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La bataille de Stalingrad, victoire de la démocratie contre le fascisme ?

samedi 4 février 2023, par Robert Paris

La bataille de Stalingrad, victoire de la démocratie contre le fascisme ?

« Avant de défendre l’Union Soviétique contre Hitler, par la guerre, les staliniens défendirent leurs privilèges bureaucratiques contre l’aile prolétarienne révolutionnaire à l’intérieur de l’U.R.S.S. Pour défendre leurs titres, leurs villas, leurs autos, leurs sabres à poignée de diamants, les bureaucrates dirigeants n’ont pas hésité à affaiblir dangereusement l’Union Soviétique, en éliminant les meilleurs généraux, et les trotskystes, les MEILLEURS DÉFENSEURS DE L’ÉCONOMIE PLANIFIÉE. Affaiblissement qui conduisit, A TRAVERS LE PACTE GERMANO-SOVIÉTIQUE, à l’invasion de 1941, et à une série de défaites qui mirent l’U.R.S.S. jusqu’à Stalingrad, à deux doigts de sa perte. »

LA LUTTE DE CLASSES

Barta

Source :

https://www.marxists.org/francais/barta/1945/03/ldc44s_030645.htm

La bataille de Stalingrad est le point tournant de la deuxième guerre mondiale et la défaite allemande est le début d’une longue série. Bien des gens y ont vu une défaite du nazisme et un succès de la démocratie. Quelle ironie de l’Histoire ! Présenter le stalinisme comme vainqueur d’une lutte contre la contre-révolution nazie et pour la démocratie, il fallait le faire. Décidément les mensonges de guerre sont aussi énormes que la boucherie guerrière elle-même !

Non seulement, le stalinisme de la période précédente n’était pas un adversaire résolu du nazisme mais Staline était un grand admirateur d’Hitler. La caste bureaucratique du Kremlin avait parfaitement pactisé avec le nazisme, en particulier en Pologne. Ce n’est pas Staline qui a rompu l’alliance de l’Allemagne nazie et de la Russie stalinienne, c’est Hitler. Les dirigeants staliniens étaient à mille kilomètres de penser qu’Hitler pouvait les attaquer. Staline en personne avait refusé de l’imaginer, même quand ses agents l’en avertissaient. Il avait en grande partie démoli l’armée rouge, considérant que les plus grands généraux étaient surtout des héritiers de l’armée rouge de Trotsky, donc des dangers potentiels pour lui et sa caste bureaucratique.

Pour comprendre la signification historique de la bataille de Stalingrad et de la victoire contre Hitler, il faut comprendre la signification de la deuxième guerre mondiale, ses vrais buts, le sens de ses alliances. Si Staline a pu aussi aisément remplacer l’alliance avec Hitler par celle avec l’impérialisme anglo-américain, ce n’est pas pour des raisons militaires mais du fait de la nécessité pour l’impérialisme de disposer du maximum de forces contre les risques de révolution sociale mondiale.

La plupart des gens croient que l’impérialisme anglo-américain était l’adversaire direct du fascisme allemand. Là encore rien de plus faux. Les trusts et les classes dirigeantes des USA et d’Angleterre ont accueilli le nazisme comme une bénédiction avec aux risques de révolution sociale en Allemagne. Le choix de l’Angleterre et des USA d’entrer en guerre contre l’Allemagne n’a jamais rien eu à voir avec le régime fasciste de l’Allemagne, régime qu’ils ont tous complètement appuyé. Même les camps de la mort nazis et le sort des juifs n’a rien à voir avec les objectifs de guerre des impérialistes anglo-américains.

