chute de la monnaie, d’accélérer la fuite des capitaux et la faillite du pays. Les USA entendent imposer leur politique économique au Brésil et son entrée dans le marché libre des Amériques, l’ALCA, dont le Brésil serait le principal fleuron. Dans tous les domaines, les classes dirigeantes comptent sur des décisions qui doivent être prises très rapidement. Lula ne pourra faire illusion bien longtemps. Enrique Iglesias, président de la banque interaméricaine du développement écrivait dans Le Monde du 1er octobre 2002 : “ Je connais Lula (..) et je crois qu’il va faire une politique sérieuse ”
Le parti (dit) des travailleurs
Né en 1980, le PT a suscité des espoirs dans la population travailleuse et chômeuse ainsi que chez les paysans pauvres, parce qu’il a une origine bien différente des multiples partis de la bourgeoisie brésilienne. C’est l’un des premiers partis ouvriers au monde et il organise politiquement la plupart des militants syndicalistes radicaux du pays. Il est né en se fondant essentiellement sur un courant militant au sein de la classe ouvrière brésilienne, courant à la fois syndicaliste, lié à la fraction “ de gauche ” de l’Eglise catholique (théologie de la libération) et à l’extrême-gauche (trotskyste, maoïste, castriste).
Le PT est né de l’industrialisation forcée, qui a vu le prolétariat brésilien quadrupler, et se concentrer (6 millions d’ouvriers industriels à Sao Paolo, au début des années 80), et de la lutte contre la dictature militaire. Des centaines de milliers d’ouvriers métallurgistes de la périphérie de Sao Paulo, nommée ABC, lancent une première vague de grèves en 1978 alors que celles-ci sont encore interdites. Les travailleurs apparaissent alors comme la seule force capable de s’opposer au pouvoir militaire. Ceux de l’ABC sont dirigés par un syndicaliste, Lula. Un meeting gigantesque est alors organisé dans un stade. Pour contraindre les travailleurs à abandonner la grève, le pouvoir fait arrêter Lula et interdire le syndicat des métallurgistes. Mais une campagne de soutien impose la libération de Lula.
Dès le début, Lula entend utiliser le crédit que lui donne la direction des grèves ouvrières. Il se tourne vers le parti de Fernando Henrique Cardoso (à l’époque sociologue ex-stalinien et actuel président). Lula est alors son porte-parole aux élections sénatoriales ! Les militants syndicalistes, qui se battent contre la bureaucratie des syndicats officiels, corporatistes et liés au pouvoir (la CUT ne sera fondée qu’en 1983), ressentent la nécessité d’un relais politique et voudraient ne pas servir de marchepied à des partis bourgeois. S’appuyant sur la montée des grèves, dès 1979 ils se sentent en mesure de fonder leur propre parti.
C’est au XI° congrès des métallurgistes à Lins (Sao Paulo) que l’idée d’un parti des travailleurs a gagné les cœurs et les consciences, dans l’enthousiasme des grèves des métallurgistes de Sao Bernardo, après leur victoire contre les multinationales de l’automobile et contre les militaires au pouvoir. La fondation du PT rencontrera le soutien des oppositions syndicales liées à l’Eglise. A l’époque l’église brésilienne marquée par la “ théologie de la libération ” n’a pas encore été remise au pas par le pape. Le PT bénéficiera également de l’appui des militants révolutionnaires, en particulier des trotskystes. Sa création va surtout se heurter à l’hostilité des syndicalistes liés aux partis staliniens et sociaux-démocrates.
Au début, le PT est un parti à direction très ouvrière. Les métallurgistes y sont nombreux. Entre 1979 et 1981, la moitié des membres des commissions sont des syndicalistes. Mais cela va changer : en 1988, sur 20 dirigeants il ne reste plus que 5 travailleurs, et qui ne travaillent plus depuis longtemps pour la plupart.
La transformation du PT est progressive et suit deux étapes fondamentales : l’arrêt de l’organisation des travailleurs au niveau de l’entreprise, et l’ancrage et la participation aux structures municipales puis fédérales. Ainsi jusqu’en 1983, le PT organise les travailleurs dans des “noyaux” par entreprises et convoque des réunions inter-entreprises nationales et locales. A côté d’une organisation par branches (imprimerie, métallurgie, poste, travailleurs des Banques), existait de forts noyaux dans des entreprises de construction mécanique comme Caterpillar, Monark, Volkswagen ou Mercedes. En 1983, avec la fondation du syndicat CUT, le tournant est pris et cette forme d’organisation politique déclinera. La participation à l’organisation syndicale et à la gestion, municipale ou fédérale, “ professionnalise ” la direction du PT : en 1997, 60% des délégués de la Rencontre Nationale sont des permanents (18% des parlementaires, 13% des conseillers municipaux, 8% des fonctionnaires à plein temps du pouvoir fédéral, 6% des permanents du PT, 2% des permanents de diverses tendances du PT, 9% des permanents du mouvement social...).
Avec la V° Rencontre Nationale en 1987, le PT va pratiquer un recentrage politique en prônant ouvertement une “ alliance entre classes ” qui va s’accompagner d’un tournant vers les classes moyennes et aussi d’un accroissement au sein du parti du poids des élus aux différents niveaux des institutions et d’un affaiblissement de celui des syndicalistes. La CUT se recentre également. Progressivement elle devient majoritaire – la CGT l’est encore en 1988 – et adopte des statuts interdisant les listes issues de la base, gênantes pour la direction, permettant ainsi à cette dernière de faire disparaître des oppositionnels des listes.
En France, Lula a été souvent présenté comme une garantie du caractère prolétarien du PT, un dirigeant d’une “ gauche radicale ” si ce n’est d’une espèce d’extrême gauche, même si les commentateurs ont petit à petit reconnu que le radicalisme de Lula devenait de plus en plus light. Mais il n’est pas réellement du côté des travailleurs depuis belle lurette, et il ne s’est jamais prétendu ni révolutionnaire ni communiste. Lula s’est par exemple illustré en refusant de s’associer aux manifestations populaires de 1992, lorsqu’accusant le président Collor de corruption, la population occupait les rues. Il avait alors exclu de son parti les militants qui lui avaient désobéi en participant à la mobilisation.
Dans de nombreuses luttes, les militants du PT mènent dans la centrale syndicale CUT une politique de conciliation avec la bourgeoisie, signant des accords contraires aux intérêts des travailleurs. Ce fut flagrant lors de plusieurs conflits dans l’automobile. Pour se faire passer pour un syndicat “ constructif ”, la CUT a aussi signé un projet commun avec la Fédération des patrons de l’Etat de Sao Paolo sur la réforme des retraites. La CUT a également mis de l’eau dans son vin lors des négociations sur une réforme de la sécurité sociale.
Il est arrivé au PT et à Lula de se désolidariser de luttes menées par ses militants au sein de la CUT. Ainsi, quelques semaines avant l’élection de 1994, les employés de banque, les travailleurs de Pétrobras et les métallurgistes de Grand Sao Paulo ont débrayé à l’appel de la CUT pour dénoncer les pertes de salaire liées à la politique dite anti-inflation du gouvernement Cardoso (le plan Réal). Pour Lula : “ le moment est mal choisi ”. Il se refusait, même en paroles, à combattre le plan Réal considérant qu’il n’était pas la seule propriété de Cardoso et qu’il ne fallait pas rompre avec les classes moyennes. Pour lui, il ne fallait rien faire qui puisse gêner son élection, car une fois élu, il saura comment lutter contre les baisses de salaires.
Déjà en 1994, Lula commençait à prendre ses distances vis-à-vis du mouvement des paysans sans terre, le MST, pourtant largement dirigé par les militants de son parti : “ Cela n’avancerait à rien d’exproprier des terres si c’est pour que d’autres continuent à les maintenir improductives. Notre priorité n’est pas par conséquent la réforme agraire. Notre priorité c’est l’agriculture brésilienne. Nous avons en tête de transformer le Brésil en puissance agricole. ”
En 1998, Lula se tient à l’écart du débat sur la privatisation de l’entreprise de télécommunication nationale Telebras sous prétexte qu’il doit se centrer sur la campagne présidentielle qui va suivre. Le militantisme en prend un coup au PT comme à la CUT, mais les succès électoraux semblent lui donner raison. En 2000, vingt-cinq millions de Brésiliens vivaient dans une ville gérée par le PT. Cela signifiait une implantation dans la population mais aussi un développement du clientélisme du PT. Et avec 2485 élus (contre 1800 en 1996), une indépendance du parti encore accrue vis-à-vis de sa fraction ouvrière. Et ces municipalités gèrent la misère parfois aussi durement que la droite comme le montraient le licenciement des 549 fonctionnaires en 1997 par le maire PT de Santo André, ou les augmentations des tarifs des transports imposées par le préfet PT de Sao Paulo, Marta Suplicy, ou encore l’assassinat de dirigeants des sans terre par la police de l’Etat du Mato Grosso do Sul, dont le gouverneur était Zeca du PT.
En 2001, le PT retire le moratoire sur la dette de son programme électoral (une revendication pourtant bien loin d’un refus de reconnaissance des dettes de la classe dirigeante au profit de la finance internationale).
Lula déclare même au cours de la campagne présidentielle que son parti doit être étiqueté “ plutôt centre-gauche ”. Le président du parti, Jose Dirceu, le qualifie lui de “ parti du centre ”. Dans sa présentation aux médias en tant que présidentiable, Lula affirme : “ J’ai conscience que ce fut très important pour le PT d’afficher la radicalité qu’il avait (l’imparfait est de Lula) pour pouvoir trouver sa place dans l’échiquier politique ”. Maintenant que cette place est trouvée, il peut jeter aux orties sa “ radicalité ”… Il annonce déjà qu’il combattra les prochaines occupations de terre en utilisant la violence. Si certains se rassurent en pensant que c’est seulement une astuce électorale, ils risquent d’être vite édifiés.
Dès maintenant une fraction du PT, de la CUT, du MST et de tout le mouvement populaire conteste Lula et lui reproche de se vendre à la bourgeoisie. Le journal français Libération ironise sur cette “ gauche de la gauche qui déjà grimace de devoir ingurgiter le Lula light qui annonce austérité budgétaire, coopération avec le FMI et dialogue avec les Etats-Unis. Mais rien n’est jamais acquis en politique. Les atouts de Lula, outre sa popularité, ne sont pas négligeables. ”
Effectivement rien n’est acquis pour Lula car, s’il dispose d’un poids important dans les organisations de travailleurs, les atouts de l’extrême gauche ne sont pas non plus négligeables. Que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du PT, comme dans le mouvement syndical où le PC do Brazil représente 40% de la CUT, et le PSTU 10%.
Les tendances “ de gauche ” au sein du PT
Le PT a jusqu’à quatorze courants en son sein parmi lesquels plusieurs sont d’extrême-gauche et notamment quatre tendances trotskystes : O Trabalho (courant lambertiste), Socialismo revolucionario, Democracia socialista (liée au Secrétariat Unifié auquel appartient en France la LCR), Corriente socialista dos trabalhadores (courant moréniste). Ce qu’il est convenu d’appeler “ la gauche du PT ” comprend également d’autres tendances : Força socialista (de gauche dite radicale), Articulaçao da esquerda (scission à gauche du courant majoritaire), Movimiento por un tendencia marxista (se dit communiste), Movimiento pela reafirmaçao do socialismo (se dit socialiste)… Bien que divisée en de multiples tendances, la “ gauche ” du PT représente une fraction importante des militants et des votes mais ce n’est pas elle qui dirige ni influence réellement la politique du PT et encore moins celle de Lula.
Articulaçao da esquerda (Articulation de gauche)
Cette “ gauche du PT ”, scission de la tendance majoritaire, n’est pas révolutionnaire mais elle a été heurtée sur plusieurs points par les décisions de Lula et en particulier par ses alliances, localement, régionalement ou même nationalement. C’est la tendance qui a géré l’Etat de Rio Grande do Sul en collaboration avec la tendance d’extrême gauche Democracia Socialista.
Sans trop s’opposer à la majorité, cette “ gauche du PT ” a connu d’importants succès électoraux à la chambre fédérale de députés. Si elle n’a critiqué la direction du PT que de façon très modérée, elle s’est montrée plus virulente vis-à-vis des tendances trotskystes extérieures au PT, et notamment vis-à-vis de Ze Maria candidat du PSTU, “ coupables ” d’empêcher l’élection de Lula au premier tour. Ses militants risquent cependant de ne pas apprécier toutes les couleuvres que Lula au pouvoir voudra leur faire avaler.
Bloco da esquerda (Bloc de gauche)
Ce regroupement de plusieurs tendances locales ou nationales (Refazendo, Forum socialista et Força socialista), se voulant plus à gauche que la direction du PT et que l’Articulaçao da Esquerda, a connu un important accroissement électoral. Issue de courants d’extrême-gauche, elle justifie par des considérations tactiques un soutien très peu critique vis-à-vis de la direction.
O Travalho (Le travailleur)
La tendance OT, issue du groupe trotskyste OSI (Organisation Socialiste Internationale du courant lambertiste lié à l’OCI française), est passée d’une critique radicale de la direction du PT, traitée de direction bourgeoise, à un alignement complet sur cette direction. Après avoir dénoncé la création du PT comme une manœuvre de la dictature militaire, puisque la contestation syndicale avait émergé des organisations corporatistes à la fin des années 70, ce courant s’est rapidement converti en accomplissant un virage à 180°. La tendance Lambert au sein du PT s’est mise à cultiver l’idée qu’il fallait se contenter de soutenir la majorité au sein du PT. Cela a surtout eu comme conséquence l’entrée d’un grand nombre de militants et de dirigeants de cette tendance dans la majorité qui soutient Lula. Après son auto-dissolution en 1987 et l’entrée d’un grand nombre de militants et de la majorité des dirigeants de cette tendance dans celle de Lula, une minorité de la direction s’est maintenue en tendance. Puis l’OT a considéré que la tendance majoritaire (Articulaçao) avait effectué un tournant à droite et elle a entamé en conséquence une nouvelle politique àl’intérieurdu PT, s’unissant ainsi avec les autres tendances issues de l’extrême gauche pour combattre les choix de la direction.
En 1992, OT a soutenu les militants favorables à la mobilisation populaire contre le président Collor et voté contre l’exclusion du PT de la tendance Convergence Socialiste accusée d’avoir rompu la discipline sur cette question. Si ce courant a eu dans le passé des élus, y compris un sénateur et des conseillers municipaux et fédéraux, et conserve un poids dans certains syndicats, elle n’a pas mené à ce jour de vrai combat contre la direction majoritaire. L’essentiel de sa propagande au cours de l’élection s’est faite pour le soutien sans faille à Lula, et avec en parallèle une discrète campagne contre l’ALCA et la proposition de quelques revendications que Lula “devrait reprendre”.
Corriente socialista dos trabalhadores (Courant Socialiste des Travailleurs)
Ce courant est issu d’une scission de la tendance moréniste Convergence Socialiste exclue en 1992. La majorité de ce courant est liée au groupe trotskyste argentin MST (d’origine moréniste) et la minorité au groupe français La Commune. Ils sont opposés à une critique publique de la politique de Lula. Ils ont une certaine influence locale et deux députés fédéraux.
Démocracia socialista (Démocratie Socialiste)
C’est la plus importante tendance d’extrême gauche restée au sein du PT après les exclusions de tendances trotskystes en 1992 et 1994. Possédant un grand nombre de dirigeants, appréciés semble-t-il au sein du PT – comme Raul Pont (qui a été le second candidat à la présidence du parti avec 17,53% des voix en 2001) et Heloisa Helena – la DS est une tendance qui se revendique de la IVème internationale (secrétariat unifié). Elle se présente comme la tendance anti-mondialisation la plus active dans le “ forum social ” de Porto Alegre, ville dont elle a longtemps dirigé la mairie.
DS a entretenu l’illusion que le PT allait permettre de construire un parti révolutionnaire. Jao Machado écrivait en juillet 1992 dans la revue Em Tempo : “ En 1988, nous considérions que le projet de construction du PT comme un parti révolutionnaire était majoritaire dans la direction. ” Puis, en maintenant que le PT était “ un parti de classe et socialiste qui invente une voie non sectaire pour la question du parti prolétarien ”, elle avançait que la minorité de gauche donnerait une perspective révolutionnaire au parti. Em Tempo de septembre 1981 affirmait même que “ la politique adoptée par les marxistes au sein du PT que l’on dit ‘‘peu orthodoxe’’, peu cohérente dans la tradition marxiste, fut défendue… par Marx lui-même (et Engels) ”. Pour justifier la voie électorale du PT, la DS a affirmé qu’elle permettait de construire la démocratie à la base, anticipation de la démocratie socialiste et “ nouveau modèle pour la gauche mondiale à la limite de l’ordre bourgeois ”.
