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Histoire du drapeau rouge

jeudi 17 août 2023, par Robert Paris

Histoire du drapeau rouge

Pour le drapeau rouge (26 Février 1848)

« Nous ne sommes plus en 93 ! Nous sommes en 1848 ! Le drapeau tricolore n’est pas le drapeau de la Répu¬blique ; il est celui de Louis-Philippe et de la monarchie. C’est le drapeau tricolore qui présidait aux massacres de la rue Transnonain, du faubourg de Vaise, de Saint-Étienne. Il s’est baigné vingt fois dans le sang des ouvriers.

Le peuple a arboré les couleurs rouges sur les bar¬ricades de 48, comme il les avait arborées sur celles de juin 1832, d’avril 1834, de mai 1839. Elles ont reçu la double consécration de la défaite et de la vic¬toire. Ce sont désormais les siennes. Hier encore, elles flottaient glorieusement au front de nos édifices. Aujourd’hui la réaction les renverse ignominieuse¬ment dans la boue et ose les flétrir de ses calomnies.
On dit que c’est un drapeau de sang. Il n’est rouge que du sang des martyrs qui l’ont fait étendard de la République. Sa chute est un outrage au peuple, une profanation de ses morts. Le drapeau de la garde municipale ombragera leurs tombes.

Déjà la réaction se déchaîne. On la reconnaît à ses violences. Les hommes de la faction royaliste par¬courent les rues, l’insulte et la menace à la bouche, arrachant les couleurs rouges de la boutonnière des citoyens. Ouvriers ! c’est votre drapeau qui tombe. Écoutez bien ! La République ne tardera pas à le suivre. »

Auguste Blanqui

https://blanqui.kingston.ac.uk/texts/pour-le-drapeau-rouge-26-fevrier-1848/

« Ce n’est que trempé dans le sang des insurgés de juin (1848) que le drapeau tricolore est devenu le drapeau de la révolution européenne, LE DRAPEAU ROUGE. »

Karl MARX

« Il y a vingt et un ans aujourd’hui, le peuple de Paris brandit le drapeau rouge et déclara la guerre à la fois au drapeau tricolore français flottant à Versailles et au drapeau tricolore allemand, hissé sur les forts occupés par les Prussiens.
Avec ce drapeau rouge, le prolétariat de Paris se dressait à une hauteur surplombant de loin les vainqueurs aussi bien que les vaincus.
Ce qui fait la grandeur historique de la Commune, c’est son caractère éminemment international, c’est le défi qu’elle lança hardiment à tout sentiment de chauvinisme bourgeois. Le prolétariat de tous les pays ne s’y est pas trompé. Que les bourgeois célèbrent leur 14 juillet ou 21 Septembre, la fête du prolétariat sera toujours le 18 Mars. »

Engels

https://www.marxists.org/francais/marx/works/00/commune/kmfecom13.htm

https://www.marxists.org/francais/marx/works/1850/03/km18500301b.htm

« La lutte héroïque du journal communiste berlinois, le Drapeau Rouge , force l’admiration sans réserve. Voici enfin en Allemagne des socialistes honnêtes et sincères, demeurés fermes et inflexibles malgré toutes les persécutions, malgré les lâches assassinats des meilleurs chefs ! Voici enfin des ouvriers communistes en Allemagne qui mènent une lutte héroïque digne en fait d’être qualifiée de « révolutionnaire » ! Enfin, des profondeurs de la masse prolétarienne a surgi en Allemagne une force pour laquelle les mots « révolution prolétarienne » sont devenus une vérité !
Salut aux communistes allemands ! »

Lénine

https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1919/10/vil19191010.htm

« C’est le drapeau des insurgés de juin 1848, le drapeau des Communards, le drapeau de la Révolution d’Octobre 17, le drapeau des Spartakistes de Berlin en 1919, le drapeau d’Espagne et de France de 1936, le drapeau des prolétaires de Chine, d’Amérique, des Indes, d’Angleterre, du Japon, de l’URSS, le drapeau des prolétaires de tous les pays, LE DRAPEAU ROUGE, qui fait trembler tous les exploiteurs. »

