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Manifeste aux communistes chinois et du monde entier ! Sur les perspectives et les tâches de la révolution chinoise

vendredi 5 juin 2015, par Robert Paris

Manifeste aux communistes chinois et du monde entier !
Sur les perspectives et les tâches de la révolution chinoise

Dans ces derniers mois, on observe dans quelques provinces du sud de la Chine un mouvement paysan large, au point de vue de l’étendue. Non seulement. la presse prolétarienne mondiale, mais aussi la presse ennemie, est remplie d’échos de cette lutte. La révolution chinoise trahie, détruite, exsangue, montre qu’elle est vivante. Espérons que le temps n’est plus loin où elle lèvera de nouveau sa tête prolétarienne. Pour s’y préparer il faut mettre à temps le problème de la révolution chinoise à l’ordre du jour de la classe ouvrière mondiale.

Nous, l’Opposition communiste internationale de gauche (bolchéviks-léninistes) considérons comme notre devoir d’élever actuellement la voix pour attirer l’attention de tous les communistes, de tous les ouvriers révolutionnaires d’avant-garde, sur les tâchés de la libération du grand pays asiatique de l’Orient et, en même temps, pour prévenir la fausse politique de la fraction dirigeante de l’Internationale Communiste, qui menace manifestement de miner la future révolution chinoise comme elle a déjà mené à la ruine la révolution de 1925-1927.

Les symptômes de la régénération de !a révolution chinoise à la campagne sont le signe de sa force intérieure et de ses possibilités grandioses, mais la tâche consiste à transformer ces possibilités en une réalité. La première condition du succès est la compréhension de ce qui se passe, c’est-à-dire la détermination marxiste des forces en mouvement et une appréciation juste de l’étape que la lutte a atteint actuellement. Sous ces deux rapports, la direction de l’Internationale Communiste se trouve sur une voie fausse.
Le gouvernement soviétique existe-t-il ?

La presse stalinienne est remplie d’informations sur le "gouvernement soviétique" établi soi-disant sur de vastes provinces de la Chine, sous la protection de l’Armée rouge. Les ouvriers des différents pays saluent cette nouvelle avec enthousiasme. Comment en serait-il autrement ? L’établissement d’un gouvernement soviétique dans une partie considérable de la Chine, et la création d’une armée rouge chinoise, auraient signifié un succès gigantesque de la révolution mondiale. Mais nous devons dire ouvertement et clairement : cela n’existe pas encore.

Les nouvelles qui nous parviennent des immenses étendues de la Chine, malgré leur pauvreté, nous permettent, grâce à une compréhension marxiste des forces intérieures du processus qui se développe, de rejeter en toute sûreté l’appréciation stalinienne des événements qui se déroulent comme une appréciation fausse et très dangereuse pour le développement ultérieur de la révolution.

L’histoire de la Chine est pendant de longs siècles une histoire de révoltes terribles de la paysannerie pauvre et affamée. Pas moins de cinq fois, pendant les deux mille dernières années, la paysannerie chinoise a réussi à réaliser un morcellement complet de la propriété foncière. Chaque fois le processus de sa concentration a recommencé depuis le début, jusqu’au moment où la croissance de la population a mené à de nouvelles explosions partielles ou générales. Ce mouvement cyclique était l’expression de la stagnation économique et des conditions sociales qui n’offraient aucune issue.

Seulement l’intégration de la Chine à l’économie mondiale a ouvert de nouvelles possibilités au peuple chinois. Le capitalisme a fait irruption en Chine de l’extérieur. La bourgeoisie chinoise retardataire est devenue l’intermédiaire entre le capital étranger et les masses de son pays, impitoyablement exploitées. Les impérialistes étrangers et les bourgeois chinois combinent les méthodes de l’exploitation capitaliste avec les méthodes de contrainte du servage et l’esclavage de l’usure. L’idée principale des staliniens était de faire de la bourgeoisie la dirigeante de la révolution nationale contre le féodalisme et l’impérialisme. La stratégie politique qui en découlait a perdu la révolution. Le prolétariat chinois a payé cher pour apprendre cette vérité que la bourgeoisie ne peut pas, ne veut pas, et ne pourra jamais lutter contre le soi-disant "féodalisme", car ce dernier entre comme la partie la plus importante dans le système de sa propre exploitation, ni contre l’impérialisme dont elle est l’agent et sous la protection militaire duquel elle se trouve.

