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Induction et Déduction en Sciences

samedi 25 mai 2019, par Robert Paris

Induction et Déduction en Physique

« Induction et déduction en Physique », article publié par Albert Einstein dans le journal « Berliner Tageblatt » le 25 décembre 1919

« L’idée la plus simple que l’on puisse se faire de la naissance d’une science expérimentale est celle qui repose sur la méthode inductive. Des faits isolés sont choisis et regroupés de manière à faire clairement ressortir les régularités qui les relient. En regroupant ensuite ces régularités, on en fait apparaître de nouvelles, plus générales, jusqu’à obtenir un système plus ou moins unitaire capable de rendre compte de l’ensemble des faits donnés, de telle manière que, par une démarche inverse, purement intellectuelle, l’esprit puisse, à partir de ces dernières généralisations effectuées, retrouver à nouveau les faits isolés.

Un regard même rapide sur ce qui s’est effectivement produit nous enseigne que les grands progrès de la connaissance scientifique n’ont été que pour une faible part réalisés de cette manière. Si le chercheur, en effet, abordait les choses sans la moindre opinion préconçue, comment pourrait-il, dans l’incroyable complexité de tout ce que fournit l’expérience, isoler des faits bruts assez simples pour qu’apparaisse la loi à laquelle ils obéissent ?

Galilée n’aurait jamais pu trouver la loi de la chute libre des corps sans l’opinion préconçue que les choses telles qu’elles se présentent dans la réalité doivent être compliquées par l’effet de résistance de l’air et que, donc, il faut envisager des cas où cette résistance soit aussi réduite que possible.

Les progrès véritablement importants réalisés dans notre connaissance de la nature sont nés d’une démarche presque diamétralement opposée à la démarche inductive.

Une compréhension intuitive de ce qui est essentiel dans un ensemble complexe de faits amène le chercheur à poser une ou plusieurs lois fondamentales à titre d’hypothèses. De cette loi fondamentale (système d’axiomes), il tire ensuite les conséquences par une démarche purement logico-déductive et de façon aussi complète que possible.

Ces conséquences, qui souvent ne peuvent être déduites de la loi fondamentale qu’après de longs développements et de fastidieux calculs, sont ensuite comparées avec les données de l’expérience et fournissent ainsi un moyen de tester la légitimité de la loi fondamentale posée a priori. L’ensemble de la loi fondamentale (axiomes) et de ses conséquences forme ce que l’on appelle une « théorie ». Ceux qui s’intéressent à ces questions savent bien que les plus grands progrès de la connaissance scientifique, par exemple la théorie de la gravitation de Newton, la thermodynamique, la théorie cinétique des gaz, l’électrodynamique moderne, etc. sont tous nés ainsi et que tous présentent ce caractère fondamentalement hypothétique.

Le chercheur part donc toujours des faits, et le but de ses efforts est de les relier entre eux. Mais ce n’est pas par une démarche méthodique et inductive qu’il parvient à élaborer son système théorique ; au contraire, il s’adapte aux faits, en choisissant de façon intuitive parmi plusieurs théories possibles reposant toutes sur des axiomes.

Une théorie peut donc bien être reconnue comme fausse si ses déductions contiennent une erreur logique, ou comme inadéquate si un fait n’est pas en accord avec l’une de ses conséquences. Mais on ne peut jamais prouver la « vérité » d’une théorie. Car on ne sait jamais si l’avenir ne fera pas connaître un jour un fait qui viendra contredire ses conséquences ; et on peut toujours imaginer d’autres systèmes théoriques qui soient en mesure de relier les mêmes données factuelles.

Si l’on dispose de deux théories qui soient l’une et l’autre compatibles avec le matériau que constituent les données factuelles, le seul critère permettant d’adopter l’une plutôt que l’autre est le regard intuitif du chercheur. c’est ce qui explique que des chercheurs avisés, qui maîtrisent parfaitement à la fois et les théories et les faits, puissent quand même défendre avec passion des théories contradictoires… »

« Sur la méthodologie de la physique théorique », conférence prononcée par Einstein à Oxford le 10 juin 1933 et publiée dans « Mein Weitbild » :

« (…) Par la seule pensée logique, nous ne pouvons acquérir aucun savoir sur le monde de l’expérience ; tout savoir sur la réalité part de l’expérience et aboutit à elle. Si on les réfère au réel, les énoncés établis grâce à la seule logique sont parfaitement vides. C’est en comprenant cela, et surtout en s’efforçant de le faire admettre par le monde scientifique, que Galilée est devenu le père de la physique moderne, je dirais même, plus généralement, de toute la science moderne de la nature.

Mais, si l’expérience est à l’origine et au terme de tout ce que nous pouvons savoir de la réalité, quel est alors le rôle de la raison dans la science ?