Barta

https://www.marxists.org/francais/barta/1943/11/ldc20_112143.htm

« C’est seulement quand des millions et des millions d’opprimés feront irruption dans l’arène politique où se décide leur sort, quand commencera la véritable guerre civile des travailleurs que seront balayés les organes politiques pourris de la bourgeoisie qui ont gangrené la France ; c’est seulement LE JOUR OU NOUS LEVERONS LE DRAPEAU ROUGE DE LA LUTTE PROLETARIENNE que le spectacle rude mais grandiose de la lutte des travailleurs pour le socialisme régénérera entièrement la société en la conduisant hors du régime capitaliste. »

Barta

https://www.marxists.org/francais/barta/1944/07/ldc32_070844.htm

« Vaillant disait hier : " Qui aurait dit que l’escadre russe serait la première escadre de la Révolution, et que c’est sur la mer Noire que flotterait d’abord le drapeau rouge ? " »

Jaurès

https://www.marxists.org/francais/general/jaures/works/1905/07/jaures_19050701.htm

https://www.marxists.org/francais/barta/1943/11/ldc20_112143.htm

« La question du drapeau national fut soulevée durant les premiers jours de la République française. Les ouvriers révolutionnaires de Paris exigeaient que ce soit le drapeau rouge brandi dans la banlieue ouvrière de Paris lors de l’insurrection de juin 1832. Les représentants de la bourgeoisie tenaient au drapeau tricolore (bleu-blanc-rouge) qui fut le drapeau de la France durant la Révolution de 1789 et le Premier Empire. Ce drapeau était déjà avant la révolution de 1848 l’emblème des républicains bourgeois groupés autour du journal Le National. Les représentants ouvriers furent finalement obligés d’accepter le drapeau tricolore. Une rosette rouge était attachée à la hampe du drapeau. »

https://www.marxists.org/francais/marx/works/1851/12/brum4.htm
Le drapeau rouge au xixe siècle

http://classes.bnf.fr/pdf/Revol5_DrapeauR.pdf

Le drapeau rouge dans les journées de 1848 à Paris

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article302

Le 5 juin 1832, eut lieu à Paris une insurrection organisée et préparée par la Société des amis du
peuple et par d’autres associations révolutionnaires. Ce furent les funérailles du général Lamarque,
chef du groupe républicain à la Chambre des députés, qui en fournirent l’occasion. Les organisa-
tions révolutionnaires voulaient uniquement faire une manifestation, mais celle-ci se termina par
une émeute. Quand les manifestants déroulèrent un drapeau rouge portant l’inscription : « La
liberté ou la mort », ils furent attaqués par les troupes. On éleva des barricades dont les dernières
furent détruites par le feu des canons dans la soirée du 6 juin.
La lutte contre le capital, sous sa forme moderne développée, à son
point de jaillissement, la lutte du salarié industriel contre le bourgeois industriel, est
en France un fait partiel qui, après les journées de Février, pouvait d’autant moins
fournir le contenu national de la révolution que la lutte contre les modes d’exploita-
tion inférieurs du capital, la lutte des paysans contre l’usure des hypothèques, du petit
bourgeois contre le grand commerçant, le banquier et le fabricant, en un mot contre la
banqueroute, était encore dissimulée dans le soulèvement général contre l’aristocratie
financière en général. Aussi s’explique-t-on aisément que le prolétariat de Paris ait
cherché à faire triompher son intérêt à côté de celui de la bourgeoisie, au lieu de le
revendiquer comme l’intérêt révolutionnaire de la société même et qu’il ait abaissé le
drapeau rouge devant le drapeau tricolore.

