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Le monde d’après la pandémie et... le capitalisme

mardi 23 février 2021, par Karob, Robert Paris

Le monde d’après… Pas seulement après la pandémie mais après le capitalisme !

Les gouvernants capitalistes ont prétendu vaincre la pandémie ! Et cette prétendue victoire à venir sur Covid, bâtie sur les efforts, les sacrifices et la solidarité de tous, fiers de « nos » morts comme disparus « au champ d’honneur » (joli nom donné aux champs de cadavres des guerres capitalistes), permettrait de construire un monde nouveau, plus fort, plus solidaire, plus national, plus vert, bref un capitalisme rénové plus soucieux de l’humain et de la nature ! À croire qu’ils voudraient presqu’en finir avec le capitalisme ! Mais c’est faux ! Ils ne luttent pas plus contre la pandémie qu’ils n’ont aucun monde nouveau à construire ! Pourquoi en serait-il autrement ? Ils n’ont en rien renié en réalité de l’ancien monde capitaliste en plein effondrement depuis 2007-2008

Le fait d’avoir fait perdurer quelques années encore le système capitaliste a surtout démontré qu’il n’y avait aucune solution pour l’améliorer, pour résoudre ses difficultés, pour trouver une issue, pour lui donner une dynamique nouvelle. Loin de tout cela, le monde capitaliste a gardé le pouvoir mais n’est même plus capable de faire réellement fonctionner l’économie sur des bases capitalistes, c’est-à-dire produisant sans cesse plus de richesses et réinvestissant l’essentiel de ses profits dans des productions nouvelles (ce que l’on appelle l’accumulation du capital). Nous vivons dans une fiction du capitalisme dont les classes dirigeantes ont besoin pour entretenir l’illusion que leur société à un avenir à proposer alors que le seul avenir qui advient de l’effondrement du capitalisme mondial est la montée des nationalismes, des fascismes, des communautarismes, des identitarismes, du racialisme, de la religiosité, bref tout ce qui peut opposer entre eux les peuples ! Tout est bon pour nous maintenir sous la coupe des classes dirigeantes et qu’on ne remette pas en cause leur direction politique sur la société !

Et bien sûr, les politiciens, les commentateurs, les menteurs professionnels, notamment les réformistes, ont emboité le pas du « monde de demain » qui n’est rien d’autre que le monde d’hier replâtré, corrigé à la marge. Mais le fait que tous ces baratineurs en parlent, n’en a pas fait une réalité. Après les promesses suite à l’effondrement de 2007-2008, après celles des débuts de la pandémie, est arrivée la réalité : rien n’est réformé, tout s’aggrave, tout empire, tout s’effondre. Les États et les banques centrales distribuent des milliers de milliards aux capitalistes ! Et malgré cela le capitalisme ne se redresse pas, ne se relève pas pour retrouver une dynamique d’accumulation de capital c’est-à-dire de richesses ! Bien au contraire, il est de plus en plus plombé par ses dettes et ses profits ne sont plus produits par la plus-value mais par le vol des biens publics.

Si à l’image de la pandémie COVID-19 qui a la capacité de varier, muter, le capitalisme a lui aussi connu cette capacité à muter maintes fois depuis sa période de libre en concurrence entre petits capitalistes jusqu’à son étape monopoliste, impérialiste et enfin de financiarisation et spéculation à outrance ; depuis 2008, il a perdu cette capacité à muter, à se transformer, à trouver de nouvelles ressources en lui-même pour perdurer, pour s’accroitre encore, pour devenir encore plus rentable et conquérir de nouveaux marchés. Le capitalisme a atteint un stade où il est mondialement propagé et ne peut plus s’étendre davantage. Il est dans un état déliquescent causé par son incapacité à développer encore, dans le cadre étriqué de la propriété privée des capitaux, son accumulation du capital fondée sur l’exploitation du travail humain c’est-à-dire sur la plus-value volée aux salaires des producteurs.