Daniel Bensaïd de la LCR parle même d’ “ une sorte de double pouvoir ” (International Viewpoint de septembre 2002). Il s’agit du “ budget participatif ” expérimenté à Porto Alegre, capitale régionale de l’Etat du Rio Grande do Sul, où cette tendance est principalement représentée, dont DS a fait un exemple pour les mairies PT. La municipalité de Porto Alegre fait, depuis quelques années, appel à la participation des citoyens pour la gestion de 15% environ du budget municipal concernant les “ investissements sociaux d’aide aux plus démunis ”. Entre 15 000 et 40 000 personnes élaborent des projets ou en discutent sur… 1 300 000 habitants. Et selon DS, les deux tiers des participants aux réunions ne prennent jamais la parole. Les décisions finales ne reviennent pas à la population mais à la mairie et à l’assemblée municipale. Elles s’opposent tellement peu aux intérêts de la bourgeoisie que la Banque Mondiale, peu suspecte de points de vue révolutionnaires, a cité cette gestion communale comme un exemple…
Selon DS, il s’agit d’une économie distributive qui compenserait les inégalités capitalistes et qui remplacerait l’intervention étatique par une intervention populaire. Cela permettrait d’“ aller au-delà de la gestion de l’Etat bourgeois ” et DS expliquait même que l’on effaçait ainsi la démarcation classique entre révolutionnaires et réformistes. Quel progrès dans la clarification politique !
DS affirme que “ c’est à travers la participation politique active que des millions peuvent conquérir la citoyenneté et rompre les amarres de l’exclusion et de la misère (..) A travers les institutions municipales, le PT a stimulé la participation populaire. Le budget participatif et autres initiatives sont des écoles de conscientisation politique et d’affirmation de la démocratie ”. La DS reconnaissait pourtant que “ la conquête de municipalités par le PT ne signifie pas que les travailleurs aient conquis le pouvoir dans leur ville . (...) Le pouvoir implique le contrôle des moyens essentiels de production, de l’appareil d’Etat comme un tout (…) Tout cela demeure sous le contrôle direct de la bourgeoisie. ” (cité par Inprecor de janvier 1989). Et elle admettait que le risque était grand que le parti se transforme en un appareil électoral lié à des administrations locales.
L’expérience a même contraint DS à reconnaître que la gestion des villes et Etats régionaux par le PT, peut être une cause de désillusion, nombre d’élus PT étant ensuite désavoués. Pourtant les expériences imitant plus ou moins la mairie de Porto Alegre se sont multipliées. C’est ce que remarquent deux dirigeants de DS, Heloisa Helena et Beto Bastos, à la suite des élections municipales d’octobre 2000, lesquelles ont pourtant été un succès électoral pour le PT. DS doit reconnaître que le bilan que tire la population de la gestion du PT n’est pas sans nuage : “Dans le Rio Grande do Sul, (…) nous perdons quinze villes que nous dirigions. Dans l’Etat de Minas, nous perdons aussi 15 villes. (…) La subordination du PT à des projets peu définis ou ambigus a probablement rendu moins brillante son étoile. (…) L’ “ oubli ” du drapeau rouge, de l’étoile du PT, le vide du discours, l’absence de critique sociale et de conception de lutte, un style de campagne sans combinaison avec le militantisme du PT, ce n’est pas ce qu’attend la majorité du peuple brésilien. ” (cité par Em Tempo de novembre 2000).
Ainsi, dans l’Etat de Rio Grande do Sul où la DS détient avec d’autres postes celui de vice-gouverneur avec Miguel Rosetto, le gouvernement de cet Etat a été confronté à des mouvements de fonctionnaires. Notamment celui des enseignants qui a été réprimé par la police. Luiz Marques expliquait ainsi dans Inprecor de mai 2000 que “ cela a eu pour résultat de faire passer la DS pour la tendance la plus engagée dans la défense du gouvernement ” et donc la plus hostile à la grève… c’est encore le cas dans bien des Etats régionaux gouvernés par le PT où des mairies ont pris des mesures contre les fonctionnaires ou d’autres mesures impopulaires comme la hausse des tarifs de transport.
Entre 1993 et 1995, la DS considérait cependant que la direction du PT était majoritairement de la “ tendance de gauche ”, appréciation qu’elle a révisée ensuite. En 1996, la DS était amenée à constater : “ Assurément le PT ne constitue pas le meilleur instrument que les travailleurs brésiliens pourraient se donner, mais en revanche il est impossible de se doter d’un instrument plus utile que lui. L’expérience du courant moréniste qui a quitté le PT en 1992 (Convergence socialiste, devenant ensuite le PSTU) confirme l’existence d’un espace pour la construction d’un parti révolutionnaire à l’extérieur du PT mais il est beaucoup plus étroit que celui offert en son sein. ” (Jao Machado cité par Inprecor de mars 1996).
Au sein du PT, la DS a mené une lutte de tendance en essayant de limiter ses critiques. En 1999, au congrès de Belo Horizonte, la DS a proposé au PT de défendre la renationalisation de l’énergie, de la santé et des communications. Sans succès puisque, au contraire, le PT s’est de moins en moins prononcé contre les privatisations.
La DS s’est battue surtout en 2000 contre la manœuvre (réussie) de la direction du PT pour imposer son candidat, Tasso Genro, face à l’élu sortant, Olivio Dutra, soutenu par DS au poste de gouverneur de l’Etat du Rio Grande do Sul.
Jao Machado concluait en septembre 2001 une analyse de la Vème conférence de DS : “ A l’intérieur de ce parti existe toujours un espace encore très grand pour faire une politique de gauche. ” Il citait en exemple la gestion des mairies et de certaines régions, ou encore le Mouvement des Sans Terre. Effectivement, jusque récemment la DS détenait la mairie de Porto Alegre et le vice-gouverneur de l’Etat de Rio Grande do Sul. Mais elle a perdu plusieurs de ses positions dans cet Etat où elle était particulièrement implantée. Sur ce plan-là aussi des illusions tombent : celles de la possibilité de faire une démonstration dans une région pour gagner le PT dans son ensemble à une politique “ plus à gauche ”. Luiz Marques de la DS écrivait ainsi : “ Aucune des vertus historiques de l’ancien PT gaucho (PT de Rio Grande do Sul), autrefois célébrées à tort et à travers, ne pourra survivre si elle ne s’articule pas nationalement à des changements dans le vecteur principal du parti. ”
Cependant, DS a continué d’affirmer que son soutien au PT se justifiait par le caractère indépendant, de classe et de masse du PT, malgré des stratégies que DS jugeait critiquables. La DS ne s’est pas démarquée publiquement des alliances de Lula avec les partis bourgeois même si elle l’a fait en interne, mollement. Elle s’est contentée de les qualifier de “ contre-productives électoralement ”, laissant croire qu’il ne s’agissait que de tactique et non d’un choix de classe. Raul Pont parle à leur propos de “ perte de temps ”. Pourtant, la politique de Lula est critiquée vertement au sein de la DS et celle-ci a été contrainte de reconnaître que les militants n’ont pas eu envie de faire la dernière campagne de Lula. Mise à part Heloisa Helena qui a retiré publiquement sa candidature au poste de gouverneur de l’Etat d’Alagoas pour dénoncer l’alliance de Lula avec le parti libéral, il n’y a pas eu de désapprobation publique, DS se contentant du vote d’une motion envoyée à la direction. La déclaration de DS de septembre 2002 affirmait encore : “ Une victoire du PT aux élections (…) ouvrirait de nouvelles possibilités pour la lutte pour le socialisme ”.
Democracia socialista va-t-elle décider d’œuvrer ouvertement et publiquement contre le cours droitier et bourgeois de Lula maintenant que celui-ci est au pouvoir ? Va-t-elle appeler à former un véritable parti ouvrier révolutionnaire ? Ou, au contraire, participera-t-elle même à son gouvernement pour lui donner une caution d’extrême gauche ?
Les organisations d’extrême gauche en dehors du PT
Tous les militants révolutionnaires ne sont pas dans le PT. Plusieurs groupes qui y ont milité en ont été exclus, ayant choisi de s’opposer à la direction sur des questions qui avaient dressé un grand nombre de leurs militants. En dehors du PC do Brazil, c’est le cas de deux groupes trotskystes, le PCO et le PSTU, ayant tous les deux présenté des candidats et obtenu respectivement 0,04% et 0,47% des voix aux dernières élections.
PC do Brazil
Le PC do Brazil est issu du PCB (parti stalinien), scission pro-chinoise puis pro-albanaise. Il a mené des luttes dures contre la dictature militaire et subi une féroce répression. Il lui reste cependant un crédit et une implantation importants. Il se revendique du communisme et de la révolution mais il a participé à des alliances avec des partis bourgeois “ de gauche ”. Il a été un allié non négligeable de Lula, y compris jusqu’aux dernières élections présidentielles. Mais ses militants seront-ils solidaires de la politique d’austérité de celui-ci ?
Le PCO
Le Parti de la Cause Ouvrière est issu d’une tendance trotskyste (courant moréniste) du PT qui a été exclue. Cette tendance a commencé à s’opposer à la direction du PT suite à sa contestation du choix de José Paulo Bisol, grand propriétaire terrien, comme candidat à la vice-présidence en 1989. Elle fut expulsée avant même le premier Congrès du PT en 1991 (deux congrès en 22 ans…) en tant que courant “non légal”. Sur le plan international, le PCO est lié au Parti Ouvrier d’Argentine dont le dirigeant connu est Altamira. Le PCO est critiqué par les autres groupes trotskystes qui lui reprochent d’être sectaire. Il a par exemple refusé de participer à la mobilisation récente contre l’ALCA et la dette, affirmant qu’elle était manipulée par l’église et la bureaucratie du PT… alors même que la direction du PT semblait plutôt gênée par cette mobilisation et s’en était finalement retirée. Le PCO reproche aux autres groupes trotskystes de pratiquer une politique opportuniste soit au sein du PT soit, pour le PSTU, de soutenir des candidats “ de gauche ” sans une stratégie de classe claire. Ce reproche l’amène par exemple à écrire que le PSTU “ vole au secours de la politique bourgeoise ” ou “ appuie des partis défendant un programme bourgeois ”.
Lors des dernières présidentielles, il s’est présenté pour la première fois. Il l’a fait en mettant en avant le vote de classe : “ ceux qui pointent ne votent pas pour les patrons ”. Il a également fait campagne en mettant en avant un plan d’urgence pour les travailleurs et les couches populaires.
Le PSTU
Fondé en 1994, le Parti Socialiste Uni des Travailleurs (PSTU), est issu de l’ancienne tendance Convergence Socialiste dans le PT. Elle avait été constituée par un groupe trotskyste brésilien du courant international de la LIT de Nahuel Moreno, et avait milité pour la naissance du PT au début des années 1980. Elle avait condamné la politique des alliances du PT avec les partis bourgeois et revendiqué une politique révolutionnaire pour le PT. Jusqu’en janvier 1992, date à partir de laquelle ses dirigeants ont affirmé que “ le PT a abandonné la lutte contre le système capitaliste ”. Convergence socialiste a été exclue du PT pour avoir participé et appelé aux mobilisations populaires contre le président Collor accusé de corruption par la population en 1992. Convergence Socialiste s’est ensuite regroupée avec plusieurs organisations révolutionnaires pour constituer le PSTU.
Le PSTU a mené une politique d’implantation au sein de la centrale syndicale CUT. Plusieurs dirigeants de la CUT se revendiquent publiquement du PSTU comme Luis Carlos Prates, dirigeant du syndicat des métallurgistes de Sao José dos Campos. Son leader, José Maria de Almeida, est lui-même un leader syndicaliste du secteur métallurgique. Le PSTU dit s’appuyer sur un courant qui refuse de cautionner le réformisme au sein de la centrale syndicale CUT, les compromissions du PT et celles des autres partis de gauche. Le PSTU s’est mobilisé à l’occasion de la campagne contre l’ALCA et contre la dette. Il a dénoncé le retrait du PT de cette campagne et toutes les alliances de Lula avec les politiciens bourgeois ainsi que ses compromissions avec la bourgeoisie et avec l’impérialisme (signature de l’accord avec le FMI notamment).
Dans sa presse, à diverses occasions, cette organisation s’est déclarée solidaire de la politique de Lutte Ouvrière, notamment lors des candidatures d’Arlette Laguiller.
Le PSTU a participé à l’élection présidentielle au Brésil sous son propre drapeau avec un résultat modeste (400.000 voix), ce qui représente néanmoins le double de ses résultats aux présidentielles précédentes de 1998. Les meilleurs résultats ont été réalisés dans les zones de plus grande implantation militante de cette organisation, à Florianopolis et à Sao José dos campos. Le PSTU a centré sa campagne télévisée sur le refus de l’ALCA et du paiement de la dette. Dans sa campagne publique, il a mis en avant un ensemble de revendications des travailleurs. Pour le PSTU, il n’y a aucune illusion à se faire sur le caractère soi-disant progressiste de Lula. Estimant cependant que les travailleurs souhaitent et ont besoin de faire l’expérience de Lula, il a appelé à voter pour lui au deuxième tour avec les slogans suivants : “ Votez Lula mais maintenez votre vote contre l’ALCA et le FMI ” et “ Votez Lula mais dites non aux alliances avec la bourgeoisie ”.
Le PSTU a lancé par ailleurs un appel à tous les militants qui veulent construire un parti révolutionnaire au Brésil. Il déclare : “ La situation politique ouvre la possibilité au Brésil de lier les révolutionnaires aux masses. (…) Des pas significatifs vers la rupture ont été réalisés dans des secteurs dirigeants du PT, une rupture qui trouve son expression au travers des syndicats, du mouvement étudiant et des mouvements populaires. La nécessité et la possibilité de construire un nouveau parti de la classe ouvrière y est ouvertement discutée. ”
Pour s’adresser aux militants du PT qui ne veulent pas capituler devant la politique de Lula, le PSTU a lancé le MIS, Mouvement d’Initiative Socialiste. Il ne s’agit pas, selon lui, de fonder cette nouvelle organisation sur un programme vague, de gauche ou démocratique mais sur la nécessité de l’action directe des masses, de la révolution socialiste et du pouvoir aux travailleurs. Cette initiative aurait selon le PSTU, déjà récolté un succès dans l’Etat de Santa Catarina.
Possibilité et nécessité de la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire
Les révolutionnaires qui militent à l’extérieur du PT pourraient effectivement aujourd’hui se retrouver avec ceux qui ont misé jusque-là sur le PT à condition de cesser d’entretenir des illusions sur Lula et son parti et de renoncer à suivre une voie sectaire. Ils représentent un poids non négligeable. Chacun de ces groupes possède en son sein des militants et des dirigeants ouvriers susceptibles d’attirer à eux nombre de militants déçus du PT, de la CUT ou du MST.
Avant même que Lula ne commence à gouverner, les principales organisations populaires – Pastorales du travail (mouvement ouvrier catholique), MST et CUT – sont plus qu’embarrassées par sa politique. Au point que le MST par exemple n’a finalement pas choisi de soutenir de candidat dans la dernière élection présidentielle. La CUT est gênée par la relation ouverte de Lula avec le patronat mais également par les relations qu’il a commencé à entretenir avec le syndicat corporatiste Força Sindical, lequel propose ses services au nouveau président en affirmant que la CUT pourrait “ causer des complications au gouvernement Lula ”. Une grande partie de la force militante du PT, même si elle ne se définit pas comme révolutionnaire, n’apprécie ni les derniers discours de Lula, ni les alliances qu’il a conclues, ni son allégeance au FMI et à l’impérialisme américain. Cela fait trop de couleuvres à avaler.
Surtout que rien ne dit par ailleurs que les travailleurs brésiliens suivront Lula dans la politique qu’il s’apprête à mener et qu’ils accepteront de se laisser faire sans se battre. La classe ouvrière brésilienne ne manquera pas d’atouts pour lui résister. Il faudra compter avec toute cette fraction de militants ouvriers qui auront choisi de se démarquer clairement de Lula et de sa politique. Mais pour être réellement efficace, cette extrême gauche doit s’atteler à construire autre chose qu’un instrument au service Lula et finalement de ses maîtres capitalistes, un parti véritablement au service des travailleurs, le parti révolutionnaire, internationaliste et communiste, celui qui manque jusqu’à présent à la classe ouvrière brésilienne.
15 novembre 2002