Autour de la question : quel doit être le drapeau de la République, se. déchaîna une lutte ardente.
Les ouvriers demandaient que le drapeau rouge fût déclaré drapeau de la République. La
bourgeoisie défendait le drapeau tricolore. La lutte se termina par nu compromis typique pour les
journées de Février : on déclara drapeau de la République le drapeau tricolore avec une rosette
rouge.
Ce n’est que trempé dans le sang des insurgés de Juin que le drapeau peau tricolore est devenu le drapeau de la révolution européenne, le drapeau rouge.
Et nous crions :
La révolution est morte ! Vive la révolution !

http://piketty.pse.ens.fr/files/Marx1850.pdf

« Le vieux monde se tendit dans des convulsions de rage à la vue du drapeau rouge, symbole de la république du travail, flottant sur l’Hôtel de ville. Et pourtant, c’était la première révolution dans laquelle la classe ouvrière était ouvertement reconnue comme la seule qui fût encore capable d’initiative sociale, même par la grande masse de la classe moyenne de Paris. »

Karl Marx, « Les révolutions de 1848 et le prolétariat »

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article6107

Le drapeau rouge dans la revolution de 1848

Dommanget

Le drapeau rouge apparaît au premier rang dans presque toutes les tentatves, les épreuves et les
batailles du peuple ouvrier. Faire l’histoire ou plutôt esquisser l’histoire du drapeau rouge équivaut
donc à retracer partiellement l’histoire du prolétariat. Mais c’est la retracer sous un angle particulier,
car le fait d’arborer le drapeau rouge est un trait révélateur d’une certaine maturité sociale, d’un
certain degré de conscience sociale, d’un sûr instinct révolutionnaire ou parfois, plus simplement,
d’un esprit de révolte élémentaire.
En même temps, faire l’histoire du drapeau rouge c’est, en quelque sorte, concrétiser l’histoire
prolétarienne et socialiste, car c’est prendre dans cette histoire un objet réel présentant par rapport à
d’autres traductions de l’action ouvrière l’avantage d’être mesurable et tangible, ce qui évite de gros
risques d’erreurs. C’est en outre entrer dans le domaine du symbolisme prolétarien et révolutonnaire
qui mérite attention et étude au même titre que la symbolique religieuse ou nationale.
Le déploiement du drapeau rouge est encore intéressant à étudier en ce sens qu’il s’accompagne
d’une série de phénomènes ressortissant aux logiques collectives ou mystiques jouant d’une façon
concrète dans les conditons sociales de notre époque. Il est indiscutable, en effet, que la classe
ouvrière et le socialisme, même quand celui-ci se réclame de la science, sont travaillés et parfois
dominés par une mystque et que, comme l’écrit Antonio Labriola, pourtant féru de matérialisme
historique, « il n’y a pas de fête de l’histoire qui ne soit précédée, accompagnée, suivie par des formes
déterminées de conscience que celle-ci soit superstitieuse ou expérimentale ».
Dégager la signifcaton mentale, morale, sociale qu’implique le déploiement du drapeau rouge,
pénétrer l’âme d’une collectivité dans la mesure où elle se révèle par cet acte, c’est aussi, pour une
large part, faire connaissance avec sa coutume, repérer ses habitudes qui livrent beaucoup mieux
ressorts intimes et forces profondes que des motions de clubs ou de congrès, que des discours de
leaders.
Enfin, l’histoire du drapeau rouge est liée si étroitement à l’hagiographie socialiste, à l’héroïsme, au
sacrifice, au martyrologue de la classe ouvrière, qu’elle prend, par la force des choses, les caractères
d’une épopée. Les masses en ont comme l’intuition et les orateurs populaires le sentent si bien, que
l’évocation du drapeau rouge « rouge du sang de l’ouvrier », fait partie des leviers habituels inspirant
le fanatisme et poussant au combat.
Ces considérations sont d’ordre général et nous aurons l’occasion de les développer dans un ouvrage
consacré à la question. Pour l’instant, profitant du centenaire de la révolution de 1848, nous nous
limitons à retracer l’histoire du drapeau rouge au cours de ce grand événement et jusqu’à la chute de
la IIe République.

Les drapeaux des barricades

Février 1848 ! En 48 heures, les masses parisiennes, irrésistibles, règlent leurs comptes au régime.

Comme l’a écrit un insurgé, 100 000 soldats déterminés à mourir n’auraient pu sauver la monarchie.

