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Quelle est la vérité ?

lundi 25 août 2014, par Robert Paris

« Nous n’allons pas au monde en doctrinaires pour lui apporter un principe nouveau. Nous ne lui disons pas : « Voici la vérité. Tombez à genoux ! »

Marx, lettre à Ruge, septembre 1843

Quelle est la vérité ?

« Comment découvrir des vérités ? Dans vos observations, remarquez des contradictions. Frottez les comme deux morceaux de bois pour obtenir de la lumière. La connaissance jaillit des contradictions... Ne borne pas ton enquête aux hommes, si tu veux découvrir plus aisément des vérités ; étend la à tous les animaux et aux plantes, bref à tout ce qui a naissance et voyons, en considérant tout cela, s’il est vrai qu’aucune chose ne saurait naître que de son contraire, quand elle a un contraire... Et « LA » vérité ? Nous ne nous approchons de LA vérité que dans la mesure où nous nous éloignons de la vie… On ne détient pas la vérité, on la cherche… Vous voulez me suivre, ne vous préoccupez pas où est Socrate, cherchez seulement la vérité... »

Socrate, rapporté par Platon

« Puisse ce Dieu que nous venons d’établir et de proclamer tout à l’heure, bien qu’il ne soit pas nouveau, nous tenir compte des vérités que nous avons pu dire, et nous imposer la punition que nous méritons s’il nous est échappé involontairement des choses indignes de lui. Or, la punition due à celui qui s’égare, c’est de l’éclairer. Nous prions donc ce Dieu, pour qu’à l’avenir, en traitant de la génération des Dieux, nous puissions dire la vérité ; nous le prions de nous accorder le plus sûr et le meilleur talisman, la science. »

Platon, dans Critias

« Il faut aller à la vérité avec toute son âme… »

Platon

« Maintenant, repris-je, représente-toi de la façon que voici l’état de notre nature relativement à l’instruction et à l’ignorance. Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière ; ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu’ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête ; la lumière leur vient d’un feu allumé sur une hauteur, au loin derrière eux ; entre le feu et les prisonniers passe une route élevée : imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles.
Je vois cela, dit-il.
Figure-toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des objets de toute sorte, qui dépassent le mur, et des statuettes d’hommes et d’animaux, en pierre, en bois, et en toute espèce de matière) ; naturellement, parmi ces porteurs, les uns parlent et les autres se taisent.
Voilà, s’écria-t-il, un étrange tableau et d’étranges prisonniers.
Ils nous ressemblent, répondis-je ; et d’abord, penses-tu que dans une telle situation ils aient jamais vu autre chose d’eux-mêmes et de leurs voisins que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face ?
Et comment ? observa-t-il, s’ils sont forcés de rester la tête immobile durant toute leur vie ?
Et pour les objets qui défilent, n’en est-il pas de même ?
Sans contredit.
Si donc ils pouvaient s’entretenir ensemble ne penses-tu pas qu’ils prendraient pour des objets réels les ombres qu’ils verraient ?
Il y a nécessité.
Et si la paroi du fond de la prison avait un écho, chaque fois que l’un des porteurs parlerait, croiraient-ils entendre autre chose que l’ombre qui passerait devant eux ?
Non, par Zeus, dit-il.
Assurément, repris-je, de tels hommes n’attribueront de réalité qu’aux ombres des objets fabriqués.
C’est de toute nécessité.
Considère maintenant ce qui leur arrivera naturellement si on les délivre de leurs chaînes et qu’on les guérisse de leur ignorance. Qu’on détache l’un de ces prisonniers, qu’on le force à se dresser immédiatement, à tourner le cou, à marcher, à lever les yeux vers la lumière : en faisant tous ces mouvements il souffrira, et l’éblouissement l’empêchera de distinguer ces objets dont tout à l’heure il voyait les ombres. Que crois-tu donc qu’il répondra si quelqu’un lui vient dire qu’il n’a vu jusqu’alors que de vains fantômes, mais qu’à présent, plus près de la réalité et tourné vers des objets plus réels, il voit plus juste ? si, enfin, en lui montrant chacune des choses qui passent, on l’oblige, à force de questions, à dire ce que c’est ? Ne penses-tu pas qu’il sera embarrassé, et que les ombres qu’il voyait tout à l’heure lui paraîtront plus vraies que les objets qu’on lui montre maintenant ?
Beaucoup plus vraies, reconnut-il.
Et si on le force à regarder la lumière elle-même, ses yeux n’en seront-ils pas blessés ? n’en fuira-t-il pas la vue pour retourner aux choses qu’il peut regarder, et ne croira-t-il pas que ces dernières sont réellement plus distinctes que celles qu’on lui montre ?
Assurément.
Et si, repris-je, on l’arrache de sa caverne par force, qu’on lui fasse gravir la montée rude et escarpée, et qu’on ne le lâche pas avant de l’avoir traîné jusqu’à la lumière du soleil, ne souffrira-t-il pas vivement, et ne se plaindra-t-il pas de ces violences ? Et lorsqu’il sera parvenu à la lumière pourra-t-il, les yeux tout éblouis par son éclat, distinguer une seule des choses que maintenant nous appelons vraies ?
Il ne le pourra pas, répondit-il ; du moins dès l’abord.
Il aura, je pense, besoin d’habitude pour voir les objets de la région supérieure. D’abord ce seront les ombres qu’il distinguera le plus facilement, puis les images des hommes et des autres objets qui se reflètent dans les eaux, ensuite les objets eux-mêmes. Après cela, il pourra, affrontant la clarté des astres et de la lune, contempler plus facilement pendant la nuit les corps célestes et le ciel lui-même, que pendant le jour le soleil et sa lumière.
Sans doute.
À la fin, j’imagine, ce sera le soleil - non ses vaines images réfléchies dans les eaux ou en quelque autre endroit - mais le soleil lui-même à sa vraie place, qu’il pourra voir et contempler tel qu’il est.
Nécessairement, dit-il.
Après cela il en viendra à conclure au sujet du soleil, que c’est lui qui fait les saisons et les années, qui gouverne tout dans le monde visible, et qui, d’une certaine manière, est la cause de tout ce qu’il voyait avec ses compagnons dans la caverne.
Evidemment, c’est à cette conclusion qu’il arrivera.
Or donc, se souvenant de sa première demeure, de la sagesse que l’on y professe, et de ceux qui y furent ses compagnons de captivité, ne crois-tu pas qu’il se réjouira du changement et plaindra ces derniers ?
Si, certes.
Et s’ils se décernaient alors entre eux honneurs et louanges, s’ils avaient des récompenses pour celui qui saisissait de l’oeil le plus vif le passage des ombres, qui se rappelait le mieux celles qui avaient coutume de venir les premières ou les dernières, ou de marcher ensemble, et qui par là était le plus habile à deviner leur apparition, penses-tu que notre homme fût jaloux de ces distinctions, et qu’il portât envie à ceux qui, parmi les prisonniers, sont honorés et puissants ? Ou bien, comme le héros d’Homère, ne préférera-t-il pas mille fois n’être qu’un valet de charrue, au service d’un pauvre laboureur, et souffrir tout au monde plutôt que de revenir à ses anciennes illusions et de vivre comme il vivait ?
Je suis de ton avis, dit-il ; il préférera tout souffrir plutôt que de vivre de cette façon-là.
Imagine encore que cet homme redescende dans la caverne et aille s’asseoir à son ancienne place : n’aura-t-il pas les yeux aveuglés par les ténèbres en venant brusquement du plein soleil ?
Assurément si, dit-il.
Et s’il lui faut entrer de nouveau en compétition, pour juger ces ombres, avec les prisonniers qui n’ont point quitté leurs chaînes, dans le moment où sa vue est encore confuse et avant que ses yeux se soient remis (or l’accoutumance à l’obscurité demandera un temps assez long), n’apprêtera-t-il pas à rire à ses dépens, et ne diront-ils pas qu’étant allé là-haut il en est revenu avec la vue ruinée, de sorte que ce n’est même pas la peine d’essayer d’y monter ? Et si quelqu’un tente de les délier et de les conduire en haut, et qu’ils le puissent tenir en leurs mains et tuer, ne le tueront-ils pas ?
Sans aucun doute, répondit-il.
Maintenant, mon cher Glaucon, repris-je, il faut appliquer point par point cette image à ce que nous avons dit plus haut, comparer le monde que nous découvre la vue au séjour de la prison, et la lumière du feu qui l’éclaire à la puissance du soleil. Quant à la montée dans la région supérieure et à la contemplation de ses objets, si tu la considères comme l’ascension de l’âme vers le lieu intelligible tu ne te tromperas pas sur ma pensée, puisque aussi bien tu désires la connaître. Dieu sait si elle est vraie. Pour moi, telle est mon opinion : dans le monde intelligible l’idée du bien est perçue la dernière et avec peine, mais on ne la peut percevoir sans conclure qu’elle est la cause de tout ce qu’il y a de droit et de beau en toutes choses ; qu’elle a, dans le monde visible, engendré la lumière et le souverain de la lumière ; que, dans le monde intelligible, c’est elle-même qui est souveraine et dispense la vérité et l’intelligence ; et qu’il faut la voir pour se conduire avec sagesse dans la vie privée et dans la vie publique. »