Dès qu’il fut évident que le prolétariat chinois, malgré toutes les influences contraires de l’Internationale Communiste, cherchait une voie révolutionnaire indépendante, la bourgeoisie, avec l’aide des impérialistes étrangers, a écrasé les ouvriers, en commençant à Shanghaï. Dès qu’il fut clair que l’amitié avec Moscou n’était pas capable de paralyser la révolte paysanne, la bourgeoisie a écrasé le mouvement paysan. Les mois du printemps et de l’été de 1927 furent ceux des plus grands crimes de la bourgeoisie chinoise.

La fraction stalinienne, effrayée par les conséquences de ses fautes, a essayé à la fin de 1927 de rattraper d’un seul coup tout ce qu’elle avait manqué pendant plusieurs années. Ainsi fut organisée la révolte de Canton. Les dirigeants partaient de ce point de vue que la révolution allait. croissant comme auparavant. En réalité, l’élan révolutionnaire se changeait déjà en déclin. L’héroïsme de l’avant-garde ouvrière de Canton ne pouvait détourner le malheur causé par l’aventurisme des dirigeants. La révolte de Canton fut noyée dans le sang. La deuxième révolution chinoise fut définitivement écrasée.

Nous, représentants de l’opposition de gauche internationale, bolchéviks-léninistes, fûmes depuis le début les adversaires de l’entrée du parti communiste dans le Kuomintang, au nom d’une politique prolétarienne indépendante. Depuis le début de la montée révolutionnaire nous avons exigé que les ouvriers prennent sur eux la direction du soulèvement paysan, pour mener à son achèvement la révolution agraire. Tout cela fut repoussé.

Nos partisans ont été traqués, exclus de l’Internationale Communiste, et en U.R.S.S., ils ont été emprisonnés et exilés. Au nom de quoi ? Au nom de l’alliance avec Tchang Kaï-Chek.
L’écrasement de la révolution chinoise

Après les coups d’Etat contre-révolutionnaires de Shanghaï et de Wuhan, nous, communistes de gauche, avons averti avec persévérance que la deuxième révolution chinoise était terminée, qu’une période de triomphe temporaire de la contre-révolution s’ouvrait, que les tentatives de soulèvement des ouvriers avancés, étant donné l’écrasement et l’exténuation des masses, signifieront inévitablement l’extermination criminelle ultérieure des forces révolutionnaires. Nous avons exigé le passage à la défensive, le renforcement des organisations illégales du parti, la participation à la lutte économique du prolétariat et la mobilisation des masses sous les mots d’ordre de démocratie : l’indépendance de la Chine et le droit à disposer d’eux-mêmes des peuples qui la composent, l’Assemblée nationale, la confiscation des terres, la journée de travail de 8 heures. Une telle politique devait donner à l’avant-garde communiste la possibilité de se relever graduellement des défaites subies, de reprendre les liaisons avec les syndicats et avec les masses inorganisées de la ville et de la campagne pour rencontrer plus tard, bien armée, le nouvel élan des masses.

La fraction stalinienne a déclaré que notre politique était liquidatrice, et elle-même, comme cela s’est passé plus d’une fois dans l’histoire, a sauté de l’opportunisme à l’aventurisme. En février 1928, lorsque la révolution chinoise se trouvait en déclin complet, le 9° plenum du Comité Exécutif de l’I.C. a proclamé en Chine le soulèvement armé. Le résultat de cette folie fut l’écrasement ultérieur des ouvriers, l’extermination des meilleurs révolutionnaires, la désagrégation du parti, la démoralisation semée dans les rangs des ouvriers.

