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Provocation australienne contre la Chine
vendredi 5 juin 2015
Le gouvernement australien « envisage activement » de mener une provocation dangereuse en mer de Chine méridionale
En pleine escalade des tensions entre les États-Unis et la Chine en mer de Chine méridionale, le gouvernement australien « envisage activement de mener ses propres exercices de "liberté de navigation" près des îles artificielles construites par la Chine en territoire contesté » selon un article en première page du journal Australian de mardi.
Rédigé par le rédacteur en chef des nouvelles internationales au journal, Greg Sheridan, un journaliste bien connecté dans les milieux de la défense à Washington et à Canberra, l’article révèle que ce qui est en discussion est beaucoup plus provocateur que les dernières opérations militaires américaines à proximité des atolls sous contrôle chinois. « Un avion de la Royal Australian Air Force volerait à l’intérieur de la zone de 12 milles nautiques (22 kilomètres) d’une île artificielle construite par les Chinois, ce qui entrainerait certainement une réaction de Pékin », a déclaré Sheridan.
Le Wall Street Journal rapportait le mois dernier que le Pentagone était en train d’élaborer des plans pour que des navires de guerre ou des aéronefs militaires pénètrent dans la zone territoriale de 12 milles autour d’un îlot chinois. L’article de l’Australian montre clairement que Washington pourrait avoir confié cette entreprise téméraire à Canberra, qui a des antécédents comme chien d’attaque des États-Unis en matière de politique étrangère au Moyen-Orient et en Ukraine.
Selon l’Australian, ces plans impliqueraient un avion de surveillance P-3 qui pourrait décoller de la base des forces aériennes Butterworth en Malaisie. Sinon, « dans quelques mois », un navire de guerre australien lors d’une visite portuaire aux Philippines ou au Vietnam pourrait « incidemment » violer « ce que Pékin considère ses eaux territoriales ». Bien que le navire de guerre australien HMAS Perth soit actuellement en mer de Chine méridionale, le scénario du vol d’un P-3 « est plus susceptible de se produire... car il est beaucoup plus facile à organiser à brève échéance ».
L’article affirme que le gouvernement du premier ministre Tony Abbott n’avait encore pris aucune décision, mais « qu’un tel exercice... est jugé très probable ». Bien qu’il y ait peu de chances que cela soit, du moins formellement, une opération menée par les États-Unis, Washington est évidemment fortement impliqué. Canberra est en dialogue étroit avec Washington quant à la question de la mer de Chine méridionale et avait été informé à l’avance du vol d’un aéronef américain très médiatisé le mois dernier avec une équipe de nouvelles de CNN à son bord près des récifs administrés par la Chine.
L’administration Obama peut bien préférer que ce soit l’Australie ou un autre de ses alliés qui mène une intrusion dans la limite de 12 milles, risquant du coup qu’une erreur de calcul ou autre ne conduise à un conflit ouvert ou à d’autres formes de représailles de la part de la Chine. En outre, contrairement à l’Australie, les États-Unis, bien qu’ils dénoncent les actions de la Chine en mer de Chine méridionale comme étant illégitimes, n’ont même pas ratifié le traité applicable – la Convention internationale des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS).
Les dangers d’une guerre avec la Chine sont actuellement débattus ouvertement. Dans un article du Time intitulé « The next step toward possible conflict in the South China Sea » (La prochaine étape vers un éventuel conflit en mer de Chine méridionale), le capitaine à la retraite de la Marine américaine Bernard Cole a déclaré que le risque d’échange de tirs « dépassait 50-50 ». Il a suggéré que le premier coup de canon serait plus susceptible de venir des Philippines ou du Vietnam – mais on pourrait maintenant ajouter l’Australie.
Cette planification détaillée en coulisses reflète la position agressive prise par les États-Unis, l’Australie et d’autres puissances alliées contre la Chine lors du Shangri-La Dialogue le week-end dernier à Singapour. Faisant écho au secrétaire américain à la Défense Ashton Carter, le ministre australien de la Défense Kevin Andrews a appelé dimanche à un arrêt de toutes les activités de remise en état des terres en mer de Chine méridionale, soulignant en particulier l’activité « à grande échelle » de la Chine.