Platon, République

« Si la vérité n’est pas autre chose que d’affirmer le vrai et de nier le faux, il est dès lors impossible que tout soit faux, puisqu’il y a nécessité absolue pour que l’une des deux parties de la contradiction soit vraie. »

Aristote, dans Métaphysique

« Toujours, dans toute proposition affirmative véritable, nécessaire ou contingente, universelle ou singulière, la notion de prédicat est comprise dans celle du sujet ou bien je sais que c’est la vérité. »

Leibniz, dans Lettre à Arnaud du 14 juillet 1686

« Si les vérités sont des pensées, on sera privé non seulement des vérités auxquelles ont n’a pas pensé, mais encore de celles auxquelles ont a pensé et auxquelles on ne pense plus actuellement. »

Leibniz, dans Nouveaux essais

« Qui a une idée vraie, en même temps sait qu’il a une idée vraie, et ne peut pas douter de la vérité de la chose…Car nul, ayant une idée vraie, n’ignore que l’idée vraie enveloppe la plus haute certitude ; avoir une idée vraie, en effet, ne signifie rien, sinon connaître une chose parfaitement ou le mieux possible ; et certes personne ne peut en douter, à moins de croire que l’idée est quelque chose de muet comme une peinture sur un panneau et non un mode de penser, savoir l’acte même de connaître… »

Spinoza, L’Ethique

« Le caractère intelligible est le caractère par lequel le sujet serait la cause de ses actes, comme des phénomènes, mais qui lui-même ne serait pas soumis aux conditions de la sensibilité et ne serait pas même un phénomène. Ce sujet agissant ne serait donc pas soumis, quant à son caractère intelligible, à des conditions de temps, car le temps n’est que la condition des phénomènes, mais non des choses en soi. En lui ne naîtrait ni ne périrait aucun acte et, par suite, il ne serait pas non plus soumis à la loi de toute détermination de temps, de tout ce qui change, qui est que tout ce qui arrive a sa cause dans les phénomènes (de l’état précédent). Ainsi sa causalité intellectuelle ne rentrerait nullement dans la série des conditions empiriques qui rendent l’événement nécessaire dans le monde sensible. Ce caractère intelligible ne pourrait jamais être connu immédiatement, puisque nous ne pouvons percevoir une chose en tant qu’elle apparaît, mais il devrait pourtant être conçu conformément au caractère empirique, de la manière même que nous devons, en général, poser dans la pensée, pour fondement aux phénomènes, un objet transcendantal, bien qu’à la vérité nous ne sachions rien de ce qu’il est en soi. Ainsi en tant que noumène, cet être actif serait, dans ses actions, indépendant et libre de toute nécessité naturelle comme celle qui se trouve uniquement dans le monde sensible et on dirait de lui très exactement qu’il commence de lui-même ses effets dans le monde sensible sans que l’acte commence en lui-même... Quand même nous pourrions porter notre intuition à son plus haut degré de clarté, nous n’en ferions point un pas de plus vers la connaissance de la nature même des objets. Car en tous cas nous ne connaîtrions parfaitement que notre mode d’intuition, c’est-à-dire notre sensibilité, toujours soumise aux conditions d’espace et de temps originairement inhérentes au sujet ; quant à savoir ce que sont les objets en soi, c’est ce qui nous est impossible même avec la connaissance la plus claire de leurs phénomènes, seule chose qui nous soit donnée. »

Kant, Critique de la Raison pure

« Il faut que je puisse comparer l’objet avec la connaissance que j’en ai. Ma connaissance doit se confirmer elle-même ; mais c’est bien loin de suffire à la vérité. Car puisque l’objet est hors de moi, tout ce que je puis apprécier c’est si ma connaissance de l’objet s’accorde avec ma connaissance de l’objet… Les sceptiques remarquaient qu’il en est de cette définition comme d’un homme qui ferait une déposition au tribunal et invoquerait comme témoin quelqu’un que personne ne connaît, mais qui voudrait être cru en affirmant que celui qui l’invoque comme témoin est un honnête homme… Une connaissance qui est vraie rapportée à un objet peut être fausse si elle est rapportée à un autre… Il est tout à fait impossible de demander un caractère de la vérité de ce contenu des connaissances… Une marque suffisante et en même temps universelle de la vérité ne peut être donnée… Le critère simplement logique de la vérité, savoir l’accord d’une connaissance avec les lois universelles et formelles de l’entendement et de la raison, est certes la condition sine qua non, par conséquent la condition négative de toute vérité ; reste que la logique ne peut aller plus loin, et que l’erreur qui porte non sur la forme, mais sur le contenu, la logique ne peut la découvrir à l’aide d’aucune pierre de touche. »

Kant, dans Logique

« Étant donnée telle apparence, encore restons-nous absolument libres de juger selon elle de la chose elle-même. Celle-là, l’apparence notamment, dépend des facultés sensibles, tandis que le jugement ressortit à l’intelligence, et il n’y a en question que de savoir si dans la détermination de l’objet de la connaissance, il y a vérité ou non. Or la différence entre la vérité et un vain songe ne s’établit point par les propriétés des représentations que nous rapportons à quelque objet… mais par la liaison des représentations selon les règles qui déterminent leur interdépendance dans la conception d’un objet, et selon qu’elles peuvent coexister dans une expérience unique ou non. »

Kant, Critique de la Raison pure

« On doit exiger de moi que je cherche la vérité, mais non que je la trouve. »

Denis Diderot, dans Pensées philosophiques

La vérité, article de l’Encyclopédie de Diderot

« Plus mes compatriotes chercheront la vérité, plus ils aimeront leur liberté. »

Voltaire, dans « Questions sur les miracles »

Article de Voltaire sur la vérité

« Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature, et cet homme, ce sera moi. »

Rousseau, dans Confessions

« En fait de vérités inutiles, l’erreur n’a rien de pire que l’ignorance. »

Jean-Jacques Rousseau

« Rien n’est plus étrange dans la nature de l’homme que les contrariétés que l’on y découvre à l’égard de toutes choses. Il est fait pour connaître la vérité ; il la désire ardemment, il la cherche ; et cependant quand il tâche de la saisir, il s’éblouit et se confond de telle sorte, qu’il donne sujet de lui en disputer la possession. »

Blaise Pascal, dans Editions de Port-Royal

« Je préfère une vérité nuisible à une erreur utile : la vérité guérit le mal qu’elle a pu causer. »

Johann Wolfgang von Goethe

Lire Goethe, Vérité et poésie

« La réalité est l’unité de l’essence et de l’existence. »

Hegel, Phénoménologie de l’Esprit

« Toutes les choses sont en elles-mêmes contradictoires, et notamment en ce sens que ce principe, comparé aux autres, exprime la vérité et l’essence des choses… Il faut considérer la contradiction non comme une anomalie qui n’apparaît que ça et là ; la contradiction est le négatif dans sa détermination essentielle, le principe de tout mouvement spontané qui ne fait pas autre chose qu’exprimer la contradiction. »