Alors que le capitalisme mondial se trouve dans une situation historique, celle d’un effondrement de civilisation à l’image de la chute de l’empire romain, l’essentiel de la population est laissé dans l’ignorance concernant la fin de la société capitaliste ! Le silence le plus assourdissant venant des organisations qui prétendent être du côté des travailleurs et des milieux populaires ! Elles ne veulent surtout pas entendre parler de fin du capitalisme, de suraccumulation de capital, de chute historique et irrémédiable de l’ancien système d’exploitation car elles sont liées au capitalisme par mille et un liens ! Elles cherchent seulement à réformer le capitalisme ouvertement ou non ! Leur survie dépend donc de la sauvegarde du capitalisme. En fait, derrière toutes leurs belles paroles, leur seul objectif, en réalité, est de jouer un rôle pour sauver l’ancienne société ! Car, si le capitalisme est mort, à quoi pourraient bien servir les intermédiaires, les avocats, les tampons sociaux, les négociateurs, les conseilleurs, les arrangeurs, les réformistes en somme, qu’ils soient syndicaux, associatifs ou politiques ? A rien ! Par contre, lorsque les risques de révolution sociale augmentent, ils peuvent devenir précieux, pas aux travailleurs bien sûr mais à la classe dirigeante. Ils peuvent sauver cette dernière et, du coup, accéder au saint du saint, au pouvoir suprême. Ils l’ont fait par exemple lors de la grande vague révolutionnaire de 1917-1923 et on les a vus devenir gouvernants et massacreurs des révolutions prolétariennes.

Les mêmes qui affirment que la révolution sociale n’est pas d’actualité, n’est pas nécessaire, la craignent, la haïssent et la combattent dès maintenant par leurs politiques de division en maintenant le corporatisme et la lutte sur un terrain purement économique avec pour seul objectif des négociations qui aujourd’hui, non seulement n’arrachent même plus des miettes en guise de réformes, mais accompagnent les reculs qui préparent toujours un recul encore plus grand ! Au lieu que chaque lutte puisse être une école pour le peuple travailleur en dirigeant lui-même ses luttes afin de se préparer à son rôle dirigeant dans la société pour devenir souverain, c’est-à-dire présider lui-même à sa destinée, ces organisations font tout pour maintenir le peuple dans un état équivalent à un mineure qui doit à être diriger comme la bourgeoisie le gouverne ! Les réformistes luttent dès maintenant contre toute organisation et politique révolutionnaire au sein du peuple ! Si la révolution tarde aujourd’hui, ils en portent une lourde responsabilité ! Et ceux qui luttent aujourd’hui contre la révolution sous couverture d’être de gauche, de la gauche de la gauche voire même d’extrême gauche (peu importe l’appellation qu’ils se donnent communistes, communistes libertaires, trotskystes, anarchistes, anarcho-syndicalistes, syndicalistes-révolutionnaires etc) seront parmi les ennemis les plus acharnés de la révolution quand celle-ci explosera ! La révolution à venir est donc combattu tout autant par les extrêmes droites ou fascisme que la gauche bourgeoisies ou les pseudos groupes révolutionnaires d’extrême gauche !

Mais, direz-vous, où est-elle cette révolution sociale qui ouvrirait la porte d’un autre monde, d’une nouvelle société ? Où en voyez-vous les signes annonciateurs même ? Qui, parmi les prolétaires, prépare cette révolution prolétarienne ou seulement y croit ?! Certes, si on demandait individuellement à chaque prolétaire s’il se voit prendre d’assaut la société capitaliste et son pouvoir d’État, il ne s’y verrait bien entendu pas. Cependant, on a bien vu récemment, dans des pays où les prolétaires ne se voyaient pas davantage au pouvoir ou à la tête d’une révolution, éclater de véritables révolutions sociales et politiques. La France capitaliste elle-même a été touchée ou encore les USA et pas seulement le Chili ou le Liban, le Soudan et la Tunisie.

La révolution sociale monte et la pandémie ne fait qu’en retarder les effets. Elle monte pour des raisons objectives. Elle monte parce que le monde capitaliste chute. L’heure du réformisme est révolue car non seulement le capitalisme ne se développe plus mais il se meurt ! Dans cette situation critique, il ne reste rien à réformer ! Mais le réformisme politique ou syndical reste encore un danger pour la révolution ! Ce qui se pose à nous dès maintenant c’est socialisme ou barbarie ! Et pour être victorieuse, la Révolution devra monter jusqu’à amener au pouvoir les Comités de Travailleurs, ses Communes Révolutionnaires. Faute de quoi, elle sera écrasée par la contre-révolution capitaliste et le peuple travailleur avec elle et l’humanité reculera des siècles en arrière sans savoir jusqu’où !

