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Les partis révolutionnaires et les soviets russes de 1905

vendredi 7 février 2014, par Robert Paris

Le soviet de Petrograd envoyé en Sibérie

Les partis révolutionnaires et les soviets russes de 1905

Beaucoup d’idées fausses traînent sur les attitudes des partis révolutionnaires par rapport aux soviets russes de 1905. Les uns croient que Lénine défendait déjà sa conception de 1917, celle de soviets organes du futur pouvoir prolétarien. Les autres que Rosa Luxemburg avait défendu le « conseillisme ». Je conseille à ce propos de rechercher le mot même de « soviet » dans l’ouvrage de Rosa sur la révolution de 1905 : « Grève de masse, partis et syndicats ». IL n’y est question qu’une fois du Conseil des députés ouvriers de Petrograd et jamais question de pouvoir aux conseils ouvriers ni de direction des luttes révolutionnaires par des conseils de travailleurs. Jamais Rosa Luxemburg n’y discute des rôles respectifs du parti et des conseils... Elle voit dans les grands événements révolutionnaires, d’une part le rôle du parti et d’autre part celui ... des syndicats. Le seul à avoir eu d’emblée l’intuition du rôle des soviets est Léon Trotsky et cela lui a permis d’être le dirigeant révolutionnaire qui a joué le plus grand rôle dans les événements.

« Qu’était-ce donc que le soviet ? Le conseil des députés ouvriers fut formé pour répondre à un besoin pratique : il fallait avoir une organisation jouissant d’ une autorité indiscutable, libre de toute tradition, qui grouperait du premier coup les multitudes disséminées et dépourvues de liaison (...) ; l’essentiel enfin, c’était de pouvoir la faire surgir dans les 24 heures (...) Pour avoir de l’ autorité sur les masses, le lendemain même de sa formation, elle devait être instituée sur la base d’ une très large représentation. Quel principe devait-on adopter ? La réponse venait toute seule. Comme le seul lien qui existât entre les masses prolétaires, dépourvues d’organisation, était le processus de production, il ne restait qu’à attribuer le droit de représentations aux entreprises et usines. (...) Le 13 octobre au soir eut lieu la première séance du futur soviet. Il n’ y avait pas plus de 30 à 40 délégués. On décida d’appeler immédiatement le prolétariat de la capitale à la grève générale et à l’élection des délégués (...) Il y avait un délégué par groupe de 500 ouvriers. Les petites entreprises s’ unissaient pour former des groupes d’électeurs. » (Trotsky, "1905")

« Quel était le caractère essentiel de cette institution qui, très vite, conquit une place si importante dans la révolution et marqua d’un trait distinctif l’apogée de sa puissance ?

Le soviet organisait les masses ouvrières, dirigeait les grèves et les manifestations, armait les ouvriers, protégeait la population contre les pogroms. Mais d’autres organisations révolutionnaires remplirent la même tâche avant lui, à côté de lui et après lui : elles n’eurent pourtant pas l’influence dont jouissait le soviet. Le secret de cette influence réside en ceci que cette assemblée sortit organiquement du prolétariat au cours de la lutte directe, prédéterminée par les événements que mena le monde ouvrier pour la conquête du pouvoir. Si les prolétaires d’une part et la presse réactionnaire de l’autre donnèrent au soviet le titre de “gouvernement prolétarien”, c’est qu’en fait cette organisation n’était autre que l’embryon d’un gouvernement révolutionnaire. Le soviet personnalisait le pouvoir dans la mesure où la puissance révolutionnaire des quartiers ouvriers le lui garantissait ; il luttait directement pour la conquête du pouvoir, dans la mesure où celui‑ci restait encore entre les mains d’une monarchie militaire et policière.

Avant l’existence du soviet, nous trouvons parmi les ouvriers de l’industrie de nombreuses organisations révolutionnaires à direction surtout social‑démocrate. Mais ce sont des formations à l’intérieur du prolétariat ; leur but immédiat est de lutter pour acquérir de l’influence sur les masses. Le soviet devient immédiatement l’organisation même du prolétariat ; son but est de lutter pour la conquête du pouvoir révolutionnaire.

En devenant le foyer de concentration de toutes les forces révolutionnaires du pays, le soviet ne se laissait pas dissoudre dans l’élément de la démocratie révolutionnaire ; il était et restait l’expression organisée de la volonté de classe du prolétariat. Dans sa lutte pour le pouvoir, il appliquait les méthodes qui procèdent naturellement du caractère du prolétariat considéré en tant que classe – ces méthodes sont liées au rôle du prolétariat dans la production, à l’importance de ses effectifs, à son homogénéité sociale. Bien plus, en combattant pour le pouvoir à la tête de toutes les forces révolutionnaires, le soviet n’en guidait pas moins à chaque instant et de toutes les manières l’action spontanée de la classe ouvrière : non seulement il contribuait à l’organisation des syndicats, mais il intervenait même dans les conflits particuliers entre ouvriers et patrons. Et c’est précisément parce que le soviet, en tant que représentation démocratique du prolétariat pendant la période révolutionnaire, se tenait à la croisée de tous ses intérêts de classe qu’il subit dès le début l’influence toute‑puissante de la social‑démocratie. Ce parti eut là, du premier coup, la possibilité de réaliser les immenses avantages que lui donnait son initiation au marxisme ; capable d’orienter sa pensée politique dans le vaste “ chaos ”, il n’eut pour ainsi dire aucun effort à faire pour transformer le soviet, qui n’appartenait formellement pas à tel ou tel parti, en appareil de propagande et d’organisation.