Et ces impérialismes aident sans condition Staline.
Winston Churchill, violent anticommuniste, écrit en 1943 à Staline :

« Mon souhait le plus cher est de faire plus pour vous aider. »

Source :

https://www-marxists-org.translate.goog/reference/archive/stalin/works/correspondence/01/43.htm?_x_tr_sl=auto&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr

Et, après la victoire de Stalingrad, Staline écrit à Churchill :

« Veuillez accepter mes remerciements pour les félicitations amicales pour la reddition du maréchal Paulus et la destruction des troupes ennemies encerclées à Stalingrad. »

Autant dire qu’il considère que les impérialismes occidentaux ne sont pas pour rien dans cette victoire. Churchill parlait un peu plus haut de convois de trente navires pour envoyer armes, essence et munitions à Staline.

Source :

https://www-marxists-org.translate.goog/reference/archive/stalin/works/correspondence/01/43.htm?_x_tr_sl=auto&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr

Les USA ont envoyé à la Russie :

• 400 000 jeeps et camions

• 14 000 avions

• 8 000 tracteurs

• 13 000 chars

• Plus de 1,5 million de couvertures

• 15 millions de paires de brodequins

• 107 000 tonnes de coton

• 2,7 millions de tonnes de carburant (pour les avions, les camions et les chars)

• 4,5 millions de tonnes de denrées alimentaires

Les Américains ont également envoyé des fusils, des munitions, des explosifs, du cuivre, de l’acier, de l’aluminium, des médicaments, des émetteurs-récepteurs radio, des outils radar, des livres et d’autres articles encore.

Les États-Unis ont même expédié en Union soviétique toute une usine de la société Ford qui fabriquait des pneus pour les véhicules militaires.

De 1941 à 1945, les États-Unis ont fait parvenir aux Soviétiques des biens et des services d’une valeur totale de 11,3 milliards de dollars, l’équivalent en 2016 de 180 milliards de dollars.

Source :

https://share.america.gov/fr/le-materiel-militaire-livre-par-les-etats-unis-a-lu-r-s-s-a-aide-a-vaincre-le-nazisme/

L’intervention des USA et de l’Angleterre pèse par contre d’un grand poids dans la victoire militaire russe de Stalingrad qui n’est pas du coup entièrement une victoire russe. En effet, une très grande part des armes utilisées à la fin de la bataille de Stalingrad provenait des usines anglo-américaines. Le peuple russe a versé son sang, convaincu non pas grâce aux discours staliniens ni pour soutenir le régime staliniens mais du fait des exactions extrêmement violentes des troupes allemandes contre le peuple russe.

A l’aube du 22 juin 1941, Hitler lançait 3,5 millions d’hommes, 3 500 tanks et 3 000 avions à l’assaut de l’Union soviétique. En moins d’un mois d’offensive éclair, la moitié de l’Armée rouge était anéantie ou disloquée, et on croyait à l’effondrement prochain de l’URSS...

Outre une supériorité criante d’entraînement, d’équipement et de commandement, la raison de ce succès vertigineux portait un nom : Staline. C’est lui qui était tombé amoureux du nazisme et d’Hitler en temps que personne ! C’est lui qui, contrairement à nombre de ses conseillers, s’était persuadé qu’Hitler ressentait le même amour, et respecterait leur pacte d’alliance d’août 1939 !

C’est encore Staline qui, par sa purge, a éliminé trois maréchaux, huit amiraux, 430 généraux et les 35 000 à 40 000 officiers supérieurs russes !

C’est encore Staline en personne qui a gobé comme des œufs les deux lettres personnelles de Hitler qui « informait » son vis-à-vis que les divisions allemandes n’étaient là que pour se soustraire aux regards aériens anglais.

Le pacte germano-soviétique n’est pas qu’une aliance tactique, mais un pacte politique. Staline et Molotov manifestent ouvertement une affinité idéologique avec le Reich. Molotov n’a-t-il pas confié à Rudolf Hess, le 13 novembre 1940 : « L’Allemagne et l’URSS se ressemblent sur bien des points car toutes deux ont un parti et un État de type nouveau » ?

Et cette « ressemblance » provient essentiellement de la peur de la révolution mondiale prolétarienne.

