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Edito – Rien ne sera plus jamais comme avant

dimanche 15 mars 2015, par Robert Paris

Edito – Rien ne sera plus jamais comme avant

Pour bien des travailleurs, pour bien des syndicalistes, pour la gauche de la gauche, pour l’extrême gauche, tout est comme d’habitude : les travailleurs paient et les capitalistes encaissent, un espèce de système des vases communicants, et la crise n’est qu’un prétexte à faire plus de profits. Il suffirait de se mobiliser un petit peu plus pour les faire reculer et ravaler leur austérité en donnant un peu de leur fric accumulé sur notre dos. Mais est-ce si simple effectivement ?

En écrivant que rien ne sera plus jamais comme avant, nous voulons souligner que ce n’est qu’une illusion, il ne suffit pas d’une petite mobilisation pour revenir simplement au capitalisme d’il y a quelques années. Nous ne voulons pas dire par là qu’il serait fatal d’accepter les sacrifices et qu’il faut s’adapter à l’idée de vivre de plus en plus mal. Nous ne voulons pas vous dire qu’il est normal que la jeune génération soit condamnée à ne pas trouver d’emploi CDI et la vieille à travailler de plus en plus longtemps pour une retraite de plus en plus hypothétique. Non ! Nous ne voulons pas vous dire que l’on devrait s’accoutumer au fait que nos impôts doivent surtout servir à aider les capitalistes et les guerres aux quatre coins du monde au moment même où ils ne parviennent plus à financer les aides sociales, les services publics et le fonctionnement de la société. Nous voulons seulement dire que c’est le capitalisme qui ne sera plus jamais comme avant. Il ne construira plus des pays prospères, un tant soi peu démocratiques, pacifiques, avec une intégration des communautés sans haines entre les peuples. Il ne développera plus les services publics. Il ne développera plus les secteurs productifs, permettant massivement aux populations d’accéder aux biens industriels à des prix toujours réduits. Le capitalisme ne sera plus jamais comme avant 2007. La chute de cette année là et de la suivante a été momentanément et artificiellement enrayée mais le capitalisme qui sort de cette intervention à coups de milliers de milliards de dollars, de yens ou d’euros n’est plus le même capitalisme. Nous ne voulons pas dire que les sacrifices sont inévitables mais seulement que c’est le renversement du capitalisme qui l’est car le capitalisme n’est plus synonyme de construction mais de destruction, plus de développement mais de fermetures, plus d’amélioration du bien-être mais de développement des violences et des guerres intérieures comme extérieures…

Depuis 2007, nous vivons une époque formidable ! Eh oui, formidable que, dans une crise économique mondiale d’ampleur, touchant tous les secteurs de l’économie, tous les pays du monde, aucun trust, aucune grande banque, aucune grande assurance, aucune bourse n’aient chuté ! C’est pas beau ça ? Des millions de milliards sont partis en fumée dans la crise et continuent à partir en fumée depuis. Des milliers de milliards ont été ponctionnés sur toutes les banques centrales, sur tous les Etats de la planète pour que le capitalisme survive jusqu’à aujourd’hui et aucun pays n’a pu se permettre d’arrêter à faire fonctionner la manne étatique et celle des banques centrales sans risquer immédiatement la chute financière généralisée….

Et pourtant aucun grand capitaliste n’a fait faillite. On les a tous sauvés. Parfois trois ou quatre fois de suite comme la banque Dexia ou le trust PSA ! En prétendant, bien sûr toujours, que cela n’aurait rien coûté au contribuable.

Pas étonnant cela ? Et pourtant cela n’était jamais arrivé dans une crise du capitalisme, qu’elle soit une crise sectorielle ou générale, nationale, régionale ou internationale. C’est pourtant assurément la plus grande crise économique de toute l’histoire du monde capitaliste. Et cela pour plusieurs raisons.

Tout d’abord jamais autant d’argent n’a disparu dans les crises passées comme dans le gouffre financier de 2007-2008. Jamais, au cours des dizaines de crises capitalistes précédentes, l’Etat et les banques centrales n’ont été contraintes, sous la pression des menaces systémiques, d’injecter le millième des sommes aussi colossales injectées dans l’économie et dans les marchés financiers, des sommes dont elles ne possèdent même pas le centième, que des dizaines de générations seraient bien incapables de rembourser.