Lula au pouvoir – suite….

Voici un an, le 27 octobre 2002, Luis Inácio da Silva, dit Lula, était élu à la présidence de la république fédérale brésilienne, avec 61 % des voix au second tour. L’élection d’un ancien ouvrier métallurgiste, ayant acquis sa popularité comme dirigeant syndical radical sous un régime militaire, a sans doute éveillé bien des espoirs dans les milieux populaires.
Mais pour la bourgeoisie brésilienne et l’impérialisme américain, le succès de Lula - d’ailleurs obtenu grâce au soutien de personnalités et de partis de droite - n’a jamais représenté un danger, tout juste une autre option politique que celle des politiciens dont ils avaient l’habitude : celle d’un président susceptible d’user de son prestige auprès des classes populaires et de ses relais dans les mouvements sociaux pour museler toute contestation sociale, tout en imposant le respect d’engagements pris, tant vis-à-vis des possédants brésiliens que de la finance internationale et du FMI. Et c’est bien ce à quoi s’emploie Lula depuis sa prise de fonctions, début janvier.
Les travailleurs et des paysans brésiliens déçus dans leurs attentes vont-ils réagir face aux sacrifices que le gouvernement entend leur imposer et à la patience qu’il leur demande. Certes, pour une large part, la réponse à cette question ne dépend pas des révolutionnaires. Pourtant l’extrême gauche trotskyste représente une force militante non négligeable au Brésil, notamment dans la classe ouvrière, et jusqu’à la direction de la principale confédération syndicale, la Central Única dos Trabalhadores (Centrale unique des travailleurs, CUT) . L’intérêt d’examiner sa politique aujourd’hui dépasse donc le débat traditionnel sur les divergences entre courants trotskystes.
Tous (ou presque) derrière Lula
Une partie de l’extrême gauche souffre d’un lourd handicap : celui d’avoir lié son sort à celui du parti de Lula, le Partido dos Trabalhadores (Parti des travailleurs, PT).
Plusieurs groupes trotskystes militent en effet au sein du PT de longue date, voire depuis sa fondation, certains avec une influence reconnue : Democracia Socialista (Démocratie socialiste, DS), tendance liée au Secrétariat Unifié de la IVe Internationale (représenté en France par la LCR) a par exemple occupé des postes importants dans l’État du Rio Grande do Sul (la mairie de la capitale, Porto Alegre ; le poste de vice-gouverneur de l’État...) et est, depuis les élections d’octobre 2002, représentée par 6 députés au parlement fédéral ainsi que par 2 sénatrices ; le Corrente Socialista dos Trabalhadores (Courant socialiste des travailleurs, CST), tendance issue du morénisme, compte un député fédéral réélu l’an dernier dans l’État de Pará, João Batista Oliveira de Araújo, dit Babá ; le Movimento Esquerda Socialista (Mouvement de la gauche socialiste, MES), également issu du courant moréniste, a aussi obtenu la réélection, dans le Rio Grande do Sul, d’une députée fédérale, Luciana Genro ; quant au courant " lambertiste ", O Trabalho (Le travail, OT), s’il n’a pas de représentation parlementaire au niveau fédéral, son principal dirigeant, Markus Sokol, siège à la direction nationale du PT.
Ces différents courants de la gauche pétiste - quelles que soient leurs divergences par ailleurs - ont tous présenté le succès du PT aux élections présidentielle et parlementaires comme une victoire contre la bourgeoisie, les latifundistes et l’impérialisme, même s’ils ont aussi critiqué l’orientation de la campagne de Lula ou les alliances sur sa droite (le Parti libéral a fourni le candidat à la vice-présidence).
DS estimait ainsi au lendemain de l’élection de Lula que " La victoire du PT est une victoire populaire et une défaite grave du néolibéralisme brésilien " représentant " un déplacement majeur dans le rapport de forces au Brésil ", quoique " limité [...] par les alliances avec des secteurs de la droite et les engagements de continuité sur les questions essentielles de la politique économique ", et concluait : " Le mouvement démocratique et populaire entreprend une expérience historique inédite et décisive, de tous les points de vue, pour notre avenir. La tendance Démocratie socialiste du PT se considère partie intégrante de ce processus en partageant tous les défis qui s’imposent au PT et à la gauche brésilienne. " Dans la foulée, DS obtenait la nomination de l’un de ses dirigeants, Miguel Rossetto, au poste de ministre en charge de la réforme agraire. L’idée que " la gauche a la légitimité pour réclamer une place dans le futur gouvernement " était d’ailleurs partagée par d’autres courants, comme le MES.
De son côté le CST, tout en considérant pendant la campagne que Lula et le PT " se proposent d’honorer tous les engagements de la bourgeoisie ", expliquait qu’" une victoire de Lula signifierait [...] un encouragement à la lutte pour tous les secteurs de la classe ouvrière. ", sachant que " la classe ouvrière du Brésil va devoir se mobiliser et lutter pour s’opposer aux plans du FMI et pour que Lula ait une politique économique diamétralement opposée à celle de l’impérialisme " !
Si le courant " lambertiste " estimait pour sa part, en mai 2002, que " Le PT et la CUT sont dirigés par un appareil lié à Lula, qui développe une politique [...] d’alliance avec la bourgeoisie, sur un programme électoral qui prétend poursuivre, pour l’essentiel, la politique du président Fernando Henrique Cardoso, soumise au FMI ", p.20, il déclarait néanmoins, le surlendemain de l’élection : " ce 27 octobre a été tournée une page de notre histoire. [...] Ceux qui, depuis toujours, ont opprimé et exploité le peuple ont été balayés " ! A noter que les " balayés "... n’ont pas tardé à réapparaître à la vice-présidence, au gouvernement, à la tête de la Banque centrale.
Principale organisation trotskyste hors du PT, dont elle s’est séparée il y a une douzaine d’années, le Partido Socialista dos Trabalhadores Unificado (Parti socialiste des travailleurs - Unifié, PSTU) vient lui aussi du courant moréniste. Pour l’élection présidentielle, il a d’abord mené campagne " pour la constitution d’un Front des Travailleurs [...] qui aurait présenté Lula candidat à la présidence et un candidat issu du MST [Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra (Mouvement des travailleurs ruraux sans-terres, MST) ] à la vice-présidence, sur un programme de rupture avec le FMI et le modèle néolibéral. " Cette proposition s’étant heurtée à un refus du PT, le PSTU a présenté au premier tour son propre candidat, José Maria de Almeida, dit Zé Maria, syndicaliste de la métallurgie, l’un des fondateurs du PT et de la CUT, et a appelé à voter Lula au second tour.
L’élection passée, le PSTU estimait " totalement erronée la position de ceux qui présentent la victoire de Lula comme le "changement possible" " et appelait " les travailleurs brésiliens à ne pas [placer , au lieu de : déposer] leur confiance, si minime soit-elle, dans le gouvernement. ", expliquant que dans la situation présente au Brésil " il n’y a pas de place pour des concessions au mouvement ouvrier ; bien au contraire Lula devra renforcer les attaques menées contre le niveau de vie du peuple. "
Comment se présente le bilan, dix mois plus tard ?
La réforme agraire et le ministre « trotskyste »
La question agraire reste brûlante au Brésil, où, de l’aveu même de Miguel Rossetto, " il est raisonnable d’estimer que 4 millions de personnes ont besoin de terres " . Et selon la Comissão Pastoral da Terra (Commission pastorale de la terre, CPT, organisation paysanne liée à l’Église), plus du quart des terres cultivables en propriété privée (lesquelles représentent plus de 40 % de la superficie du pays), laissées inexploitées, pourraient être expropriées moyennant l’indemnisation des latifundistes dans le cadre de la réforme agraire prévue par la Constitution de 1988.
Les attentes étaient donc pressantes, ce qui explique peut-être que les occupations de domaines par des paysans sans terres aient été plus nombreuses dans les six premiers mois de l’année (110) que pour toute l’année 2002. Le gouvernement Lula prétendait d’ailleurs poursuivre la réforme. Mais, la priorité étant donnée aux restrictions budgétaires, la réforme agraire marque le pas : l’objectif gouvernemental de 60.000 installations en 2003 se réduit à moins de 5.000 réalisations en 10 mois. En fait le gouvernement cède sur toute la ligne aux pressions des latifundistes : en déclarant que Lula n’a " absolument pas l’intention " d’abroger le décret de l’ancien président Cardoso excluant pour deux ans du programme de réforme agraire toute terre occupée par des paysans ; en obtenant de Miguel Rossetto l’éviction de Marcelo Resende, ancien membre de la CPT dénoncé par les grands propriétaires comme trop proche des Sans-Terres, de la direction de l’office gouvernemental gérant la réforme agraire, l’INCRA ; en laissant le ministre de l’agriculture soutenir publiquement l’armement de milices privées qui assassinent des travailleurs ruraux : déjà 53 cette année, contre 43 en 2002.
Ainsi, alors que, le 14 août, par le Tribunal suprême fédéral (la Cour suprême) annulait un décret permettant l’expropriation de 13.200 hectares au profit de quelque 500 familles - ce qui, provoquant en réponse l’occupation des terres, conduisait Miguel Rossetto à déclarer que " dans un État de Droit démocratique, les décisions de la Cour suprême doivent être respectées. " - José Rainha, dirigeant du MST, arrêté le 11 juillet pour sa participation à une occupation, en 2000, pour laquelle il encoure plusieurs années de prison, était maintenu plusieurs mois en préventive.
Nous sommes là loin des " certitudes dogmatiques " que Inprecor craignait de voir opposées à une " expérience concrète " susceptible d’" enrichir la réflexion stratégique ". Si celle-là est bien " riche d’enseignements pour la gauche radicale et révolutionnaire de par le monde ", c’est, hélas, plutôt comme illustration du rôle d’un gouvernement bourgeois et de la signification d’une participation gouvernementale, fût-elle " trotskyste ".
La réforme des retraites et des députés d’extrême-gauche
Avec la classe ouvrière c’est sur la question des retraites des fonctionnaires que le gouvernement Lula a engagé le bras de fer.
L’attaque s’inscrit dans une politique qui consiste à réduire toutes les dépenses " sociales " de l’État (réforme agraire, programme " faim zéro ", sécurité sociale...) et donc évidemment les salaires et retraites des fonctionnaires présentés comme des privilégiés face aux nombreux travailleurs ne bénéficiant d’aucune couverture sociale. D’où la reprise d’un projet reprenant les grandes lignes de ceux que le PT avait combattus sous Cardoso : attaques contre les droits à la retraite et le montant des pensions, impôts sur ces retraites, rupture de parité avec le traitement des actifs, ouverture complémentaire à des fonds privés...
Au congrès de la CUT, début juin, malgré la volonté de la direction luliste de transformer la confédération syndicale, dont la majorité des militants est liée au PT, en simple relais de la politique gouvernementale, aucun délégué n’a osé soutenir en l’état le projet de réforme des retraites. Mais contre la demande de syndicats de fonctionnaires affiliés à la CUT, la majorité s’est cependant opposée à un rejet du texte, pour ne demander que la négociation d’amendements, d’ailleurs refusés par avance par le gouvernement. Ceci n’a pas empêché le courant syndical animé par DS de constituer une liste commune avec la majorité luliste et de voter, pour la présidence de la confédération, en faveur de Luiz Marinho, soutenu par Lula. Une autre liste présentée en commun par les syndicalistes liés à OT, à d’autres courants de " gauche " du PT et au PSTU, a permis le maintien d’oppositionnels à la direction nationale.
Au lendemain du congrès, le 11 juin, avait lieu la première marche de fonctionnaires sur Brasilia, contre le projet gouvernemental. Prenant la parole lors du meeting qui a suivi, le président du groupe PT à la Chambre des députés et le nouveau président de la CUT ont été hués. À l’inverse, les " radicaux " (la sénatrice Heloísa Helena (DS) et des députés fédéraux Babá (CST), Luciana Genro (MES) et João Fontes, les seuls parlementaires du PT à avoir annoncé qu’ils ne voteraient en aucun cas la réforme des retraites) ont été " les étoiles du meeting anti-réforme ".
En fait la majorité de la gauche du PT a cédé face à l’offensive gouvernementale. Ainsi, en première lecture le 5 août, en pleine grève générale des fonctionnaires, les seuls députés pétistes à voter contre la réforme des retraites furent les 3 " radicaux " . Et en seconde lecture, le 27 août, deux députés de DS (Walter Pinheiro, vote contre, Orlando Fantazzini, abstention) ont dû s’opposer à la consigne de vote donnée par la direction de DS de s’aligner sur la majorité du groupe PT... ce qui revenait bien à choisir le camp du gouvernement contre celui des fonctionnaires.
La vraie nature du PT
Le dilemme exprimé par les députés du PT qui se sont abstenus sur la réforme des retraites - voter contre leur parti ou contre leur conscience - résume assez bien l’impasse où la politique de certaines tendances d’extrême gauche a conduit toute une génération de militants qui a participé à la construction du PT.
La naissance de ce dernier a coïncidé avec la fin du prétendu " miracle économique ", période d’investissements impérialistes massifs réalisés sous la protection de la dictature militaire instaurée en 1964. Avec l’industrialisation, le Brésil avait vu l’essor d’un prolétariat jeune et concentré, accompagné d’une urbanisation à grande échelle, surtout autour des grandes métropoles du sud. Des luttes importantes marquèrent le tournant des décennies 70-80. L’usure de la dictature militaire conduisait alors le régime à initier une libéralisation contrôlée, s’appuyant sur des partis politiques corrompus et sur une bureaucratie syndicale subordonnée à l’État (la législation en vigueur plaçant les syndicats officiels sous la tutelle directe du ministère du travail).
Dans un contexte de montée des luttes populaires - ouvrières, mais aussi paysannes -, l’obtention de véritables droits syndicaux et démocratiques devint alors l’objectif d’une génération de militants combatifs, Lula en tête, qui s’engagèrent dans la construction du PT. Mais pour différents courants politiques, opposés à la dictature comme ceux liés à la Théologie de la Libération, ou ayant même composé avec elle, comme des politiciens du PMDB (le parti de l’opposition tolérée par les militaires), participer à la construction du nouveau parti représentait avant tout un moyen de s’inviter, sur leurs objectifs politiques propres, dans le processus de libéralisation engagé par le régime. Pour ceux-là il ne s’agissait ni de parti révolutionnaire, ni même de " parti ouvrier indépendant ", mais de la mise en place d’un appareil politique capable de canaliser une éventuelle radicalisation dans un sens démocratique bourgeois.
Ce sont eux qui ont déterminé dès le début la nature du PT, quel qu’ait été le rôle de minorités révolutionnaires, comme le courant moréniste, dans la constitution du parti. Ainsi, dès la première rencontre nationale de mai 1980 (tenant lieu de congrès de fondation) disparaissaient des documents du PT les références au socialisme et à un " gouvernement des travailleurs " qui figuraient dans la Charte des principes, texte fondateur du parti. La composition de la direction, alors saluée par la presse comme une victoire des modérés et de Lula sur l’extrême gauche, conduisait d’ailleurs Raúl Pont (aujourd’hui dirigeant de DS) à déplorer que " la conception qui a présidé au lancement du PT : celle selon laquelle notre parti est un mouvement pour l’indépendance politique des travailleurs [est] aujourd’hui exclue de la commission de direction provisoire. "
Les illusions et les adaptations de « Démocratie Socialiste »
Au moment de cette première rencontre nationale, le PT revendiquait 26.000 adhérents dans 22 États ; en octobre 1980, près de 70.000. Réunissant les conditions pour obtenir sa légalisation, il devenait de fait le seul parti d’envergure nationale indépendant des appareils politiques compromis avec la dictature - l’appareil stalinien s’étant, lui, fondu dans le PMDB.
La question se posait, pour de petits groupes révolutionnaires, de militer au sein du PT. Cela pouvait répondre à un souci légitime : celui de se lier à des fractions militantes dans la classe ouvrière et la paysannerie pauvre, et, au-delà, aux franges des couches populaires qui pouvaient se tourner vers un parti revendiquant l’amélioration des conditions de vie des travailleurs et la reconnaissance de droits démocratiques.
Mais en aucun cas cela pouvait changer la nature du PT qui n’avait aucune chance de devenir le parti communiste révolutionnaire ni même au fond de rester ce qu’il prétendait être " le parti des travailleurs ". Pour les groupes révolutionnaires, outre la possibilité de faire largement connaître leurs idées, l’enjeu ne pouvait être que d’y gagner une minorité de militants et de sympathisants. Car au-delà des compromis tactiques et temporaires qu’impose l’entrée dans une semblable organisation, la nécessité pour une opposition communiste révolutionnaire de défendre ses perspectives politiques, non seulement dans des publications de tendance mais surtout dans l’arène de la lutte de classes réelle, rendait inéluctable à terme une rupture avec les secteurs majoritaires du PT (même si rien ne permettait d’en décider par avance les échéances et les conditions - ce qu’il ne s’agit pas ici de chercher à faire rétrospectivement).
Or, c’est dès le lancement du PT que le SU a entretenu des illusions à son sujet, ne voulant alors y voir que " une expression directe de la mobilisation pour une organisation de classe indépendante " et expliquant que " quelle que soit l’orientation initiale d’un tel parti ouvrier de masse, son existence même créera une dynamique qu’il sera difficile de limiter à la collaboration de classes. " Dès lors, pour le SU, l’objectif d’un tel parti, présenté comme capable d’évoluer, par-delà " les tâtonnements inévitables de l’inexpérience ", vers des positions révolutionnaires, imposait aux militants de " prendre toute leur place dans le PT, pour le construire et non pour y faire de l’entrisme comme dans un parti réformiste, pour contribuer à la formation de son programme au feu de la pratique et non pour lui faire ingurgiter de force un programme préfabriqué. "
Une décennie plus tard , le PT apparaissait de plus en plus comme une machine électorale, ouverte à des alliances avec des partis bourgeois et soucieuse de donner des gages vis-à-vis de l’État. À l’occasion du premier congrès, en 1991, le SU constatait bien " un danger de cristallisation de la bureaucratisation et de l’institutionnalisation du parti ". Mais il affirmait néanmoins qu’" avec notre poids au sein du PT et la qualité de nos cadres, nous pouvons être la force motrice pour gagner la majorité du parti à une conception révolutionnaire. "
Cette illusion a depuis fait long feu. Et DS, pour se maintenir dans le PT, a adapté son discours à l’évolution de plus en plus ouvertement bourgeoise de celui-ci. Ainsi, tout en critiquant l’orientation de la campagne électorale, la Coordination nationale de DS déclarait, en juillet 2002 : " Notre objectif est que le Parti des travailleurs (PT) reste un parti socialiste et démocratique " ; elle défendait " l’articulation entre une perspective de gouvernement et un processus de changements plus vaste, la construction du socialisme ", cette " articulation " se résumant à ce qu’" un gouvernement de gauche au Brésil ouvrirait de nouvelles possibilités pour la lutte pour le socialisme. " - formulations vagues à souhait que ne renieraient pas les dirigeants de l’Internationale socialiste avec qui Lula vient de fêter le premier anniversaire de son élection !
