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Jérusalem et Cisjordanie : la troisième intifada a commencé

mardi 6 octobre 2015, par Robert Paris

Jérusalem et Cisjordanie : la troisième intifada a commencé

L’assassinat de plusieurs jeunes Palestiniens, les uns par des colons fascistes d’extrême droite couverts par les autorités israéliennes qui prétendent les rechercher, les autres par l’armée ou des snipers israéliens autorisés ces derniers jours par le pouvoir à tirer sur les manifestants, ont mis le feu aux poudres. Les assassinats d’une famille brûlée dans sa maison, de jeunes et d’enfants manifestant comme Halfaya Suleiman de 18 ans, tué « parce qu’il s’apprêtait à lancer un cocktail Molotov », selon la version officielle israélienne ou Abed al-Rahman, enfant palestinien de 12 ans, vivant dans un camp de réfugiés, tué par l’armée lors d’une manifestation, les centaines de jeunes de 12 à 17 ans arrêtés préventivement ou au cours de rafles, tout cela a contribué à faire exploser la colère.

Est-ce que le gouvernement israélien, qui a décidé d’autoriser ses forces de l’ordre à tirer à balles réelles y compris sur des manifestants désarmés, est sous la pression de son extrême droite, lui qui est déjà d’extrême droite a en effet encore plus fasciste que lui, ou est-ce qu’il a un calcul politique en jetant ainsi de l’huile sur le feu, tout le monde s’interroge sur cette question, et aussi sur celle de savoir s’il va être capable de maîtriser les événements, une fois l’incendie allumé ? Est-ce qu’il va céder à la pression lui demandant de créer de nouvelles colonies, d’expulser encore davantage les Palestiniens, d’expulser même les arabes israéliens, et d’entrer ainsi dans un cycle infernal dont nul ne peut dire ce qui en sortira ?

En tout cas, il n’est pas besoin d’être révolutionnaire, de soutenir la cause des droits des Palestiniens écrasés par l’Etat d’Israël, pour avoir conscience que c’est d’une vraie insurrection qu’il s’agit pour la troisième fois. En effet, deux grandes révoltes ont déjà eu lieu, à part la révolution palestinienne de 1936, le soulèvement palestinien de 1968, l’intifada de décembre 1987 et celle de septembre 2000. Dans chacune de ces deux révoltes, des caractéristiques communes se sont révéles : c’étaient deux explosions de colère populaire qui ont débordé l’Etat israélien, l’ont rendu partiellement impuissant, ont divisé ses forces de répression, l’ont entravé pour riposter, ont démoralisé les forces armées palestiniennes et détruit la confiance absolue de la population israélienne dans son Etat. Mais, en même temps, elles ont débordé les organisations bourgeoises palestiniennes, les ont laissé complètement de côté, les ont en partie discrédité même, et les milieux populaires ont tenu à conserver cette indépendance lors de leur action directe et de masse. Il semble que ces caractéristiques se retrouvent à nouveau dans l’intifada qui démarre en octobre 2015 en Cisjordanie et à Jérusalem…

Nous disions qu’il n’y a pas besoin d’être révolutionnaires et proPalestiniens pour s’en rendre compte. En effet, la presse révèle par exemple l’interview de l’ex général de l’armée israélienne Israël Zir qui déclare :

« C’est beaucoup plus qu’une bouffée de violence. Cette fois, le souffle de la révolte provient en effet de la rue, pas d’organisations terroristes structurées agissan avec une certaine logique en vue d’atteindre un ou plusieurs objectifs déterminés à l’avance. »

La presse cite également un ancien officen de Shabak :

« A Jérusalem, les habitants palestiniens sont des citoyens de seconde zone. Ils ne bénéficient pas de la nationalité israélienne, ne peuvent pas voter et rencontrent de grandes difficultés pour trouver du travail. Leur frustration est immense et le fait qu’on durcisse la répression n’y changera rien. Ce qui caractérise la violence de ces derniers jours ou cette intifada – appelez cela comme vous voulez -, c’est que l’Autorité palestinienne le Fatah, le Hamas et les autres ne les contrôlent pas. Ils sont dépassés par la rue qui se méfie d’eux. Faute de mieux, il publient des communiqués de victoire, mais ils n’ont pas voix au chapitre. »

Ce qui caractérise en effet la révolte actuelle, c’est qu’elle est fondée sur les sentiments populaires et pas sur les appareils bourgeois nationalistes palestiniens. Fatah, Autorité palestinienne, Hamas ou autres groupes et milices n’y sont pour rien, n’y peuvent rien, ne semblent nullement impliqués et encore moins intéressés et la rue les laisse à l’écart de son action. Ils se donnent l’air d’être dans le coup mais tout le monde sait qu’ils ne le sont pas comme ils ne l’ont pas été dans les deux intifadas passées.

Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, s’est déclaré contre ces « violences » :

« Israël a intérêt à entraîner la région dans un cycle de violences, pur fuir son isolement international ».