Le déclin de la révolution et l’affaiblissement temporaire de la lutte des militaristes entre eux, ont créé la possibilité d’une certaine animation économique dans le pays. Des grèves ouvrières éclataient de nouveau, mais elles se développèrent sans le parti qui, sans comprendre les circonstances, fut complètement incapable de tracer aux masses de nouvelles perspectives et de les lier par des mots d’ordre démocratiques de la période transitoire. Le résultat des erreurs aventuristes et opportunistes est que le parti chinois ne compte aujourd’hui que quelques milliers d’ouvriers. Les syndicats rouges, d’après les données du parti lui-même, comptent à peu près 60.000 ouvriers, tandis que pendant les mois de la montée révolutionnaire, on y comptait à peu près 3 millions.

La contre-révolution eut pour les ouvriers des conséquences infiniment plus directes et plus cruelles que pour les paysans. En Chine, les ouvriers ne sont pas nombreux et sont concentrés dans les centres industriels. Quant aux paysans, ils sont protégés, jusqu’à un certain point, par leur multitude et leur dissémination sur d’immenses étendues. Les années révolutionnaires ont éduqué, à la campagne, beaucoup de dirigeants locaux, que la contre-révolution n’a pas réussi à exterminer tous. Un nombre important d’ouvriers révolutionnaires se sont sauvés du militarisme en se dirigeant vers la campagne, et pendant la dernière décennie, beaucoup d’armes ont été cachées dans toutes les régions. Pendant les conflits avec les pouvoirs locaux ou avec les détachements militaires, les armes apparaissent, de nouveau et des détachements de partisans rouges se créent. Des troubles fréquents ont lieu dans les armées de la contre-révolution bourgeoise ; parfois il y a des révoltes ouvertes. Les soldats passent, avec leurs armes, du côté des paysans, parfois par groupes et détachements entiers.
Les soulèvements paysans

C’est pourquoi il est tout à fait naturel qu’après l’écrasement de la révolution, les vagues du mouvement paysan aient continué à rouler dans les différentes provinces du pays. Et aujourd’hui elles ont déferlé avec une violence particulière. A main armée, les paysans chassent et exterminent les propriétaires fonciers locaux (dans la mesure où ils se trouvent effectivement dans leur rayon), et surtout la gentry et les du-jun, les représentants de la classe dirigeante, les bureaucrates propriétaires, les usuriers et les koulaks.

Lorsque les staliniens parlent du gouvernement soviétique créé par les paysans sur une étendue importante de la Chine, ils démontrent non seulement leur légèreté d’esprit, mais ils obscurcissent et dénaturent le problème fondamental de la révolution chinoise. La paysannerie, même la plus révolutionnaire, est incapable de créer un gouvernement indépendant. Elle ne peut que soutenir le gouvernement d’une autre classe établie dans les villes. La paysannerie, dans tous les mouvements décisifs, suit la bourgeoisie ou le prolétariat. Ce qu’on appelle le "parti paysan" peut simplement masquer temporairement ce fait, mais il ne le supprime pas. Les soviets sont des organes du pouvoir de la classe ouvrière opposés à la bourgeoisie. Cela signifie que la paysannerie est incapable de créer par ses propres forces un système soviétique. Il en est de même pour l’armée. Les paysans ont créé plus d’une fois en Chine, en Russie et dans d’autres pays, des détachements de partisans qui se battaient avec une vaillance et une ténacité admirables. Mais c’étaient des partisans attachés à une province déterminée et incapables de réaliser des opérations stratégiques centralisées de grande envergure. Seule l’hégémonie du prolétariat dans les centres politiques et industriels décisifs du pays crée les conditions indispensables, aussi bien pour l’établissement de l’armée rouge que pour l’établissement du système soviétique dans les campagnes. Pour celui qui ne comprend pas cela, la révolution reste un livre fermé.

