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De la crise mondiale à Trump : une discussion sur la situation internationale

vendredi 24 février 2017, par Robert Paris

De la crise mondiale à Trump : une discussion sur la situation internationale

Sam

La nouvelle politique américaine de Trump semble bel et bien un tournant historique non seulement pour les USA mais pour le monde. Certains réformistes expliquaient que son programme n’était pas à prendre au pied de la lettre et qu’il en rabattrait nécessairement une fois élu. Ce n’est pas du tout le cas. Que ce soit la constitution de son équipe gouvernementale, que ce soient ses premiers décrets, que ce soit ses nouvelles déclarations incendiaires, Trump n’en a nullement rabattu. Il semble même que sa politique soit complètement en contradiction avec celle de son prédécesseur Obama. Se peut-il qu’il représente une fraction de la bourgeoisie différente et opposée à celle que représente Obama et Clinton ?

Robert

Déjà, dans les apparences, il y a effectivement opposition ouverte entre Trump le blanc du Ku Klux Klan, d’une extrême droite raciste militante, hostile aux noirs, aux femmes, aux homosexuels, aux musulmans et aux migrants et Obama, le noir, ouvert aux autres communautés, antiraciste, ouvert aux droits des migrants, des homosexuels, des noirs, des femmes, du moins en paroles. Il y a aussi apparence d’opposition entre Obama-Clinton très hostiles apparemment au pouvoir de Poutine au Kremlin et qui menaçaient la Russie d’une nouvelle guerre mondiale et Trump qui cultive les bonnes relations avec la Russie, vient de signer un accord avec elle et est soupçonné même d’avoir été élu grâce au soutien de Poutine. Il y a encore d’autres divergences de politique internationale (Cuba, Iran, Israël, Chine, etc…) et de politique économique (protectionnisme de Trump contre la mondialisation d’Obama-Clinton). Mais est-ce que cela suppose deux fractions de la bourgeoisie, correspondant à des intérêts ou des conceptions fondamentalement opposées en fonction de leurs intérêts économiques divergentes ? Est-ce qu’Hitler, venu au pouvoir en Allemagne après les partis démocratiques bourgeois de la social-démocratie à la droite la plus extrême non nazie, signifiait l’existence d’une fraction de la bourgoisie plus proche des nazis et une autre leur étant hostile ? Ou n’est-ce pas plutôt l’évolution de la situation économique et politique et le fait que la bourgeoisie puisse successivement mener des politiques de plus en plus agressives, sur le plan intérieur comme extérieur, sur le plan politique comme sur le plan économique, les deux politiques servant autant l’une que l’autre les intérêts généraux de l’ensemble du grand capital et le fait de les opposer servant également à détourner les masses d’une autre opposition, celle entre le Capital et le Travail.

Sam

Quel serait alors ce but du grand capital qui mènerait une fois à s’allier avec l’Iran puis à le combattre, à s’allier à la Chine puis à la combattre, à miser sur l’ouverture des mœurs et de la démocratie suivie d’une politique allant tout à fait à l’inverse ? Quel serait l’intérêt pour la bourgeoisie d’opposer ainsi violemment deux fractions de la population qui sont à la limite de la guerre civile intérieure ? Quel intérêt de libéraliser l’immigration puis ensuite de la bloquer et de la combattre violemment ? Quel intérêt de s’allier à l’Europe, au Mexique, à l’Iran pour ensuite les combattre au plan politique ou économique ? Ne semble-t-il pas que nous ayons là une véritable divergence au sein de la bourgeoisie américaine, une fraction par exemple liée aux trusts pétroliers et l’autre favorisant les notions de réchauffement climatique ?

Robert

Il y a là-dedans une vraie question : est-ce que Trump a, plus qu’Obama-Clinton, tendance à pousser une fraction de la population contre une autre ? On peut constater que c’est avec Obama que cette tendance s’est révélée et développée : violences contre les noirs et réactions de ceux-ci menant à une division entre amis et ennemis des noirs, développement non seulement des droits des homosexuels mais campagne publique pour en faire une pomme de discorde entre les pros et les antis, développement d’une opposition entre pros et antis développement des armes personnelles. Par contre, cela ne veut nullement dire que la politique d’Obama ait renforcé réellement les noirs, les femmes, les homosexuels, les droits des musulmans, et autres… Au contraire, la réalité de leur situation à tous s’est dégradée sous Obama, comme celle des couches populaires qu’il prétendait défendre, comme celle des femmes, comme celle des travailleurs et des chômeurs… C’est le discours, l’emballage, qui est différent. Déjà sous Obama, l’effort consistait à pousser les travailleurs vers l’un ou l’autre camp, une manière plus violente de casser toute lutte de classe. Des syndicalistes se mettaient à faire campagne pour Obama ou pour Clinton, avec ou sans sympathie, et d’autres, notamment les racistes, à faire campagne contre eux.

