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La stratégie révolutionnaire en 1921
lundi 25 juin 2012, par
Les prémisses matérielles de la révolution
Camarades, la théorie du marxisme a déterminé la première les conditions et les lois de l’évolution historique. En ce qui concerne les révolutions, la théorie de Marx, par la plume de Marx lui-même, dans la préface de son ouvrage : Contribution à la Critique de l’Economie politique, a établi à peu près la proposition suivante :
— Aucun régime social ne disparaît avant d’avoir développé ses forces productives jusqu’au maximum qui peut être atteint par ce régime, et aucun régime social nouveau ne peut apparaître s’il n’y a eu au préalable, dans le régime ancien, les conditions économiques nécessaires.
Cette vérité, qui est fondamentale pour la politique révolutionnaire, conserve pour nous aujourd’hui toute son incontestable valeur directrice. Cependant, plus d’une fois, on a compris le marxisme d’une façon mécanique et simpliste, et partant fausse. D’ailleurs, on peut tirer de fausses conclusions aussi de la proposition citée plus haut. Marx dit qu’un régime social doit disparaître, lorsque les forces de production (la technique, le pouvoir de l’homme sur les forces naturelles) ne peuvent plus se développer dans le cadre de ce régime. Au point de vue du marxisme, la société historique, prise comme telle, constitue une organisation collective des hommes ayant comme but l’accroissement de leur pouvoir sur la nature. Ce but, certainement, n’est pas imposé aux hommes par le dehors, mais ce sont eux-mêmes qui, au cours de leur évolution, luttent pour l’atteindre, en s’adaptant aux conditions objectives du milieu et en augmentant de plus en plus leur pouvoir sur les forces élémentaires de la nature. La proposition suivant laquelle les conditions nécessaires pour une révolution, — pour une révolution sociale, profonde, et non pas pour des coups d’Etat politiques si sanglants qu’ils soient, — pour une révolution qui remplace un régime économique par un autre, naissent seulement à partir du moment où le régime social ancien commence à entraver le développement des forces de production, cette proposition ne signifie nullement que l’ancien régime social s’écroulera infailliblement et par lui-même, quand il sera devenu réactionnaire au point de vue économique, c’est-à-dire à partir du moment où il aura commencé à entraver le développement de la puissance technique de l’homme. En aucune façon ; car, si les forces de production constituent la puissance motrice de l’évolution historique, cette évolution cependant ne se produit pas en dehors des hommes, mais par les hommes. Les forces de production, c’est-à-dire de l’homme social sur la nature, s’accumulent, il est vrai, indépendamment de la volonté de chaque homme séparé et ne dépendant que peu de la volonté générale des hommes d’aujourd’hui, car la technique représente un capital déjà accumulé qui nous a été légué par le passé et qui, soit nous pousse en avant, soit, dans certaines conditions, nous retient. Cependant, lorsque ces forces de production, cette technique, commencent à se sentir à l’étroit dans les cadres d’un régime d’esclavage, de servage, ou bien d’un régime bourgeois, et quand un changement des formes sociales devient nécessaire pour l’évolution ultérieure du pouvoir humain, alors cette évolution se produit non pas d’elle-même, comme un lever ou un coucher de soleil, mais grâce à une action humaine, grâce à une lutte des hommes, réunis en classes. La classe sociale qui dirigeait la société ancienne, devenue réactionnaire, doit être remplacée par une classe sociale nouvelle qui apporte le plan d’un régime social nouveau, correspondant aux besoins du développement des forces productrices, et qui est prête à réaliser ce plan. Mais il n’arrive pas toujours qu’une classe nouvelle, assez consciente, organisée et puissante pour détrôner les anciens maîtres de la vie et pour frayer la voie aux nouvelles relations sociales, apparaisse juste au moment où le régime social ancien se survit, c’est-à-dire devient réactionnaire. Cela ne se passe pas toujours ainsi. Au contraire, il est arrivé plus d’une fois dans l’histoire qu’une société ancienne était épuisée, — telle, par exemple, le régime d’esclavage romain et, avant lui, les anciennes civilisations d’Asie dans lesquelles le régime d’esclavage avait empêché le développement des forces productrices, — mais dans cette société finie il n’y avait pas de classe nouvelle assez forte pour déposer les maîtres et établir un régime nouveau, le régime de servage, ce dernier constituant un pas en avant par rapport au régime ancien. A son tour, dans le régime de servage, il n’y avait pas toujours, au moment nécessaire, de classe nouvelle (la bourgeoisie) prête à abattre les féodaux et à ouvrir la voie à l’évolution historique. Il est arrivé plus d’une fois dans l’histoire qu’une certaine société, une nation, un peuple, une tribu, plusieurs peuples ou nations qui vivaient dans des conditions historiques analogues, se sont trouvés devant une impossibilité de développement ultérieur, dans les cadres d’un régime économique donné (régime d’esclavage ou de servage). Toutefois, comme aucune classe nouvelle n’existait encore qui aurait pu les diriger sur une voie nouvelle, ces peuples, ces nations se sont décomposés ; une civilisation, un Etat, une société ont cessé d’exister. Ainsi l’humanité n’a-t-elle pas marché toujours de bas en haut, suivant une ligne toujours montante. Non, elle a connu de longues périodes de stagnation et de rechute vers la barbarie. Des sociétés s’étaient élevées, avaient atteint un certain niveau, mais n’ont pas pu rester sur les hauteurs... L’humanité ne reste pas en place ; son équilibre, par suite des luttes des classes et des nations, est instable. Si une société ne peut pas monter, elle tombe ; et si aucune classe n’existe qui puisse l’élever, elle se décompose et ouvre la voie à la barbarie.
Afin de comprendre ce problème extrêmement complexe, il ne suffit pas, camarades, de ces considérations abstraites que j’expose devant vous. Il faut que les jeunes camarades, peu au courant de ces questions, étudient des ouvrages historiques pour se familiariser avec l’histoire de différents pays et peuples et, en particulier, avec l’histoire économique. C’est alors seulement qu’ils pourront se représenter d’une façon claire et complète le mécanisme intérieur de la société. Il faut bien comprendre ce mécanisme pour appliquer avec justesse la théorie marxiste à la tactique, c’est-à-dire à la pratique de la lutte de classe.