Trotsky écrivait en décembre 1939 :

« Le régime totalitaire de Hitler a surgi de la peur des classes possédantes d’Allemagne devant une révolution socialiste. Hitler a été mandaté par les possédants pour sauver la propriété des menaces du bolchevisme, à tout prix, et pour aménager une ouverture de l’Allemagne vers l’arène mondiale. Le régime totalitaire de Staline a surgi de la peur de la nouvelle caste de parvenus révolutionnaires devant le peuple révolutionnaire qu’elle étrangle. »

« N’oublions pas l’immortel discours de Molotov du 31 octobre 1939 devant le Soviet Suprême : les fauteurs de guerre français et britanniques « ont déclaré à l’Allemagne une sorte de guerre “idéologique”, qui fait penser aux guerres de religion, d’époques depuis longtemps révolues. Quoi qu’il en soit, c’est sous la bannière “idéologique” qu’a commencé […] la guerre. On peut, soit accepter, soit rejeter l’idéologie nationale-socialiste comme tout autre système idéologique ; c’est une question d’opinion politique. Mais chacun devrait reconnaître qu’une idéologie ne peut se détruire par la force, ni être éliminée par la guerre. De ce fait, il est non seulement dénué de sens, mais même criminel de mener une telle guerre dans le but de “détruire l’hitlérisme”, camouflé sous le prétexte de défense de la “démocratie” […] Nos relations avec l’Allemagne se sont améliorées de façon fondamentale » parce qu’elles « reposent sur la base solide d’intérêts communs ». »

Source :

https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1939/12/lt04121939.htm

La guerre que mène Staline notamment à Stalingrad n’est pas d’abord une guerre contre le fascisme mais, comme toute sa politique, une guerre contre la révolution sociale internationale. C’est pour cela que l’impérialisme peut si rapidement le soutenir avec autant de moyens. C’est aussi pour cela qu’il peut lui permettre et même lui demander d’occuper militairement la moitié de l’Europe. Comme force contre-révolutionnaire, Staline est parfaitement fiable pour les impérialismes. Même sa phase d’alliance avec Hitler le montre.

Les guerres impérialistes ont toutes été en même temps des guerres contre la révolution sociale.

C’est vrai de la guerre de 1870 en Europe et aussi de la première guerre mondiale.

Le calcul des impérialismes anglo-américain a été de présenter la Russie comme le pôle de la lutte antifesciste et pour le progrès dans le monde, pour détourner les risques révolutionnaires de la fin de la guerre mondiale en livrant les forces militantes au stalinisme. Et ce calcul a été très payant !

De ce point de vue, la crédibilisation du régime stalinien par les impérialismes occidentaux dans la victoire de Stalingrad a été jusqu’à minimiser sciemment le rôle dans cette victoire de l’intervention massive en armements des impérialismes occidentaux !

Sur la bataille de Stalingrad :

« Il n’est pas question de diminuer l’importance de la bataille de Stalingrad qui fut, incontestablement, le tombeau des armées allemandes au cours de l’hiver 1942. Il faut pourtant souligner que c’est une année plus tôt, à l’entrée de l’hiver 1941, que la situation militaire a commencé à se modifier c’est devant Léningrad et devant Moscou que les troupes allemandes sont arrêtées à l’automne de cette année. C’est dans les rues de Rostov et de Sébastopol qu’elles ont rencontré la première résistance acharnée, de maison à maison, de rue à rue, la lutte pied à pied qui, à Stalingrad, donnera aux Russes leur plus éclatante victoire. C’est aussi dans cette période que se forment les premiers groupes de partisans, dont l’action ultérieure sera considérable, au moins autant sur le plan moral que sur le plan strictement stratégique, ainsi que l’ont reconnu plusieurs chefs militaires allemands.

