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Edito - Marche avant toute ou marche arrière toute, c’est le seul choix

dimanche 28 juin 2015, par Robert Paris

Edito - Marche avant toute ou marche arrière toute, c’est le seul choix

Oui, nous ne pourrons pas, dans les années qui viennent, nous contenter de maintenir nos acquis, comme nous le souhaiterions pour ceux d’entre nous qui ont pu, dans la période précédente, avoir et conserver un emploi fixe, un salaire décent, qui ont pu se procurer un logement correct, qui ont pu s’organiser une vie acceptable, qui sont arrivés à une apparente stabilité sociale avec un niveau de vie correct et une relative qualité de vie. Que cela nous plaise ou non, la crise du monde capitaliste menace tout cela et les classes dirigeantes préfèreront défendre leurs intérêts que nous laisser bénéficier encore de tout cela.

Oui, nous sommes devant un grand abime et nous n’avons que le choix entre tomber dedans ou faire un grand saut en avant, celui menant à un niveau de société très supérieur à celui qui existe aujourd’hui.

Bien sûr, nombre de gens raisonnent ainsi : si on n’a déjà pas les moyens de s’assurer un niveau de vie correct et un emploi fixe, comment pourrait-on avoir les moyens d’aller beaucoup plus loin et d’assurer une belle vie à tous les hommes de cette planète ? Et ils se disent même : « contentons-nous de petites réductions de notre niveau de vie et nous sauvegarderons l’essentiel ». Et de « petite réduction » en petite réduction, ils laissent les classes dirigeantes mener une grande offensive contre nous. Ils se disent : « acceptons de réformer nos acquis pour les sauver » et ils ont ainsi supporté qu’on remette en question les retraites, les droits sociaux, les services publics, la sécu, la santé, l’éducation, la recherche. Mais, loin d’être sauvés, ces « acquis » ont été encore et encore « réformés » c’est-à-dire progressivement remis en cause.

Tranche par tranche, secteur par secteur, corporation par corporation, nous sommes découpés en rondelle progressivement mais successivement et la marche à reculons ne s’arrête pas : à chaque fois qu’elle a réussi à faire passer un recul, elle passe au suivant. Les gouvernements se suivent et les reculs s’aggravent. La droite fait pire que la gauche puis la gauche pire que la droite et ensuite la droite pire que la gauche… Plus les travailleurs et les milieux populaires acceptent des reculs sous prétexte de réformes et plus les classes dirigeantes, ainsi que les gouvernants à leur service, se sentent forts pour nous en imposer d’autres.

Tous nous disent : « il faut négocier, il faut discuter, il faut réformer » qu’il faut traduire par « il faut vous sacrifier ».

Toutes les organisations qui ont pris de l’importance dans le cadre de la société actuelle se sont accomodées du système de domination et d’exploitation et ne veulent pas que ce cadre social disparaisse. Que ce soit des partis politiques, et de n’importe quelle couleur politique, que ce soit des confédérations syndicales, de toutes couleurs elles aussi, et même les plus grandes associations, sans parler des religions, des média et autres groupes d’infuence, toutes ces organisations ont tissé de multiples liens personnels, financiers, organisationnels, idéologiques avec la société capitaliste, ont assimilé ses règles, ses interdits, ses lois, au point de penser qu’elles seraient intangibles. Ces organisations sont très déterminées à ne pas préparer un autre avenir et à affirmer que le capitalisme serait un horizon indépassable. Même les syndicalistes voudraient un capitalisme qui négocie et consulte les syndicats. Même les écologistes cherchent un capitalisme durable. Même les décroissants croient l’avoir trouvé dans un capitalisme qui renoncerait à la croissance à tout prix. Même la gauche de la gauche affirme que le capitalisme est acceptable du moment que l’on a élu un « bon gouvernement, vraiment de gauche ». Même l’extrême gauche affirme que la question d’une nouvelle société n’est pas à l’ordre du jour, puisqu’on n’en est même pas à parvenir à nous défendre à la hauteur des attaques anti-sociales. Chacune le dit à sa manière mais toutes s’accordent sur un point : le dépassement du capitalisme n’est pas à l’ordre du jour ! Ce qui le serait, c’est encore plus de passivité des travailleurs, encore plus de croyance en l’hyper puissance des patrons, encore moins de réunions des salariés sur leurs lieux de travail pour décider eux-mêmes de leur propre avenir.

Car toutes ces organisations sont d’accord sur un point : nous ne devons pas décider, nous ne devons pas discuter entre nous, nous ne devons pas débattre de nos revendications, nous ne devons pas distribuer nous-mêmes des tracts, nous ne devons pas nous interroger sur les moyens d’action, sur les buts, sur les perspectives, sur le caractère de la crise actuelle, sur l’avenir de la société humaine.