Un système de physique théorique achevé se compose de concepts, de lois fondamentales qui s’appliquent à ces concepts, et de corollaires qui en découlent par déduction logique. Ce sont ces corollaires qui doivent correspondre à nos expériences particulières ; dans un ouvrage de physique théorique, leur déduction logique occupe presque toutes les pages du livre…

Nous venons donc d’attribuer à la raison et à l’expérience la place qui leur revient dans le système de la physique théorique. La raison fournit l’ossature du système ; les contenus empiriques et leurs relaitons réciproques doivent trouver leur représentation grâce aux corollaires déduits de la théorie. C’est uniquement la possibilité d’une telle représentation qui donnera à tout le système, et en particulier aux concepts et aux lois fondamentales sur lesquels il repose, leur valeur et leur légitimité.

Pour le reste, ces concepts et ces lois sont de libres inventions de l’esprit humain qui ne peuvent trouver de justification a priori ni dans la nature de l’esprit humain, ni de quelque autre manière que ce soit.

Ces lois et ces concepts fondamentaux logiquement irréductibles constituent cette part inévitable de la théorie qui ne peut être saisie par la raison. L’objectif le plus élevé que puisse se fixer tout théorie est de faire en sorte que ces éléments fondamentaux irréductibles soient aussi simples et aussi peu nombreux que possible, sans devoir pour autant renoncer à la représentation adéquate de quelque contenu empirique que ce soit. (…) »

Nos remarques sur le point de vue d’Einstein :

Pur Einstein, souligner l’importance de la pensée humaine en sciences physiques ne signifie pas tout ramener au rationnel mais plutôt souligner aussi l’importance de l’imagination, de l’intuition, de la libre pensée du savant, de la création et même de l’inconscient !

On remarquera que, pour Einstein, si induction et déduction sont deux opérations inverses, dans aucune des deux le savant ne supprime le raisonnement et dans aucune il ne supprime l’expérience. Einstein n’oppose pas induction et déduction, pas plus qu’expérience et raisonnement. C’est l’ordre des opérations, et même plutôt le sens du mouvement de création d’idées nouvelles, c’est aussi la liberté et l’intuition du scientifique, qui change entre les deux démarches. Et, bien entendu c’est une très grande différence. Il faut savoir si, dans une théorie nouvelle, tout part de l’expérience ou si tout part du raisonnement sur le monde. En somme, la question que pose Einstein est celle-ci : est-ce que les idées nouvelles sont directement ou pas issues des expériences ? C’est cette dernière assertion que défend l’induction. Et on a compris que c’est cette dernière assertion que combat Einstein, estimant que toute expérience est nécessairement déjà conçue théoriquement et donc le sujet d’un raisonnement, estimant aussi que les idées nouvelles ne sont pas déduites des expériences, même si l’expérience est la pierre de touche de toute théorie.

Einstein ne soutient donc ni Hume, ni Popper, ni Kant, ni l’école de Copenhague de Bohr-Heisenberg, ni les idéalistes, ni les empiristes, ni les sceptiques, ni les positivistes, ni les indéterministes, ni les agnosticistes.

Il déclarait dans une lettre à Klein du 31 mai 1951 : « Je tiens pour fausse la conception selon laquelle ce qui est conceptuel serait inférable « par abstraction » de l’expérience vécue… On ne peut à bon droit rejeter une théorie qu’a posterori, jamais a priori… Mais je n’exclue pas qu’une théorie du continuum puisse être rejetée à bon droit a posteriori… c’est-à-dire sur la base des données empiriques. »

On remarquera que l’un des points essentiels défendus ici par Einstein est le fait que la science, lorsqu’elle parvient à un résultat, n’a fait que produire une hypothèse valable, convenable, acceptable et non énoncé des faits d’observation !!! La mieux vérifiée des théories scientifiques n’est encore qu’ « une théorie », susceptible d’être remaniée ou abandonnée si nécessaire.

Bien sûr, Einstein ne dit nullement que la science est du domaine des « pures idées ». Il affirme que le chercheur part des faits, que son but est de les relier entre eux et pas seulement de relier les théories entre elles ! Einstein est très loin d’être idéaliste. Il affirme cependant que les idées sont les moyens indispensables pour relier ces faits et même pour examiner et décrire ce que dont le « simple » examen des faits. C’est la démarche inductive qu’Einstein conteste comme étant le fondement de la pensée scientifique. Cela signifie qu’il estime que les idées ne découlent pas directement des faits observés mais l’acrobatie de la pensée pour transformer les idées afin de les adapter aux bizarreries que présentent les faits. »

La science : seulement des faits ?

Pour Einstein, le physicien théoricien est un philosophe

La pensée d’Einstein en Physique

La physique n’est pas seulement un calcul mais une pensée

Des définitions d’induction et déduction

Einstein contre l’induction

Kant dans « Critique de la Raison pure » (1869)

Du Fondement de l’Induction (1896)

Déduction et induction

Le couple de contraires induction/déduction fait partie des contradictions dialectiques de la connaissance humaine du monde

Popper et la Science

Karl Popper et les critères de la scientificité

David Hume, Induction and Skepticism

Induction et déterminisme

Problem of induction, by Wikipedia

The Problem of Induction, by Karl Popper

The Problem of Induction

The Warrant of Induction

David Hume on Induction

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