Parlant de la résistance dans les cités ouvrières, Moscou, Léningrad, Rostov, Sébastopol, Henri Michel écrit que « des masses humaines travaillèrent aux fortifications improvisées ». Des correspondants de guerre aussi perméables pourtant à la propagande officielle que l’Américain Lesueur ont souligné la participation à la défense de détachements, d’ouvriers armés. Le général von Blumentritt a raconté comment les éléments allemands appartenant à la 258° division ayant réussi à pénétrer dans les faubourgs de Moscou y ont été arrêtés par une masse humaine comprenant notamment des ouvriers armés d’outils divers et de marteaux. Le journaliste australien Geoffroy Blunden a consacré un roman, Room on the Route, à un fait confirmé par de nombreux témoins : la constitution d’unités de choc - une division de gardes du peuple - recrutées parmi le condamnés et détenus politiques qui acceptèrent devant Moscou des missions de sacrifice. Schapiro, tout en constatant que la majorité de la population de Moscou, en octobre 1941, resta inerte et passive, au moins dans les premiers jours, au moment où le gouvernement avait évacue la capitale, emmenant avec lui toutes les forces de police, signale que la volonté de résister à tout prix naquit dans une minorité « comprenant essentiellement des jeunes gens dans les usines », une petite avant-garde ouvrière, aussi enthousiaste que celle qui avait salué le premier plan quinquennal, mais dont l’action, cette fois, se substitua à, celle du parti défaillant. Dès le mois d’août, il y a à Léningrad – que Vorochilov vient d’appeler à défendre en tant que « cité de la révolution d’Octobre » - des milices ouvrières qui, non seulement patrouillent dans les quartiers, s’entraînent régulièrement, mais tiennent des secteurs du front. Au même moment elles apparaissent à Rostov et à Moscou. C’est seulement en septembre qu’est pris officiellement le décret prévoyant la formation militaire obligatoire de seize à cinquante ans, plus d’un mois après que cette mesure ait été mise en pratique sans directives et, contrairement à une tradition solidement établie du régime, sans avoir été préparée par une campagne de presse et de réunions. John G. Wright souligne que c’est probablement la seule, sur une longue période de l’histoire de l’U.R.S.S., dont l’application n’ait pas donné l’occasion de dénoncer les défauts, ce qui renforce la thèse suivant laquelle elle a correspondu à une initiative spontanée, prise indépendamment de l’appareil, qui semble avoir hésité avant de s’y résoudre et ne l’avoir sanctionnée qu’une fois le fait accompli.