Neuf ans plus tard, Bakounine évoquant avec émotion les barricades « dressées comme des
montagnes et s’élevant jusqu’aux toits », il verra encore « ses » nobles ouvriers, dans l’ivresse du
triomphe, chantant des airs patriotiques et « brandissant des drapeaux rouges »4
En effet, c’est surtout sous les plis du drapeau rouge que les ouvriers se lèvent et combattents Le fait
est indéniable. Mais aller au-delà, pousser plus loin l’affirmation, c’est tomber dans l’erreur.
Il n’est pas croyable, ainsi que l’écrit Louis Blanc, que sur les barricades de février 1848 le peuple n’ait
arboré que des drapeaux rouges. Tout s’inscrit en sens contraire.
D’abord, nous avons un témoignage qui n’est point négligeable c’est celui de Léonard Gallois. Dans sa
Lettre aux citoyens membres du Gouvernement Provisoire, il fait remarquer que « sur quelques-unes
des barricades de 48 on vit apparaître le drapeau rouge » qui, ajoute-t-il un peu plus loin « flotta
toujours à côté des trois couleurs ».
L’argument tiré des illustrations contemporaines où l’on voit figurer sur les barricades à la fois le
drapeau tricolore et le drapeau rouge était considéré mais ne saurait être décisif étant donné l’à peu
près qui caractérise les dessins de ce genre. Mieux vaut admettre que nul ne peut se porter garant de
la couleur des drapeaux sur les 1600 barricades qui hérissaient la capitale le matin de la journée du
24. D’autant plus que les consignes données aux bureaux de la Réforme et dans les autres centres
dirigeants de l’insurrection défendaient d’arborer un autre drapeau que le drapeau tricolore. Certes, les événements sont souvent plus forts que les hommes, et nous ne saurions sous-estimer
l’importance du facteur spontané dans les mouvements de masse. Néanmoins, on peut présumer que
les bourgeois et les petts boutiquiers qui tenaient certaines barricades, ont suivi, nombreux, cette
consigne. Au surplus, le fait qu’au cours des journées de juin, trois mois plus tard, les prolétaires
exaspérés et désespérés arboraient encore le drapeau tricolore dans une forte proportion, vient
montrer surabondamment qu’après avoir eu tort de minimiser les cas d’apparition du drapeau rouge
sous Louis-Philippe, Louis Blanc a eu tort de surestimer la diffusion du drapeau rouge sur les
barricades de la république naissante. La seule explication qu’on puisse fournir de cette position, c’est
que Louis Blanc était guidé sans doute par le désir de justifier a posteriori son attitude au sein du
gouvernement provisoire. Mais cette explication n’est pas une excuse et l’histoire n’a que faire des
considérations subjectives et des plaidoyers pro domo.
Cette réserve fondamentale acquise, il est juste de reconnaître qu’au cours des combats de la
révolution de février, le drapeau rouge a vraiment conquis droit de cité. Il ne s’agit plus cette fois
d’une apparition partielle, en quelque sorte moléculaire. Il s’agit de son apparition sur une grande
échelle. Dans un magnifique élan spontané, les ouvriers de Paris prirent, en général, le drapeau rouge
comme signe de ralliement.
Le 21 février pourtant, au crépuscule de cette timide journée d’émeutes qui raffermit l’aveugle
Guizot, une bande, armée d’échalas arrachés dans les vignes, déflent derrière un drapeau noir. Mais
ce n’est qu’une velléité puisqu’on ne revoit que très peu de cet emblème au cours des jours suivants.

Apparition des premiers drapeaux rouges.