Le prolétariat chinois commence seulement à sortir de la paralysie contre-révolutionnaire. Le mouvement paysan se déploie actuellement dans. une grande mesure indépendamment du mouvement ouvrier, selon ses propres lois et son rythme spécial. Cependant tout le problème de la révolution chinoise consiste dans la combinaison politique et la liaison organique du soulèvement prolétarien et du soulèvement paysan. Celui qui parle de la victoire de la révolution soviétique en Chine, fût-ce dans quelques provinces du sud, tandis que le nord industriel est passif, ignore les problèmes à la fois doubles et simples de la révolution chinoise, c’est-à-dire le problème de la collaboration des ouvriers et des paysans, et celui de la direction ouvrière dans cette collaboration.

La large crue du soulèvement paysan peut incontestablement donner une impulsion à l’animation de la lutte politique dans les centres industriels. Nous comptons fermement là-dessus. Mais cela ne signifie aucunement que le réveil révolutionnaire du prolétariat amène directement une conquête, du pouvoir, où même simplement à une lutte pour le pouvoir. Le réveil du prolétariat peut dans ces derniers temps, revêtir le caractère de luttes partielles économiques et politiques, défensives et offensives. Combien de temps sera nécessaire au prolétariat, et tout d’abord à son avant-garde, pour devenir apte à prendre la direction de la nation révolutionnaire ? En tout cas pas des semaines, ni des mois. Le commandement des dirigeants bureaucratiques ne peut pas remplacer la croissance propre de la classe et de son parti.

Les communistes chinois ont besoin actuellement d’une politique à longue portée. Leur tâche ne consiste pas à jeter leurs forces dans les foyers dispersés du soulèvement paysan, puisque leur parti, peu nombreux et faible, ne pourra pas de toute façon l’embrasser. Le devoir des communistes consiste à concentrer leurs forces dans les usines et ateliers, dans les quartiers ouvriers, à expliquer aux ouvrier le sens de ce qui se passe à la campagne, à ranimer ceux qui sont découragés et abattus, à les grouper pour la lutte pour les revendications économiques, pour les mots d’ordre de démocratie et de révolution agraire. C’est seulement dans cette voie, c’est-à-dire à travers le réveil et le rassemblement des ouvriers, que le parti pourra devenir le guide du soulèvement paysan, c’est-à-dire de la révolution nationale dans son ensemble. Pour maintenir les illusions dé l’aventurisme et masquer la faiblesse de l’avant-garde prolétarienne, les staliniens disent : il ne s’agit donc actuellement que de la dictature prolétarienne. Sur ce point fondamental l’aventurisme s’appuie complètement sur les arguments de l’opportunisme. Trouvant insuffisante l’expérience avec le Kuomintang, les staliniens préparent, pour la future révolution, un nouveau moyen d’endormir et d’illusionner le prolétariat sous le mot de " dictature démocratique ".
Le mot d’ordre des Soviets

Lorsque les ouvriers chinois avancés mettent en avant le mot d’ordre des soviets, ils disent par cela même : nous voulons faire de même que les ouvriers de la Russie. Hier encore, les staliniens leur répondaient à cela : "Impossible, vous avez le Kuomintang, et il fera tout ce qu’il faut ". Aujourd’hui les mêmes chefs répondent d’une façon plus évasive : "Il faudra créer des soviets, non pas pour réaliser la dictature prolétarienne, mais pour réaliser la dictature démocratique". Par cela on dit au prolétariat que la dictature ne sera pas entre ses mains. Cela veut dire qu’il y a quelque autre force inconnue aujourd’hui, capable de réaliser en Chine une dictature révolutionnaire. Ainsi la formule de la dictature démocratique ouvre toutes grandes les portes à de nouvelles duperies des ouvriers et des paysans par la démocratie bourgeoise.