Le même processus semble s’être déroulé dans les régions occupées par les troupes allemandes. Henri Michel écrit : « La désorganisation est patente. […] Pratiquement les populations occupées sont abandonnées à elles-mêmes. Des groupes se forment spontanément, sans plan d’ensemble et sans directives. […] Souvent l’initiative revient à des sans-parti qui se découvrent des âmes de chefs ». Armstrong, qui a étudié les mouvements de partisans en Ukraine, en tire la même conclusion : les « plans » prévus pour leur organisation existaient peut-être mais n’ont pas reçu un commencement d’exécution. Les responsables du parti qui y joueront un rôle seront toujours des hommes des échelons inférieurs de l’appareil, agissant sur leur propre initiative : les membres du parti ne constitueront jamais plus de 7 % de l’effectif total des groupes. La Pravda du 16 janvier 1942 publie un compte-rendu du comité du parti d’une région non précisée, concernant les territoires reconquis sur les Allemands pendant les dernières semaines : « Le comité régional a décidé qu’il fallait avant tout rassembler les cadres des activistes et rétablir les organes du pouvoir soviétique dans les localités libérées. Tous ne seront pas revenus à leurs anciens postes. Parmi eux, d’autres se sont révélés, au moment critique, avoir des âmes de corrompus, de poltrons et de traîtres. […] On a mis en avant de nouveaux cadres de bolcheviks du parti et sans-parti. » L’article démontre clairement ce double phénomène insuffisamment mis en relief par les historiens du parti pendant la guerre : la disparition de fait du parti, même clandestin - et non sa « mise en sommeil » -, pendant la conquête allemande, la médiocre qualité des cadres de l’appareil, dont une partie a flanché sans remède, et le souci de la direction de le reconstruire néanmoins par en haut avec la reconquête de l’armée rouge. A certains égards, tout se passe comme si, à des degrés divers, mais partout, le parti s’était avéré n’être, à l’heure du danger, qu’une coquille vide. La résistance réelle ne passe pas par lui, que ce soit dans les régions menacées ou celles qui sont perdues. La Pravda du 18 janvier 1942 parle de la situation du parti à Rostov : dans cette ville d’où l’armée allemande a été chassée après des combats acharnés par l’armée rouge et la population civile en armes, le parti ne compte que 5 000 membres sur une population totale de 500 000 personnes. Le 29 septembre, à Moscou, Chtcherbakov, secrétaire régional et suppléant du bureau politique, déclare devant le comité régional qu’ « un certain nombre d’organisations du parti, [... ] au lieu de renforcer le travail politique de parti, l’ont affaibli. [... ] Elles ont cessé de convoquer des réunions du parti, négligé l’agitation politique dans les masses ». Le comité régional votera une résolution qui fait « obligation aux dirigeants du parti de la cité et de la province de venir aux réunions des ouvriers et d’y faire des rapports ». Déjà la Pravda du 27 septembre se plaignait du manque de vigilance de certains membres du parti, qui laissaient s’exprimer en public des « agents provocateurs », semant de « fausses nouvelles » et semant la « démoralisation non seulement, dans ces premiers mois, le parti n’est pas le dirigeant de la résistance, mais il tend à s’affaiblir par rapport à elle, et c’est seulement à l’étape suivante, en 1942 et 1943, quand les patrons de l’appareil se seront ressaisis, qu’il profitera de l’élan populaire, élargira son recrutement et contrôlera effectivement, par l’intermédiaire de la N.K.V.D., la majorité des groupes de partisans. »

Source :
https://www.marxists.org/francais/broue/works/1963/00/broue_pbolch_17.htm

« Que Stalingrad ait changé le cours de la Seconde Guerre mondiale, c’est peu
contestable. Que Staline en soit l’architecte, c’est en revanche très contestable.
S’il faut attribuer la victoire de Stalingrad à un homme, c’est plus au maréchal
Joukov — qui en a été le principal stratège — qu’à Staline. Car pour ce qui
concerne Staline : grâce à quelles dispositions géniales, et de qui, les troupes allemandes ont-elles pu arriver jusqu’à Stalingrad ? Qui a décidé que les troupes soviétiques ne devaient pas être mises en état d’alerte, alors même que l’attaque allemande était imminente et que Staline
en avait été prévenu par une douzaine de canaux ? Qui, sinon Staline lui-même... »

Source :

https://www.marxists.org/francais/cmo/n47/N_Chroniques_6_.pdf

« En 1956, Khrouchtchev parle des « conséquences désastreuses » de l’épuration de 1937-1938, de la liquidation systématique de tous les cadres supérieurs ayant acquis une expérience militaire sur le terrain en Espagne et en Extrême-Orient. Personne ne songe plus aujourd’hui à contester que cette épuration de l’armée rouge, loin de la débarrasser de sa « cinquième colonne », avait abouti à, la décapiter en la privant de ses éléments les plus capables sur le plan technique et vraisemblablement les plus dévoués sur le plan politique. »

Source :

https://www.marxists.org/francais/broue/works/1963/00/broue_pbolch_17.htm

« Khrouchtchev s’emploie à démolir quand il affirme : « Staline était très loin de comprendre la situation réelle qui se développait sur le front. C’était naturel puisque, pendant toute la guerre patriotique, il n’a jamais visité aucun secteur du front ni aucune ville libérée, sauf pour une brève sortie sur la chaussée de Mojaisk pendant une période de stabilisation. [... ] En même temps il se mêlait des opérations et donnait des ordres qui ne tenaient pas compte de la situation réelle dans un secteur donné du front et ne pouvaient qu’aboutir à de lourdes pertes en vies humaines ».