Hegel, Grande Logique

« Pour le sens commun, l’opposition du vrai et du faux est quelque chose de fixe ; d’habitude il attend que l’on approuve ou bien que l’on rejette en bloc un système philosophique existant ; et dans une explication sur un tel système il n’admet que l’une ou l’autre de ces attitudes. Il ne conçoit pas la différence des systèmes philosophiques comme le développement progressif de la vérité ; pour lui, diversité veut dire uniquement contradiction. Le bourgeon disparaît dans l’éclosion de la fleur et l’on pourrait dire que celui-là est réfuté par celle-ci ; de même le fruit déclare que la fleur est une fausse existence de la plante, il se substitue à la fleur en tant que vérité de la plante. Non seulement ces formes se distinguent, mais encore elles se supplantent comme incompatibles. Cependant leur nature mouvante fait d’elles des moments de l’unité organique, en qui non seulement elles ne sont pas en conflit, mais où l’une est aussi nécessaire que l’autre ; et cette égale nécessité fait la vie de l’ensemble. Mais ordinairement ce n’est pas ainsi qu’on comprend la contradiction entre systèmes philosophiques… Le phénomène est un processus d’avènement et de disparition, qui lui-même n’advient ni ne disparaît, mais est en soi et constitue l’actualité et le mouvement de la vérité vivante. »

Hegel dans Phénoménologie de l’Esprit

« Il est assurément bien vrai que le carré de l’hypoténuse d’un triangle rectangle est égal à la somme des carrés des deux autres côtés. Mais la nature d’une vérité de ce genre est différente de celle des vérités philosophiques (des vérités historiques). (…) Le vrai et le faux font partie de ces notions déterminées qu’en l’absence de mouvement on prend pour des essences propres (...) Il faut à l’encontre de cela affirmer que la vérité n’est pas une monnaie frappée qui peut être fournie toute faite et qu’on peut empocher comme ça. Il n’y a pas plus de faux qu’il n’y a un mal. »

Hegel, dans la préface à La phénoménologie de l’esprit

« Nous avons déjà dit combien il est important de se référer au contenu de l’actuel, du présent : car le rationnel doit avoir une vérité objective. (…) Cependant, les expériences, essais, observations ne savent pas ce qu’ils accomplissent en vérité (…) Le résultat des observations et des essais, quand ils sont justes, est précisément que seul le concept est objectif. Au cours des expériences, le particulier sensible s’évapore, et devient un universel (…) L’autre erreur formelle commise par tous les empiriques consiste à croire qu’ils s’en tiennent à l’expérience seulement ; ils sont inconscients du fait qu’en recevant leurs perceptions, ils font de la philosophie. L’homme ne s’arrête pas au particulier et il ne peut pas le faire. Il cherche l’universel ; il s’agit de pensées même quand ce n’est pas des concepts. L’une des formes de pensée philosophique remarquable est la notion de force. Il y a la force électrique, magnétique, de gravitation. C’est un concept universel, non perceptible ; les empiriques acceptent de telles notions, sans les critiquer, sans en avoir conscience. »
Hegel, dans son Cours d’histoire de la philosophie
« La vérité aussi est le positif, en tant qu’elle est le savoir en accord avec l’objet ; mais elle n’est cette égalité avec soi que pour autant que le savoir s’est comporté négativement envers l’autre, a pénétré l’objet et abrogé la négation qu’il est. L’erreur est un positif en tant qu’elle est une opinion qui se sait et s’affirme de ce qui n’est pas étant en soi et pour soi. »

Hegel, dans Science de la Logique

« L’idée est ce que nous appelons la vérité ; un grand mot… Mais l’objet de la philosophie est la pensée concrète qui, dans sa détermination dernière, est précisément l’Idée ou la vérité. Quant à l’assertion que la vérité ne peut se connaître, on la rencontre dans l’histoire de la philosophie et c’est là qu’on l’étudiera. Il suffit de mentionner que ce sont en partie les historiens de la philosophie qui ont admis ce préjugé… Cette histoire n’est alors qu’une énumération d’opinions de tous genre dont chacune prétend faussement être la vérité…. La pensée est concrète et seul le concret est le vrai. »

Hegel, Leçons d’histoire de la philosophie

« Le beau se définit comme la manifestation sensible de l’idée... En disant donc que la beauté est idée, nous voulons dire par là que beauté et vérité sont une seule et même chose. Le beau, en effet, doit être vrai en soi. Mais, à y regarder de près, on constate une différence entre le beau et le vrai.
L’idée, en effet, est vraie, parce quelle est pensée comme telle, en vertu de sa nature et au point de vue de son universalité. Ce qui s’offre alors à la pensée, ce n’est pas l’idée dans son existence sensible et extérieure, mais dans ce qu’elle a d’universel. Cependant, l’idée doit aussi se réaliser extérieurement et acquérir une existence définie, en tant qu’objectivité naturelle et spirituelle. Le vrai, comme tel, existe également, c’est-à-dire en s’extériorisant. Pour autant que, ainsi extériorisé, il s’offre également à la conscience et que le concept reste inséparable de sa manifestation extérieure, l’idée n’est pas seulement vraie, mais elle est également belle. Le beau se définit ainsi comme la manifestation sensible de l’idée. [...] C’est pourquoi l’entendement est incapable d’appréhender la beauté, car l’entendement, au lieu de chercher à atteindre cette unité, maintient séparés et indépendants les uns des autres les divers éléments dont elle est formée. [...] C’est la subjectivité, l’âme, l’individualité qui forme le lien de cet accord et représente la force qui le maintient en vigueur. »

Hegel, dans Esthétique

« La vérité est dans la contradiction. »

Friedrich Hegel

« Ce sont justement les vérités les plus simples que l’homme découvre en dernier. »

Ludwig Feuerbach

« Les passions réprouvées peuvent être mariées à la vérité de la vie, intégrées à l’harmonie sociale. »

Fourier, dans Théorie des quatre mouvements

« La question de savoir s’il y a lieu de reconnaître à la pensée humaine une vérité objective n’est pas une question théorique, mais une question pratique. C’est dans la pratique qu’il faut que l’homme prouve la vérité, c’est-à-dire la réalité, et la puissance de sa pensée, dans ce monde et pour notre temps. La discussion sur la réalité ou l’irréalité d’une pensée qui s’isole de la pratique, est purement scolastique. »

Karl Marx, dans Thèses sur Feuerbach

« Il existe encore toute une série d’autres philosophes qui contestent la possibilité de connaître le monde ou du moins de le connaître à fond. Parmi les modernes, Hume et Kant sont de ceux-là, et ils ont joué un rôle tout à fait considérable dans le développement de la philosophie. Pour réfuter cette façon de voir, l’essentiel a déjà été dit par Hegel, dans la mesure où cela était possible du point de vue idéaliste… La réfutation la plus frappante de cette lubie philosophique, comme d’ailleurs de toutes les autres, est la pratique, notamment l’expérimentation et l’industrie. Si nous pouvons prouver la justesse de notre conception d’un phénomène naturel en le créant nous-mêmes, en le produisant à l’aide de ses conditions, et, qui plus est, en le faisant servir à nos fins, c’en est fini de la « chose en soi » insaisissable de Kant. »

Engels, dans Ludwig Feuerbach

« Les utopistes ont ceci de commun qu’ils ne se donnent pas comme les représentants des intérêts du prolétariat que l’histoire avait engendré dans l’intervalle. Comme les philosophes de l’ère des lumières, ils veulent affranchir non pas en premier une classe déterminée, mais immédiatement l’humanité entière. Comme eux, ils veulent instaurer le royaume de la raison et de la justice éternelle ; mais il y a un abîme entre leur royaume et celui des philosophes des lumières. Lui aussi, le monde bourgeois, organisé d’après les principes de ces philosophes, est irrationnel et injuste, et c’est pourquoi il doit être condamné et mis dans le même sac que le féodalisme et les autres conditions sociales antérieures. Si, jusqu’ici, la raison et la justice effectives n’ont pas régné dans le monde, c’est qu’on ne les avait pas encore exactement reconnues. Il manquait précisément l’individu génial qui est venu maintenant et qui a reconnu la vérité ; qu’il se soit présenté maintenant, que la vérité soit reconnue juste maintenant, ce fait ne résulte, pas avec nécessité de l’enchaînement du développement historique comme un événement inéluctable, c’est une simple chance. L’individu de génie aurait tout aussi bien pu naître cinq cents ans plus tôt, et il aurait épargné à l’humanité cinq cents ans d’erreur, de luttes et de souffrances. »