La principale méthode de lutte appliquée par le soviet fut la grève politique générale. L’efficacité révolutionnaire de ce genre de grève réside en ceci que, dépassant le capital, elle désorganise le pouvoir gouvernemental. Plus l’ “anarchie” qu’elle entraîne est multiple et variée en ses objectifs, plus la grève se rapproche de la victoire. Il y faut cependant une condition indispensable : cette anarchie ne doit pas être suscitée par des moyens anarchi­ques. La classe qui, en suspendant momentanément tout travail, paralyse l’appareil de production et en même temps l’appareil centralisé du pouvoir, en isolant l’une de l’autre les diverses régions du pays et en créant une ambiance d’incertitude générale, cette classe doit être par elle‑même suffisamment organisée pour ne pas être la première victime de l’anarchie qu’elle aura provoquée. Dans la mesure où la grève abolit l’organisation gouvernementale existante, les organisateurs mêmes de la grève sont forcés d’assumer les fonctions gouvernementales. Les conditions de la grève générale, en tant que méthode prolétarienne de lutte, étaient les conditions mêmes qui permirent au soviet des députés ouvriers de prendre une importance illimitée.

Par la pression de la grève, le soviet réalise la liberté de la presse. Il organise un service régulier de patrouilles dans les rues pour la protection des citoyens. Il s’empare plus ou moins des postes, des télégraphes et des chemins de fer. Il intervient d’autorité dans les conflits économiques entre ouvriers et capitalistes. Il tente, par l’action révolutionnaire directe, d’établir le régime des huit heures. En paralysant l’activité de l’autocratie par l’insurrection gréviste, il instaure un ordre nouveau, un libre régime démocratique dans l’existence de la population laborieuse des villes. » (Trotsky, "L’histoire du soviet des députés ouvriers de Pétersbourg, c’est l’histoire de cinquante journées." )

Sur la révolution russe de 1905

La formation du soviet, racontée par Trotsky

Le soviet et la grève de novembre 1905

Nos tâches et le soviet des députés ouvriers, d’après Lénine

Les soviets et le point de vue menchevik

Voline et la naissance des soviets

Encore sur la révolution de 1905

La révolution de 1905 et la social-démocratie allemande

Les soviets, par Andres Nin

Le récit de Pelloutier

Extraits de « Les Soviets en Russie » de Oskar Anweiler

D’autres extraits de cet ouvrage

Messages

  • Lénine en 1905 :

    « La classe ouvrière, qui pendant longtemps, semblait se tenir à l’écart du mouvement de la bourgeoisie dirigé contre le gouvernement, vient de faire entendre sa voix. Les grandes masses laborieuses ont atteint avec une rapidité foudroyante le niveau de leurs camarades social-démocrates conscients. Le mouvement ouvrier à Pétersbourg a marché ces jours-ci à pas de géant. Les revendications économiques ont cédé la place aux revendications politiques. La grève devient général et aboutit à une manifestation colossale dont l’ampleur dépasse toute imagination. Le prestige du tsar est détruit à jamais. L’insurrection commence. Force contre force. La bataille des rues fait rage, les barricades se dressent, la fusillade crépite, le canon tonne. Des ruisseaux de sans coulent, la guerre civile pour la liberté s’allume. Moscou et le Midi, le Caucase et la Pologne sont prêts à se joindre au prolétariat de Pétersbourg. La liberté ou la mort, telle est désormais la devise des ouvriers. […] Chacun doit se tenir prêt à remplir son devoir de révolutionnaire et de social-démocrate. Vive la Révolution ! Vive le prolétariat insurgé ! »

  • Trotsky a laissé cette excellente définition du Soviet de 1905 :

    « Le Conseil des Députés Ouvriers a été créé pour répondre à un besoin objectif, suscité par les conjonctures d’alors : il fallait avoir une organisation jouissant d’une autorité indiscutable, libre de toute tradition, qui grouperait du premier coup les multitudes disséminées et dépourvues de liaison ; cette organisation devait être un confluent pour tous les courants révolutionnaires à l’intérieur du prolétariat ; elle devait être capable d’initiative et se contrôler elle-même d’une manière automatique ; — l’essentiel enfin, c’était de pouvoir la faire sortir de terre dans les vingt-quatre heures. »

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