Il semble pourtant que peu à peu les chefs militaires les plus capables réussissent à s’imposer et à imposer des conceptions plus sérieuses que celles de celui qui s’est donné le titre de « commandant en chef ». Au lieu des attaques frontales exigées par lui jusqu’à la fin de 1941, ils parviennent à élaborer une tactique plus souple d’encerclement par attaque des saillants ennemis. Ce n’est probablement pas sans difficultés. En juillet, le spécialiste des blindés, le général Pavlov, est arrêté et exécuté avec son état-major : c’est lui qui paie pour la défaite et l’incapacité du régime qui lui avait confié le front de l’ouest. Cependant, Vorochilov et Boudienny, dont l’incompétence et l’inculture sont notoires, mais qu’une longue complicité, remontant aux temps de la guerre civile, lie à Staline, restent avec Timochenko, les commandants des trois grands secteurs du front. Le moment n’est plus cependant où l’on puisse, sans danger mortel, maintenir pour les affectations et les promotions, le seul critère bureaucratique des liens de clique et la solidarité d’appareil. Il faut des talents, des techniciens, des chefs capables. On va les chercher, jusque dans les prisons et les camps, comme le Polonais Rokossovski, ancien officier de liaison de Toukhatchevski, comme Podlas et Meretzkov ; on les prend aussi sur le front, parmi ceux qui émergent, qui montrent une capacité d’initiative jusque-là impitoyablement écartée. Dès l’automne 1941, Vorochilov et Boudienny sont écartés de tout commandement effectif : plus heureux que Pavlov, ils conservent titres, honneurs et surtout la vie. A leur place sont promus de véritables techniciens, des militaires de profession, membres du parti parce qu’ils sont officiers, et non pas le contraire, les Joukov, Vassilievski. Les promotions sont rapides et récompensent le talent et le succès, non plus la délation ou la manœuvre d’appareil : parmi les nouveaux généraux, il y a de jeunes hommes, Rodimtsev qui, devant Madrid, en 1937, était capitaine, Tcherniakovski surtout, ce jeune juif, commandant en 1941, général commandant d’armée en 1944, tué en 1945, à trente-neuf ans.

Un phénomène semblable se produit dans les autres secteurs de la vie soviétique : d’une certaine façon, l’emprise de l’appareil décroît et ce n’est pas un hasard si c’est Voznessenski, le seul dirigeant du parti qui soit un technicien véritable et dont la carrière se soit déroulée en partie en dehors de l’appareil, qui est placé à la tête de la machine économique. Le péril extrême desserre l’étau bureaucratique. Chantre de Staline, Korneitchouk, dans le Front, essaie de présenter ces nouvelles promotions comme un mérite supplémentaire du « chef génial » qui sait au bon moment remplacer la vieille génération révolutionnaire par des jeunes capables, alors que c’est la dure nécessité qui les impose en réalité. Il n’est plus guère question des traîtres et des espions « trotskystes » et « boukhariniens », bien qu’à l’occasion, on en parle, pour les lier à Vlassov - qui avait été pourtant un stalinien modèle avant de servir Hitler.

Des condamnés sont discrètement libérés et même si le phénomène n’a pas eu l’ampleur que lui attribue Deutscher, puisqu’il intéresse surtout des spécialistes qui n’ont vraisemblablement jamais été de véritables opposants, le silence sur les accusations passées représente une sorte de réhabilitation tacite : c’est une véritable trêve que commandent les besoins de la défense et l’on en viendra même à accueillir, quand cela paraît nécessaire, les chefs de groupes armés qui ont soutenu les Allemands, lorsqu’ils abandonnent la mauvaise cause et reviennent dans le camp des « patriotes ».