Engels, dans Socialisme scientifique et socialisme utopique

« Si jamais l’humanité en arrivait à ne plus opérer qu’avec des vérités éternelles, des résultats de pensée ayant une validité souveraine et un droit absolu à la vérité, cela voudrait dire qu’elle est au point où l’infinité du monde intellectuel est épuisée en acte comme en puissance… Mais enfin, il y a cependant des vérités si bien établies que le moindre doute à leur égard nous paraît synonyme de folie ? Que deux fois deux font quatre, que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux droits, que Paris est en France, qu’un homme sans nourriture meurt de faim, etc. ? Il y a donc des vérités éternelles, des vérités définitives en dernière analyse ? Certes. Nous pouvons diviser tout le domaine de la connaissance, selon la vieille méthode bien connue, en trois grandes sections. La première embrasse toutes les sciences qui s’occupent de la nature inanimée et qui sont plus ou moins susceptibles d’être traitées mathématiquement : mathématique, astronomie, mécanique, physique, chimie. Si quelqu’un trouve plaisir à appliquer de grands mots à des objets très simples, on peut dire que certains résultats de ces sciences sont des vérités éternelles, des vérités définitives en dernière analyse ; c’est aussi pourquoi on a appelé ces sciences exactes. Mais cela est loin d’être vrai de tous les résultats. En introduisant les grandeurs variables et en étendant leur variabilité jusqu’à l’infiniment petit et à l’infiniment grand, les mathématiques aux mœurs habituellement si austères ont commis le péché ; elles ont mangé le fruit de l’arbre de la connaissance, qui leur a ouvert la voie des résultats les plus gigantesques, mais aussi celle des erreurs. Adieu l’état virginal de validité absolue, d’inattaquable démonstration où se trouvait tout ce qui était mathématique ; le règne des controverses s’ouvrit, et nous en sommes au point que la plupart des gens utilisent le calcul différentiel ou intégral, non parce qu’ils comprennent ce qu’ils font, mais par foi pure, parce que jusqu’ici les résultats ont toujours été justes. Il en est pis encore de l’astronomie et de la mécanique, et en physique et en chimie on se trouve au milieu des hypothèses comme au milieu d’un essaim d’abeilles. Il n’en saurait d’ailleurs être autrement. En physique, nous avons affaire au mouvement des molécules, en chimie, à la formation des molécules en partant d’atomes, et si l’interférence des ondes lumineuses n’est pas un mythe, nous n’avons absolument aucun espoir de voir jamais de nos yeux ces choses intéressantes. Les vérités définitives en dernière analyse deviennent ici, avec le temps, étrangement rares. Nous sommes encore plus mal lotis en géologie, science qui, par nature, s’occupe principalement de processus qui n’ont eu pour témoin ni nous, ni aucun homme quelconque. C’est pourquoi la moisson des vérités définitives en dernière analyse ne va pas ici sans énormément de peine et reste de surcroît extrêmement mince. La deuxième classe de sciences est celle qui englobe l’étude des organismes vivants. Dans ce domaine se développe une telle diversité de relations réciproques et de causalités que non seulement chaque question résolue soulève une quantité innombrable de questions nouvelles, mais qu’aussi chaque question singulière ne peut être résolue, et la plupart du temps par morceaux, que par une série de recherches qui demandent souvent des siècles ; en même temps, le besoin de concevoir systématiquement les ensembles ne cesse d’obliger à chaque instant à envelopper les vérités définitives en dernière analyse d’une luxuriante floraison d’hypothèses. Quelle longue série de paliers intermédiaires a été nécessaire de Galien à Malpighi pour établir avec exactitude une chose aussi simple que la circulation du sang chez les mammifères ! Combien nous savons peu de chose de l’origine des globules sanguins et combien de chaînons intermédiaires nous manquent aujourd’hui encore pour établir un rapport rationnel, par exemple, entre les symptômes d’une maladie et ses causes ! De plus, il se présente assez souvent des découvertes comme celle de la cellule qui nous contraignent à soumettre à une révision totale toutes les vérités définitives en dernière analyse établies jusqu’ici dans le domaine de la biologie et à en éliminer à jamais des tas entiers…. D’ailleurs, nous n’avons nullement à nous alarmer de ce que le niveau de connaissance auquel nous nous trouvons aujourd’hui ne soit pas plus définitif que tous les précédents. Il comprend déjà une énorme masse de notions et impose une très grande spécialisation des études à quiconque veut être expert dans l’une des branches. Quant à l’homme qui applique le critérium d’une vérité authentique, immuable, définitive en dernière analyse à des connaissances qui, de par leur nature même, ou bien doivent rester relatives pour de longues suites de générations et se compléter par morceaux, ou bien, comme en cosmogonie, en géologie, en histoire humaine, resteront toujours défectueuses et incomplètes, ne fût-ce qu’à cause des lacunes de la documentation historique, -celui-là ne fait que démontrer sa propre ignorance et son insanité, même si la prétention à l’infaillibilité personnelle ne forme pas, comme c’est le cas ici, le véritable arrière-plan de ses déclarations. La vérité et l’erreur, comme toutes les déterminations de la pensée qui se meuvent dans des oppositions polaires, n’ont précisément de validité absolue que pour un domaine extrêmement limité. »

Engels, dans l’Anti-Dühring

« La réalité n’est aucunement, d’après Hegel, un attribut qui revient de droit en toutes circonstances et en tout temps à un état de choses social ou politique donné. Tout au contraire. La République romaine était réelle, mais l’Empire romain qui la supplanta ne l’était pas moins. La monarchie française de 1789 était devenue si irréelle, c’est-à-dire si dénuée de toute nécessité, si irrationnelle, qu’elle dut être nécessairement abolie par la grande Révolution dont Hegel parle toujours avec le plus grand enthousiasme. Ici la monarchie était par conséquent l’irréel et la Révolution le réel. Et ainsi, au cours du développement, tout ce qui précédemment était réel devient irréel, perd sa nécessité, son droit à l’existence, son caractère rationnel ; à la réalité mourante se substitue une réalité nouvelle et viable, d’une manière pacifique, si l’ancien état de choses est assez raisonnable pour mourir sans résistance, violente s’il se regimbe contre cette nécessité. Et ainsi la thèse de Hegel se tourne, par le jeu de la dialectique hégélienne elle-même, en son contraire : tout ce qui est réel dans le domaine de l’histoire humaine devient, avec le temps, irrationnel, est donc déjà par destination irrationnel, entaché d’avance d’irrationalité : et tout ce qui est rationnel dans la tête des hommes est destiné à devenir réel, aussi en contradiction que cela puisse être avec la réalité apparemment existante. La thèse de la rationalité de tout le réel se résout, selon toutes les règles de la dialectique hégélienne, en cette autre : Tout ce qui existe mérite de périr. Mais la véritable signification et le caractère révolutionnaire de la philosophie hégélienne (nous devons nous borner ici, à la considérer en tant que conclusion de tout le mouvement depuis Kant), c’est précisément qu’elle mettait fin une fois pour toutes au caractère définitif de tous les résultats de la pensée et de l’activité humaines. La vérité qu’il s’agissait de reconnaître dans la philosophie n’était plus, chez Hegel, une collection de principes dogmatiques tout faits, qu’il ne reste plus, quand on les a découverts, qu’à apprendre par coeur ; la vérité résidait désormais dans le processus même de la connaissance, dans le long développement historique de la science qui s’élève des degrés inférieurs à des degrés de plus en plus élevés du savoir, sans arriver jamais, par la découverte d’une prétendue vérité absolue, au point où elle ne peut plus avancer et où il ne lui reste plus rien d’autre à faire qu’à demeurer les bras croisés et à contempler bouche bée la vérité absolue à laquelle elle serait parvenue. Et cela dans le domaine de la connaissance philosophique comme dans celui de tous les autres savoirs et de l’activité pratique.
Pas plus que la connaissance, l’histoire ne peut trouver un achèvement définitif dans un état idéal parfait de l’humanité ; une société parfaite, un « État » parfait sont des choses qui ne peuvent exister que dans l’imagination ; tout au contraire, toutes les situations qui se sont succédées dans l’histoire ne sont que des étapes transitoires dans le développement sans fin de la société humaine progressant de l’inférieur vers le supérieur. Chaque étape est nécessaire, et par conséquent légitime pour l’époque et les conditions auxquelles elle doit son origine ; mais elle devient caduque et injustifiée en présence de conditions supérieures nouvelles qui se développent peu à peu dans son propre sein ; il lui faut faire place à une étape supérieure qui entrera à son tour dans le cycle de la décadence et de la mort. »