Le militantisme de DS au sein du PT depuis plus de vingt ans a certainement permis à cette tendance d’obtenir une audience nationale, alliée à une représentation parlementaire dont ne bénéficie pas, par exemple, le PSTU. Mais ce succès, acquis au prix d’un renoncement croissant à combattre la ligne de plus en plus anti-ouvrière et anti-populaire du PT, est finalement plus un obstacle qu’une aide au développement d’un courant révolutionnaire : la participation gouvernementale et le vote de la loi sur les retraites en témoignent ; la récente déclaration de la sénatrice PT/DS Ana Júlia annonçant que, bien qu’opposée à un nouvel accord avec le FMI, elle voterait sur ce point avec la majorité pétiste le souligne encore.
Même le prétendu " succès " de la mise en œuvre, par la municipalité DS de Porto Alegre, du " budget participatif " - applaudi par la Banque mondiale pour son respect des contraintes budgétaires imposées par la dette - en contribuant au renforcement des illusions institutionnelles, a certainement plus favorisé l’aile bourgeoise du PT que sa minorité révolutionnaire.
Le mythe du « Parti ouvrier indépendant »
Pour le courant " lambertiste ", la question du type de parti à construire ne semble même pas posée... puisqu’elle est considérée comme résolue par l’existence du PT. " Le PT du Brésil a été constitué comme un parti ouvrier indépendant, et le PT oscille. Au Brésil, l’expression indépendante existe. Nous sommes un courant officiel de la IVe Internationale dans le PT. Il est certainement inscrit que cette place va nous être disputée, mais nous devons rester fermes sur la défense du parti ouvrier ", déclarait ainsi Pierre Lambert, début 2002.
La politique menée au gouvernement en alliance avec des partis de droite - et que OT ne se prive pas de critiquer - serait l’expression des pressions de l’impérialisme sur la direction d’un parti qui " oscille ", alors que l’existence du PT comme parti rassemblant " tous les courants du mouvement ouvrier " constituerait le dernier rempart contre les plans destructeurs du FMI ! D’où une défense inconditionnelle de l’unité du PT et de la CUT au nom " du front unique pour la défense des organisations construites par la classe ouvrière et attaquées par l’impérialisme (donc, du PT et de la CUT) " ! C’est ainsi au nom d’une illusoire unanimité du congrès de la CUT, en juin, que OT a soutenu une motion ne demandant la suspension de la discussion parlementaire sur la réforme des retraites dans l’attente de négociations, ce qui revenait à accepter par avance un texte amendé au lieu de le rejeter. C’est encore " la division des travailleurs et du peuple " que La Vérité voyait dans la " candidature présidentielle "alternative" , candidature de division " du PSTU, face à Lula.
OT contribue donc à entretenir les illusions sur la nature du PT, soi-disant " parti ouvrier indépendant ", en fait largement intégré à l’État bourgeois, et qui ne peut que s’y intégrer davantage en accédant au pouvoir fédéral. Dans ces conditions, l’unité du parti et sa démocratie interne de façade subordonnent en fait des militants qui chercheraient réellement à défendre les intérêts des classes populaires aux secteurs majoritaires, liés à l’État et à la bourgeoisie brésilienne (qui est loin de n’être qu’un simple relais des intérêts impérialistes).
Où vont les radicaux ?
L’alignement du PT sur une politique aussi ouvertement pro-capitaliste que celle du gouvernement Lula ne peut se faire sans heurts, ni sans calculs de courants réformistes hostiles à certains aspects de cette politique, ou simplement de politiciens cherchant à s’éviter un discrédit qu’ils sentent venir. Une des tâches des révolutionnaires est donc aussi de clarifier les perspectives politiques, entre ceux qui au sein du PT cherchent à rompre avec une orientation faillie en renouant avec des conceptions socialistes et de lutte de classe, et ceux qui ne visent qu’à préserver leur avenir en prônant un retour illusoire à un passé où le PT apparaissait plus radical mais n’était pas moins réformiste.
Or, après des critiques justes de la politique gouvernementale, le manifeste " Se réapproprier le PT ", lancé le 11 août à l’initiative d’un collectif comprenant les principaux dirigeants de OT, va exactement en sens inverse en demandant, au nom de " militants du PT, de différentes trajectoires ou courants [...qui] avons fondé ce parti, l’avons construit et l’avons mené à la victoire ", que " le PT demeure comme PT, tel qu’il a été fondé et construit ". Il ne dénonce les sanctions dont la direction pétiste menace les " radicaux " hostiles à la réforme des retraites qu’au nom du risque de scission.
Commentant le succès électoral de Lula, La Vérité de mars 2003 écrivait : " Pour que la classe ouvrière, rassemblant autour d’elle toutes les couches de la nation opprimée, impose un tel raz-de-marée, il fallait qu’un profond mouvement soit engagé. [...] Ce mouvement, c’est celui de la révolution prolétarienne. " Dans cette direction, " la solution la plus économique, aujourd’hui, pour la classe ouvrière et la nation brésiliennes serait que le PT fasse un pas sur la voie de la rupture avec la bourgeoisie [...] Et si un gouvernement du PT faisait cela, il aurait le soutien inconditionnel de la IVe Internationale. Même s’il n’instaurait pas le socialisme demain matin. Nous garderions nos propres positions, mais nous soutiendrions un tel gouvernement, parce que ce serait un pas en avant réel dans le sens des intérêts de la classe ouvrière brésilienne et de la nation. " Et à la question " Est-ce possible ? ", La Vérité répondait : " L’expérience passée a plusieurs fois démontré la validité du pronostic contenu dans le programme de la IVe Internationale : placées dans des circonstances exceptionnelles [...], des directions petites-bourgeoises [...] peuvent être amenées à aller plus loin qu’elles ne le veulent elles-mêmes dans la voie de la rupture avec la bourgeoisie, poussées à le faire par le mouvement de millions de travailleurs. Nous sommes pour cette solution et nous combattons pour. "... Omettant de préciser que pour Trotsky, loin d’un pronostic, il n’y avait là qu’une " possibilité théorique " qu’il était " impossible de nier catégoriquement par avance " mais qui était " pour le moins peu vraisemblable ", que l’histoire, c’est le moins qu’on puisse en dire, a rarement corroboré... et que l’expérience Lula n’est certainement pas en train de vérifier.
Car le PT ne s’est manifestement pas engagé dans la voie de la rupture avec la bourgeoisie et l’impérialisme. Et continuer à faire croire qu’il pourrait s’y résoudre sous la pression populaire, comme le suggère OT, ne vaut guère mieux que de prétendre infléchir de l’intérieur la politique du gouvernement Lula, ce que fait DS !
Retour au PT des origines
Quelles qu’aient été les illusions de militants révolutionnaires brésiliens, l’expérience du gouvernement Lula montre que la construction d’une alternative socialiste au Brésil ne passera pas par le PT et rappelle qu’elle nécessitera - comme ailleurs - la construction d’un parti véritablement communiste et révolutionnaire. Un pas dans cette direction est-il possible à court terme ?
Les parlementaires " radicaux " sont aujourd’hui menacés d’exclusion du PT. La cause semble entendue pour Luciana Genro, Babá et João Fontes ; par contre le report de la décision au-delà du vote sur les retraites au Sénat apparaît comme une tentative de pression sur Heloísa Helena, qui maintient publiquement son opposition au texte mais que le PT semble hésiter à exclure.
Rien ne nous permet de savoir si les évictions annoncées conduiront dans l’immédiat à une scission importante à la gauche du PT. Cela ne modifierait sans doute pas l’orientation politique de Lula. Si elle se faisait sur une base de classe, face à un gouvernement qui piétine les intérêts des masses populaires, alors de nouvelles perspectives pourraient s’ouvrir aux révolutionnaires prolétariens.
Les 3 députés " radicaux " ont en tout cas engagé le 1er septembre, par une " Note publique aux militants du PT ", un débat sur les perspectives de l’extrême gauche. Estimant que le PT " s’est complètement intégré au régime politique bourgeois brésilien " et que " ce cours du parti est irréversible ", ils annoncent qu’ils vont " appeler à la construction d’un nouvel outil politique, un nouveau parti anticapitaliste, anti-impérialiste, démocratique, de lutte et de classe, qui reflète la pluralité de la gauche socialiste en intégrant tous les secteurs du PT désireux d’y participer, ainsi que les camarades du PSTU qui ont déjà appelé à la construction d’un nouveau parti. "
Le PSTU avait en effet déclaré, dès début août, à l’adresse des opposants de gauche à la politique gouvernementale, que " l’heure est venue de construire ensemble un Mouvement pour un Nouveau Parti unissant tous les militants (sans parti, radicaux du PT, PSTU, militants des mouvements sociaux) afin que nous puissions lutter en faveur d’une alternative militante et de masse pour les travailleurs brésiliens. "
Des rencontres et discussions ont eu lieu depuis entre le PSTU, différents groupes, des responsables syndicaux et des militants de mouvements sociaux, et un " Manifeste pour un nouveau parti " a été lancé le 14 août, reprenant, quant aux perspectives politiques, de nombreux points de la " Note publique aux militants du PT ". Initialement signé notamment par Zé Maria et José Domingues de Godoi Filho, dirigeant du syndicat de l’enseignement supérieur et figure de la grève des fonctionnaires de juillet-août, le manifeste aurait recueilli 2.600 signatures fin octobre alors que des réunions publiques se tiennent dans de grandes villes du Brésil, qui regrouperaient de quelques dizaines à quelques centaines de participants. Le " Mouvement pour un nouveau parti " a été proclamé, dans la foulée, le 8 novembre, à l’occasion du Forum social brésilien tenu à Belo Horizonte.
Le PSTU, qui revendique aujourd’hui quelque 2.400 militants, estime que le nouveau parti pourrait en regrouper une dizaine de milliers. Une organisation de cette taille, regroupant sur une base clairement socialiste et révolutionnaire des militants et des sympathisants dans la classe ouvrière et les milieux populaires, constituerait assurément un pas en avant.
Chercher à " unifier la gauche socialiste " ou à intégrer " tous les secteurs du PT désireux d’y participer " peut être dans la situation brésilienne une préoccupation légitime. Pourtant cette situation ne semble pas celle, improbable, où émergerait un " parti de masse " à la gauche du PT. L’un des pièges serait donc de renoncer à une délimitation politique claire, communiste et révolutionnaire, au nom de la prétention à reconstruire un parti du type de ce qu’a été le PT à ses origines et en oubliant de faire le bilan de l’expérience de celui-ci.
Car contrairement à ce que veulent croire les " radicaux " - qui ne se sont finalement pas associés à l’initiative du " Mouvement pour un nouveau parti " et envisagent de leur côté la création d’un Parti des travailleurs socialistes (PTS) -, la politique gouvernementale de Lula n’indique pas " un changement brusque dans l’orientation du parti ". Elle traduit seulement le franchissement d’un cap dans la dégénérescence réformiste d’un parti qui n’a jamais été révolutionnaire, quoique né sous des couleurs radicales dans un créneau politique laissé vide par l’absence de grand parti ouvrier traditionnel. Quand on lit que " les bannières levées par la classe des travailleurs et par le PT ces vingt dernières années sont des bases solides afin de commencer la construction [d’un nouveau parti] " on se prend donc à douter de l’avenir de l’entreprise.
Certes, le " Manifeste pour un nouveau parti " comme la " Note publique aux militants du PT " affirment, dans une perspective socialiste, la nécessité de rompre " avec cette "démocratie" du capital " pour instaurer un gouvernement des travailleurs, sans collaboration de classe, et un État fondé sur l’organisation démocratique des classes populaires. Ils rappellent qu’il s’agit de " privilégier la lutte et l’action directe des travailleurs, et non les élections ", tout en soulignant que la lutte politique se mène aussi sur le terrain électoral... Il reste que ces textes, avec leur flou - comme l’absence notable de toute référence explicite à la révolution -, ne font qu’ouvrir une discussion à propos du programme, des conceptions politiques et du fonctionnement du parti qu’ils se proposent de construire.
Mais où est la Quatrième Internationale ?
Au niveau de sa direction internationale, le courant " lambertiste " se contente de dénoncer les morénistes pour leur " renoncement à la lutte pour la PT ", et le " centrisme réactionnaire " de DS pour sa politique de " budget participatif " et sa participation gouvernementale...
Quant au SU, il a pris le parti d’esquiver toute discussion de fond. Pas une condamnation ni même une réserve sur la présence d’un dirigeant de son groupe brésilien dans le gouvernement Lula, dans les résolutions du XVe Congrès du SU, tenu en février 2003. Livio Maitan s’est contenté de déclarer, dans son discours d’ouverture : " Miguel [Rossetto] a assumé une responsabilité cruciale avec la tâche d’accomplir une réforme agraire radicale, susceptible de déclencher une dynamique plus générale de rupture du système. Nous allons suivre et soutenir sa bataille, [...] et, en faisant taire une angoisse sous-jacente pour la difficulté extrême de l’entreprise, nous lui exprimons dans ce congrès notre solidarité la plus chaleureuse " !
Le seul article de Rouge consacré au Brésil depuis l’été, s’il mentionne, concernant le vote parlementaire sur les retraites que " quatre [députés] - dont notre camarade Walter Pinheiro, député de Bahia - ont voté contre ", se garde bien d’indiquer la position de DS en faveur du vote ! De même qu’il vante les mesures prises au ministère du développement agraire par Miguel Rossetto, " dénoncé [par la droite] comme le ministre des hors-la-loi ", en évitant de souligner ce qu’elles représentent de simple caution à une politique générale placée sous le signe des restrictions budgétaires et des attaques contre les classes populaires, que l’article évoque par ailleurs.
Tirer à boulets rouges sur les frères ennemis et fermer les yeux sur les errements de ses camarades ou se borner à signer, à l’adresse de la direction pétiste une " Pétition internationale contre les mesures d’expulsion du Parti des travailleurs " - surtout pour y réaffirmer " l’espérance dont il est porteur " - : est-ce vraiment-là le rôle de directions qui se veulent les héritières de la Quatrième Internationale ? Mais le veulent-elle encore ?
Notes
1 - Le Brésil est une république fédérale composée de 26 États plus le District fédéral constitué par la capitale, Brasilia.
2 - En pleine campagne électorale, le 7 août 2002, le Fonds monétaire international (FMI) annonçait un prêt d’environ 30 milliards de dollars à l’État brésilien. Les conditions d’austérité conditionnant le versement, en 2003, de la seconde tranche du prêt ont été acceptées par avance par Lula.
3 - On trouve ainsi, parmi les 25 titulaires de la Direção Executiva Nacional de la CUT (l’équivalent de la commission exécutive confédérale) élue lors du dernier congrès de juin 2003, Rafael Freire et Rosane da Silva, membres de DS, Júlio Turra de OT, et José Maria de Almeida, dirigeant du PSTU (site internet de la CUT).
4 - À l’issue des élections, le PT représentait, avec 91 députés fédéraux sur 513 (contre 59 aux précédentes élections de 1998), le groupe parlementaire le plus nombreux ; il constituait le second groupe au Sénat, avec 14 sénateurs contre 8 précédemment et devenait, avec 147 députés contre 90 auparavant, le parti le plus important dans les Assemblées législatives d’États. Il a par contre perdu le poste de gouverneur de l’État de Rio Grande do Sul dont le gouverneur sortant, Olívio Dutra, considéré comme proche de DS, est aujourd’hui ministre de la ville dans le gouvernement Lula. Parmi les députés fédéraux du PT, 28 représentent la " gauche " du parti, dont les 6 membres de DS, Babá du CST et Luciana Genro du MES. ( d’après João Machado - Inprecor, n°475/476, octobre-novembre 2002)
5 - La Commune (publication en France de l’Unité internationale des travailleurs, à laquelle est lié le CST), juin 2002.
6 - Interview de Babá à La Commune, décembre 2002.
7 - " Chronique des événements mondiaux - Brésil : le mouvement ouvrier à la croisée des chemins " - La Vérité, n°30, mai 2002.
8 - Déclaration de O Trabalho, le 29 octobre 2002 (La Vérité, n°32, mars 2003).
9 - " Le PSTU présente un candidat à la présidence " - Euclides de Agrela - Courrier International (publication de la LIT), n°95, août 2002.
10 - " Que signifie la victoire de Lula ? " - Courrier International (publication de la LIT), n°97, novembre 2002.
11 - " Le gouvernement de Lula et les défis de la gauche révolutionnaire " - Mariúcha Fontana - Le Marxisme Vivant, n°6, novembre 2002.
12 - João Pedro Stédile, dirigeant du MST, au quotidien espagnol El Pais, 5 octobre 2002 (Inprecor, n°475/476, octobre-novembre 2002) cite le chiffre de 16 millions de paysans sans terre, soit 4 millions et demi de familles, chiffre proche de celui donné par la CPT : 4,8 millions de familles (cf. note ).
14 - Information de la CPT, 1er septembre 2003 (site internet de la revue Rebelión).
15 - Chiffres du ministère du développement agraire (" La question de la terre au Brésil " - Misa Boito - La Vérité, n°33, août 2003).
16 - MST Informa, n°50, 20 octobre 2003.
17 - José Dirceu, ministre de la Casa Civil (le cabinet présidentiel), cité par Folha de São Paulo, 6 septembre 2003.
18 - Interrogé sur l’armement de milices par des latifundistes, Roberto Rodrigues - lui-même grand propriétaire terrien - déclarait à la Folha de São Paulo, le 5 juillet 2003 : " Je pense que celui qui possède un bien se doit de le défendre, sinon il n’a pas le droit de le posséder. " (" La question de la terre au Brésil " - Misa Boito - La Vérité, n°33, août 2003).
19 - Information de la CPT, 1er septembre 2003 (site internet de la revue Rebelión) & note du Correio da Cidadania, n°364, 20 septembre 2003.
20 - Folha Online, 15 août 2003 (Avanti !, n°7, août-septembre 2003).
21 - " Un révolutionnaire, ministre, face à la presse " - Jan Malewski - Inprecor, n°480/481, mars-avril 2003.
22 - Folha Online, 11 juin 2003 (Avanti !, n°6, juin-juillet 2003).
23 - " La peur triomphe de l’espérance " - Daniel Bensaïd - Rouge, n°2033, 2 octobre 2003
24 - " Après la grève des métallos, le premier congrès du PT " - Daniel Bensaïd - Inprecor, n°81, 10 juillet 1980.
25 - " XIe Congrès mondial de la IVe Internationale - novembre 1979 " - Inprecor, numéro spécial.
26 - " Les portes étroites de la "libéralisation" et la construction du PT " - Daniel Jebrac - Inprecor, n°91, 15 décembre 1980.
27 - " Premier congrès du PT " - Alfonso Moro - 10 décembre 1991 - Inprecor, n°343, 20 décembre 1991.
28 - " XIIIe Congrès mondial de la IVe Internationale " - Quatrième Internationale, n°40-41, avril-juin 1991.
29 - Déclaration de la Coordination nationale de DS, le 21 juillet 2002, publiée dans Em Tempo, n°324, juillet-août 2002 (Inprecor, n°474, septembre 2002).
30 - Folha Online, 29 octobre 2003.
31 - " Rapport sur la question du front unique " - Pierre Lambert - La Vérité, n°30, mai 2002.
32 - " Chronique des événements mondiaux - Brésil : le mouvement ouvrier à la croisée des chemins " - La Vérité, n°30, mai 2002.
33 - " Le VIIIe Congrès de la CUT, le premier sous un gouvernement Lula " - Júlio Turra - La Vérité, n°33, août 2003.
34 - " Le morénisme de nos jours " - Manuel Luna - La Vérité, n°30, mai 2002.
35 - " Le Brésil à un carrefour " - Jean-Pierre Raffi - La Vérité, n°32, mars 2003.
36 - " Programme de transition " - Léon Trotsky - septembre 1938.
37 - " C’est l’heure d’un Mouvement pour un Nouveau Parti " - Zé Maria - Opinião Socialista, n°156, 8 août 2003 (Avanti !, n°7, août-septembre 2003).
38 - Sites internet du PSTU et du " Movimento por um novo partido ".
39 - " Note publique aux militants du PT " - Luciana Genro, Babá & João Fontes - 1er septembre 2003 (Avanti !, n°8, octobre 2003).
41 - " La peur triomphe de l’espérance " & " Où en est la réforme agraire ? " - Daniel Bensaïd - Rouge, n°2033, 2 octobre 2003
42 - Rouge, n°2033, 2 octobre 2003.