La question de l’apparition des premiers drapeaux rouges en février 1848 est controversée. Si l’on
s’en rapporte à Auguste Nougarède, ils surmontèrent dès le 22 les barricades élevées à l’entour de
l’Hôtel de Ville.
Mais Victor Bouton énonce formellement que le premier drapeau rouge fut planté le 23 à la barricade
du coin de la rue Cléry et de la rue du Petit Carreau. Il nous apprend même dans quelles circonstances
 :
« On avait abattu une voiture de vidange et un fiacre dont le store fut arboré en signe de drapeau...
Personne ne le vit avec frayeur ; il avait son ridicule. Mais il servit d’exemple, et la fantaisie vint aux
insurgés de ce véritable quartier de l’émeute de hisser les stores rouges au-dessus des voitures qu’ils
renversaient. »
D’après le même auteur, le drapeau rouge flottant boulevard Bonne Nouvelle à l’angle de la rue
Poissonnière avait été obtenu par un procédé identique..
Comme les choses se répètent dans le temps et dans l’espace ! Cette utlisation des stores de voiture
en guise de drapeau par les insurgés de 1848, n’est-ce pas la reproduction pure et simple du geste
des Suisses de Châteauvieux à Nancy en 1790 ?
Au témoignage de Louis Ménard, toujours le 23 février, mais rue Saint-Martin, le drapeau rouge se
serait trouvé lié à la fraternisation grâce à l’héroïsme d’un gamin de 15 ans. Au moment où la troupe
s’apprêtait à faire feu, ce gamin se serait élancé vers elle et s’enveloppant dans les plis d’un drapeau
rouge, aurait crié : « tuez, si vous l’osez ! » Ce geste audacieux et pacifique, suivi de l’approche des
insurgés sans armes, détermina les soldats à fraterniser. Le fait est rapporté par Lourdoueix sans
spécifier qu’il s’agit d’un drapeau rouge, et la teneur de cete version fait plutôt croire qu’il s’agit d’un
drapeau tricolore. Il est possible que Louis Ménard ait été induit en erreur car un journal du temps
rapporte le même fait en le situant toutefois rue Saint-Honoré. Dans cete troisième version, le
combattant juvénile « s’élance tenant un drapeau tricolore à la main, debout sur la barricade » et « 
roule le drapeau autour de son corps ».
C’est un drapeau rouge qui dominait le formidable réduit de la porte Saint-Denis qu’Odilon Barrot
tenta vainement de faire tomber sans combat au pouvoir des troupes du général Bedeau. Voici maintenant deux faits très nets de répudiation du drapeau tricolore. À la caserne des
municipaux, faubourg Saint-Martin, l’officier se trouva contraint de remettre au peuple le drapeau
placé au-dessus de la porte afn d’éviter une lapidation et l’emblème fut ensuite promené en
trophée dans les rues. Au poste du « grand carré des Champs-Élysées » le drapeau fut pris, déchiré
et jeté à la foule.
D’autre part, c’est précédé d’un drapeau rouge que se déroula la grande manifestaton se dirigeant
vers la Madeleine par le boulevard des Capucines et dont le heurt avec la troupe amena la fusillade
célèbre. Et ce serait encore avec un drapeau rouge qu’aurait eu lieu la sombre promenade des
cadavres dans la nuit du 23 au 24 février, promenade dont l’influence fut capitale pour la
généralisation et le succès de l’insurrection.
Le 24 au matn, des barricades du quartier des rues de Cléry et des Jeuneurs sont surmontées, il est
vrai, de petits drapeaux tricolores apportés des maisons voisines et sur lesquels sont inscrits les mots
« Vive la réforme ! », mais le même jour la foule qui pénètre aux Tuileries a pour emblème le
drapeau rouge. Le velours grenat du trône déchiré et découpé sert à confectionner à la fois un
bonnet rouge dont on orne la statue de Spartacus, et des insignes qui brillent bien vite sur la poitrine
des gardes nationaux et des combattants. L’homme du peuple qui saute sur le trône pour y proclamer
la République, un drapeau rouge à la main, et un peu plus tard, quand la chambre tergiversera,
discutant la question de la régence, c’est en brandissant un drapeau rouge avec la mention "Vive la
République !" qu’une jeune fllle à cheval apparaîtra, dit-on, devant le palais Bourbon.