Andrews a déclaré au Wall Street Journal que l’Australie contesterait directement toute déclaration par la Chine d’une zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) en mer de Chine méridionale. Une ADIZ n’est pas une revendication territoriale, mais exige que tout aéronef avertisse préalablement avant d’entrer dans la zone. Les États-Unis ont répondu en 2013 à l’annonce d’une ADIZ par la Chine en mer de Chine orientale en effectuant un vol de provocation à l’improviste de bombardiers B-52 à capacité nucléaire dans la zone.
Andrews a indiqué que l’Armée de l’air australienne ignorerait toute ADIZ et procéderait à des vols en mer de Chine méridionale. « Nous l’avons fait pendant des décennies, nous le faisons actuellement... et nous allons continuer à le faire à l’avenir », a-t-il déclaré. Le Wall Street Journal rapporte que « Les hauts gradés de la US Navy et des Marines dans le Pacifique exhortent leur proche allié australien depuis l’an dernier à envisager de se joindre à des missions multilatérales de maintien du droit maritime en mer de Chine méridionale », aux côtés du Japon et des États-Unis.
Au cours des dernières semaines, l’establishment politique australien et l’ensemble de ses médias ont multiplié leurs condamnations de la Chine. La porte-parole de l’opposition travailliste en matière d’Affaires étrangères, Tanya Plibersek, a exhorté à la prudence afin de ne pas enflammer davantage les tensions en mer de Chine méridionale. Elle a toutefois déclaré mardi qu’« il est important d’avoir la liberté de navigation et la liberté de vol dans une zone qui est une route commerciale très achalandée ».
Le commentaire dans l’Australian de Murdoch a été émulé par le rédacteur en chef à l’international Peter Hartcher de Fairfax Media, qui a intitulé son article de mardi, « South China Sea : The tiny islands that could lead to war » (Mer de Chine méridionale : les petites îles qui pourraient mener à la guerre). Après avoir fait référence à une « idée persistante » que cela ne vaut pas la peine de risquer une guerre entre les États-Unis et la Chine à propos de « petites îles et de récifs inutiles », Hartcher a ensuite tenté de soutenir qu’il y a en fait beaucoup plus en jeu : des routes maritimes essentielles, d’importants gisements de pétrole et de gaz sous-marins et surtout la suprématie des États-Unis.
« La Septième Flotte américaine est la souveraine incontestée du Pacifique depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. L’ascension rapide de la Chine représente maintenant un défi, écrit Hartcher. Sur le plan de la gouvernance mondiale, il s’agit de voir s’il y a des règles qui régissent les pays, ou si un pays peut faire à sa guise en utilisant la force. » Il conclut en félicitant les actions provocatrices de Washington : « La bonne nouvelle, c’est que l’invasion systématique de la région par la Chine est désormais ouvertement contestée pour la première fois par un pays qui a le pouvoir de faire quelque chose à cet effet. »
Ce qui est vraiment en jeu en mer de Chine méridionale, c’est la détermination de Washington à maintenir son hégémonie incontestée dans toute l’Asie – continent désormais au cœur de la fabrication et de l’économie mondiales. Face à l’expansion économique de la Chine, l’administration Obama a lancé son « pivot vers l’Asie » – une stratégie diplomatique, économique et militaire globale visant à subordonner la Chine et le reste de la région aux intérêts américains.
S’il y a une force dans le monde qui cherche sans scrupule et criminellement à « faire à sa guise en utilisant la force », c’est bien l’impérialisme américain, qui a mené une guerre après l’autre au cours des deux dernières décennies pour faire valoir ses ambitions. Maintenant, en plein approfondissement de la crise du capitalisme mondial, les États-Unis, ligués avec leurs alliés, sont prêts à risquer la guerre avec la Chine, une puissance nucléaire, pour maintenir leur domination mondiale.
Par Peter Symonds