Messages

  • bj

    bonjour
    après avoir lu et texte mon point de vue est le suivant:je pense que dans une société qui se dit démocratique où quelqu’en soit le genre de son régime la réclamation des travailleurs qui sont à la base de la richèsse des dirigeants,ne dévrait jamais être répondu par des agréssions de la part des policiers,jusqu’à tuer deux pauvres travailleurs. je suis entièrement convaicu que la classe ouvrière n’obiendra rien pacifiquement,donc il faut qu’elle s’organise et lutter pour une cause commune de la classe des oprimés.... et suis dans leur combat r s de bko.

    reponse a s de bko oui t’a raison morales ,chaves,castro,et plein d’autre son des enemi de la classe ouvriere il son comme les sekou toure les modibo keita les crouma les patrice loumouba les thomas sankara et bien d’autre en afrique et par tout dans le monde se sont des reformistes un poins c’est tout.

  • Bonjour, je m’appelle David, je voulais intervenir pour raconter un peu l’histoire de l’Equateur en tant que pays qui a vecu des processus révolutionaires desquels le plus important a été la révolution libérale du début de XXème siècle.

    Dans ces lignes j’essayerai d’être le plus concret possible sans aborder à detaille chaque événement concernant cette révolution car mon objectif maintenant est d’exprimer ma vision d’une manière simple et claire en faisant réference à la personne qui fut la tête de ce processus, parce que je trouve qu’il est intéressant le fait de caractériser les personages qui ont passé à l’histoire et que maintenant son objet d’étude grâce à leur contribution au différents processus révolutionaires qu’on a eu en Amérique Latine et que parfois il ne sont pas connu ailleurs.

    Il s’agit d’un personage que maintenant est très célèbre et reconnu dans ce pays, il s’appelle Eloy Alfaro. Il est grâce à lui que maintenant il existe des libertés démocratiques assez importantes (comme le droit de vote pour les femmes à partir des années 1920) et surtout la séparation de l’église catholique en tant qu’institution de le structure de l’Etat.

    Ce révolutionaire a des caractéristiques interessantes en tant que révolutionaire qu’à mon avis il faut les ressortir pour comprendre le sens du processus révolutionaire qu’il a commandé.

    Il fasait partir d’une famille presque bourgoise de sa région (cette région s’appelle Montecristi, dans la province de Manabi), la plupart de sa vie il a passé entre les affaires de la famille et les voyages que souvent il fasait vers Panama, aux Etats Unis et d’autres pays de l’Amérique Latine.

    Bon, je ne vais pas m’arreter en parlant de la vie personnel à lui, mais sa vie en commodité et leurs voyages par ailleurs......(suite à venir)

    • mille foi bravo david je pense que c’est tres important de faire savoir des choses de partagé des choses avec une vision de classe au reste du monde qui s’interesse au idées . tout simplement selon moi tout les histoire son raconté a l’enver. j’ai pas mal de question pour comprendre et je les poserai demain.porte toi bien.

  • Bonjour, à propos de la situation actuelle en Bolivie, il ya plusieurs choses qu’il faut noter.

    Tout d’abord l’élection facile d’Evo Morales en décembre 2005, et sa popularité toujours forte vis à vis des couches populaires aprés 3 années et demi de gouvernance.
    Ensuite malgré les illusions de la population par rapport au Mas, les luttes de classes continuent de plus belles ce qui fait céder le gouvernement à de nombreuses réformes et modifications de structures politiques qui crée une situation d’amélioration sociale (la nationalisation des hydrocarbures, mini réforme agraire, l’éducation gratuite, éradication de l’analphabétisme, allocations pour les handicapés, pensions pour les retraites, nouvelle constitution politique etc...).
    Les masses sont ainsi canalysés, elles ne se rendent pas compte de leurs forces ou alors pas assez, elles ne se rendent donc pas compte que quand elles combattent l’impérialisme et la bourgeoisie bolivienne elles se battent également contre le parti réformiste du Mas au pouvoir.
    Mais Evo morales et son gouvernement ne peuvent pas totalement canalysés les travailleurs et lors de ces trois années deux évènements marquants ont montrés deux débuts de débordements révolutionnaires.
    En Janvier 2007 les paysans en tête et d’autres secteurs sociaux ont commencé par bloqué la ville de Cochabamba exigeant la démission du préfet Manfred reyes villa un dirigeant du Parti ADN fondé par le dictateur Hugo Banzer, en réalité ce n’était pas uniquement la démission de ce préfet, c’était une tentative de prise du pouvoir par le prolétariat, par la base.
    Face à cela les forces de l’ordres sont intervenus provoquant des affrontements violents. La bourgeoisie est prise d’une grande inquiétude car non seulement les forces de l’ordre ne dispercent pas les bloqueurs et les manifestants mais au contraire de jours en jours leur nombre grossit et le mouvement se radicalise, ce qui pousse une frange de la population conservatrice de la ville emmenés par des groupes de jeunesses fascistes à protester elle aussi et à affronter les bloqueurs.
    Cela se solde par deux morts, un dans chaque camp (un paysan tué par balle et un jeune extrêmiste par un lynchage). Cet épisode démobilisera, et petit à petit avec l’aide du Mas terminera d’achevé la mobilisation.
    Le 2 ème évènement fut celui en Septembre 2008 ou suite au massacre de la région du Pando organisé par le préfet d’extrême droite léopoldo fernandez qui a payé des tueurs à gages pour exterminer les paysans de sa région qui s’étaient auto organisés, d’autres paysans voulant d’abord marcher sur cette région mais empêché par la militarisation ordonné par Morales pour soit disant arrêter les coupables (en réalité pour empêcher un soulèvement) décide de se rabattre sur la région de santa cruz (ils visent les préfets des régions "d’oppositions" qui sont Pando, Béni, Santa Cruz, Tarija) et commencent par faire le cercle de la ville Santa cruz 2ème ville du pays, une partie des paysans sont armés et veulent attaquer directement la préfecture.
    Les habitants de Santa Cruz bien que majoritairement hostiles à ce mouvement, on trouve un groupe de jeunes vivant dans le quartier du plan 3000 (quartier pauvre avec une forte émigration d’indiens originaires des plateaux de l’altiplano) surnommé escadron rouge lancent eux aussi un ultimatum devant les caméras de télés au préfet de Santa Cruz Ruben Costas et Branko Marinkovic (Fils de Oustachi Croate).
    Malgré toute cette pression Morales arrivera à gérer au mieux les intérets de la bourgeoisie, et détournera la colère en présentant triomphalement les assassins, en promettant le maximum de sévérité etc...

  • Article sur un mouvement social en Argentine

    Argentine : mobilisation à Rosario, Cabin 9, Belgrano et San Martin Sur paralysent le centre
    24-09-2009
    Il était 9 heures du matin quand sont arrivés au siège du Ministère du Travail de la Nation les compagnons chômeurs et habitants de San Martin Sur organisés en Mouvement d’habitants en Lutte. Peu de temps après sont arrivés les compagnons du MILO (Mouvement Indépendant "Les Oubliés") du quartier Belgrano et ceux du MSI (Mouvement Solidaire Indépendant) de Cabín 9.

    A ce moment les organisations - autonomes des Partis et des Gouvernements - se sont disposés à réaliser l’assemblée de commencement de la journée de lutte. Ces organisations sont quotidiennement habituées à TOUT décider en assemblée par consensus. De cette forme on a obtenu que Ferreira - responsable de la dépendance - annonce une audience avec Cristian Rechio, Gérant de la GECAL Rosario, pour le lundi 21 à 14 heures afin de traiter le sujet de palliatifs pour la crise. Ensuite la mobilisation a continué jusqu’au Ministère de Développement Social national au cris de "lutte mon quartier lutte, lutte de coeur, organisés sans les partis, sans chef sans patron". Aux portes du ministère les trois organisations ont lu les demandes remises aux autorités du CDR. Ensuite six délégués sont entrés et ont réussi à arracher des rendez-vous plus précis pour l’obtention de ressources de l’État gagnées dans des luttes antérieures. De plus pour les compagnons du MILO ils ont réussi à étendre la quote-part d’aides sociales et de projets productifs de travail. Dans un autre sens on a conversé sur la nécessité de commencer à monter des projets du Plan d’Inclusion Sociale avec coopératives de travail dans chaque quartier, auquel les autorités ont accédé à une audience pour le lundi 21.

    En définitive on a démontré que 140 habitants organisés sans chefs et sans punteros, dans le respect mutuel de la démocratie qu’ils partagent, peuvent paralyser la ville de Rosario - comme l’a insinué le journal La Capital-, et comme cela a été le cas ce mercredi historique de lutte populaire. On peut encore entendre la dernière strophe que ces quartiers organisés ont chantée : "On écoute, on écoute... Debout ceux qui luttent !"

  • Autre mouvement social en Argentine :

    Argentine : violente répression contre les travailleurs licenciés de la US Kraft ex-Terrabusi
    26-09-2009
    1

    Imágenes de los incidentes. (TN)
    Le conflit dans la fabrique Kraft Foods ex-Terrabusi, de Général Pacheco, a eu hier son pire chapitre avec une violente expulsion par la police de la province de Buenos Aires, par ordre judiciaire, qui a fini avec 65 personnes arrêtées, quatre blessés parmi les manifestants et huit chez les policiers. La répression s’est étendue pendant plus de 40 minutes et s’est limitée à l’intérieur de la fabrique où un groupe de travailleurs licenciés occupaient les installations, et aussi dans les environs, sur des manifestants et des ouvriers qui n’avaient pas été licenciés.
    Les travailleurs de la multinationale nord-américaine Kraft Foods (no 2 mondial de l’alimentaire et de la boisson) qui a acheté l’entreprise argentine Terrabusi sont en lutte depuis le 18 août contre 160 licenciements arbitraires, en représaille pour la grève de cinq jours qu’ont mené, en juillet, les travailleurs - avec les ouvrières à la tête de cette révolte - pour exiger des mesures de prévention, d’hygiène et de permissions devant la pandémie de Grippe A.

    Des images de télévision montraient à la police lancer des balles de gomme et des gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants postés en face de la fabrique. Certains des manifestants ont été arrêtés.

    La production de l’entreprise se trouve paralysée depuis le 9 septembre. L’entreprise réclamait à la justice l’expuslion des ces occupants.

    Des travailleurs de Kraft ont coupé pendant plusieurs jours une autoroute importante contiguë à la fabrique pour exiger la réincorporation de 160 travailleurs licenciés tandis que des lycéens ont réalisés plusieurs coupures de rues dans la capitale, en solidarité. Une marche a également eu lieu à l’ambassade des Etats-Unis.

    Dans les derniers jours, des organisations patronales argentines exprimaient leur insatisfaction pour l’occupation de la fabrique, située à 35 kilomètres au nord de Buenos Aires.

  • Suite :

    Les syndicalistes ont réalisé une assemblée et ensuite ont communiqué un nouveau plan de lutte qu’ils réaliseront lundi prochain. Le délégué Ramon Bogado a assuré qu’ils essaieront d’entrer dans la fabrique "pour faire une assemblée"

    Les syndicalistes de Kraft-foods, ex-Terrabusi, réaliseront lundi un rassemblement et une protestation en face de la fabrique et dans l’après-midi participeront à une mobilisation Place de Mai.

    Le délégué Ramon Bogado a confirmé qu’à 5 heures du matin, "tous les employés, y compris les licenciés" se rassembleront devant l’ex-Terrabusi pour exiger l’entrée indiscriminée du personnel pour réaliser une assemblée dans laquelle serait définie une grève.

    "Nous allons essayer d’entrer pour faire une assemblée et pour définir une grève. Le conflit en est au même point que vendredi. La seule différence c’est qu’ils nous ont frappé et expulsé de la fabrique mais les travailleurs licenciés n’ont pas été réincorporés", a affirmé Bogado.

    Des membres d’organisations ouvrières, un secteur de la Centrale des Travailleurs Argentins (CTA), des étudiants de l’intérieur du pays et des organisations de défense des Droits de l’Homme accompagneront ce lundi, depuis 5 heures, les ouvriers de Kraft Terrabusi qui réalisera une assemblée en face du siège de la compagnie à Pacheco, dans le nord de la banlieue de Buenos Aires.

    Ces mesures ont été résolues dans l’assemblée réalisée cet après-midi dans l’Hôtel récupéré Bauen dans la capitale.

    Marcha Lunes x Terra...

    De son côté, la CGT (centrale syndicale alliée au gouvernememnt) a assuré sa préoccupation pour la "multiplication de conflits et de débordements" syndicaux.

    La centrale ouvrière a manifesté à travers d’un communiqué sa "croissante préoccupation" devant les constantes protestations syndicales. Elle a appelé les travailleurs à ne pas tomber dans dans "la provocation et les revendications démesurée". Elle a demandé aux entrepreneurs et aux syndicalistes d’ "éviter des débordements".