C’est une sorte d’union sacrée que Staline s’efforce de promouvoir dans la résistance nationale, et il y réussit. Les ouvriers sont à l’avant-garde : la reconstruction des industries de guerre dans l’ouest se fait à une allure record, les normes sont dépassées, dans des conditions de vie et de travail exceptionnellement dures. Les volontaires accourent des faubourgs dans toutes les villes ouvrières pour entrer dans les milices populaires ou les bataillons de travailleurs - formés en majorité de femmes - qui creusent les tranchées et construisent les lignes de défense. Le paysan doit être gagné à la cause : de lui dépend la nourriture de l’armée et des vIlles. Avec la perte des riches provinces agricoles de l’ouest, les prix montent en flèche. Pour stimuler la production et faire face aux besoins, le gouvernement multiplie les concessions, autorise le développement des marches kolkhoziens ou la vente est libre : leur part dans le commerce de détail passe de 15,9 % en 1939 à 44,5 %, en 1942-1943, et Ernest Mandel peut caractériser ce phénomène comme une « revanche généralisée de la campagne sur la ville ». Car si les ouvriers font d’énormes sacrifices, certains kolkhoziens font d’énormes bénéfices. C’est pendant la guerre qu’apparaissent les kolkhoziens millionnaires : de nouveaux koulaks accaparent des terres pourtant théoriquement collectives - plus de millions d’hectares au total, apprendra-t-on après la guerre.

La bureaucratie voit ses privilèges garantis et consolidés. Les vieux titres sont remis en vigueur : les diplomates sont « ambassadeurs » et « ministres » à partir de 1941. Les règles de classement et d’avancement sont fixées ; à chaque grade correspond un titre et un uniforme Il s’agit d’élever l’autorité des fonctionnaires civils et la « table des grades » dans l’administration judiciaire comporte une « table de comparaison » avec les grades militaires : Alf Edeen peut écrire sans exagération que « le cycle du développement russe est complété » par le rétablissement de la table des rangs de Pierre le Grand.

La caste militaire est particulièrement favorisée. Les communiqués et les circulaires remettent en vigueur les termes abolis en 1917 d’« officiers » et de « soldats ». Le salut en dehors du service est rétabli, même du soldat au sous-officier ou caporal. Le commissaire politique rétabli en 1941 au moment où tout semble s’effondrer, est ensuite supprimé et les membres de ce corps intégrés dans celui des officiers. En 1942, pour le 25° anniversaire de la révolution, les épaulettes, qui avaient été supprimées « comme symbole de l’oppression de classe », sont remises en usage. Les unités d’élite de la garde sont rétablies dans leurs anciens noms la même année, avec des privilèges et des soldes supérieures. En 1943, les écoles de cadets, qui avaient disparu à la révolution, sont également rétablies : elles sont ouvertes aux enfants d’officiers, admis dès l’âge de huit neuf ans, ce qui constitue un pas vers l’hérédité des privilèges et des fonctions sociales un facteur considérable de consolidation de la caste. Des ordres militaires anciens sont rétablis, portant le nom des grands généraux de la Russie tsariste, Souvorov, Koutouzov. Les officiers ont droit à des clubs spéciaux. Officiers supérieurs et officiers subalternes disposent de cercles, de mess particuliers. »

Source :

https://www.marxists.org/francais/broue/works/1963/00/broue_pbolch_17.htm

Ennemi violent de toute démocratie, assassin de toute organisation autonome du prolétariat, cercueil des révolutionnaires communistes, le stalinisme ne peut pas être crédité d’une victoire quelconque contre le fascisme, pas plus que l’impérialisme !

La Russie du goulag et l’impérialisme d’Hiroshima ne luttaient nullement contre le fascisme mais contre la révolution prolétarienne !

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