Pour déblayer la route à la "dictature démocratique", les staliniens représentent la contre-révolution chinoise comme étant féodale-militariste et impérialiste. Pour cela ils excluent de la contre-révolution la bourgeoisie chinoise, c’est-à-dire qu’ils l’idéalisent comme auparavant. Mais en fait, les militaristes expriment les intérêts de la bourgeoisie chinoise, inséparables des intérêts et des rapports sociaux du servage. La bourgeoisie chinoise est dans une opposition trop hostile au peuple, trop liée aux impérialistes étrangers et craint trop la révolution pour désirer ou tendre à gouverner en son propre nom, par des méthodes parlementaires. Le régime militariste-fasciste de la Chine est l’expression du caractère anti-national et anti-révolutionnaire de la bourgeoisie chinoise. La contre-révolution chinoise n’est pas la contre-révolution des féodaux contre la société bourgeoise : elle est la contre-révolution de tous les propriétaires bourgeois contre les ouvriers et les paysans.

Le soulèvement prolétarien en Chine ne peut et ne pourrait se produire d’une façon rectiligne contre la bourgeoisie. Le soulèvement paysan en Chine est, dans une mesure incommensurablement plus grande qu’il ne l’était en Russie, un soulèvement contre la bourgeoisie. La classe indépendante du propriétaire foncier en Chine n’existe pas du tout. Les propriétaires des terres sont des bourgeois. La gentry et les du-jun, contre lesquels le soulèvement paysan est directement dirigé, représentent les anneaux inférieurs de l’exploitation bourgeoise et impérialiste. Tandis que la Révolution d’Octobre en U.R.S.S., dans sa première étape, opposait toute la paysannerie, comme classe, à la classe des propriétaires fonciers (et seulement après plusieurs mois elle commença a porter la guerre civile dans la paysannerie), en Chine chaque, soulèvement paysan, dans ses premiers pas, est une guerre civile de la paysannerie pauvre contre les koulaks, c’est-à-dire contre la bourgeoisie rurale.

La paysannerie moyenne en Chine est inexistante. La paysannerie pauvre constitue jusqu’à 80% de la paysannerie. C’est elle - et ce n’est qu’elle - qui joue un rôle révolutionnaire. Il ne s’agit pas de l’alliance des ouvriers avec toute la paysannerie, mais avec la paysannerie pauvre. Ils ont un ennemi commun : la bourgeoisie. Le prolétariat seul peut mener à un régime qui ne peut être que la dictature du prolétariat. Ce n’est que ce régime qui peut établir le système soviétique et créer l’armée rouge, qui est l’expression militaire de la dictature du prolétariat, soutenue par la paysannerie pauvre.

Les staliniens disent que la dictature démocratique comme étape prochaine de la révolution se développera ultérieurement dans les voies de la dictature du prolétariat. Tel est actuellement l’enseignement de l’I.C., non seulement pour la Chine, mais pour tous les pays de, l’Orient. Elle rompt complètement avec l’enseignement de Marx sur l’Etat et avec les conclusions de Lenine sur le rôle de l’Etat dans la révolution. La dictature démocratique, à la différence de la dictature prolétarienne, signifie la dictature bourgeoise démocratique. Le passage de la dictature bourgeoise à la dictature prolétarienne ne peut cependant s’accomplir par la voie d’une "transcroissance" pacifique. La dictature du prolétariat ne peut se substituer à la dictature démocratique aussi bien que fasciste, que par la voie d’un soulèvement armé.

La "transcroissance" pacifique de la révolution démocratique en révolution socialiste est seulement possible sous la dictature de la même classe, et plus précisément du prolétariat. Le passage des actions démocratiques aux actions socialistes s’est effectué dans l’Union Soviétique sous le régime de la dictature du prolétariat. En Chine, le passage à l’étape socialiste s’effectuera encore, plus vite puisque les tâches démocratiques les plus élémentaires ont, en Chine, un caractère encore plus anti-capitaliste et plus anti-bourgeois qu’en Russie.