Engels dans « Ludwig Feuerbach »

« Ce n’est pas dans la tête des hommes, dans leur compréhension croissante de la vérité et de la justice éternelles, mais dans les modifications du mode de production et d’échange qu’il faut chercher les causes dernières de toutes les modifications sociales et de tous les bouleversements politiques ; il faut les chercher non dans la philosophie, mais dans l’économie de l’époque intéressée. Si l’on s’éveille à la compréhension que les institutions sociales existantes sont déraisonnables et injustes, que la raison est devenue sottise et le bienfait fléau, ce n’est là qu’un indice qu’il s’est opéré en secret dans les méthodes de production et les formes d’échange des transformations avec lesquelles ne cadre plus le régime social adapté à des conditions économiques antérieures. Cela signifie, en même temps, que les moyens d’éliminer les anomalies découvertes existent forcément, eux aussi, à l’état plus ou moins développé, dans les rapports de production modifiés. Il faut donc non pas, disons, inventer ces moyens dans sa tête, mais les découvrir à l’aide de son cerveau dans les faits matériels de production qui sont là. »

Engels, dans Socialisme utopique et socialisme scientifique

« Il ne saurait y avoir de vérité première. Il n’y a que des erreurs premières. »

Gaston Bachelard

« La vérité est un mensonge rectifié. »

Gaston Bachelard

« Parfois le mensonge explique mieux que la vérité ce qui se passe dans l’âme. »

Maxime Gorki

« De tout temps on a dit qu’il y a des vérités qui relèvent du sentiment autant que de la raison ; et de tout temps aussi on a dit qu’à côté des vérités que nous trouvons faites il en est d’autres que nous aidons à se faire, qui dépendent en partie de notre volonté. »

Bergson, dans La pensée et le mouvant

« Une parole exécrable avait osé dire : « Heureux les pauvres d’esprit ! » et la misère de deux mille ans était née de cette mortelle erreur. La légende des bienfaits de l’ignorance apparaissait maintenant comme un long crime social. Pauvreté, saleté, iniquité, superstition, mensonge, tyrannie, la femme exploitée et méprisée, l’homme hébété et dompté, tous les maux physiques et moraux étaient les fruits de cette ignorance voulue, érigée en système de politique gouvernementale et de police divine. La connaissance seule devait tuer les dogmes menteurs, disperser ceux qui en vivaient, être la source des grandes richesses, aussi bien des moissons débordantes de la terre que de la floraison générale des esprits. Non ! le bonheur n’avait jamais été dans l’ignorance, il était dans la connaissance, qui allait changer l’affreux champ de la misère matérielle et morale en une vaste terre féconde, dont la culture, d’année en année, décuplerait les richesses… Et, après la Famille enfantée, après la Cité fondée, la Nation se trouvait constituée, du jour où, par l’instruction intégrale de tous les citoyens, elle était devenue capable de vérité et de justice. »

Emile Zola, dans Vérité

« Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe. »

Jean Jaurès dans son discours à la jeunesse devant les élèves du lycée d’Albi

« La vérité est en marche et rien ne l’arrêtera. »

Emile Zola, dans L’Affaire Dreyfus.

« Il y a quelque impiété à faire marcher de concert la vérité immuable, absolue, et cette sorte de vérité imparfaite et provisoire qu’on appelle la science. »

Anatole France, dans L’Orme du mail

« Poser en dehors de la pratique la question de savoir « si la pensée humaine peut aboutir à une vérité objective », c’est s’adonner à la scolastique, dit Marx dans sa deuxième thèse sur Feuerbach. La pratique est la meilleure réfutation de l’agnosticisme de Kant et de Hume, comme du reste de tous les autres subterfuges (Schrullen) philosophiques, répète Engels. « Le résultat de notre action démontre la conformité (übereinstimmung) de nos perceptions avec la nature objective des objets perçus », réplique Engels aux agnostiques. »

Lénine, Matérialisme et empiriocriticisme

« Seule la vérité est révolutionnaire... Le prolétariat a besoin de la vérité, et rien n’est plus nuisible à sa cause que le mensonge de belle apparence et de bon ton du petit bourgeois. »

Lénine, Les tâches de la troisième internationale

« Comprendre clairement la nature sociale de la société moderne, de son Etat, de son droit, de son idéologie constitue le fondement théorique de la politique révolutionnaire. La bourgeoisie opère par abstraction (« nation », « patrie », « démocratie ») pour camoufler l’exploitation qui est à la base de sa domination. (…) Le premier acte de la politique révolutionnaire consiste à démasquer les fictions bourgeoises qui intoxiquent les masses populaires. Ces fictions deviennent particulièrement malfaisantes quand elles s’amalgament avec les idées de « socialisme » et de « révolution ». Aujourd’hui plus qu’à n’importe quel moment, ce sont les fabricants de ce genre d’amalgames qui donnent le ton dans les organisations ouvrières françaises. »

Léon Trotsky dans « La France à un tournant » (28 mars 1936)

« L’émancipation des ouvriers ne peut être l’oeuvre que des ouvriers eux-mêmes. Il n’y a donc pas de plus grand crime que de tromper les masses, de faire passer des défaites pour des victoires, des amis pour des ennemis, d’acheter des chefs, de fabriquer des légendes, de monter des procès d’imposture, — de faire en un mot ce que font les staliniens. Ces moyens ne peuvent servir qu’à une fin : prolonger la domination d’une coterie déjà condamnée par l’histoire. Ils ne peuvent pas servir à l’émancipation des masses. Voilà pourquoi la quatrième Internationale soutient contre le stalinisme une lutte à mort. »

Léon Trotsky dans "Leur morale et la nôtre"

« La tradition n’est pas un canon immuable ou un manuel officiel ; elle ne peut être ni apprise par cœur ni acceptée comme un évangile ; on ne peut croire tout ce qu’a dit la vieille génération sur sa simple parole d’honneur. Au contraire, la tradition doit, pour ainsi dire, être reconquise par un travail intérieur, elle doit être étudiée et approfondie dans un esprit critique et, de cette façon, assimilée. Autrement, tout l’édifice serait construit sur du sable. (...) Que l’autorité des anciens n’efface pas la personnalité des jeunes et (...) ne les terrorise pas. Tout homme formé à répondre seulement oui est un néant. (...) L’héroïsme suprême, dans l’art militaire comme dans la révolution, est fait d’amour de la vérité et de sens de la responsabilité. »

Léon Trotsky, Cours nouveau

« Quand une idée est dans l’air d’une époque, c’est-à-dire quand les conditions générales sont réalisées pour qu’elle naisse et vive, il arrive qu’elle soit conçue en même temps par plusieurs. La vérité d’un temps vient ainsi à son heure. Ceci est vrai des sciences et de la politique qui est aussi, par certains côtés, une science et un art à la fois. Darwin et Wallace découvrent à peu près ensemble la sélection naturelle dont la jeune société capitaliste en plein essor leur offre d’ailleurs l’image. Joule et Meyer découvrent à peu près ensemble la même loi de la conservation de l’énergie. Marx et Engels arrivent ensemble aux mêmes conclusions sur les bases de la société moderne et fondent en vingt-cinq ans d’admirable collaboration intellectuelle, le socialisme scientifique. »

Victor Serge dans « De Lénine à Staline »

« La politique du communisme ne peut que gagner à exposer la vérité dans toute sa clarté. Le mensonge peut servir à sauver les fausses autorités, non à éduquer les masses. C’est la vérité qui est nécessaire aux ouvriers comme un instrument de l’action révolutionnaire. Votre hebdomadaire s’appelle la Vérité. On a assez abusé de ce mot, comme de tous les autres, d’ailleurs. Néanmoins, c’est un nom bon et honnête. La vérité est toujours révolutionnaire. Exposer aux opprimés la vérité de leur situation, c’est leur ouvrir la voie de la révolution. Dire la vérité sur les dirigeants, c’est saper mortellement les bases de leur pouvoir. Dire la vérité sur la bureaucratie réformiste, c’est l’écraser dans la conscience des masses. Dire la vérité sur les centristes, c’est aider les ouvriers à assurer la direction juste de l’Internationale communiste. »

