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Révolte ouvrière dans le Monténégro

mardi 8 septembre 2009

Nikšić fait sa rentrée sous le signe de la contestation sociale : les ouvriers de la Fonderie, des Aciéries, des Mines de bauxite, de l’entreprise Duvankomerc, les transporteurs ainsi que les employés de l’hôtel Onogošt viennent d’annoncer des mouvements de protestation. Les meetings et les discours se succèdent, les journalistes en rendent compte, la police encadre avec vigilance les mouvements, mais rien ne bouge du côté de ceux qui devraient prendre des mesures.

Les dernières manifestations se sont soldées par un échec pour les ouvriers. Tout le monde semble oublier les ouvriers de la Fonderie alors qu’ils ne touchent plus aucun salaire depuis 17 mois. Aux Aciéries, on annonce le licenciement d’au moins un quart des salariés, soit 400 personnes, dans les Mines de bauxite 600 ouvriers sont inscrits au plan social, et autant devraient conserver leur emploi. Pour le gouvernement et le syndicat, il s’agit du personnel minimum pour redémarrer la production, alors que la direction affirme que 227 ouvriers seulement sont nécessaires.

Les femmes employées à Duvankomerc redoutent la rentrée scolaire et leurs obligations familiales. Les employés de l’hôtel Onogošt attendent la fin de la procédure de faillite pour savoir s’ils seront eux aussi « liquidés ». Seuls les transporteurs sont parvenus à un accord et continuent à travailler.

La notion de « salaire » semble devenue abstraite à Nikšić. Même l’administration locale « délie à grand peine les cordons de sa bourse », et les employés reçoivent leurs salaires avec deux ou trois mois de retard.

Un millier de chômeurs en plus

Ce mois de septembre, la situation sociale de la ville va encore beaucoup se détériorer. Si la direction des Aciéries maintient son intention de licencier le quart de ses ouvriers, et si 600 personnes quittent les mines de Bauxite, l’Agence de l’emploi de Nikšić enregistrera plus d’un millier de chômeurs supplémentaires. De quoi remettre en cause l’apparence de « bien être » de la ville, dont l’agglomération compte 100.000 habitants.

D’après les statistiques officielles, le taux de chômage à Nikšić est de 9,81%, ce qui se situe au-dessous de la moyenne monténégrine qui atteint 10,33%. 3.400 personnes sont déjà inscrites à l’Agence pour l’emploi, dont 2.000 ont plus de 40 ans. 106 personnes sont au chômage à la suite de faillites, 395 de licenciements techniques et on compte aussi 133 invalides. 1.250 chômeurs ont plus de 50 ans. Quelque 300 jeunes diplômés de l’enseignement supérieur inscrits à l’Agence attendent toujours les « délices » du premier salaire.

La situation sera désormais différente. Le nombre de bénéficiaires des prestations sociales va probablement augmenter. Actuellement, 1.400 familles perçoivent le minimum de 60,50 euros pour une personne seule ou de 115 euros pour les ménages d’au moins cinq membres.

Plus d’industrie lourde au Monténégro, seulement du tourisme !

Le président du syndicat des Aciéries, Janko Vučinić, pense toutefois qu’il n’y aura pas d’ouvriers candidats au départ car on peut difficilement s’attendre à une offre valable de la part de la direction.

« Une telle réduction des effectifs ne pourrait avoir lieu sans une violente révolte ouvrière qui entraînerait une situation chaotique et des manifestations dans les rues. Même si l’on proposait un plan social similaire à celui des mines de Bauxite et du Combinat d’aluminium de Podgorica (KAP), seul un petit nombre d’ouvriers seront prêts à quitter les Aciéries. » estime Janko Vučinić. Il s’agirait en outre du troisième plan social en peu de temps pour l’entreprise.

« La crise que les dirigeants du pays mentionnent va certainement passer, mais je crois qu’en réalité ils souhaitent avant tout supprimer l’industrie lourde et faire du Monténégro seulement une destination touristique. La crise est la bienvenue pour y parvenir. Malheureusement, peu d’entre nous peuvent vivre du tourisme » affirme le président du syndicat des Aciéries. Face à ce qui passe dans le pays, « nous sommes en droit de nous demander si ceux qui le gouvernent viennent ou non d’une autres planète » ajoute-t-il.

« Comprennent-ils que c’est uniquement grâce à notre salaire que nous vivons et que nous sommes aujourd’hui proches de la famine, que nous nous trouvons dans une profonde pauvreté. Si l’on nous retire aussi ce salaire mensuel, même s’il n’est pas toujours régulier, nous courons à la ruine. Je ne sais pas qui a intérêt à être riche dans un pays de pauvres. Un jour même les riches seront amenés à le quitter » conclut Janko Vučinić.