Pour toutes, nous devons nous contenter de quémander la conservation des acquis et nous devons nous apprêter à considérer que de « petits » reculs sont un moindre mal. Combien nous annoncent triomphalement qu’elles ont réussi à diminuer un peu le nombre de licenciements ! Combien nous annoncent triomphalement qu’une petite partie des attaques ont été retardées, « réussite » au nom de laquelle elles ont donné leur signature aux autres attaques !

Eh bien, elles se trompent et elles nous trompent !

Selon elles, il suffirait que le Travail continue d’accepter la loi du Capital pour que la société actuelle reste stable et durable !

Comme si la classe ouvrière était la seule, par ses revendications et par sa lutte, qui pouvait remettre en cause l’ancien ordre social !

Comme si le capitalisme ne pouvait pas s’effondrer de lui-même, comme s’il n’avait pas déjà montré qu’il était capable de produire, par ses propres contradictions, des catastrophes planétaires. Pour quelle raison le capitalisme ne pourrait-il pas perdurer après la crise de 2007 comme il a perduré après de nombreuses crises quasi périodiques ?

Eh bien, d’abord parce que les crises passées avaient éclairci l’atmosphère, permettant au capitalisme de se débarrasser de ses « canards boiteux », ce qui n’a nullement été le cas en 2007-2008, les capitalistes et Etats du monde entier tombant d’accord qu’il n’était plus question d’accepter une seule faillite de trust, de grande banque, de grande assurance, de grand financier, de bourse et que tout l’argent des banques centrales devait être mis au service des capitalistes pour éviter toute faillite d’un capitaliste. Cela n’avait jamais été le cas dans le passé et en agissant ainsi ce sont les responsables du capitalisme eux-même qui ont sonné le glas de leur système.

Mais pour quelle raison ont-ils agi ainsi ? Quel mur empêcherait le capitalisme d’aller plus avant ? A quelle limite objective se heurterait-t-il ?

Bien sûr, le capitalisme a atteint un sommet en termes de productivité, en termes de technicité, en termes d’accumulation du capital, en termes d’échanges mondiaux, en termes de production mais ces dernières années cela a été au prix d’efforts de plus en plus grands pour le capital. Cela signifie que pour un euro investi dans la production, il a fallu non plus un euro dans la finance et un euro d’aides étatiques mais trois, quatre, etc, jusqu’à dix euros et plus investis dans la finance, dans la spéculation et provenant des finances publiques, des banques centrales, des Etats, des institutions locales ou régionales. Or, dans le système capitaliste, l’origine des profits continue de n’avoir comme source que l’exploitation du travail humain, la plus value extraite de la production. On doit donc distribuer de plus en plus de parts de cette plus-value au capital extérieur à cette production et de moins en moins au capital qui est investi dedans. La rentabilité de l’investissement productif est mise en cause au moment même où cet endettement massif, public et privé, entraîne une rentabilité de plus en plus grande des investissements non productifs, prêts aux Etats, spéculations en tous genres, etc. Une plus value globale plus limitée doit donner des bénéfices accrus à un capital total plus grand que jamais, voilà la source fondamentale du blocage du système. Voilà pourquoi, à partir de 2008, les capitalistes et les Etats à leur service ont renoncé au mécanisme des crises pour ne compter que sur les aides massives des banques centrales et renoncé ainsi au mécanisme de régulation de leur système qui avait toujours fonctionné, les faillite servant d’expiration de cette respiration du capital.

Cela ne signifie pas que le système ait renoncé à diriger le monde. Bien au contraire, sa seule préoccupation est de continuer à le diriger, de détourner et de contrer toute montée révolutionnaire contre lui, comme il l’a fait au Maghreb et dans le monde arabe, et comme il le fait aussi dans le reste du monde…

Dans ces régions du monde, ce qui a empêché les révolutions de passer le cap de la remise en cause du capitalisme, c’est essentiellement les organisations réformistes, politiques et syndicales, comme dans les pays riches. Ce sont eux qui ont fait croire aux peuples qu’il suffit de changer de chef de l’Etat, en conservant le même Etat, pour changer la société. Ce sont eux qui ont fait croire qu’il n’est pas besoin de poursuivre la révolution, de maintenir le peuple travailleur « assemblé en permanence », pour reprendre l’expression du peuple de France durant la révolution française de 1789-1793.