Mohand al-Zahem, numéro deux du Hamas, a déclaré que « c’est Mahmoud Abbas qui nous empêche de passer à l’action. » Une manière de reconnaître que le Hamas est en dehors de ce nouveau soulèvement…

Le discrédit des directions bourgeoises palestienniennes est patent et c’est l’un des éléments de la situation et qui rend celle-ci extrêmement dangereuse pour les classes dirigeantes israéliennes, celles-ci ayant toujours choisi de faire en sorte que la population palestinienne reste encadrée par « ses » organisations palestiniennes, tout en attaquant suffisamment celles-ci pour y parvenir.

Abbas et la direction de l’AP se sont tournés vers l’ONU dans une tentative désespérée de regagner de la crédibilité dans la population palestinienne qu’ils affirment représenter. Dans une certaine mesure, l’AP n’est pas sans ressemblances avec les régimes qu’ont fait tomber les masses en Égypte et Tunisie. Non élus, gouvernant par décrets, tout en maintenant un important appareil policier financé par les États-Unis et qui travaille en collaboration avec l’occupant Israélien. L’AP ne représente pas les intérêts des travailleurs et des opprimés palestiniens, mais une fine couche de haut fonctionnaires et d’hommes d’affaires qui se sont enrichis par les subventions étrangères et la corruption.

Comme le démontrent les « documents palestiniens » publiés par Al-Jezzira au début de l’année, documentant une décennie de négociations israélo-palestiniennes, la direction de l’AP a capitulé sur toute la ligne, renonçant effectivement au droit au retour de la diaspora palestinienne, abandonnant quasiment tout Jérusalem-Est, et acceptant de participer au nettoyage ethnique qui vise à garantir le statut d’"Etat juif" Israël.

Le prétendu « processus de paix », auquel s’accrochait l’Autorité palestinienne et le Fatah, est une promesse en l’air qui perdure depuis vingt ans, ne produisant ni paix, ni aucune réalisation des espoirs du peuple Palestinien. Il a surtout servi à couvrir les actions unilatérales d’Israël, qui a consolidé son contrôle sur des parties de plus en plus importantes de la Cisjordanie et de Jérusalem Est, le nombre de colons sionistes a doublé au cours des 10 dernières années. Cela s’est accompagné par la prolifération des points de contrôle militaires et des routes de sécurité « réservées aux juifs » qui rendent impossibles non seulement l’existence d’une nation, mais la vie même pour les Palestiniens occupés.
La gestion de la Cisjordanie par l’Autorité et de Gaza par le Hamas ont surtout permis à Israël d’exercer encore plus de pressions et d’exactions contre la population palestinienne.

Mais ces « succès » de l’Etat d’Israël, tout comme les succès « militaires » des opérations de terreur de « Plomb durci » en 2008 avec 1300 morts et de « Bordure protectrice » en 2014 avec 1100 morts n’ont pas crédibilisé finalement les organisations militaires palestiniennes qui se faisaient gloire d’en être les martyrs car le plus grand martyr a été celui de la population civile palestinienne et pas les combattants des groupes terroristes ou militaires. Et, loin de reculer, l’Etat d’Israël a accru son emprise, son oppression et la misère du peuple palestinien.

La poussée de l’Etat d’Israël vers toujours plus de violence, plus d’agressions contre les Palestiniens ne mène à aucune solution pour les Israéliens comme pour les Palestiniens. Cette dérive fasciste est favorisée par la crise mondiale du capitalisme dont les classes dirigeantes israéliennes savent qu’elle mène à la guerre mondiale et donc les autorise à entrer dans une guerre de masse contre tout un peuple.

L’idéologie sioniste maintient que l’expropriation des Palestiniens se justifie par l’Holocauste et le besoin de mettre en place un abri sûr pour la population juive. Actuellement, le gouvernement israélien commet des crimes qui ressemblent de plus en plus à ceux des nazis. Les 1,8 million d’habitants de Gaza sont emprisonnés dans un ghetto de l’ère moderne, vivant l’enfer sur terre ; ils sont délibérément privés d’eau potable, de nourriture suffisante, d’électricité et de services de santé en vertu de ce qu’on ne peut qualifier que de politique génocidaire.

La propagande nationaliste faite en Israël, à savoir que l’Etat sioniste représente tous les adhérents de la religion juive, ne peut pas réfuter cette réalité : c’est une société capitaliste, divisée en classes et minée d’antagosnisme sociaux. Les bénéficiaires du sionisme sont une oligarchie de milliardaires et de millionaires capitalistes et un establishment politique totalement corrompu. Les 500 Israéliens les plus riches ont triplé leur fortune au cours des douze dernières années, tandis que les salaires des travailleurs ont été drastiquement réduits dans le but d’assurer la compétitivité des entreprises israéliennes sur le marché mondial.

Mais rien ne prouve que le char de vainqueurs des dirigeants israéliens, ces nouveaux empereurs romains, ne soit renversé par l’esclave palestinien, jeté dans l’arêne et qui y remplace les Juifs dans son rôle d’opprimé, ne soit renversé par une nouvelle révolution palestienne. Le peuple israélien qui est, socialement et politiquement, victime de ses classes dirigeantes peut n’être qu’un fragile appui de cette bourgeoisie israélienne qui pousse à la guerre pour faire fructifier ses affaires et reconnaître son rôle, car, en retour de son soutien contre les Palestiniens, le peuple israélien n’a reçu que misère et accroissement de sa propre exploitation.

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