À la Fonderie, c’est une autre histoire. Les ouvriers sont en grève depuis le 10 mars 2009 et ils n’ont pas touché un centime depuis. Entre temps, les Aciéries ont résilié unilatéralement leur accord avec le propriétaire majoritaire, la compagnie italienne Gatti. Les ouvriers exigent toujours de reprendre la production et de bénéficier d’un programme social efficace pour subvenir à leurs besoins. Le Ministre de l’économie, Branko Vujović leur a récemment annoncé que s’ils ne parvenaient pas à s’entendre avec les Italiens dans les dix prochains jours, la Fonderie risquait la faillite. C’est pourquoi les ouvriers de la Fonderie, bien résolus, devaient partir le 1er septembre à pied vers Podgorica, distante d’une cinquantaine de kilomètres. Et cette marche n’est qu’une promenade de santé !

« Nous vivons mais c’est comme si nous ne vivions pas. Ni nos proches ne peuvent plus nous aider car nous les avons nous mêmes appauvris. Depuis longtemps, nous sommes une clientèle “indésirable” pour les banques et nous ne pouvons même plus prolonger nos livrets de santé. Ils ont probablement conclu que nous n’avions même plus besoin de nous faire soigner », explique, amère, Angelina Mušikić, présidente du syndicat de la Fonderie de Niksić.

À Duvankomerc, ce sont les femmes qui mènent la grève

Les ouvriers de Duvankomerc demandent à leur employeur le versement des arriérés de six mois de salaires, de douze primes de transport et de repas, de deux primes de congés payés et le retour aux postes de travail dans les kiosques avec un assortiment de marchandises suffisant pour que les salaires puissent être versés chaque mois. Pour le moment rien ne leur a été accordé.

Dans cette entreprise la grève est entreprise par les femmes, les mères de famille. Elles voient venir la rentrée scolaire avec crainte : « comment expliquer à nos enfants que nous ne pouvons leur acheter tout ce que les autres enfants ont, que nous ne pouvons leur offrir la vie qu’ils méritent. Cette grève n’est pas le fruit d’un grand courage ni d’une lâcheté cachée, c’est simplement le cri de gens épuisés qui attendent que leur soient versés les salaires qu’ils ont gagnés depuis longtemps », déclare Maja Jovović, membre du conseil de grève.

Elle dresse le portrait peu flatteur de la situation des employés de Duvankomerc : mauvaise santé, coupures d’électricité et de téléphone faute de paiement, refus des garants des crédits bancaires de payer leurs échéances et difficultés pour s’acheter produits alimentaires, livres et vêtements.

« Le combinat de tabac Duvanski a été dévasté. Le gouvernement en est le propriétaire majoritaire, mais nous à qui appartenons-nous ? À personne. Puisque nous n’avons plus rien à perdre, hormis nos vies car nous avons perdu le reste, nous disons que nous n’irons pas travailler dans les kiosques vides, affamées, sans rien à nous mettre » assure, décidée, Maja Jovović.

La fin du conflit dans les Mines de bauxite

Selon Ratko Radulović, président du syndicat des Mines de bauxite, les employés des Mines sont les seuls à s’en être bien sortis. 562 employés ont acceptés les conditions de départ fixées par le plan du gouvernement, et bénéficieront en sus de acquis obtenus grâce à la grève. Le syndicat espère que c’est un nombre suffisant et que la production va bientôt reprendre. « Pour nous il est important que ces personnes ait la volonté de partir et nous attendons la reprise de la production sous peu. Je pense que le nombre d’ouvriers qui restent est optimal pour le déroulement normal de la production, de sorte que les salaires ne devraient pas baisser », estime de façon optimiste Ratko Radulović.

Il pense que les ouvriers licenciés, qui recevront les primes de licenciement, « sont dans une meilleure situation car ils auront une vie décente. Rien n’est sûr pour nous. Qui sait ce qui va se passer avec le temps ? ». Lui n’a pas accepté le plan du gouvernement car il ne voulait pas qu’on pense qu’il ait chercher à laisser tomber ses collègues. Il a donc décidé de rester avec eux et de partager leur sort, toujours incertain.

Interdiction aux ouvriers de la fonderie de marcher sur Podgorica

Angelina Mušikić, la présidente du syndicat et du conseil de grève de la Fonderie, a déclaré que la police avait interdit aux employés leur marche de protestation entre Niksić et Podgorica.

« Dans son courrier, la police nous informe que la marche de protestation n’est pas autorisée. Les ouvriers vont être informés lors du rassemblement prévu devant les Aciéries. Il était convenu que 60 d’entre nous partent à pied, tandis que le transport avait été organisé pour une trentaine de collègues dont la mauvaise santé ne permettait pas de marcher.

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