Sam

Pousser la population américaine à s’entredéchirer, favoriser volontairement une guerre civile interne aux USA, est-ce que cela ne serait pas dangereux pour la classe dirigeante ?

Robert

Pas si la bourgeoisie sait d’avance que l’effondrement du système économique va nécessairement mener à une telle guerre civile, le seul moyen d’éviter des dangers révolutionnaires devenant de détourner cette guerre civile en lutte entre deux fractions bourgeoises.

Pas si les deux camps sont des camps bourgeois et impérialistes, tout comme la bourgeoisie mondiale avait fait mine de se diviser entre pro-fascistes et anti-fascistes à la fin des années trente.

Sam

Oui mais actuellement aux USA, il y a un véritable affrontement entre les pros et les antis Trump. On l’a vu sur les décrets anti-migrants où des gens se sont mobilisés mais aussi des gens de la justice, de la presse, des trusts, etc…

Robert

Bien sûr, il y a de violentes oppositions au sein de la société américaine et les classes dirigeantes tentent de les canaliser dans un affrontement entre deux clans de la grande bourgeoisie. Mais la réalité est autre. Tout d’abord, il faut remarquer que tout au long de ses mandats, Obama n’avait rien fait pour les femmes, pour les noirs, pour les migrants, pour les travailleurs ni contre ceux qui les attaquaient violemment. Il n’a fait que se prétendre de leur côté, pour s’afficher un peu de leur bord et quand il a pris des mesures, c’est seulement au dernier moment, pour faire croire à une vraie différence entre lui et Trump. Pire, sa politique a permis à l’extrême droite américaine de grimper comme jamais. Il n’a pas bougé le petit doigt pour éradiquer les bandes fascistes américaines. Il n’a pas bougé le petit doigt contre les racistes et les fascistes des forces policières et militaires ou paramilitaires, contre ceux qui s’attaquent aux mususlmans, aux femmes, aux noirs, aux homosexuels. Par contre, en faisant semblant de les soutenir, il a soulevé leurs adversaires violents et militants et Trump n’a eu qu’à récolter ce qu’Obama avait semé. Trump a pu développer sa démagogie du nationalisme économique et du protectionnisme parce que sous Obama les emplois n’ont cessé de s’effondrer. Ce n’est nullement propre aux USA. Ce sont les Hollande et les Merkel qui ont soulevé les extrêmes droites européennes avec leurs discours de « bienvenue aux migrants » alors même qu’ils réprimaient et bloquaient l’arrivée des mêmes migrants dont il prétendait défendre les peuples au travers des guerres d’Irak, de Syrie ou d’Afghanistan. On apprend ainsi que les prétendus viols de Francfort qui avaient servi à développer comme jamais l’extrême droite en Allemagne étaient fondés sur des faux témoignages et c’est même le journal allemand Bild qui avait lancé la campagne de calomnies qui le reconnaît. Mais le gouvernement de Merkel s’est bien gardé de démentir et a laissé la pire campagne raciste que l’Allemagne ait connu se développer sans donner mission à sa police de rétablir les faits. De même en France, ce sont les politiques de Hollande, Valls et Cazeneuve qui ont amené le Front National de Marine Le Pen au plus haut niveau qu’il ait jamais atteint, placé au premier plan des sondages pour la prochaine présidentielle. Ce sont la gauche et la droite, dites démocratiques, qui nourrissent l’extrême droite, tout en faisant semblant de la dénoncer violemment et de la combattre, et même en la combattant parfois vraiment mais en se gardant bien de la supprimer, de l’éradiquer en particulier de leurs propres forces de police et d’armée. Obama-Clinton ont combattu la montée de Trump et continuent de le contester un petit peu mais se gardent bien d’empêcher réellement les petits blancs révoltés des USA de rejoindre des bandes fascistes pro-Trump. Ils ne peuvent pas combattre la base même de cette montée d’extrême droite aux USA car ces bases réelles, c’est la crise économique et les intérêts des trusts qui les fondent, et sur ce plan, ils sont du même bord.

Sam

Peut-on dire qu’un milliardaire, soutien évident des trusts pétroliers, et qui se moque de toute préoccupation écologique de manière ouverte et publique, est du même bord qu’un homme politique qui a bloqué les projets des pétroliers et favorisé la lutte contre le réchauffement climatique et contre la pollution industrielle ?