Un autre point souligne l’importance de la crise actuelle, si le terme de crise est bien capable d’exprimer ce qui se passe actuellement… La crise avait commencé en 2000. Au début, elle s’était traduite par la chute de grands trusts comme Vivendi Universal, comme Enron et comme Worlcom. En 2007, on a d’abord voulu laisser chuter la banque Lehman Brothers et le trust General Motors mais il a vite fallu rebrousser chemin, les classes dirigeantes reconnaissant que si on laissait un seul trust, une seule grande banque ou une seule bourse chuter, la confiance des capitalistes était trop altérée pour qu’ils ne se retirent pas massivement, ne laissant pas pierre sur pierre de tout le système d’exploitation mondial ! Ils ont appelé cette situation « menace systémique » et ont avancé une nouvelle règle intitulée : « trop gros pour chuter ». Même si une grande entreprise était devenue complètement non rentable, abandonnée même par ses investisseurs, les Etats et les banques centrales, pour des raisons de maintien en place de la domination du capitalisme, ne pouvait absolument pas la laisser chuter.

Les crises capitalistes qui avaient toujours été l’occasion pour le système de s’épurer, d’abandonner les canards boiteux, de restaurer la rentabilité et le dynamisme, n’en étaient plus capables, les classes dirigeantes étaient contraintes d’interrompre elles-mêmes leur propre fonctionnement…

Les crises n’étaient nullement des accidents fâcheux pour le système comme cela nous est si souvent présenté mais un élément essentiel du fonctionnement, un régulateur indispensable car le système, étant fondé sur la propriété de capitalistes privés ne se communiquant surtout pas leurs intentions, il n’est pas programmable ni planifiable et ne peut gérer ses surplus et doublons qu’après coup, avec les crises qui éliminent les producteurs en surplus.

Eh bien, depuis 2007, tout mécanisme de crise est aboli et il ne peut plus y avoir de faillites, plus de régulation du système mais seulement la mort, la fin du système !!!

Cette situation ne ressemble en rien à celle que nous avons connu avec les multiples crises capitalistes car, dans toutes celles-ci, les banques et trusts ont fait faillite et parfois par milliers, permettant ensuite une reprise sur des bases saines.

Tandis que là, alors que la crise a démarré il y a quinze ans, il n’y a toujours pas de véritable reprise, mais des petits sursauts liés aux annonces d’aides d’Eta tet une telle situation ne s’est jamais vue dans l’histoire.

Un autre point à souligner : les injections massives de capitaux publics, loin de tenter de remettre en route le capital privé, de lui permettre de combattre l’extraordinaire hypertrophie du capital financier, lui permettent encore d’enfler, phagocytant encore plus toute l’économie. L’argent public injecté a certes permis aux capitalistes de continuer à profiter malgré la crise mais il ne les a pas poussé à investir dans le secteur productif, devenu de moins en moins rentable et de plus en plus risqué par rapport au secteur spéculatif.

Et ce n’est même là qu’une conséquence des problèmes de l’économie mondiale et non sa véritable source. Celle-ci provient de l’incapacité du capital à trouver suffisamment de secteurs assez rentables vue sa gourmandise actuelle attisée par des profits financiers accrus par l’endettement des Etats. Or, plus les banques centrales nourrissent le grand capital sans qu’il soit obligé de produire moins il en a envie. En effet, plus il le fait, plus l’Etat s’endette, plus ses dettes lui coûtent cher et plus le capital privé a envie d’être seulement l’usurier de l’Etat.

L’Etat a beau leur offrir sa caisse ouverte, leur faire crédit de leurs impôts, leur supprimer leurs taxes et leur cotisations sociales, ce n’est pas pour cela qu’ils vont embaucher ni investir dans la production. Loin de lutter contre le chômage comme ils le clament sur tous les toits, les patrons et le gouvernement ne s’emploient qu’à l’aggraver. Le secteur public supprime autant les emplois que le secteur privé, les précarise autant que lui, ne remplace pas les partants en retraite, ou les remplace par des CDD ou des intérimaires. Augmenter le chômage est un moyen à fois d’imposer le calme social, de baisser les salaires d’embauche, d’affaiblir moralement le prolétariat. La réalité, c’est qu’on détruit aussi bien les emplois à Total, à PSA ou Sanofi qu’à l’hôpital public ou à la SNCF ! Mais les capitalistes savent aussi que ces politiques ont leur limite car elles préparent surtout une grande révolte qui monte dans les milieux populaires. Même le fait qu’il y ait moins de petites luttes actuellement rappelle au patronat et au gouvernement que cela peut très bien être un signe annonciateur de grandes luttes, comme dans le passé (voir 1936, 1947, 1953, 1968 ou 1995).