Alors si le capitalisme n’est plus capable d’intégrer les créations techniques et sociales qu’il a produites et est contraint de les détruire, le socialisme, lui, pourra en intégrer infiniment plus. L’avenir est au socialisme et au communisme qui n’ont bien sûr aucun rapport même lointain avec leurs caricatures social-démocrates et staliniennes pas plus que les conseils de travailleurs n’ont le moindre rapport avec l’organisation des bureaucraties syndicales ! Les uns n’ont que le passé et les autres ont aussi tout l’avenir !

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Messages

  • Certainement ni plus dynamique ni plus libre ni plus écologique ni plus humain !!!

    « La solution » d’avenir pour la classe capitaliste ? Le goulag (laogaï) chinois transformé en univers concentrationnaire mondial ?

  • Le capitalisme est transformé en une caricature de lui-même !!! Il amoncelle toujours du profit mais essentiellement grâce aux Etats et Institutions centrales, pas par l’accumulation de la plus-value extraite du travail humain, pas en produisant des richesses nouvelles !!!

  • Les 1900 milliards de dollars de soutien budgétaire de Biden, votés ce samedi 27 février aux USA, provoquent… des craintes d’inflation et de surchauffe qui font bondir les taux et chuter les bourses !!!

    https://www.lefigaro.fr/conjoncture/le-plan-de-relance-de-joe-biden-electrise-les-marches-mondiaux-20210226

  • En France, on recense six mille types de dispositifs d’aide aux capitalistes !!! Il y a désormais une profession de spécialiste des aides d’Etat dans les entreprises capitalistes. Le grand capital ne compte plus sur la production de plus-value pour s’accroitre mais sur l’Etat. Ce n’est plus du capitalisme mais du parasitisme !

  • Fascisme et grand capital de Daniel Guérin :

    Si le fascisme n’est pas progressif politiquement, il ne l’est pas davantage, contrairement à ce que pensent certains, économiquement. Dégagé de toutes les apparences, de toutes les contradictions qui en obscurcissent le vrai visage, de tous les aspects secondaires qui en dissimulent à tant de gens les aspects essentiels, compte tenu enfin des particularités de chaque pays, le fascisme consiste en l’instauration d’un État fort destiné à prolonger artificiellement le régime économique basé sur la propriété privée des moyens de production et sur le profit. Suivant la formule imagée de Radek, la dictature fasciste, « ce sont des cercles de fer avec lesquels la bourgeoisie essaie de consolider le tonneau défoncé du capitalisme »1.

    Ici il n’est pas inutile de répéter cette précision : le « tonneau » n’a pas été défoncé, contrairement à ce qu’on croit souvent, par l’action révolutionnaire de la classe ouvrière ; le fascisme n’est pas la « réponse de la bourgeoisie à une attaque du prolétariat », mais bien plutôt « l’expression de la décadence de l’économie capitaliste »2. Le tonneau s’est défoncé lui-même.

    Le fascisme est un réflexe de défense de la bourgeoisie, sans doute, mais de défense contre la désagrégation de son propre régime beaucoup plus que contre une attaque prolétarienne, à peu près inexistante. La classe ouvrière, en effet, à l’heure de la décomposition de l’économie capitaliste, n’a pas su, paralysée par ses organisations et par ses chefs, conquérir le pouvoir, afin de substituer le socialisme à un régime économique dont ses défenseurs mêmes admettent qu’il a du plomb dans l’aile.

    Sur la nature de cette crise, le fascisme, en effet, ne se fait aucune illusion. « La crise, avoue Mussolini, a pénétré si profondément dans le système qu’elle est devenue une crise de système. Ce n’est plus un trauma, c’est une maladie constitutionnelle »3. Bien qu’il promette démagogiquement la résorption du chômage, la reprise des affaires, le fascisme est, en fait, moins ambitieux. Il s’efforce seulement d’enrayer, par des moyens artificiels, la chute des profits d’un capitalisme privé devenu parasitaire ; il n’a pas, malgré sa verbeuse démagogie, de grands desseins ; il vit à la petite semaine ; il ne vise qu’à renflouer – grâce aux réductions de salaires, aux commandes et aux subventions de l’État, à la mainmise de l’État sur la petite épargne et à l’autarcie – une poignée de magnats monopolisateurs, de grands propriétaires fonciers. Et pour prolonger le règne de cette oligarchie, au prix d’une limitation de la libre entreprise, il accélère la ruine de toutes les couches de la population : salariés, consommateurs, épargnants, paysans-travailleurs, artisans et jusqu’aux industriels produisant des biens de consommation.