  • Suite :

    Argentine : chronique de la journée de lutte des travailleurs de Kraft Foods ex-Terrabusi
    29-09-2009
    Ce n’a pas été une aube de plus pour les travailleurs de la fabrique de Kraft Foods, ex-Terrabusi. La tension dominait l’atmosphère, avec le souvenir encore frais de la répression de vendredi dernier, qui a fait 12 blessés et 65 détenus. Les employés licenciés, accompagnés de leurs familles, se sont retrouvés à 5 heures avec 300 militants de différents partis d’extrème gauche. A seulement 300 mètres de la fabrique "blindée" de Pacheco.

    Ensuite, ils se sont déplacés à la porte principale de la fabrique. A 5h30, les travailleurs du premier tour de la journée ont commencé à entrer pour initier une assemblée, au milieu d’un fort dispositif de sécurité policière, à l’intérieur et à l’extérieur du domaine. Alors qu’un groupe de gendarmes contrôlaient la circulation normale sur la Route Panaméricaine (bloquée à deux reprises par les travailleurs dans les dernières semaines).Un huissier remettait, à la porte de l’établissement, des lettres aux membres de la commission interne dans laquelle on les informait qu’ils étaient interdits d’entrée. De plus il a été rendu public la suspension d’une vingtaine de travailleurs pour 15 jours.

    Dans ce contexte a été réalisé l’assemblée, qui a décidé par acclamation de couper encore une fois l’autoroute Panaméricaine. En peu de minutes et avec la présence inquiétante de l’Infanterie, les travailleurs se sont accaparé de l’autorail. Là ils sont restés durant cinq heures et demie ce qui a provoqué un chaos de circulation. Ensuite ils se sont dispersés et sont revenus en face de la fabrique, dans l’attente d’une solution au conflit lors de la réunion de cet après-midi au Ministère du Travail.

  • Suite

    Argentine : la US Kraft Foods admet la "suspension préventive de 31 travailleurs"
    28-09-2009
    L’entreprise Kraft Foods a résolu aujourd’hui la "suspension préventive de 31 travailleurs", parce qu’elle soupçonne qu’ils ont eu "une participation active dans les incidents de vendredi dernier, avec des actes de violence et d’intimidation", a affirmé le porte-parole de la compagnie, Pedro Lopez Matheo.
    Le cadre dirigeant a déclaré à radio Continental ce midi que les suspensions se sont produites "dans le cadre de la loi" et le sont "pour quinze jours et sans suspension du paiement de salaire".

    Cet après-midi a lieu une rencontre dans le ministère du Travail de la Nation entre représentants des travailleurs et de l’entreprise à la recherche d’un accord dans le conflit prolongé qui a eu son point maximal vendredi quand la police a réprimé et a délogé les travailleurs licenciés de la fabrique de Pacheco.

    Interrogé sur si les travailleurs suspendus aujourd’hui pourraient rejoindre ensuite les plus de 150 employés qui ont été licenciés, pour le fait d’être "marqués", Lopez Matheu a répondu qu’ils "ne sont pas marqués, mais suspendus de manière préventive" pour déterminer s’ils ont effectivement participé à des "actes d’intimidation" sur le reste du personnel.

    Par rapport à la réunion au ministère du Travail, le porte-parole a insisté pour assurer que "nous ne conditionnons le dialogue en aucune façon : nous ne refusons absolument pas aucune possibilité de dialogue", a-t-il ajouté.
     :

  • Voici un exemple typique de manipulation politique de la Gauche :

    Equateur : protestation indigène avec marches et coupures de routes
    29-09-2009
    La Confédération de Nationalités Indigènes d’Équateur (Conaie) a commencé une série de mobilisations en rejet des lois sur l’eau, les mines et l’éducation qui sont à l’étude au Congrès.
    Le soulèvement pour durée indéfinie des peuples originaires a comencé dans les provinces de la sierra centrale avec des coupures de routes et des marches vers les villes principales.

    Enseignants de l’éducation publique et étudiants se joignent aussi aux activités pour demander au Gouvernement d’initier un processus de dialogue sur les projets de loi controversés.

    Ils insistent pour que leurs observations soient prises en compte et pour ce que soient socialisés les projets de Loi de Ressources Hydriques, Travail des mines et Education.

    De son côté, le président de l’Équateur, Rafael Correa, a assuré que ces protestations font partie d’une "campagne de déstabilisation" à son encontre.

    Il a soutenu que la "désespérée droite nationale et transnationale" pourrait utiliser ces mobilisations pour monter le "scénario" du Honduras.

    de plus il a dit que les secteurs qui organisent "se disent de gauche", mais ils agissent comme les "meilleurs alliés de la droite".

  • Bonjour je vous envoi un nouvel article sur ce qui se passe en Equateur. Je suis en désacord politique avec cet article comme avec la plupart de ceux que j’envoi mais ils valent la peine d’être lu . Car les dirigeants des organisations indigènes ont le même rôle que les bureaucrates syndicaux et politiques.

    Equateur : Correa tente de freiner un soulèvement indigène

    02-10-2009
    Les indigènes d’Équateur, qui ont participé à la chute de deux présidents dans la dernière décennie, ont mésestimé hier un appel du président Rafael Correa à dialoguer après une violente répression pour déloger un pont, répression qui a fait un mort et 40 blessés, selon la version officielle.

    "S’il y a un mort il n’y a pas de dialogue", a déclaré la dirigeante Lourdes Tiban. "Il est difficile que le mouvement indigène revienne au dialogue avec le gouvernement. Correa nous emmène à une guerre civile" a dit Tiban, membre de l’Assemblée Législative pour Pachakutik (bras politique des aborigènes).

    "S’il y a un mort il n’y a pas de dialogue et il y aura seulement une révolution des peuples indigènes", a prévenu à son tour Humberto Cholango, président de l’Ecuarunari (natifs de la sierra andine). "Nous nous déclarons en mobilisation pour le changement et la révolution", a-t-il souligné.

    Cependant, Correa a écarté hier la responsabilité de la police dans la mort du professeur indigène dans les manifestations de mercredi, signalant que cette force n’utilise pas des plomb et a insisté sur son appel au dialogue sur l’accès à l’eau et l’exploitation minière et pétrolière.

    Il a déclaré que la police est arrivée désarmée pour déloger un pont stratégique qui avait été pris par des natifs à Macas, capitale de la province amazonienne de Morona Santiago (sud-est).

    "Cette victime est une victime de la violence", a dit Correa dans une interview depuis la maison de gouvernement. Le mandataire équatorien a dénoncé qu’une radio communautaire a convoqué des indigènes armés de lances empoisonnées et de bouteilles et sur le pied de guerre à protester.

    Cholango a déclaré que les dirigeants de la Confédération des Nationalités Indigènes d’Équateur (Conaie) se réunira aujourd’hui dans l’Amazonie pour analyser l’appel du mandataire à converser dans la Maison de Gouvernement à Quito.

    "Nous allons évaluer", a dit Cholango. "Si nous acceptons, nous dialoguerons mais sans conditions."

    Les natifs amazoniens ont continué de protester à Macas dans le cadre d’un soulèvement de la Conaie lundi dernier, comme ont expliqué leurs leaders, en défense des ressources naturelles. La principale organisation d’aborigènes qui a bloqué partiellement quelques routes, a décidé au bout de 24 heures de suspendre la protestation pour dialoguer avec le gouvernement, ce qui a été rendu compliqué devant la persistance des manifestations des amazoniens alléguant un manque de garanties pour une conversation avec Correa.

    La Conaie qui refuse la politique du gouvernement sur les mines, le pétrole et l’eau a rapporté à son tour deux morts natifs et neuf autres blessés.

    La femme du gouverneur de Morona Santiago, Sonia Ortega, a déclaré que la situation dans cette province était devenue insoutenable devant l’attitude violente des manifestants. Lundi, en plein soulèvement de la Conaie, Correa a minimisé la protestation et l’a qualifiée d’ "échec complet".

    Les indigènes s’opposent à un projet de loi sur l’eau pour considérer que la ressource sera privatisée parce qu’elle sera sous le contrôle des secteurs électriques et miniers, ce que nie le gouvernement. Ils refusent aussi les plans officiels pour l’exploitation des mines et du pétrole à grande échelle dans leurs territoires.

    La Conaie a participé aux renversements des mandataires Abdala Bucaram (février 1997) et Jamil Mahuad (janvier 2000) durant la durant la décennie dans laquelle l’Équateur a été le pays le plus instable de la région. Elle a aussi fait partie du gouvernement de Lucio Gutierrez, à qui elle a retiré son appui quand celui-ci a commencé à adopter des politiques néolibérales. La Conaie a toujours maintenu une relation tendue avec Correa, qu’elle accuse de ne pas défendre les intérêts des peuples originaires. Les organisations pensent que 30 pour cent de la population équatorienne (14,1 millions) est indigène, bien que leur poids électoral soit significativement moindre.

  • Equateur : mobilisations amérindiennes contre développement capitaliste
    03-10-2009
    Depuis le dimanche 27 septembre, les Indiens d’Equateur ont pris le chemin de la mobilisation générale.
    Le 30 septembre, une violente intervention policière pour dégager un pont bloqué par des centaines de manifestants se solde par plusieurs morts, de nombreux blessés et des arrestations.
    La CONAIE (Confédération des Nationalités Indiennes de l’Equateur), principale force organisée des populations amérindiennes du pays, a appelé à la révolte pour une durée indéterminée contre un projet de loi gouvernemental visant à modifier les conditions de gestion de l’eau et ouvrant la voie à sa privatisation (que la Constitution est sensé empêcher) et surtout permettant qu’elle soit fournie librement aux entreprises extractives (minières et pétrolières) activités que le gouvernement Correa a décrété de haute priorité contre l’avis des populations amérindiennes et de mouvements critiques du “développementisme”.
    Cette mobilisation intervient dans un contexte extrêmement tendu, marqué par un conflit général sur la question de la défense des ressources naturelles. Depuis plus d’un an, les organisations des peuples autochtones du pays et un ensemble de forces sociales et écologistes citadines s’opposent aux projets gouvernementaux sur l’exploitation minière et pétrolière de leurs territoires : une mobilisation contre les mégas projets miniers est d’ailleurs prévue de longue date à Quito le 30 septembre à l’appel de la Coordination nationale pour la défense de la vie et de la souveraineté, point culminant d’une année de mobilisations, de répressions.
    Tension avivée les derniers jours par la grève des enseignants (depuis le 15 septembre). Tension accrue enfin par les déclarations hostiles et provocatrices du président de gauche Rafael Correa vis-à-vis des organisations indiennes et de cette mobilisation annoncée.

    L’État contre le “paro nacional indefinido”

    Dès le premier jour du “paro”, plusieurs milliers de manifestants se sont regroupés dans divers endroits du territoire. A partir de minuit, divers tronçons de la route Panaméricaine Nord (en direction de la frontière avec la Colombie) ont été bloqués par des barricades formées de pierres, des troncs d’arbres et des pneus incendiés.
    Les autorités, ministre de la défense et président de la République en tête, ont menacés de ne pas permettre les coupures de routes et ont, depuis des semaines, militarisé les principales voies de communication ainsi que les installations minières et pétrolières.
    Le vendredi 25 septembre, Correa, qui se revendique d’une révolution citoyenne et bolivarienne, a averti qu’il ne tolèrerait pas les blocages de route et a accusé les dirigeants amérindiens d’« arrogance » : « qu’est-ce qu’ils se croient ces dirigeants ? Ils ont été longtemps les victimes de la grande propriété et de l’exploitation et maintenant les citoyens devraient être victimes de l’arrogance de quelques leaders, la fermeture des routes. C’est illégal. »
    Le leader de la Confédération des nationalités indigènes (CONAIE), Humberto Cholango, lui a répondu sur Radio City que « le mouvement autochtone ne va pas accepter les insultes ... nous n’accepterons pas non plus les choix imposés. »
    Ce leader de la CONAIE, qui est aussi celui de Ecuarunari (organisation des Kichwas ou Quichuas de la montagne) a ajouté que les Indiens croient au dialogue, mais que, « quand ensuite les peuples autochtones sont humiliés, offensés (et) méprisés, alors nous ne comprenons pas, nous ne voyons pas quelles sont les politiques qu’ils veulent poursuivre », a-t-il dit, sans désigner personne en particulier.
    Dans le nord du pays, il y a eu quelques affrontements avec la police dès le lundi 28. Les communautés de Cangahua, Juan Montalvo et Guachalá, au nord de Pichincha, se sont postées sur une des voies principales pour fermer la circulation des véhicules et des camions. Plusieurs leaders amérindiens de la zone (de la communauté San Pablo del Lago et de la communa El Topo) ont été arrêtés par la police.
    Au troisième jour de la mobilisation, le 30 septembre à 16 h (locale), dans la province amazonienne de Morona Santiago (sud-est du pays) 500 membres des forces de police ont attaqués des manifestants de la nation Shuar qui bloquaient un pont sur le rio Upano, action réalisée dans le cadre de la mobilisation lancée par les organisations amérindiennes. Selon les sources, l’intervention policière aurait provoqué entre un et trois morts par balles, 9 blessés parmi les manifestants (et 40 policiers blessés selon le gouvernement).
    Le lendemain, seule la mort d’un professeur indien, Bosco Wisum, a été confirmée. Il a été aussitôt déclaré premier martyr shuar de la bataille pour l’eau. Professeur bilingue, membre également de l’Union Nationale des Educateurs (syndicat des enseignants), il apparaît comme le symbole de la jonction entre les luttes indigènes et luttes sociales.

    Les premières réactions ont été un peu confuses. Du côté du pouvoir, Correa après avoir déclaré lundi, en plein début du soulèvement que la mouvement était un « échec complet » et avoir accusé les Indiens des violences survenues, s’est déclaré prêt au dialogue si les barrages sont levés et s’il est mis fin à la mobilisation. Du côté des organisations amérindiennes, la CONAIE a déclaré “suspendre” les mobilisations et entamer un dialogue avec l’exécutif dès le deuxième jour du “paro” et avant les affrontements du 30 septembre, tandis que l’organisation dont dépend la zone concernée par la répression violente de la police, la Confédération des Nationalités Indigènes de l’Amazonie Equatorienne (CONFENIAE) a appelé à la poursuite du mouvement. Malgré cette fissure dans le mouvement indien, rapidement l’ensemble des organisations, relayées par le mouvement politique Patchakutik (bras politique de la CONAIE), ont réitéré leur exigence de dialogue direct avec l’exécutif « sans condi
    tions », tandis que le gouvernement conditionne toujours le « dialogue » à la fin du mouvement.
    Plus tard, le dialogue de sourd sur le dialogue s’est déplacé. Correa propose d’inviter les dirigeants indiens au palais présidentiel, y compris en leur envoyant un avion les chercher, tandis que l’organisation amazonienne demande à ce que le dialogue ait lieu sur son territoire, à Unión Base, siège de le Confeniae, province amazonienne de Pastaza [1], que la président se déplace « comme il est venu à l’époque de la compagne électorale et qu’il promettait alors de nous appuyer, de nous aider et de nous protéger ». Demande aussitôt rejetée par Correa qui, selon l’agence Efe, rappelle qu’il est le chef de l’Etat, qu’il mérite le respect et que la proposition de l’organisation des indiens amazoniens est « infantile ». Pour le chef de l’Etat, la Conaie essaie de mettre en scène qu’elle est la victime alors que ce sont les policiers qui ont été attaqués à coup de billes de plomb.
    Jeudi 1er octobre, les trois principales organisations amérindiennes (ECUARUNARI, CONFENIAE et CONAICE) qui constituent la CONAIE ont décidé d’organiser une assemblée commune, en territoire amazonien, pour s’accorder sur un agenda de dialogue avec le gouvernement.
    De son côté, le parti présidentiel a prévu d’organiser une manifestation à Quito le 3 octobre en soutien au président Correa. Le 1er octobre, une seconde victime de la répression policière a été identifiée, Francisco Saant. Quant à la troisième victime, on sait uniquement qu’il appartenait à la communauté Shiramentza.

    Le scénario reste complètement ouvert, d’autant que les revendications de la Confenaie vont bien au-delà du thème de la loi sur l’eau et que dans une déclaration en 8 points [2], elle demande un régime spécial d’autonomie pour la zone amazonienne, l’arrêt des exploitations minières et pétrolières, l’abrogation de décrets concernant l’éducation bilingue et en particulier le décret 1780 qui délègue aux églises catholiques des pouvoir en matière d’éducation et de communication dans les zones amazoniennes.
    La bataille sur l’eau est directement reliée à celle sur le modèle économique et aux activités d’extraction minières et pétrolières que l’Etat équatorien entend développer à tout prix. L’enjeu est donc de taille.