Léon Trotsky, dans Lettre ouverte à la rédaction de La Vérité

« Pour un observateur superficiel, la vérité scientifique est hors des atteintes du doute ; la logique de la science est infaillible et, si les savants se trompent quelquefois, c’est pour en avoir méconnu les règles. Les vérités mathématiques dérivent d’un petit nombre de propositions évidentes par une chaîne de raisonnements impeccables ; elles s’imposent non seulement à nous, mais à la nature elle-même. Elles enchaînent pour ainsi dire le Créateur et lui permettent seulement de choisir entre quelques solutions relativement peu nombreuses. Il suffira alors de quelques expériences pour nous faire savoir quel choix il a fait. De chaque expérience, une foule de conséquences pourront sortir par une série de déductions mathématiques, et c’est ainsi que chacune d’elles nous fera connaître un coin de l’Univers. Voilà quelle est pour bien des gens du monde, pour les lycéens qui reçoivent les premières notions de physique, l’origine de la certitude scientifique. Voilà comment ils comprennent le rôle de l’expérimentation et des mathématiques. C’est ainsi également que le comprenaient, il y a cent ans, beaucoup de savants qui rêvaient de construire le monde en empruntant à l’expérience aussi peu de matériaux que possible. »

Henri Poincaré, dans « La science et l’hypothèse »

« La physique est un système conceptuel logique en développement dont les fondements ne peuvent être obtenus par distillation de l’expérience sensible, selon la méthode inductive, mais seulement par la libre invention de l’esprit humain. La preuve de la validité (valeur de vérité) du système est apportée par la vérification des propositions dérivées par rapport aux impressions sensibles, la relation entre les une et les autres ne pouvant être appréhendée que sur le mode de l’imagination. Le système évolue dans le sens d’une simplicité croissante de ses fondements logiques. Pour nous rapprocher de cet horizon, nous devons accepter que la distance ne cesse de se creuser entre les fondements logiques et l’expérience sensible, et que devienne toujours plus ardu et plus long le chemin conceptuel conduisant des fondements aux propositions dérivées qui ont leur corrélat dans les impressions sensibles. »

Einstein, dans le « résumé » de « Physique et réalité »

« Vous autres qui croyez à la science, dit-il, vous vous référez toujours à l’expérience, et vous croyez qu’ainsi vous détenez sûrement la vérité. Mais lorsqu’on réfléchit à ce que l’expérience implique vraiment, votre manière de voir me semble très contestable. Ce que vous dites vient de votre pensée ; c’est de votre pensée seule que vous avez une connaissance immédiate ; mais cette pensée ne se trouve pas auprès des objets. Nous ne pouvons pas percevoir les objets directement, nous devons d’abord les transformer en représentations, et finalement former des concepts à partir d’eux. Ce que nous recevons lors de la perception sensorielle, c’est un mélange assez désordonné d’impressions très diverses, auxquelles les formes ou qualités que nous percevons ensuite ne sont même pas directement associées. Lorsque, par exemple, nous regardons un carré inscrit sur un bout de papier, ce qui sera reproduit sur la rétine de notre œil ou dans les cellules nerveuses de notre cerveau n’aura absolument pas la forme d’un carré. En réalité, nous devons ordonner inconsciemment nos impressions sensorielles au moyen d’une représentation, ou encore transformer l’ensemble de ces impressions en une représentation, c’est-à-dire en une image cohérente « ayant un sens ». Ce n’est qu’au bout de cette transformation, de ce regroupement des impressions individuelles en quelque chose de « compréhensible » qu’a lieu notre « perception ». Nous devrions donc en premier lieu rechercher d’où viennent les images qui forment nos représentations, comment elles sont saisies arbitrairement, et quelle est leur relation avec les objets ; nous devrions éclaircir tout ceci avant de parler avec tant de certitude de nos expériences. Car, manifestement, les représentations précèdent l’expérience, elles sont la condition de l’expérience. »

Heisenberg dans La partie et le tout, le monde de la physique atomique

« La Physique n’est pas seulement une question d’expérimentation. Elle commence là où les gens se posent des questions. Je veux dire qu’il n’y aurait même pas d’expériences si les gens ne se posaient pas ces questions. Les gens ont été intéressés par la compréhension du monde d’un tout autre point de vue que l’expérimentation. (…) Popper a proposé son idée de falsifiabilité (des théories devraient entraîner des conséquences qui peuvent être contredites par des expériences) mais ce n’est pas une vérité absolue sur ce qu’est la science. A l’origine, la science est une philosophie. Aujourd’hui, on croirait plutôt qu’elle ressort d’une espèce de technique. Notre monde moderne est tout entier en train de se ramener à des techniques et cela supprime la signification de toutes choses. Les gens sont progressivement tombés dans ce piège et ont expliqué que tout ce qui n’est pas technique serait sans importance. Vous pouvez vous rendre compte de cette évolution historique de l’idéologie dominante. Mais on ne peut pas en déduire que cette thèse soit une vérité absolue. Je pense que toute expérience scientifique sort de questions philosophiques. »

David Böhm, dans « The Ghost in the atom » de Davies et Brown

« Les concepts physiques sont des créations libres de l’esprit humain et ne sont pas, comme on pourrait le croire, uniquement déterminés par le monde extérieur. Dans l’effort que nous faisons pour comprendre le monde, nous ressemblons quelque peu à l’homme qui essaie de comprendre le mécanisme d’une montre fermée. Il voit le cadran et les aiguilles en mouvement, il entend le tic-tac, mais il n’a aucun moyen d’ouvrir le boîtier. S’il est ingénieux, il pourra se former quelque image du mécanisme, qu’il rendra responsable de tout ce qu’il observe, mais il ne sera jamais sûr que son image soit la seule capable d’expliquer ses observations. Il ne sera jamais en état de comparer son image avec le mécanisme réel, et il ne peut même pas se représenter la possibilité d’une telle comparaison. Mais le chercheur croit certainement qu’à mesure que ses connaissances s’accroîtront, son image de la réalité deviendra de plus en plus simple et expliquera des domaines de plus en plus étendus de ses impressions sensibles. Il pourra aussi croire à l’existence d’une limite idéale de la connaissance que l’esprit humain peut atteindre. Il pourra appeler cette limite idéale la vérité objective. »

Einstein et Infeld, L’évolution des idées en physique

« L’amour de la connaissance auquel est dû le développement de la science est lui-même le produit d’une double impulsion. Nous pouvons chercher la connaissance d’un objet parce que nous aimons l’objet ou parce que nous souhaitons avoir du pouvoir sur lui. La première impulsion conduit au genre de connaissance qui est contemplatif, la deuxième au genre qui est pratique. Dans l’évolution de la science l’impulsion qui vise le pouvoir l’a emporté de plus en plus sur l’impulsion qui cherche l’amour. L’impulsion qui vise le pouvoir est incarnée dans l’industrialisme et dans la technique gouvernementale. Elle est incarnée également dans les philosophies connues sous les noms de pragmatisme et d’instrumentalisme. Chacune de ces philosophies soutient, au sens large, que nos croyances concernant un objet quelconque sont vraies dans la mesure où elles nous rendent capables de le manipuler de façon avantageuse pour nous-mêmes. C’est ce que l’on peut appeler une conception gouvernementale de la vérité. De la vérité ainsi conçue, la science nous offre une quantité importante ; effectivement il ne semble pas y avoir de limite à ses triomphes possibles. À l’homme qui désire changer son environnement la science offre des outils d’une puissance étonnante, et si la connaissance consiste dans le pouvoir de produire des changements que l’on a en vue, alors la science nous procure la connaissance en abondance. »

Bertrand Russel, dans Science et valeurs

« Croyez ceux qui cherchent la vérité, doutez de ceux qui la trouvent. »

André Gide, Ainsi soit-il ou Les Jeux sont faits

« Que ceux qui détiennent la vérité la relâchent ! »

Amine Maalouf, dans Léon l’africain

« La vérité s’appuie sur les joncs mathématiques de l’infini et tout s’avance à l’ordre de l’aigle en croupe, tandis que le génie des flotilles végétales frappe dans ses mains et que l’oracle est rendu par des poissons électriques fluides. »

André Breton, dans Poisson soluble

« La vérité pure et simple est très rarement pure et jamais simple. »

Oscar Wilde

« Dans le doute, dites la vérité. »

Mark Twain, dans Le calendrier de Pudd’nhead Wilson

« Marx a évacué de son modèle la vérité subjective du monde social contre laquelle il a posé la vérité objective de ce monde comme rapports de forces. Or, si le monde social était réduit à sa vérité de rapports de forces, s’il n’était pas, dans une certaine mesure, reconnu comme légitime, ça ne marcherait pas. […]. La représentation subjective du monde social comme légitime fait partie de la vérité complète de ce monde. »

Pierre Bourdieu dans "Questions de sociologie".