Partout dans le monde, ces réformistes, dirigeants de partis politiques et de syndicats, sont la principale béquille d’un capitalisme branlant. C’est eux qui essaient de faire croire que le capitalisme n’est pas en cause, qu’il faut juste des réformes, qu’il ne faut pas que la classe ouvrière cherche à mener la révolution sociale. Comme s’il suffisait que la classe ouvrière ne souhaite pas vivre une situation révolutionnaire pour que celle-ci n’ait pas lieu du fait des contradictions objectives du capitalisme. Même si les peuples travailleurs cessaient le combat, le capitalisme ne serait pas sauvé pour autant car son problème essentiel est interne, c’est le fait qu’il a atteint ses limites. Depuis 2007, le capitalisme n’a pu survivre que grâce à l’aide des banques centrales et des Etats et il ne lui reste qu’à attendre la prochaine faillite financière pour constater qu’il n’a plus maintenant les moyens financiers d’y faire face et qu’il est réduit à laisser la panique parcourir tout le système.

Il est donc indispensable de combattre au sein du mouvement ouvrier pour que les travailleurs prennent de plus en plus conscience que leur combat n’est pas seulement pour défendre leurs intérêts économiques au sein du système mais pour défendre des objectifs politiques et sociaux les mettant en tête de la lutte pour renverser le système. Plus que jamais, le syndicalisme qu’il nous faut est le syndicalisme révolutionnaire, celui qui refuse de négocier des reculs, celui qui pose dès maintenant la question du changement social révolutionnaire, celui qui profite de chaque lutte pour favoriser l’auto-organisation (en comités, conseils, assemblées, coordinations, etc) afin de préparer les organes futurs de la révolution sociale. Il importe que le combat quotidien remette en question le sacro saint droit bourgeois, le droit de posséder des entreprises et des capitaux, le droit de licencier, le droit de fermer des entreprises, le droit de casser des services publics, le droit d’expulser de son logement, le droit de fermer le compte en banque, le droit de saisir les biens, le droit de couper les comptes en banques, l’eau, le gaz et l’électricité, le droit de couper les allocations chômage, le droit de contester les soins gratuits des gens, etc.

Nous sommes pour le syndicalisme mais pour celui qui conteste le droit des capitalistes, la loi des capitalistes, la règle du profit des capitalistes, leur droit à licencier, à exploiter, à détruire les services publics, à expulser, à détruire des vies, à mener des guerres. Nous sommes pour le syndicalisme révolutionnaire en somme, celui qui reconnaît que la crise du capitalisme doit nous amener à préparer une nouvelle société fondée sur les besoins des hommes et non sur ceux du capital. Nous sommes pour le syndicalisme qui reconnaît la capacité de la classe ouvrière de renverser le système d’exploitation et la nécessité, pour cela, de s’organiser de manière autonome des syndicats en temps que classe, de mener sa lutte en tant que classe, de défendre non seulement des revendications économiques mais tout un programme politique comprenant une adresse aux couches moyennes frappées par la crise, comprenant un programme contre l’impérialisme, contre ses guerres, contre ses oppressions nationales, contre les buts de guerre du grand capital à travers le monde, contre ses tentatives de mener de nouvelles guerres mondiales.

Ce qu’il faut, c’est que la lutte défensive prépare l’offensive, que la lutte au sein du système prépare à en sortir, que la lutte pour les acquis au sein du capitalisme serve à le renverser, que la lutte pour le droit de travailler comme esclave du capitalisme serve à en finir avec l’exploitation capitaliste.

Messages

  • La SNCF n’est pas la seule ciblée...

    Les fonds de pension remplaceraient les retraites et les aides sociales seraient supprimées...

    En pleine grogne contre la politique sociale du gouvernement, le dossier est excessivement sensible. Des pistes visant à revoir les critères d’attribution de certaines aides sociales ou à réduire leur montant sont actuellement étudiées par Bercy, en quête d’économies pour tenir ses engagements budgétaires, peut-on lire dans Le Monde ce vendredi 18 mai. Le quotidien, qui explique s’être procuré une note interne de la direction du budget chargée d’élaborer le budget de l’Etat français, dévoile que plusieurs "pistes d’économies" ont été proposées au gouvernement, portant sur des dispositifs d’aide aux ménages et aux personnes démunies.

    Contacté par l’AFP, le ministère des Comptes publics a assuré que ces propositions n’émanaient pas du gouvernement. "Il s’agit d’un document de travail technique de l’administration", a-t-on expliqué. L’application de telles mesures, qui vont d’un recentrage des APL jusqu’à une désindexation sur l’évolution des prix, constituerait une bombe à retardement sociale...

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