A quoi servent les injections massives de capitaux si ce n’est à sortir le système de l’ornière et si elles risquent même d’aggraver la situation ? Elles servent seulement à gagner du temps. Elles donnent aux classes dirigeantes un répit économique et social pour profiter de l’intermède afin de travailler au corps les différentes classes sociales, isoler les travailleurs, manipuler les classes moyennes, en les dressant contre les travailleurs, et tromper tout le monde en désignant de faux ennemis et en montant les bases idéologiques de la guerre mondiale comme de la guerre intestine, entre travailleurs et entre exploités.

Les classes dirigeantes savent parfaitement que leur temps est compté s’il apparaît clairement que le capitalisme a fait son temps. Elles se gardent bien de le montrer même si leur politique elle-même le prouve.

Comment le capitalisme pourrait-il subsister sans le dynamisme de l’investissement productif privé et avec la seule aide étatique ? Il ne le pourrait pas. C’est de cet investissement productif privé que découle la formation de la plus-value, d’où sont tirés les revenus redistribués ensuite aux autres secteurs capitalistes, de la distribution, du transport, des relations et communications comme de la finance et finalement de l’Etat. Sous le capitalisme, l’Etat n’a nullement les moyens financiers de les nourrir tous à la place du système privé d’exploitation.

Dans la caricature de capitalisme qui fonctionne actuellement il ne reste que l’épouvantail. Le grand capital n’est plus synonyme d’emplois, de développement, de constructions, de dynamisme mais seulement d’usure, de finance, de profits sur le dos des dettes et des faillites.

Quelle raison auraient les prolétaires d’accepter de rester sous le capitalisme s’il ne reste de lui que son rôle prévaricateur et nécrophile ? Seulement la logique de l’Etat au service du grand capital ? Seulement le fait que l’argent va à l’argent ? Seulement le fait que les exploités sont juste là pour engraisser les capitalistes ? En somme, trop peu pour convaincre longtemps les exploités de maintenir ce système en place ! Comment y parvenir si le propriétaire des moyens de production s’en sert seulement pour fermer la boutique tout en préservant ses profits grâce à l’aide de l’Etat ? A quoi sert le capitalisme si c’est pour revenir à la seule fonction de l’usurier ? C’est un peu comme si on achetait une voiture juste pour y mettre de l’essence mais sans que le moteur fonctionne ! Le moteur des investissements privés productifs ne fonctionne plus alors qu’il était vraiment au cœur du système, étant le site de la production de la plus-value, le point central du fonctionnement capitaliste.

Quelle raison aurions-nous d’accepter une société où des sociaux-démocrates comme Ségolène Royal n’ont rien d’autre à nous proposer que de couper le robinet d’eau des mauvais payeurs, ceux qui ont perdu leur emploi et leurs revenus ? Quelle raison aurions-nous d’accepter que le service public du rail se refasse une santé en multipliant les amendes de ceux qui, chômeurs, n’ont pas les moyens de se payer des transports de plus en plus chers ?

Quelle raisons aurions-nous d’accepter que les banques se paient ouvertement notre tête en refusant de payer des impôts, en détournant l’argent des nôtres, en apprenant aux sociétés clientes comment ne pas le payer tout en nous ponctionnant nos salaires, en les réinvestissant dans notre dos, tout en nous ponctionnant même si nous avons de tout petits retards à remettre notre compte à flot ?

Quelle raison aurions-nous d’accepter une société qui ne marche qu’à contrario des intérêts populaires, où l’armée et la police sont plus que jamais mobilisés contre la population, pour attaquer des manifestants désarmés alors que ce sont les terroristes, et non les travailleurs ou les chômeurs, que ces forces armées sont censés combattre ?

C’est parce que les classes dirigeantes ont peur de l’avenir, qu’elles savent combien leur politique antisociale doit encore s’aggraver et combien cela entraînera nécessairement des réactions d’ampleur qu’elles cherchent tant à semer dans les milieux prolétariens et populaires des ferments de haine : contre des fractions des milieux populaires vivant dans le pays ou contre les peuples des autres pays. C’est pour cela qu’elles font renaître la haine des pays comme Russie et Chine. C’est pour cela qu’elles sèment la haine contre la Chine et les pays de l’Est, accusés de nous voler nos emplois par délocalisation alors que c’est le capitalisme qui les détruit. C’est pour cela qu’elles sèment la haine contre les Roms, contre les Musulmans, contre les jeunes de banlieues, contre les fonctionnaires, etc, etc…

Les classes dirigeantes capitalistes n’ont plus aucun avenir dans le cadre de leur système et plus vite nous en prendrons conscience mieux cela vaudra.