    Indiens vs Gouvernement : un conflit déjà ancien

    Le fossé entre la CONAIE et le gouvernement de Correa n’a cessé de s’approfondir depuis plus d’un an. « Cette gauche infantile, cet indigénisme infantile, cet écologisme infantile sont en train de se réactiver, organisant des réunions pour promouvoir un soulèvement contre l’exploitation minière. » « Avec la loi dans la main nous ne laisserons pas faire de tels abus, nous ne permettrons pas des soulèvements, qui bloquent les routes, qui menacent la propriété privée, qui entravent le développement d’une activité légale : l’exploitation minière » [3]. Ainsi parle le président Correa, et ennemi du néolibéralisme et partisan “bolivarien” d’un socialisme du XXIème siècle, qui a également insinué que les mouvements sociaux qui rejetaient la loi sur l’exploitation minière étaient des « alliés de la droite » tandis que le ministre du gouvernement, Fernando Bustamante, parlait d’un possible lien putchiste entre les militaires et les indiens…
    Dès le début du mois de janvier 2009, le climat s’était brusquement réchauffé quand la police avait réprimé violemment des villageois dans le sud du pays qui protestaient contre la loi. « Nous ne négocierons pas avec des criminels et canailles », fut la réponse du ministre Bustamante aux dirigeants autochtones qui se sont défendu de la répression en retenant un capitaine de police.
    Le 20 janvier, journée de mobilisation pour la vie, des milliers d’indiens sont sortis sur les routes comme ils ont l’habitude de le faire. Quatre mille d’entre eux ont coupé la route Latacunga-Ambato, tandis que des dizaines de milliers d’autres se mobilisaient dans tout le pays, depuis la zone sud de la cordillère jusqu’aux régions amazoniennes en passant par les différentes piémonts andins. Même Quito et Cuenca et la zone côtière ont été le théâtre de manifestations massives.
    Depuis, le dialogue de sourd s’est imposé et les organisations indiennes rendent coup pour coup aux accusations dont elles sont victimes. Les dirigeants des organisations amérindiennes ont retourné toutes les accusations contre ceux qui les proféraient. Ainsi Humberto Cholango, de Ecuarunari disant que la droite est certes très présente mais que « le président n’a qu’à regarder autour de lui s’il veut voir la droite ».

    Quelques jours plus tard, le 27 janvier 2009, la CONAIE envoie une « Lettre ouverte au Forum Social Mondial » qui a lieu à Belém (Brésil) dans laquelle elle explique son « opposition et rejet » de la présence de Correa dans cette rencontre, un « espace où historiquement se construisent des alternatives et des garanties aux droits des peuples et pour la vie et ne peut être une tribune pour un président aux positions imprégnées de racisme, de machisme, de paternalisme, de discrimination, de sexisme et de violence ». Dans cette lettre ouverte, la CONAIE alerte le Forum que « le discours du régime équatorien utilise l’argument de la révolution citoyenne, du socialisme du XXIème siècle comme argument idéologique au nom duquel il réprime et porte atteinte à la dignité et aux droits de nos peuples ». Contrairement à ce que dit le gouvernement, « la longue nuit néolibérale est présente en Equateur ».

    Les différentes lois décidées par le gouvernement (loi sur les ressources hydriques, loi de la souveraineté alimentaire, de la communication, de l’éducation, de la bio-diversité…) forment un “paquet” législatif qui remet en question les droits acquis des peuples amérindiens sur leurs territoires. Dans une interview récente, Marlon Santi, président de la CONAIE précise qu’avec ces nouvelles lois, est remis en question « l’Etat plurinational et interculturel et qu’à l’intérieur de celui-ci, les droits des peuples autochtones sont en passe d’être marginalisés » par ces nouvelles lois qui « relient le monopole économique au pouvoir ». D’un côté, « la nouvelle constitution établit et garantit que toute prise de décision (approbation de lois, programmes, politiques publiques) qui affectent les peuples originaires doivent avoir été soumise et approuvée préalablement par les peuples concerné » de l’autre, une loi comme celle de l’exploitation minière « relève du gouvernement nationa
    l et sera appliquée dans les territoires indiens » alors même qu’elles ont été décidées « sans consulter les peuples et nations indiennes. » [4]

    Cet affrontement entre le pouvoir et les mouvements indiens s’est doublé d’une stratégie gouvernementale visant à briser, fragmenter et coopter une partie de ces mouvements en créant de toute pièce de nouvelles organisations amérindiennes mais aussi paysannes ou syndicales sans aucune autre orientation que l’officialisme, c’est-à-dire l’obéissance au gouvernement, où certains leaders sont utilisés comme bouclier afin de justifier la répression au nom du maintien de la démocratie et la libre circulation sur les routes. Stratégie qui s’appuie sur son parti politique, Alianza País, qui organise des contre-manifestations en défense de son « lider » et demande la fin des mobilisations, l’usage de la “mano dura” contre les ennemis de la révolution, etc.
    Stratégie classique du « diviser pour régner » mais qui n’hésite pas à se faire au nom du thème “cannibale” de la gauche de l’unité des dirigeants et des dirigés (sur le slogan « ce qui nous unit important est plus que ce qui nous sépare »). Stratégie qui permet de faire croire à la réalité du “dialogue” quand celui-ci se réduit à la mise en scène médiatique de rencontres entre les représentants de l’exécutif ou Correa lui-même et les organisations qui “acceptent” le dialogue.

    Les enjeux : autonomie, territorialité, développement

    Les mobilisations en cours en Equateur contiennent 3 enjeux fondamentaux entremêlés mais qu’il convient de repérer séparément.
     La défense de l’autonomie des mouvements, sociaux, nationalitaires/indiens, écologistes, politiques par rapport à un Etat qui vise avant tout leur neutralisation par la cooptation de leurs leaders et l’institutionnalisation de leurs structures par la mise en scène de leur reconnaissance comme interlocuteurs soumis mais représentatifs. Cet objectif a été jusque là un échec. Le gouvernement qui se faisait fort d’organiser un “débat national” sur la Loi sur l’eau n’a récolté que mobilisations, violences dans les rues et répression avec comme conséquence une crise majeure dans les relations entre un gouvernement et des mouvements sociaux sensés être sa base sociale.

     La lutte politique pour le pouvoir et le contrôle des territoires et donc des “richesses” potentielles qu’ils contiennent. Les Etats de l’Amérique latine, en particulier dans sa partie andine, se voient tous, à des degrés divers, confrontés à la montée en puissance d’une revendication de la territorialité et du contrôle politique sur des pans entiers des superficies de ces pays de la part des populations originaires. Il s’agit d’un conflit de légitimité grandissant entre les Etats centraux et les communautés, peuples et nations originaires, à l’intérieur de ces Etats quitte à les déborder (des peuples ou nations indiennes peuvent se trouver à cheval sur deux voire trois pays). Sans développer ce point ici, notons que la revendication plus ou moins affirmée de l’autonomie place ces populations dans une position de force : à la fois comme “citoyens” de l’Etat et comme membres de la communauté originaire, ils “doublent” en quelque sorte leur légitimité sur les territoires qu’i
    ls habitent et/ou dont ils sont originaires. Face à cette menace, les gouvernements de l’oligarchie, qu’ils soient de gauche ou de droite, les accusent d’être des sauvages, des incapables, des rétrogrades, mettant ainsi en évidence que, deux siècle après les indépendances, le colonialisme, ici dans une version “interne”, et le racisme qui lui est consubstantiel, sont toujours en vigueur et structurent fortement le champ politique national qui le clive entre les tenants de la civilisation ou du progrès contre ceux de la sauvagerie, du primitivisme,…

     La lutte contre un modèle productiviste, soumis au paradigme du développement. Les Etats de la région, qu’ils s’affichent ouvertement néolibéraux (Pérou) ou se déclarent antilibéraux (Equateur), mènent les mêmes politiques : ils paient la dette externe (FMI, Banque interaméricaine de développement…) sans rechigner, n’exproprient surtout pas les entreprises capitalistes nationales ou étrangères mais au contraire les appellent à investir plus, à exploiter les ressources du sol et du sous-sol par le jeu de concessions, en leur garantissant des marges de profits important (financement des infrastructures, paix sociale…). Les surfaces destinées à l’exploitation minières sont de 5.6 millions d’hectares, soit 20% de la superficie totale du pays, incluant des parcs nationaux et des réserves naturelles dont certaines ont été “concessionnées” depuis les années 80. L’Équateur n’a jamais été un pays minier mais le développement de cette activité le conduira aux mêmes problèmes que ses
    voisins : dans tous les pays andins, l’exploitation minière a provoqué la pollution des sources et la déforestation qui menacent la survie de milliers de communautés, donnée qui est à l’origine d’une nouvelle génération de mouvements sociaux, marqués par la question écologique et la mise en cause du développement, du modèle productiviste et “extractiviste”. D’autant plus que la vision de la terre chez les peuples indiens n’est pas celle d’une ressource économique à exploiter et épuiser mais appartient à un imaginaire politico-culturel, la conception et la représentation d’un monde, celui dont ils sont issus (la Pachamama), dont ils font partie, qu’ils habitent et qui doit leur survivre.

    Ces données se retrouvent à des degrés divers dans la plupart des pays andins. Comme lors du soulèvement au Pérou au mois de juin dernier, il apparaît que ce sont aujourd’hui les composantes les plus amazoniennes (piémont et plaine forestière) de ces peuples et nations amérindiens qui sont les plus mobilisés. Cela traduit un rééquilibrage dans le protagonisme entre les différentes communautés et un élargissement du réveil indien dans sa globalité. Les conséquence immédiates et à court et moyen terme en sont et seront sans aucun doute sa plus grande capacité à reconfigurer en profondeur le champ politique, à modifier les contenus des luttes sociales, notamment la question des ressources et de ses usages, à peser de plus en plus lourdement sur le cours des évènements, à ouvrir de nouvelles perspectives pour l’ensemble du sous-continent et espérons-le, un peu au-delà.

    Le 1er octobre

  • Situation en Bolivie aprés les élections :

    Ce n’est un secret pour personne, Evo Morales a été réelu avec le score de 63 pour cent, victoire écrasante du MAS parti social démocrate au pouvoir depuis décembre 2005. La gauche latino américaine , européenne, mondiale est aux anges, les classes populaires boliviennes qui ont votés massivement pour le MAS sont en plein bonheur.

    Leur sentiment est qu’enfin le bras de fer que Morales a entamé avec l’opposition a été remporté, leur sauveur va pouvoir enfin réellement faire une transformation sociale radical qui va bouleverser le pays pour longtemps, le "socialisme moderne" est en marche , la discrimination, la marginalisation bientôt des souvenirs, les héros des luttes indiennes contre le colonialisme de l’époque sont résucités, Tupac Katari l’avait dit quand les colons espagnols ont écrasés la grande révolte indienne de 1781 et qu’ils l’ont écartelés, "Je reviendrai et je serai des millions" aujourd’hui Morales a mobilisés ces millions et a gagné, Tupac Katari, Bartolina Sisa, Zarate Wilka tous les heros martyres sont vengés et ont leur digne successeur.

    C’est évident, car si le MAS sème des illusions classiques de la gauche au niveau du réformisme avec ses reformes sociales palliatives qu’il a entreprit et qu’il va continué, l’illusion qu’il sème egalement est un cas particulier à la bolivie. La population bolivienne est majoritairement indienne, cependant les classes dirigeantes sont blanches, le racisme anti indien est un racisme d’état, la structure politique est de type semi colonial et semi féodale encore aujourd’hui. Constitutionellement le servage a été abolis aprés la révolution de 1952 par le gouvernement nationaliste du MNR, les langues indiennes étaient interdites d’enseignement,la place Murillo ou se situe le palais présidentiel était interdite aux indiens il y a encore 40 ans.

    Le MAS a énormément surfé sur ce malaise, sur cette frustration lié à ce racisme de type colonial. D’abord la représentativité de ce parti, l’énorme majorité sont d’origine indigène alors qu’il n y en a quasiment pas dans les autres partis officiels. Le gouvernement du MAS dans son ensemble est composé d’anciens petits bureaucrates syndicaux, politiques et associatifs. Tous quasiment sont issus des classes populaires notamment de la paysannerie. Morales le premier, indien Aymara issu d’une famille de paysans, ayant quitté sa région d’origine une région sinistré pour aller s’installer dans le Chaparé et cultiver la feuille de coca. Travailleur dans les cultures de coca après avoir quitter l’école à 13 ans, c’est extrêmement symbolique, la feuille de coca est omniprésente dans les cultures indigènes, et les cocaleros sont à la pointe des luttes sociales pour deux raisons, premièrement parce que le pouvoir les persécutent particulièrement (cette région était encore recemment militarisé, avec des postes aux frontières) car les accusant de narco trafic, en réalité pour exercer une répression politique et deuxièmement ce qui répond à la 1ère question parce que bon nombre de ces cocaleros de cette région sont d’ancien mineurs licenciés en 1985 quand les mines ont été privatisés et qui ont participés aux grèves générales, aux marches , aux blocages que ce secteur du prolétariat le plus radical, avant gardiste a organisé dans les années 80 et bien avant. Donc le MAS et Morales sont donc le symbole même de la représentation pour les classes populaires d’origine indienne humiliés et paupérisés, piller, dépouiller par les pays impérialistes.

    Toutes sortes d’illusions sont lancés, Morales est l’homme de la situation, il est réellement un intermédiaire de la bourgeoisie, le Mas a brisé l’élan révolutionnaire de la "guerre du gaz" de 2003 et de la situation de 2005, il a pris le pouvoir la même année et a déradicalisé les classes populaires et a prit le contrôle des organisations "indépendante", la COB le principal syndicat est depuis 1 an dirigé par le MAS avec marche commune au premier mai.

    Morales negocie ou plutôt pactise avec tous les acteurs de la bourgeoisie, généraux, cardinaux, politicard de droite et d’extrême droite. Si le prolétariat se laisse cadenassé si il ne déborde pas Morales ( c’est quand même arrivé 2 fois lors de son mandat) alors ils risqueront de subir l’ordre fasciste avec coup d’état à l’appui, car cette situation intermédiaire ne peut pas durer éternellement, la bourgeoisie va tenté d’anticipé et de prendre les devants. Les gouvernements de gauche boliviens ont tous offerts la victoire aux fascistes quand ils étaient au bout de leur fonction, MNR, MIR, chefs militaires nationalistes, populistes, MAS aujourd’hui semant des illusions différentes mais toutes aussi criminelles, nationalisation pour certains faux soviets et réformes agraires pour d’autres, changement de constitution politique, reconnaissance et statut indigène, assemblée constituante. Poudre aux yeux et véritable travail contre révolutionnaire.

  • Solidaridad a los dirigentes sindicales del Hospital Larcade

    FRENTE OBRERO SOCIALISTA

    Hospital Larcade de San Miguel : Criminalizan a dirigentes sindicales para privatizar la salud

    Escribe Eduardo Barragán

    Se cumplen ocho semanas de lucha en el hospital Larcade. Empezó el 15 y 16 de octubre tomando el hospital por falta de pago en las horas extras, la ex-tensión horaria, las becas y los reemplazos de guardia. En menos de 24 horas pagaron todo lo que se adeudaba.

    La unidad de los trabajadores y la asamblea democrática fueron las bases del triunfo. Una semana después, apareció un decreto por el que se trasladaba a 15 profesionales a centros de atención primaria (salitas), entre ellos 5 miembros de la comisión directiva de la Asociación de Profesionales, APUHL.

    Tres objetivos tenía la medida : dividir a profesionales de no profesionales, terminar con la Asociación de Profesionales que históricamente ha defendido la salud pública y gratuita y los derechos de los trabajadores y profundizar el vaciamiento del hospital.

    ¿Porque este ataque ?

    Porque el objetivo final de las autoridades municipales es privatizar el hospital a través de contratos con obras sociales, de tercerizaciones, de arancelamiento. Para estos « señores » la salud es un negocio. Para eso quieren aplicar el modelo del municipio vecino de Malvinas Argentinas, que, a su vez, responde al modelo que pregonan el Banco Mundial y el FMI desde la década del ´90.

    Para avanzar en la aplicación de este modelo es necesario derrotar a los trabajadores, dividir-los y terminar con las organizaciones sindicales que se oponen a él y defienden los derechos de los trabajadores. Por eso el ataque a la APUHL y al Sindicato de Trabajadores Municipales de San Miguel, José C Paz y Malvinas Argentinas.

    Se les cayó la máscara

    A medida que pasan los días, que se mantiene la unidad de los trabajadores en la lucha, que crece la solidaridad de la población, que se fortalece el funcionamiento democrático de las asambleas, la máscara con la que se intentó ocultar el verdadero objetivo del Intendente y su séquito de funcionarios, se está cayendo. El viernes 4 de diciembre dos de los dirigentes de la APUHL fuimos citados por el Secretario de Gobierno. En esas reuniones se nos dijo que se había presentado una demanda penal contra los cinco médicos que nos negamos a aceptar el traslado compulsivo a las salitas y que esa demanda podría significar la exoneración de los cinco profesionales. Es decir, que como resultado del proceso penal no podamos volver a trabajar como médicos en el país.

    También se nos dijo que era decisión del Intendente municipal, despedirnos porque nuestra permanencia en el municipio « era incompatible con el plan de salud del Intendente ». Reconocen con esto que los « traslados a salitas » eran una trampa grotesca. Porque nos quieren fuera del municipio.