Robert

Il est exact que Trump est le soutien ouvert des trusts pétroliers qu’il a invité dans son gouvernement et qu’Obama avait bloqué des projets anti-écologiques de ces mêmes trusts. Mais le pétrole n’est pas tout. Obama a grandement favorisé nombre de trusts, et globalement été très bien perçu des puissances de l’argent dont il était l’émanation et ces dernières sont assez prudentes vis-à-vis de Trump, contentes qu’il dérégularise les banques, les bourses et la finance mais pas certaines qu’il ait raison, du point de vue de l’intérêt général de la bourgeoisie, de le faire… Dans un premier temps, ils engrangent les bénéfices d’un gouvernement ouvertement au service du grand capital mais cela ne signifie pas qu’il soient sûrs l’apparent réformisme et pacifisme politique d’Obama ne soit pas meilleur pour les affaires. Si Trump devient trop impopulaire, avec Obama-Clinton, les classes dirigeantes ont une alternative sans aucun danger, social ni politique. Et si Trump réussit, ce sera contre les travailleurs, les milieux populaires et tous ceux qui en ont ras-le-bol du 1% de classes dirigeantes qui exploitent le peuple des USA.

Sam

Certes, Obama et Clinton étaient à l’évidence du côté de la classe dirigeante et justement c’est ce qu’avait exploité Trump en se présentant comme le candidat anti-système. Mais n’est-il pas nécessaire devant le ras de marée d’attaques de Trump, au plan national comme international, de s’appuyer sur le camp Obama pour mener la lutte contre Trump, celle qui est maintenant d’actualité ?

Robert
Bien sûr, il ne s’agit pas de se mettre en retrait des gens qui se mobilisent contre Trump ni seulement de leur dire que Trump=Obama mais d’avoir conscience que la bourgeoisie n’est en rien menacée si on laisse le bord d’Obama diriger la lutte contre Trump et avoir conscience également que la lutte est une lutte de classe, dans laquelle seul le prolétariat peut représenter une perspective réelle. Même si les jeunes, les femmes, les immigrés, les noirs, les homosexuels, etc, sont mobilisés et ne sont pas du tout à négliger, la base du problème, la cause de la déstabilisation des Etats-Unis, c’est la lutte des classes. Le fondement de cette déstabilisation sociale et politique est économique : c’est l’effondrement du capitalisme mondial à partir de celui des USA en 2007-2008 et sa conséquence, le fait que la classe dirigeante sache qu’elle a beau la retarder la conséquence sera une nouvelle révolution sociale aux Etats-Unis même. Toute sa politique vise à détourner la révolution, à créer de nouvelles oppositions, entre les blancs et les autres, entre les musulmans et les autres, entre hommes et femmes, entre jeunes et vieux, etc, pour que l’opposition de classe soit détournée et noyée et aussi à faire en sorte que les révoltés se tournent soit vers Trump soit vers Obama, c’est-à-dire dans les deux cas vers leurs ennemis.

Sam

Est-ce qu’on ne doit pas quand même considérer qu’il y a une différence entre un choix bourgeois démocratique à la Obama-Clinton avec un choix d’extrême-droite, et même de débuts fascistes, avec Trump et son équipe de nazis ?

Robert

Certes ! Mais cela nécessite de rappeler que ces nazis, Obama ne les a nullement réellement combattus ni affaiblis tant qu’il gouvernait, ne les a pas cassés, ne les a pas désarmés, ne les a pas discrédités. C’est durant sa présidence qu’ils ont grimpé comme jamais dans l’opinion publique. C’est sur la base des déceptions produites par sa politique, que ce soit dans la petite bourgeoisie ou dans les milieux populaires, qu’ils ont grandi et gagné une fraction considérable et nouvelle de l’opinion populaire. Le fascisme n’est pas l’opposé diamétral de la démocratie bourgeoise. En période de crise grave de la domination de la bourgeoisie, fascisme et démocratie se combine, s’appuient, s’entendent et se soutiennent mutuellement. Plus la situation économique, sociale et politique est grave pour la classe dirigeante, plus tout l’appareil démocratique de la bourgeoisie devient un point d’appui du fascisme. L’exemple le plus fameux est la social-démocratie venue au pouvoir en Allemagne lors de la révolution prolétarienne en 1918 qui a fait tomber le régime royal du Kaiser. Elle a gouverné au nom de la révolution sociale en organisant elle-même sa jonction avec les corps francs et l’Etat-major pour écraser la révolution qu’elle prétendait représenter au pouvoir d’Etat. Nous allons, plus la situation mondiale se dégrade, nous retrouver dans de nombreuses situations où la convergence entre bourgeoisie « démocratique » et fascisme va s’accroître, les régimes devenant de plus en plus d’extrême droite, comme on le constate avec l’accession « démocratique » des extrêmes droites au pouvoir au Japon, en Inde et… aux USA… Ce n’est pas les luttes politiciennes qui l’expliquent mais la chute du capitalisme de 2007-2008, chute qui n’a été en réalité suivie d’aucun relèvement et qui ne peut pas l’être.