    Les gens naïfs qui, hors d’Italie et d’Allemagne, sont tombés dans le piège de la démagogie fasciste et nous ont présenté le fascisme ou le national-socialisme comme une sorte de « révolution anticapitaliste », auraient dû méditer la lettre suivante d’un ouvrier, publiée, si extraordinaire que cela puisse paraître, par le Völkischer Beobachter, quotidien du parti nazi : « Personne au courant des questions économiques ne croira que le système capitaliste a disparu. Il est vrai que les méthodes de financement public ont pris un caractère différent – un caractère de coercition. Mais le capital, ou tout au moins ce que l’on comprend généralement par ce mot, n’a jamais été aussi puissant et privilégié qu’à présent […]. L’économie accumule d’énormes profits et réserves ; les travailleurs sont invités à attendre […]. Les gros font des bénéfices, les petits reçoivent des traites sur l’avenir. Si ce n’est pas là du capitalisme dans le sens exact du terme, je voudrais bien savoir ce que capitalisme signifie. Un groupe réalise d’énormes profits aux dépens du reste de la population. C’est ce qu’on est accoutumé d’appeler exploitation capitaliste »4. Un autre correspondant écrit au même journal :

    « Ce n’est pas du national-socialisme ; c’est tout simplement du capitalisme. » Et l’organe officiel du parti nazi répond cyniquement que, si le gouvernement s’était avisé de répartir entre les travailleurs les deux milliards et quelques de profits accrus du grand capital, il se serait mis « en opposition flagrante avec l’Économie » [c’est-à-dire le grand capital]5.

    Économiquement, le fascisme n’a donc rien de « progressif ». Il ne « dépasse » pas le capitalisme ; il est, au contraire, une forme de ce que Lénine appelait le capitalisme dépérissant6. Cette période de décomposition du système capitaliste, qui « traîne en longueur7, le fascisme la fait durer par tous les moyens ; il entretient l’abcès au lieu de l’ouvrir d’un coup de bistouri. Loin de conduire au socialisme, c’est-à-dire à la collectivisation des moyens de production et à l’autogestion, il consacre tous ses efforts et toutes ses ressources à contrecarrer le mouvement qui, à la faveur de la crise, tend à faire passer toute l’économie privée entre les mains de l’État. Il pousse à son plus haut degré le conflit entre le caractère social de la production et la propriété privée des moyens de production : alors qu’il lui serait possible de socialiser sans coup férir des secteurs entiers de l’économie, il respecte et renfloue, le plus qu’il peut, le capitalisme privé. Il ne conduit pas, même par une voie détournée, au socialisme. Il est l’obstacle suprême au socialisme.

    Par ailleurs, le fascisme ne fait, sur le plan international, qu’aggraver la tendance de l’ensemble du système capitaliste au repliement national, à l’autarcie. En arrachant l’économie à la division internationale du travail, en adaptant les forces productives « au lit de Procuste de l’État national », il introduit « le chaos dans les relations mondiales ». Il crée pour le travail futur de planification socialiste « de colossales difficultés supplémentaires »8.

    En même temps, le fascisme porte à leur plus haut degré de tension les contradictions résultant de l’inégal développement du système capitaliste et hâte ainsi l’heure d’un nouveau partage du monde par la force des armes, l’heure de cette « chute dans la barbarie » que Rosa Luxemburg prévoyait pour le cas où le prolétariat tarderait à remplir son devoir de classe et à édifier le socialisme9.

    Toutefois, il n’est pas exact de dire que le fascisme, c’est la guerre. Le bolchevik Bela Kun dénonçait, il n’y a pas si longtemps, ce mensonge intéressé : « Le mot d’ordre que le fascisme, qui est une des formes politiques de la domination bourgeoise, est la guerre, n’a pas d’autre but que de dégager une fois pour toutes de toute responsabilité un des groupes de puissances impérialistes qui masquent leurs préparatifs de guerre sous des apparences démocratiques et des phrases pacifistes. Le vieux mot d’ordre de l’antimilitarisme marxiste, celui de la lutte révolutionnaire contre la guerre impérialiste, était conçu autrement : Le capitalisme, c’est la guerre »10.

    Une dernière illusion serait à dissiper, si le triomphe du national-socialisme en Allemagne ne lui avait porté le coup degrâce : l’illusion que le fascisme serait un phénomène local, un phénomène « spécifiquement italien » ou « particulier aux pays retardataires à prédominance agricole », contre lequel les grandes nations industrielles, les « grandes démocraties occidentales » se trouveraient prémunies.