    Ningún empacho tuvieron em reconocer que éramos buenos trabajadores, con largos años de trayectoria y con legajos impecables en el desempeño de nuestras funciones.

    El Secretario de Gobierno dejó al descubierto el objetivo del Intendente municipal : privatizar el hospital. Por eso quienes defendemos el hospital público, gratuito y de calidad, somos « incompatibles » con el plan del Intendente, que es la privatización del hospital. En realidad significa avanzar en la privatización de la salud del municipio. Por eso es también que despidieron a trabajadores municipales precarizados, por el « delito » de apoyar nos, y pese a que anunciaron em el ministerio su reincorporación, aún no firmaron el decreto.

    Para garantizar este « negocio » no tienen el más mínimo escrúpulo : inventan un plan que no existe, falsifican las estadísticas del hospital y de los centros de atención primaria, inventan uma causa penal convirtiendo a los médicos con legajos impecables -según sus propias palabras- em criminales comunes.

    Desconocen las leyes laborales del país y la propia Constitución Nacional, desconocen fallos de la Corte Suprema de Justicia sobre libertad sindical. Todo vale con tal de hacer del derecho a la salud de la población una mercancía y llenarse los bolsillos sacando ganancias sobre la vida de los trabajadores y el pueblo de San Miguel. Para conseguirlo necesitan destruir la organización democrática de los trabajadores.

    El conflicto del Larcade enfrenta dos « modelos » que sirven a las patronales y al gobierno

    El modelo de salud pública y gratuita que defienden los trabajadores del hospital y municipales que enfrenta al modelo privatizador del Intendente De La Torre.

    El modelo de sindicatos democráticos y combativos que defienden los trabajadores del hospital y del municipio enfrenta al modelo de sindicatos burocráticos y verticalistas, que defienden Moyano, Zanola, Belén y tantos otros agentes de la patronal.

    Esto es lo que está en juego em el conflicto del hospital Larcade de San Miguel.

    *******

    Campaña de solidaridad

    ¡No a la criminalización de dirigentes sindicales !

    ¡No a la privatización de la salud !

    Se cumplen ocho semanas de lucha en el hospital Larcade en San Miguel, Provincia de Buenos Aires, Argentina. Empezó el 15 y 16 de octubre tomando el hospital por falta de pago en las horas extras, la extensión horaria, las becas y los reemplazos de guardia. En menos de 24 horas pagaron todo lo que se adeudaba. La unidad de los trabajadores y la asamblea democrática fueron las bases del triunfo.

    Una semana después, apareció un decreto por el que se trasladaba a 15 profesionales a centros de atención primaria (salitas), entre ellos 5 miembros de la comisión directiva de la Asociación de Profesionales, APUHL.

    Tres objetivos tenía la medida : dividir a profesionales de no profesionales, terminar con la Asociación de Profesionales que históricamente ha defendido la salud pública y gratuita y los derechos de los trabajadores y profundizar el vaciamiento del hospital.

    El objetivo final de las autoridades municipales es privatizar el hospital a través de contratos con obras sociales, de tercerizaciones, de arancelamiento. Para eso quieren aplicar el modelo del municipio vecino de Malvinas Argentinas, que, a su vez, responde al modelo que pregonan el Banco Mundial y el FMI desde la década del 90.

    Para avanzar en la aplicación de este modelo es necesario derrotar a los trabajadores, dividirlos y terminar con las organizaciones sindicales que se oponen a él y defienden los derechos de los trabajadores. Por eso el ataque a la APUHL y al Sindicato de Trabajadores Municipales de San Miguel, José C Paz y Malvinas Argentinas.

    Suspensión y exoneración

    Los médicos no acataron el traslado compulsivo que además de injusto es ilegal. Luego fueron suspendidos por 2 meses hasta el 10 de enero. Frente a eso algunos médicos terminaron retrocediendo, pero cinco siguieron resistiendo.

    El viernes 4 de diciembre dos de los dirigentes de la APUHL fueron citados por el Secretario de Gobierno. En esas reuniones dijo que se había presentado un sumario administrativo y una demanda penal contra los cinco médicos (Pablo Gil, Roberto Intani, Hugo Fernandez, Horacio Alonso y Eduardo Barragán) que se negaron a aceptar el traslado a las salitas en los barrios y que esa demanda podría significar la exoneración de los profesionales. Es decir, que como resultado del proceso penal no podamos volver a trabajar como médicos en el país.

    Se dijo que los despidos era decisión del Intendente municipal porque su permanencia en el municipio "era incompatible con el plan de salud del Intendente". Así que inventan una causa penal convirtiendo a los médicos con legajos impecables - según sus propias palabras - en criminales comunes.

    Desconocen las leyes laborales del país y la propia Constitución Nacional, desconocen fallos de la Corte Suprema de Justicia sobre libertad sindical. Todo vale con tal de hacer del derecho a la salud de la población una mercancía y llenarse los bolsillos sacando ganancias sobre la vida de los trabajadores y el pueblo de San Miguel. Para conseguirlo necesitan destruir la organización democrática de los trabajadores.

    Campaña de solidaridad contra los traslados y las exoneraciones

    Los trabajadores están dispuestos a seguir movilizados y han votado un plan de lucha. Al mismo tiempo queremos intensificar la campaña nacional e internacional de solidaridad a los profesionales amenazados de exoneración. En este sentido pedimos a las entidades democráticas, sindicatos, partidos políticos y personalidades que se manifiesten exigiendo de las autoridades el fin de los traslados, amenazas de despidos y de exoneraciones de los médicos del Hospital Larcade. Con ese fin, adjuntamos un modelo de nota con las direcciones para que sean enviadas.

    Saludos sindicales.

    Asociación de Profesionales Universitarios del Hospital Larcade (APUHL)

    Horacio Alonso Eduardo Barragán

    Presidente Secretario gremial

    ********

    NOTA DE SOLIDARIEDAD

    A los trabajadores del Sindicato Municipal de San Miguel, JoséC. Paz y Malvinas Argentinas y a los trabajadores del hospital Larcade de San Miguel.

    Reciban nuestra total solidaridad en la lucha que llevan adelante en defensa de la salud pública y gratuita y por la libertad y la democracia sindical.

    Los traslados, suspensiones, despidos y la denuncia penal, convierte a los luchadores sindicales en delincuentes.

    La única explicación para este ataque autoritario y por fuera de las leyes del país, es la destrucción de las organizaciones sindicales que han defendido históricamente la salud pública y gratuita, los intereses de los trabajadores y que han hecho de la democracia sindical su forma de funcionamiento y mejor arma para mantener la unidad de los trabajadores en la lucha.

    ¡Por la salud pública y gratuita !

    ¡Por sindicatos democráticos !

    ¡Por la unidad de los trabajadores !

    Firman :

    Enviar la nota de solidariedad para las seguintes direcciones :

    1) Asociación de los profesionales del Hospital Larcade

    apuhl.cicop@gmail.com

    2) Dr. Eduardo Barragán

    barraganpardo@yahoo.com

    PRONUNCIAMENTO

    Al Sr. Dr. Joaquín De La Torre.

    Intendente Municipal de San Miguel.

    S. / D.

    C.C. :

    Presidenta de la Nación Argentina María Fernández de Kirchner

    Gobernador de la Provincia de Buenos Aires Daniel Osvaldo Scioli

    Enterados de los traslados compulsivos de los médicos Roberto Intani, Pablo Gil, Hugo Fernández, Horacio Alonso y Eduardo Barragán, de Hospital Larcade, San Miguel, posteriormente suspendidos por 60 días, a lo que se agrega la demanda penal y la amenaza de despido y exoneración en el ejercicio de su profesión :

    Ø Exigimos el inmediato cese de estas sanciones que violan la ley y son un ataque a la libertad sindical y persecución a los dirigentes y luchadores y la organización sindical.

    Ø Denunciaremos ante las organizaciones internacionales del trabajo y los derechos humanos, el comportamiento autoritario de vuestro gobierno.

    Ciudad, país, fecha

    Firma :

    Enviar el pronunciamiento para las seguintes direcciones :

    1) Intendente de San Miguel Joaquín De la Torre

     SECRETARIA PRIVADA : (FAX) 0054 23 4451-5821

     Email : privada@msm.gov.ar

    2) Gobierno de la Provincia de Buenos Aires Daniel Scioli

     Email : sprivgob@gba.gov.ar

    3) Presidencia de la Nación Argentina

     Secretariageneral@presidencia.gov.ar

    Con copia :

    4) Asociación de los profesionales del Hospital Larcade

    apuhl.cicop@gmail.com

    5) Dr. Eduardo Barragán

    barraganpardo@yahoo.com

  • Salut j’envoie une vidéo sur la situation révolutionnaire qu’il y a eu en Bolivie en 2003 :
    http://www.youtube.com/watch?v=UU9c3NVY5q0 partie 1
    http://www.youtube.com/watch# !v=raWUM-ZZofQ&feature=related partie 2

  • Article sur la répression d’un mouvement de chômeur en Argentine

    Argentine : répression et chasse à l’homme de chômeurs de Salta
    20-05-2010
    La police de la province de Salta (nord argentin), en ce moment, réprime des travailleurs sans emploi de General Mosconi et a réalisé plusieurs arrestations. La répression a eu lieu à la hauteur du Gazoduc qui est construit dans cette municipalité. L’Union des Travailleurs sans emploi (UTD) de Mosconi a dénoncé : "après avoir réprimé dans la zone de la montagne, maintenant ils poursuivent nos compagnons et des dirigeants, parmi lesquels Pepino Fernandez. Ils rentrent dans les domiciles particuliers à la chasse des ex-travailleurs d’YPF et des coopérativistes qui ne touchent plus leurs salaires depuis plus de 5 mois pour la construction de logements du Programme Fédéral d’Urgence Habitationelle".

    Nous reproduisons le communiqué de presse que l’organisation a fait circuler :

    Urgent

    Dans le bicentenaire de la république de l’abondance, les chômeurs de General Mosconi sont à nouveau réprimés par cette maudite police provinciale des Romero, Urtubey et Ruartes qui soutiennent la tolérance "zéro", y a-t-il une tolérance "zéro" pour la faim ?, les gens sont sans travail, leurs enfants ont faim et les entreprises étrangères font venir des travailleurs avec ou sans formation, avec ou sans accords. Face aux revendications permanentes, cette maudite police répond avec la répression, les arrestations, des coups, devant la passivité des dirigeants corrompus qui regarde ailleurs, obnubilés par le pouvoir et les inhalations de substances de divers caractère qui ne leur permettent pas de voir l’extraordinaire crise dans laquelle se trouve la population.

    Ils ont réprimé dans le gazoduc qui est construit dans la Municipalité de Mosconi, à travers de l’Entreprise Victor Contreras sous-traitante de l’entreprise brésilienne Odebrecht, après avoir réprimé dans la zone de la montagne, maintenant ils poursuivent nos compagnons et des dirigeants, parmi lesquels Pepino Fernandez. Ils rentrent dans les domiciles particuliers à la chasse des ex-travailleurs d’YPF et des coopérativistes qui ne touchent plus leurs salaires depuis plus de 5 mois pour la construction de logements du Programme Fédéral d’Urgence Habitationelle qui étaient sur le bord de la route protestant pour la dette de propriété participative et de salaires.

    Plusieurs compagnons ont été arrêtés et nous ne savons pas ce qui est arrivé à Pepino Fernandez et d’autres dirigeants qui ont participé avec celui-ci à ce mouvement.

    Anred, 19 mai 2010.

  • Lula n’est pas revenu sur les privatisations et les contre-réformes des gouvernements précédents. Par ailleurs, Lula poursuit la privatisation des autoroutes, des centrales hydroélectriques, de la forêt Amazonienne, de la sécurité sociale et d’autres services publics. Il y a toujours un énorme fossé entre les riches et les pauvres, dans le pays. De fait, le Brésil est un pays de grandes contradictions. Il compte de grandes villes modernes, telles que Rio de Janeiro et Sao Paulo, qui sont comparables aux villes des pays capitalistes les plus avancés. Mais un tiers de la population y vit dans des bidonvilles. Les disparités entre les différentes régions sont encore plus importantes. Au Nord-Est, les conditions de vies sont celles du « Tiers-monde ». L’essentiel des terres est contrôlé par les latifundistes et par les compagnies capitalistes nationales et multinationales. Cela a conduit à l’émergence du Mouvement des Paysans Sans-Terre (MST), qui organise 5 millions de paysans luttant pour une redistribution des terres.

    Comme on pouvait s’y attendre, l’élection de Lula, en 2002, et les réformes engagées dans un contexte de croissance économique, ont permis d’établir un équilibre instable entre les classes – une sorte de « paix sociale ». Même s’il y a eu d’importantes grèves, le niveau général des conflits a diminué.

    Lula a plu aux patrons et il y a bien des raisons pour cela ...

  • Brésil : le bilan de Lula

    Lula a fini son mandat et les média lui décernent un sans faute, Il a, disent-ils, réconcilié les riches et les pauvres. Venu du syndicalisme, il a tellement satisfait la bourgeoisie brésilienne que la droite n’a pas pu se permettre de présenter un candidat contre lui ! Il est le président qui a accompagné la transformation du Brésil en un nouvel impérialisme sans que la contestation ouvrière ne gêne la bourgeoisie et en faisant passer des sacrifices pour les salariés !

  • La Zona, propriété privée (en espagnol, La zona) est un film hispano-mexicain de Rodrigo Plá, sorti en mars 2008 dont l’action se situe à Mexico.

    Trois adolescents de Mexico s’introduisent dans une maison, mais le cambriolage tourne mal et ils tuent la vieille femme qui y habite, tandis qu’un garde est abattu par erreur et 2 des 3 jeunes eux volontairement dans le dos. Plutôt que de prévenir les autorités, ce qui entrainerait la fermeture de la résidence, les habitants décident de se faire justice eux-mêmes. Une chasse à l’homme sans pitié commence, tandis qu’au-dehors un policier mène l’enquête.

    Ce film est troublant car il touche a une réalité permanente : ces quartiers petit bourgeois, encerclé par la zone, ce mot désignant les habitations du début du 20eme siecle autour de Paris, et qui sont ni plus ni moins les ancêtres des favellas et autres bidons villes.

    Ici la Zona, c’est au contraire une forteresse ,ou habite des cadres, des enseignants, un échantillons des classes moyennes,et celle ci est assiégé par les quartiers prolétaires.

    On y voit donc la formation concrète d’une milice fasciste.

    pour regarder le film c’estici

  • Plus de douze ans après le défaut de paiements de décembre 2001, l’Argentine et une poignée de créanciers vont bientôt se retrouver devant la Cour Suprême américaine, à Washington. L’affaire est importante pour les et les autres, mais aussi pour l’avenir des marchés de dettes souveraines, encore ébranlés par la crise grecque et sa gestion chaotique.

    On se souvient qu’après quatre ans d’épreuve de force, l’Argentine avait proposé en 2005 d’échanger ses 152 vieilles émissions obligataires contre de nouveaux titres, dépréciés d’environ 70%. Le plus gros défaut de paiement de l’histoire (103 milliards de dollars) devait donc se solder par un write-off tout aussi exceptionnel. Problème, un peu moins de 75% des porteurs se sont présentés à l’échange, si bien qu’après une nouvelle phase tactique l’offre a été rouverte en 2010. 18% environ des investisseurs récalcitrants ont présenté leurs titres, ce qui nous laisse aujourd’hui avec une petite troupe détenant 7% de la dette initiale. Pas un dollar en intérêts ou en capital n’a été versé sur ces titres depuis 2001. Toutefois, la plupart de ces investisseurs n’étaient pas là au moment du défaut : ils ont racheté ultérieurement la dette sur le marché secondaire, avec une décote massive, en espérant obtenir in fine un remboursement au pair.

    On trouve surtout ici les fameux « fonds vautour », dont NML Capital, qui a déjà réussi une opération de ce type contre le Pérou en 2000 sous la raison sociale d’Eliott Associates. Depuis plusieurs années, il poursuit la République d’Argentine devant les tribunaux de New York, juridiction où la dette a été émise. L’ensemble de l’affaire s’est développé dans un climat très déplaisant : les autorités argentines ont montré une grande constance dans la mauvaise foi, tandis que leurs adversaires ont souvent nourri leurs campagnes de presse d’arguments soit idéologiques, soit pauvrement informés.

  • L’Argentine est en grève

    Métros, autobus et trains de banlieue étaient à l’arrêt, tous les vols sont annulés dans les aéroports du pays, banques, écoles et administrations fermées, et la plupart des commerces ont également le rideau baissé, faute de transports en commun pour les employés.

    "La grève est suivie car il n’y a eu aucune réponse, ni réaction du gouvernement aux revendications", a déclaré Hugo Moyano, un des leaders les plus influents du mouvement syndical argentin.

    Le pouvoir d’achat des 44 millions d’Argentins est en chute libre du fait de la hausse des prix, la pauvreté augmente, l’économie est en récession, et le gouvernement mène une politique de rigueur budgétaire, sous la pression du FMI.

    Les syndicats demandent des hausses salariales alignées sur l’inflation.

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