Il parait que les staliniens ont encore besoin d’une faillite payée du sang des ouvriers pour se décider à dire enfin : "... la révolution est passée au stade le plus élevé dont le mot d’ordre est la dictature du prolétariat ".
Vers la troisième révolution chinoise

Aujourd’hui personne ne peut encore dire dans quelle mesure les reflets de la seconde révolution chinoise se combineront avec l’aube de la troisième révolution chinoise. Personne ne peut prédire si les foyers des soulèvements paysans se maintiendront sans discontinuer pendant toute la période prolongée dont l’avant-garde prolétarienne aurait besoin pour se renforcer, pour engager dans la bataille la classe ouvrière et accorder sa lutte pour le pouvoir avec les offensives paysannes généralisées contre ses ennemis les plus immédiats.

Ce qui caractérise le mouvement actuel des campagnes, c’est la tendance des paysans à lui donner une forme soviétique - ou tout au moins un nom soviétique - et à assimiler les détachements de partisans à l’armée rouge. Cela témoigne de l’énergie avec laquelle les paysans recherchent la forme politique qui pourrait les aider à se libérer de leur division et de leur impuissance. Sur cette base les communistes pourront construire efficacement.

Mais il faut d’abord comprendre clairement que dans la conscience des paysans chinois, les mots d’ordre obscurs de Soviets ne signifient nullement encore la dictature du prolétariat. La paysannerie ne peut pas, en général, se prononcer a priori pour la dictature du prolétariat. Elle ne peut y être amenée qu’à travers l’expérience de la lutte qui démontrera et prouvera au paysan que ses tâches démocratiques ne pourront être résolues que par la dictature prolétarienne.

Telle est la cause principale pour laquelle le parti communiste chinois ne peut pas conduire le prolétariat dans la lutte pour le pouvoir sans partir des mots d’ordre démocratiques.

Le mouvement paysan, bien que recouvert du nom de Soviet, reste isolé, local et provisoire. On ne peut élever ce mouvement au niveau national, qu’en liant la lutte contre le joug des impôts et le fardeau du militarisme avec les idées de l’indépendance de la Chine et de la souveraineté populaire.

L’expression démocratique de cette, liaison est une assemblée aux multiples pouvoirs. Sous ce mot d’ordre, l’avant-garde communiste pourra rassembler autour d’elle de larges masses ouvrières, les petites gens opprimés des villes et les centaines de millions de paysans pauvres, pour le soulèvement contre les oppresseurs du dedans et du dehors.

On ne pourra commencer la création de soviets ouvriers que pendant un réveil effectif de la révolution dans les villes. Quand cela arrivera, nous ne le savons pas actuellement, nous ne pouvons que nous y préparer. Et se préparer veut dire rassembler les forces. Aujourd’hui nous ne pouvons le faire que sous le mot d’ordre d’une démocratie conséquente, hardie et révolutionnaire. En même temps nous devons expliquer aux éléments avancés de la classe ouvrière que l’Assemblée nationale n’est qu’une étape sur la voie révolutionnaire. Nous sommes sur la voie de la dictature prolétarienne sous la forme soviétique.

Nous ne fermons plus les yeux sur le fait que cette dictature posera devant le peuple chinois les problèmes économiques et internationaux les plus difficiles. Le prolétariat chinois constitue une partie plus minime de la population en Chine que le prolétariat russe n’en constituait à la veille d’Octobre. Le capitalisme chinois est encore plus arriéré que le capitalisme russe. Mais les difficultés seront vaincues non par des illusions et une politique d’aventures, non par l’espoir en Tchang Kaï-chek ou en la " "dictature démocratique" ; les difficultés seront vaincues par la clairvoyance et la volonté révolutionnaire.

Le prolétariat chinois marche au pouvoir, non pour rétablir la muraille de Chine et construire sous la protection le socialisme national. En conquérant le pouvoir, le prolétariat chinois conquerra l’une des positions les plus importantes pour la révolution internationale. On ne peut pas considérer le sort de la Chine ni celui de l’U.R.S.S. en dehors du mouvement révolutionnaire du prolétariat mondial. Telle est la source des espoirs les plus vastes et la justification de la plus grande hardiesse.

La cause de la révolution mondiale est la cause même de la révolution chinoise. La cause de la révolution chinoise est la cause du prolétariat mondial.

août 1930

Léon Trotsky

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