    Le temps n’est plus où l’Italien Don Sturzo pouvait écrire « qu’en Angleterre, en France, en Allemagne, existe une classe politique résistante et à la hauteur de la tâche » et qu’on n’assisterait « sans doute jamais à une marche sur Londres, sur Paris ou sur Berlin »11, et où Nitti affirmait sérieusement : « Toute entreprise fasciste, dans les pays qui ont atteint un degré élevé de civilisation économique, ne pourrait être qu’une vaine expérience […]. En Allemagne, les partis démocratiques et la république se sont solidement affermis »12.

    Le temps n’est plus où les sociaux-démocrates allemands pouvaient écrire : « Le fascisme, dans sa forme italienne, correspond aux circonstances italiennes. La force organisatrice et la plus haute éducation politique de la classe ouvrière allemande, ainsi que la faiblesse relative des masses non prolétariennes en Allemagne, par comparaison avec l’Italie, rendent impossible chez nous un écrasement aussi brutal de la démocratie »13. Et le bolchevik Martynov : « Le fascisme de type pur sera notre principal ennemi seulement dans les pays arriérés et à moitié agricoles »14.

    En Italie comme en Allemagne, le fascisme a été bien plutôt le produit spécifique du capitalisme le plus évolué, de l’industrie lourde monopolisatrice. Cependant, dans ces deux pays, certaines causes particulières en ont hâté le développement ; en particulier le fait que l’Italie et l’Allemagne se sont trouvées, au lendemain de la guerre, dans la position de nations « prolétaires » en face des nations nanties. Il en est résulté : d’une part, qu’elles ont dû se débattre dans des difficultés économiques aiguës bien avant les puissances industrielles plus favorisées ; d’autre part, que, dans ces pays, il a été particulièrement aisé de greffer l’idée nationale sur l’idée sociale et de fanatiser ainsi les masses populaires.

    Il n’est pas absolument exclu que les mêmes causes profondes qui ont poussé les magnats italiens et allemands à financer les bandes fascistes, puis à porter au pouvoir le fascisme, reproduisent ailleurs les mêmes effets. Çà et là dans le monde, les trusts confient à l’État renforcé – sinon à l’« État fort »– le soin de restaurer leurs profits. On assiste à l’effritement progressif des institutions « démocratiques », à la prolifération d’un fascisme larvé.

    Quant à une dictature fasciste ouverte, la bourgeoisie, instruite par les précédents de l’Italie et de l’Allemagne, hésite à y recourir. Mais peut-on affirmer qu’elle y ait définitivement renoncé ?

    De toute façon, la leçon des drames italien et allemand est que le fascisme n’a aucun caractère de fatalité. Le socialisme eût pu et dû l’exorciser s’il s’était arraché à son état de paralysie et d’impuissance ; s’il avait gagné de vitesse son adversaire ; s’il avait conquis, ou pour le moins neutralisé, avant lui, les classes moyennes paupérisées ; s’il s’était emparé, avant le fascisme, du pouvoir – non pour prolonger tant bien que mal le système capitaliste (comme l’ont fait trop de gouvernements portés au pouvoir par la classe ouvrière), mais pour mettre hors d’état de nuire les bailleurs de fonds du fascisme (magnats de l’industrie lourde et grands propriétaires fonciers) : en un mot, s’il avait procédé à la socialisation des industries-clés et à la confiscation des grands domaines. En conclusion, l’antifascisme est illusoire et fragile, qui se borne à la défensive et ne vise pas à abattre le capitalisme lui-même.

    Mais telle n’est pas l’optique des « fronts populaires ». Leurs bonimenteurs se cramponnent à la planche pourrie de la démocratie bourgeoise et font risette aux groupes capitalistes les « moins réactionnaires », pour se préserver des « plus réactionnaires ». Ils attendent leur salut d’un Giolitti ou d’un Brüning qui, finalement, les livrera, pieds et poings liés, à un Mussolini ou à un Hitler. S’ils ont le goût du suicide, c’est leur affaire.

    Entre fascisme et socialisme, les autres, ceux qui veulent vivre, ont fait leur choix.

  • Quand les capacités techniques et sociales dépassent ce que le système est capable d’absorber et dont il peut profiter… ce n’est pas une crise, c’est la chute inexorable et irrémédiable !

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