Le soir du 24, quand 200 000 hommes au moins engorgent les rues et les abords de l’Hôtel de Ville
dans l’ivresse de la victoire et l’impatience de la proclamation de la république, des drapeaux rouges
et aussi des drapeaux noirs « flottent en lambeaux au bout des baïonnettes ». La question s’agite dans
la foule fiévreuse et hésitante à la voix des orateurs, ici d’arborer le drapeau rouge, là de déployer le
drapeau noir. Cependant après la proclamation de la République – et Lamartine en témoigne – « un
drapeau tricolore fut arboré à une fenêtre » de l’édifice communal. Succès du drapeau rouge.
Le 25, le drapeau rouge est en passe de devenir le drapeau national, et le bruit se répand que le
Gouvernement Provisoire l’a adopté. Cabet l’affirme et dit même que les nouveaux gouvernants
l’ont « fait arborer ». Daniel Stern et Louis Combes vont jusqu’à dire que même « on préparait un
drapeau ». Sur les mairies, les postes, à l’Hôtel de Ville flottait l’étendard rouge qu’une colonne du
peuple provoquant un ordre du gouvernement voulait arborer sur le château de Vincennes. Le
Béarnais équestre de l’hôtel de ville était transformé en porte-drapeau révolutionnaire et, aux
alentours de la maison commune, le drapeau rouge se voyait aux fenêtres et jusque sur les toits. La
rosette rouge, par ailleurs, fleurissait les boutonnières, même d’étrangers. Et l’on vit jusqu’à un agent
secret de la police russe parcourir la capitale « avec une énorme tresse de laine rouge à la
boutonnière ».
Cette victoire éclatante du drapeau et de la couleur rouge s’explique très bien. Le drapeau tricolore
peu à peu dépopularisé par la monarchie de juillet ne pouvait résister à la suprême épreuve de
l’insurrection victorieuse.
Aux yeux d’un grand nombre d’ouvriers, avoue Madame d’Agoult « le règne de Louis-Philippe, la paix
à tout prix, les bassesses du pays légal avaient enlevé tout prestige au drapeau tricolore ». Ils
voulaient, en le quittant, « marquer avec éclat qu’ils répudiaient 17 années d’un gouvernement
corrupteur ».
Les combattants épousaient la cause du peuple ouvrier. L’un d’entre eux, Louis Ménard, alors âgé de
26 ans, note que le drapeau tricolore était souillé par les années de honte sous la Monarchie de Juillet
"auxquelles il ajoute 15 ans de despotisme sous l’empire ».
Renoncer au drapeau tricolore, c’était donc condamner une politique révolue.
Et quoi de plus naturel que le drapeau rouge, après avoir été à la peine, fût à l’honneur ? Comment
peut-on admettre que le peuple aux bras nus sortant des barricades et se dirigeant instinctivement
sur l’Hôtel de Ville au lendemain du combat, eût pu abandonner son emblème ?
« L’ayant voulu pour le combat, dit Louis Blanc il le voulait après la victoire ».
C’est ce que reconnaît Madame d’Agoult à peu près dans les mêmes termes. Elle dit, en parlant des
ouvriers :
« Ils entendaient garder après la victoire le drapeau du combat ».
Les travailleurs comprenaient en outre que les institutions nouvelles réclamées par eux ne pouvaient
reprendre purement et simplement le drapeau des institutions anciennes. Leur volonté de réformes
profondes s’exprimait dans le changement du drapeau. Et cela d’autant plus qu’ils craignaient des
complots royalistes et que le Gouvernement Provisoire ne leur inspirait qu’une confiance limitée.
Ces dispositions rendaient chères au peuple la conquête d’un langage qui le rassura contre la crainte
de voir la République être autre chose qu’une halte sur la route des révolutions.
Nous tenons ces lignes de Louis Blanc, mais Tridon est plus explicite. Il fait de l’étendard rouge de 48
le drapeau de la franchise sociale. C’est, dit-il, « celui qui est du haut des larricades repoussait tout
compromis et tout atermoiement hypocrite. Son éclatante couleur gênait les caméléons ».
Blanqui et ses partisans s’en faisaient bien cette idée-là. On sait, du reste, que Blanqui ne fut pas
étranger à la rédacton des pages sur 48 que nous a laissé son disciple Tridon et d’où ces lignes sont
extraites.
Pour les lutteurs des sociétés secrètes, ces farouches et obstinés « républicains de la veille » qui