Qu’on le souhaite ou qu’on le craigne, le monde va vers une confrontation de grande ampleur. Nous n’avons que le choix du type de confrontation : soit la guerre entre les peuples au travers de guerres mondiales, de massacres intercommunautaires et interreligieux, soit la grande confrontation sociale entre exploiteurs et exploités, contre les classes dirigeantes et un système qui a fait son temps.

Bien sûr, nous savons bien que nombre de travailleurs ont été convaincus, avec la chute du stalinisme que c’était la fin des espoirs socialistes.

C’est une erreur car le stalinisme était le pire ennemi du socialisme et nullement l’héritier du léninisme ou du marxisme.

Mais cette erreur, si elle empêche les travailleurs de reconstruire leur internationale communiste, ne peut empêcher les révolutions sociales car celles-ci sont le produit, nécessaire, des conditions objectives, c’est-à-dire de la crise de la domination de la bourgeoisie. Donc, même si le prolétariat devait en être le premier surpris, le moment où recommencera à jouer un rôle historique révolutionnaire et communiste est plus près de nous que, derrière nous, ne le sont la Commune de Paris, les soviets de 1905 et 1917 et la vague révolutionnaire qui a suivi en Europe ou la révolution communiste de Hongrie en 1956.

La crise mondiale du capitalisme entraînera inévitablement la remise en cause de celui-ci par les masses prolétariennes. Et pour en prendre conscience et s’y préparer, il est encore temps. Cela suppose que, dans le mouvement ouvrier, on abandonne les efforts inutiles et contreproductifs de réforme, les efforts inutiles et contreproductifs de négociation, de discussion, de cogestion, de collaboration avec les capitalistes et leurs gouvernements, quelle qu’en soit la couleur politique pour produire enfin une lutte de classe dirigée par les travailleurs eux-mêmes et les préparant à diriger eux-mêmes leur propre pouvoir demain.

Messages

  • "Les crises capitalistes qui avaient toujours été l’occasion pour le système de s’épurer, d’abandonner les canards boiteux, de restaurer la rentabilité et le dynamisme, n’en étaient plus capables, les classes dirigeantes étaient contraintes d’interrompre elles-mêmes leur propre fonctionnement…" ;

    Et effectivement quelle entreprise petite, moyenne ou enorme , n’est pas surendette ?

    ni le boulanger du coin de la rue à qui les banques ont prếté à de l’argent sur la base d’un chiffre d’affaire surévalué , ni Areva entreprise dite de pointe et de référence dans l’industrie mondiale.

    dans tous les cas , pour les multinationales, pas de faillites sans sauvetage des Etats.

    Resultats : ce sont ces mêmes Etats qui croulent sous le poids de leur endettement, accentués par 1 spéculation encore plus forte sur leur dette par ces mêmes mutinationales...

    Le système creuse lui-même sa tombe mais de plus il est effectivement mort en tant que système capitaliste car sa source de capitaux ne provient plus des capitaux liés à la production, avec des crises comme régulations de surproduction.
    En bloquant les crises, c’est à dire en bloquant le système immunitaire du capitalisme, les Etats et la classe dirigeante l’ont tué sur le coup.
    Le seul moyen de maintenir l’illusion que le système est encore vivant, se trouve dans l’injection massive de liquidité fictive car elle ne représente aucune richesse réelle des Etats.

    L’endettement des Etats est quasi sans limite à part si la confiance de la petite bourgeoisie et de la classe ouvrière dans ce monde déchu s’arrête brusquement.

    Mais oui pour mesurer l’ampleur du changement, il faut avoir en tête le rôle de ce qu’on appelle 1 crise dans le monde capitaliste....et du coup voir qu’en 2008 c’était bien autre chose que ce phénomène anlysé depuis 2 siècles.

  • Ce serait plutôt l’extrême droite qui monte que la révolution, non ?

  • Dans le monde entier et dans toute l’Histoire, les exemples abondent qui montrent que, chaque fois que la contestation sociale monte, les classes dirigeantes favorisent en face la montée d’une extrême droite fasciste, d’autant plus violente que les intérêts fondamentaux de la bourgeoisie sont plus menacés.

  • « L’ancien régime moderne n’est plus que le comédien d’un ordre social, dont les héros réels sont morts. »

    Karl Marx, Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel, 1843

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