« Mon art est plein d’une pitié amère pour tous ceux qui se trompent sur eux-mêmes ; mais cette compassion ne peut qu’être accompagnée d’une farouche révolte contre le destin qui condamne l’homme à l’illusion. »

Luigi Pirandello, à propos de sa pièce « Chacun sa vérité. »

« Oh, monsieur, vous savez bien que la vie est pleine d’innombrables absurdités qui poussent l’impudence jusqu’à n’avoir même pas besoin de paraître vraisemblables : parce qu’elles sont vraies. »

Luigi Pirandello, dans Six personnages en quête d’auteur

« La vérité est dans l’imaginaire. »

Eugène Ionesco

« L’art, c’est le pressentiment de la vérité. »

Alexandre Blok, dans Calepin

« Les mathématiciens ont toujours été persuadés qu’ils démontrent des « vérités » ou des « propositions vraies », une telle conviction ne peut évidement être que sentimentale ou métaphysique, et ce n’est pas en se plaçant sur le terrain de la mathématique qu’on peut la justifier, ni même lui donner un sens qui n’en fasse pas une tautologie. L’histoire du concept de vérité en mathématique relève donc de l’histoire de la philosophie et non de celle des mathématiques ; Mais l’évolution de ce concept a eu une influence indéniable sur celle des mathématiques, et à ce titre nous ne pouvons pas la passer sous silence. »

Nicolas Bourbaki, dans Élements d’histoire des mathématiques

Messages

  • Lire aussi sur la vérité, l’ouvrage du même nom de Diderot : voir ici

  • Sur la vérité, voir l’article de l’Encyclopédie de Diderot : voir ici

  • « La question concernant la vérité des déterminations de la pensée doit paraître singulière à la pensée vulgaire, car pour elle, ces déterminations n’ont de vérité que dans leur application à un objet donné, et, par suite, se demander quelle est leur vérité en dehors de cette application, c’est une question qui n’a pas de sens. C’est cependant là, la question importante et décisive. Il faut, bien entendu, savoir dans cette question ce qu’on entend par vérité. Ordinairement, nous appelons vérité l’accord d’un objet avec notre représentation. Ici nous avons comme présupposition un objet auqeul doit correspondre la représentation que nous en avons. Par contre, entendue philosophiquement, la vérité, exprimée d’une façon abstraite, est l’accord d’un contenu avec lui-même. La vérité a ici, une tout autre sigification que celle que nous venons de rappeler. Du reste, la signification plus profonde, la signification philosophique de la vérité se rencontre déjà, bien qu’imparfaitement, dans le langage ordinaire. Nous parlons, par exemple, d’un vrai ami, entendant par là un ami dont les actions s’accordent avec la notion de l’amitié. C’est de la même manière que nous disons d’une œuvre d’art que c’est une œuvre d’art véritable. En ce sens le faux équivaut au mauvais, à ce qui n’est pas adéquat à soi-même…. On peut connaître le vrai de différentes manières… Ainsi l’on peut connaître par l’expérience, mais cette expérience n’est qu’une forme. Un grand sens comme celui de Goethe qui porte son regard sur la nature et l’histoire sait et exprime ce qu’il y a de rationnel en elles et donne ainsi une signification profonde à l’expérience. – On peut en deuxième lieu connaître le vrai par le moyen de la réflexion et le déterminer suivant les rapports de la pensée. Mais le vrai en et pour soi n’existe pas sous sa forme spéciale, dans ces deux façons de connaître. La forme la plus parfaite de la connaissance est celle qui se réalise sous la forme pure de la pensée. Ici, l’homme existe dans sa parfaite liberté. »

    Hegel, dans Introduction à la Petite Logique

  • « Quiconque prétend s’ériger en juge de la vérité et du savoir s’expose à périr sous les éclats de rire des dieux puisque nous ignorons comment sont réellement les choses et que nous n’en connaissons que la représentation que nous en faisons. »

    Einstein

    « En revanche, des idéaux ont suscité mes efforts et m’ont permis de vivre. Ils s’appellent le bien, le beau, le vrai. Si je ne me ressens pas en sympathie avec d’autres sensibilités semblables à la mienne, et si je ne m’obstine pas inlassablement à poursuivre cet idéal éternellement inaccessible en art et en science, la vie n’a aucun sens pour moi. Or l’humanité se passionne pour des buts dérisoires. Ils s’appellent la richesse, la gloire, le luxe. »

    Einstein, Comment je vois le monde

  • Robert B. Laughlin dans « Un univers différent » :

    « Les physiciens n’aiment pas les affirmations absolues sur ce qui est ou n’est pas vrai. »

  • Comme l’écrivait Hegel, « le faux est un moment du vrai. »

    « Cette philosophie dialectique dissout toutes les notions de vérité absolue définitive et d’états absolus de l’humanité qui y correspondent », écrivait Engels.

  • "La question de savoir si la pensée humaine peut prétendre à une vérité objective n’est pas une question relevant de la théorie, mais une question pratique. C’est dans la pratique que l’homme doit démontrer la vérité, c’est-à-dire la réalité et la puissance, l’au-deçà de sa pensée."

    Karl Marx

  • « Mais qu’est alors cette vérité historique, la plupart du temps ? Une fable convenue. »

    Napoléon Ier

  • « La seule franche partialité qui soit aujourd’hui compatible avec le plus grand souci de la vérité est celle de l’historien prolétarien. Car la classe ouvrière est la seule qui ait tout à gagner, en toutes circonstances, à la connaissance de la vérité. »

    VICTOR SERGE, L’an I de la Révolution russe

  • « Les concepts physiques sont des créations libres de l’esprit humain et ne sont pas, comme on pourrait le croire, uniquement déterminés par le monde extérieur. Dans l’effort que nous faisons pour comprendre le monde, nous ressemblons quelque peu à l’homme qui essaie de comprendre le mécanisme d’une montre fermée. Il voit le cadran et les aiguilles en mouvement, il entend le tic-tac, mais il n’a aucun moyen d’ouvrir le boîtier. S’il est ingénieux, il pourra se former quelque image du mécanisme, qu’il rendra responsable de tout ce qu’il observe, mais il ne sera jamais sûr que son image soit la seule capable d’expliquer ses observations. Il ne sera jamais en état de comparer son image avec le mécanisme réel, et il ne peut même pas se représenter la possibilité d’une telle comparaison. Mais le chercheur croit certainement qu’à mesure que ses connaissances s’accroîtront, son image de la réalité deviendra de plus en plus simple et expliquera des domaines de plus en plus étendus de ses impressions sensibles. Il pourra aussi croire à l’existence d’une limite idéale de la connaissance que l’esprit humain peut atteindre. Il pourra appeler cette limite idéale la vérité objective. »