encadraient par la force des choses les masses maintenant en ébulliton, le drapeau rouge
représentait autre chose encore. C’était comme un vieil ami. Ils l’avaient adopté secrètement
depuis des années comme symbole de leurs aspirations. A présent que l’inconscient collectif avait
joué, renversant les barrières fragiles derrière lesquelles on avait essayé de contenir leur emblème, ils
s’attachaient davantage à celui-ci et considéraient son triomphe comme de rigueur. Ils y voyaient –
on l’a dit et c’est fort juste – « la pieuse consécration d’un souvenir ».
Il convient de tenir compte de ce sentiment intime et de bien saisir la réalité psychologique qu’il
implique si l’on veut apprécier à sa juste valeur la passion qui poussait les révolutionnaires éprouvés à
faire adopter le drapeau rouge comme drapeau de la légalité nouvelle.
Quant aux considérations tirées de l’éruditon et qui auraient porté le peuple à revêtir « la pourpre
pour son joyeux événement » – la pourpre ayant été de tout temps la couleur affectée aux honneurs
suprêmes – il est évident qu’on ne peut pas les retenir. Il y avait, certes, des révolutionnaires érudits
qui voyaient dans l’adoption du drapeau rouge une imitation des souverainetés spirituelles et
temporelles de jadis. Il s’en trouvait qui, sachant la place importante occupée par l’étendard rouge
dans la série des drapeaux nationaux, ne manquait pas de rattacher le présent au passé et de trouver
là une justifcation. Mais des pensées de cet ordre étaient certainement étrangères à la majorité des
insurgés de 48. Elle ne fut pas étrangère, en tout cas, au ralliement au drapeau rouge d’une
démocrate curieusement barbouillée de bonapartisme, comme Hippolyte Castille, si l’on en juge par
ces lignes qu’il écrivit après coup, six ans plus tard :
"Le drapeau rouge était lien choisi quoi de plus beau que le rouge ! Il enchante l’œil comme une
fanfare enchante l’oreille : il est sonore comme un hallali dans les bois. Sa couleur est celle du sang et
par conséquent de la vie. Le rouge excite au comlat. Les soldats romains s’habillaient de rouge pour
que l’ennemi ne vît pas leurs blessures. Le rouge resplendit dans les pompes de l’église. C’était la
couleur de l’oriflamme gauloise et du vieux drapeau français. Les fédérés de 1790, luttant contre la
réaction au pouvoir, levèrent le drapeau rouge : chaque fois qu’un tas de pavés s’est dressé au coin
d’un carrefour contre la monarchie, on a presque toujours vu flotter un guidon rouge au sommet. Au
total quelque antécédent historique ou symbolique qu’on puisse lui donner, cette couleur rouge
exprimait à Paris au XIXe siècle, je ne sais quel sentiment insurrectionnel qui devait lui attirer fort
légitimement l’anathème du parti conservateur.
Par un intérêt du même genre, les sectes socialistes ne virent pas plus tôt étinceler cette flamboyante
bannière, qu’elles accoururent comme abeilles à la ruche. Et dès lors il ne manqua plus qu’un acte
public pour que toutes les petites églises du socialisme deviennent un parti.
Le drapeau devient le point de ralliement des opprimés, et au-delà de l’aspiration à devenir une
classe politique en capacité de gouverner la société. »

https://www.marxists.org/francais/dommanget/works/1928/La%20Revolution%20de%201848%20et%20le%20drapeau%20rouge.pdf

En novembre 1918, le front allemand s’effondra. Les soldats désertèrent par milliers. Toute la machine de guerre craquait. Néanmoins, à Kiel, les officiers de la flotte décidèrent de livrer une dernière bataille : pour sauver l’honneur. Alors, les marins refusèrent de servir. Ce n’était pas leur premier soulèvement, mais les tentatives précédentes avaient été réprimées par les balles et les bonnes paroles. Cette fois-ci, il n’y avait plus d’obstacle immédiat ; le drapeau rouge monta sur un navire de guerre, puis sur les autres. Les marins élurent des délégués qui formèrent un Conseil.

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3708

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