    Einstein et Infeld, L’Évolution des idées en physique

  • « Il y a belle lurette que les scientifiques ont renoncé à l’idée d’une vérité ultime et intangible, image exacte d’une « réalité » qui attendrait au coin de la rue d’être dévoilée. Ils savent maintenant devoir se contenter du partiel et du provisoire. Une telle démarche procède souvent à l’encontre de la pente naturelle à l’esprit humain qui réclame unité et cohérence dans sa représentation du monde sous ses aspects les plus divers. De fait, ce conflit, entre l’universel et le local, entre l’éternel et le provisoire, on le voit périodiquement réapparaître dans une série de polémiques opposant ceux qui refusent une vision totale et imposée du monde à ceux qui ne peuvent s’en passer. Que la vie et l’homme soient devenus objets de recherche et -non plus de révélation, peu l’acceptent.
    Depuis quelques années, on fait beaucoup de reproches aux scientifiques. On les accuse d’être sans cœur et sans conscience, de ne pas s’intéresser au reste de l’humanité ; et même d’être des individus dangereux qui n’hésitent pas à découvrir des moyens de destruction et de coercition terribles et à s’en servir. C’est leur faire beaucoup d’honneur. La proportion d’imbéciles et de malfaisants est une constante qu y on retrouve dans tous les échantillons d’une population, chez les scientifiques comme chez les agents d’assurances, chez les écrivains comme chez les paysans, chez les prêtres comme chez les hommes politiques. Et malgré le Dr Frankenstein et le Dr Folamour, les catastrophes de l’histoire sont le fait moins des scientifiques que des prêtres, et des hommes politiques.
    Car ce n’est pas seulement l’intérêt qui fait s’entretuer les hommes. C’est aussi le dogmatisme. Rien n’est aussi dangereux que la certitude d’avoir raison. Rien ne cause autant de destruction que l’obsession d’une vérité considérée comme absolue. Tous les crimes de l’histoire sont des conséquences de quelque fanatisme. Tous les massacres ont été accomplis par vertu, au nom de la religion vraie, du nationalisme légitime, de la politique idoine, de l’idéologie juste ; bref au nom du combat contre la vérité de l’autre, du combat contre Satan. Cette froideur et cette objectivité qu’on reproche si souvent aux scientifiques, peut-être conviennent-elles mieux que la fièvre et la subjectivité pour traiter certaines affaires humaines. Car ce ne sont pas les idées de la science qui engendrent les passions. Ce sont les passions qui utilisent la science pour soutenir leur cause. La science ne conduit pas au racisme et à la haine. C’est la haine qui en appelle à la science pour justifier son racisme.
    On peut reprocher à certains scientifiques la fougue qu’ils apportent parfois à défendre leurs idées. Mais aucun génocide n’a encore été perpétré pour faire triompher une théorie scientifique. À la fin de ce XXe siècle, il devrait être clair pour chacun qu’aucun système n’expliquera le monde dans tous ses aspects et tous ses détails. Avoir contribué à casser l’idée d’une vérité intangible et éternelle n’est peut-être pas l’un des moindres titres de gloire de la démarche scientifique. »

    François Jacob, « Le jeu des possibles », 1982.

  • « Car où est l’homme qui a la preuve incontestable de la vérité de tout ce qu’il affirme, ou de la fausseté de tout ce qu’il condamne ; ou peut dire qu’il a examiné à fond toutes ses affirmations ou toutes les opinions des autres hommes ? La nécessité de croire sans connaissance, ou souvent avec des bases très légères, dans cet état éphémère de l’action où nous sommes aveugles, devrait nous rendre plus occupés du soin de nous informer que de contraindre les autres à suivre nos opinions. »

    John Locke, Essai sur l’entendement humain

  • Shakespeare :

    « Avec l’amorce d’un mensonge, on pêche une carpe de vérité. »

    Voltaire :

    " La vérité est un fruit qui ne doit être cueilli que s’il est tout à fait mûr. "

    John Locke, An Essay Concerning Human Understanding :

    “For where is the man that has incontestable evidence of the truth of all that he holds, or of the falsehood of all he condemns ; or can say that he has examined to the bottom all his own, or other men’s opinions ? The necessity of believing without knowledge, nay often upon very slight grounds, in this fleeting state of action and blindness we are in, should make us more busy and careful to inform ourselves than constrain others.”

  • « Le moyen fait partie de la recherche de la vérité, aussi bien que le résultat. Il faut que la recherche de la vérité soit elle-même vraie ; la recherche vraie, c’est la vérité déployée, dont les membres épars se réunissent dans le résultat… »

    Karl Marx, Remarques à propos de la récente instruction prussienne sur la censure, 1843

  • « Quiconque prétend s’ériger en juge de la vérité et du savoir s’expose à périr sous les éclats de rire des dieux puisque nous ignorons comment sont réellement les choses et que nous n’en connaissons que la représentation que nous en faisons. »

    Albert Einstein

  • « Certaines vérités exigent parfois qu’on reste dans le droit chemin, mais les voies de la connaissance scientifique sont aussi tortueuses et complexes que l’esprit humain. »

    Stephen Jay Gould, Quand les poules auront des dents : réflexions sur l’histoire naturelle (1983)

  • « C’est en réalité tout notre système de conjectures qui doit être prouvé ou réfuté par l’expérience. Aucune de ces suppositions ne peut être isolée pour être examinée séparément. Dans le cas des planètes qui se meuvent autour du soleil, on trouve que le système de la mécanique est remarquablement opérant. Nous pouvons néanmoins imaginer un autre système, basé sur des suppositions différentes, qui soit opérant au même degré. Les concepts physiques sont des créations libres de l’esprit humain et ne sont pas, comme on pourrait le croire, uniquement déterminés par le monde extérieur. Dans l’effort que nous faisons pour comprendre le monde, nous ressemblons quelque peu à l’homme qui essaie de comprendre le mécanisme d’une montre fermée. Il voit le cadran et les aiguilles en mouvement, il entend le tic-tac, mais il n’a aucun moyen d’ouvrir le boîtier. S’il est ingénieux il pourra se former quelque image du mécanisme, qu’il rendra responsable de tout ce qu’il observe, mais il ne sera jamais sûr que son image soit la seule capable d’expliquer ses observations. Il ne sera jamais en état de comparer son image avec le mécanisme réel, et il ne peut même pas se représenter la possibilité ou la signification d’une telle comparaison. Mais le chercheur croit certainement qu’à mesure que ses connaissances s’accroîtront, son image de la réalité deviendra de plus en plus simple et expliquera des domaines de plus en plus étendus de ses impressions sensibles. Il pourra aussi croire à l’existence d’une limite idéale de la connaissance que l’esprit humain peut atteindre. Il pourra appeler cette limite idéale la vérité objective. (…)La science n’est pas une collection de lois, un catalogue de faits non reliés entre eux. Elle une création de l’esprit humain au moyen d’idées et de concepts librement inventés. (...) La physique a commencé réellement par l’invention de la masse, de la force, et d’un système d’inertie. Tous ces concepts sont des inventions libres. »

    Albert Einstein et Léopold Infeld L’évolution des idées en physique

  • « Les faibles – et qui n’est pas le parasite de sa propre faiblesse ? -, tous ont besoin de mensonges. Mais l’homme qui est libre est fort et n’a pas besoin de mensonges ! La vérité est la religion de l’homme libre ! »

    Maxime Gorki dans « Les bas fonds »

  • « Il n’y a et ne peut y avoir que deux voies pour la recherche et la découverte de la vérité : l’une qui, partant de l’expérience et des faits, s’envole aussitôt aux principes qui prennent une autorité incontestable, juge et établit les lois secondaires (et c’est elle que l’on suit maintenant) ; l’autre qui de l’expérience et des faits tire les lois, en s’élevant progressivement et sans secousse jusqu’aux principes les plus généraux qu’elle atteint en dernier lieu ; celle-ci est la vraie, mais on ne l’a jamais pratiquée… Le seul moyen que nous ayons pour faire goûter nos pensées, c’est de tourner les esprits vers l’étude des faits, de leurs séries, et de leurs ordres ; et d’obtenir d’eux qu’ils s’interdisent pour un temps l’usage des notions, et commencent à pratiquer la réalité. »

    Bacon, « Novum Organum »

  • Helvétius : « La vérité est un flambeau qui luit dans un brouillard sans le dissiper. »

    Montaigne : « Le premier trait de la corruption des meours, c’est le bannissement de la vérité. »

    Shakespeare : « Avec l’amorce d’un mensonge, on pêche une carpe de vérité. »

    Voltaire : « La vérité est un fruit qui ne doit être cueilli que s’il est tout à fait mûr. »

    Diderot : « "On doit exiger de moi que je cherche la vérité, mais non que je la trouve. »

    « Qu’est ce qu’un paradoxe, sinon une vérité opposée aux préjugés du vulgaire. »

    « Qu’est-ce que la vérité ? La conformité de nos jugements avec les êtres. »

    Socrate : « Nous ne nous approchons de la vérité que dans la mesure où nous nous éloignons de la vie. »

  • « C’est dans la pratique qu’il faut que l’homme prouve la vérité. »

    Thèses sur Feuerbach (1845) de Karl Marx

  • Goethe :

    « Il n’est pas toujours nécessaire que la vérité prenne une forme positive ; il suffit qu’elle flotte vaguement dans les esprits et qu’elle trouve un écho dans notre âme, comme le son mélancolique d’une cloche se répand dans les airs. »

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