Sam

Même sur la plan de la politique économique des gouvernants américains, ne peut-on pas préférer celle que menait Obama à celle que mène aujourd’hui Trump et qui lève les barrières entre les nations et ne peut que mener à des guerres interimpérialistes, notamment avec la Chine, alors qu’Obama cultivait avec elle les relations pacifiques ?

Robert

Non, je ne pense pas que la politique d’Obama-Clinton puisse être qualifiée de pacifique de quelque manière que ce soit. Ainsi, Clinton clamait sur tous les toîts qu’elle pronait la guerre contre la Russie alors que Trump affirme vouloir s’entendre avec la Russie. Tout cela, ce sont des affichages car Russie et Chine semblent devoir être dans le même camp, si la guerre mondiale se déclare entre les USA et le bloc des BRICS. Rien ne dit que Trump en reste là et il peut, sur ce plan, faire exactement le contraire dans un ou deux ans. Il se dit pacifique là où Clinton se disait guerrière et réciproquement. C’est encore de l’affichage et ce n’est pas le reflet d’une division des classes dirigeantes américaines, entre pro-russes et pro-chinois. Trump rebat les cartes dans les relations internationales et cela permet pour le moment à la classe dirigeante de monter les enchères dans de nouvelles négociations, d’exiger plus des autres pays, et d’obtenir plus d’eux. Cela ne veut pas dire qu’il soit ni plus ni moins guerrier et Obama-Clinton, tout en s’affichant hostiles à mener de nouvelles guerres extérieures au début, ont encore augmenté la participation des USA aux guerres extérieures et Clinton affichait une encore plus grande volonté guerrière pour la politique américaine. Pour Obama comme pour Trump, un monde en guerre, c’est à la fois le moyen d’offrir aux trusts de l’armement des subventions sur fonds d’Etat, de détourner la situation de révolte des peuples des pays attaqués, d’obliger le peuple américain de se sentir attaqué lui aussi et de croire que son gouvernement le sauve de ces attaques terroristes, tous moyens de détourner la colère et la révolte sociale. C’est surtout la convergence des politiques qui frappe dès qu’on réfléchit en termes des intérêts généraux de la classe capitaliste. Seulement, ce qu’Obama-Clinton ont réussi à faire accepter au peuple américain permet à Trump d’aller plus loin comme ce que réussira à faire avaler Trump permettra au successeur d’aggraver encore sa politique. Et que ce successeur soit anti ou pro Trump. C’est l’état de la lutte des classes mondiale qui détermine leur politique et pas la couleur des divers courants politiques auxquels appartiennent ces politiciens.

Sam

C’est cette dernière affirmation que j’ai du mal à comprendre.

Robert

Prenons l’exemple de la politique économique. Bush a précédé Obama or Bush s’était affiché comme un adepte du liberalism exacerbé, de la non intervention de l’Etat dans l’économie mais, en réalité, le gouvernement Bush face à la crise de 2007-2008 a représenté la plus grande intervention économique de la puissance publique et de l’argent public dans l’économie, que ce soit directement par l’Etat américain ou par la banque central, la FED. Obama, le démocrate, qui est pour l’intervention de l’Etat, a fait exactement pareil que Bush, ni plus ni moins. Parce ce n’est pas une question de couleur des tendances des politiciens. Quand ce sont les intérêts de la classe capitaliste qui sont directement en jeu, il n’y a pas de marge pour des divergences des politiciens. C’est vrai de la politique économique en cas de crise grave, et celle de 2007-2008 était plus que grave, historique, comme c’est vrai du choix de la guerre mondiale : cela ne dépend pas que de la personnalité du politicien qui a réussi à accéder au pouvoir. La deuxième guerre mondiale, ce n’est pas seulement lié à l’accession au pouvoir d’Hitler.

Sam

Quand même, il est clair que les guerres signifient des affrontements entre des bourgeoisies nationales aux intérêts opposés et des affrontements aussi avec des chefs d’Etat que d’autres Etats estiment menaçants ou dangereux comme l’ont estimé les USA pour Milosevic en Yougoslavie, Saddam Hussein en Irak, Kadhafi en Libye, Gbagbo en Côte d’Ivoire ou Assad en Syrie.

Robert

Pas plus qu’Hitler n’avait été estimé dangereux par les USA dès sa prse du pouvoir (sans quoi il n’aurait pas fait long feu), ces dictateurs n’ont jamais été considérés comme des menaces pour les USA et ce n’est pas leur présence au pouvoir (datant de longues années) qui est la cause véritable de ces guerres.

Justement, la guerre (guerre civile ou guerre internationale) n’est pas seulement un simple affrontement entre deux bourgeoisies, deux Etats, deux politiques des classes dirigeantes. La guerre est la suite de la lutte des classes sociales, de la lutte entre exploiteurs et exploités. Qu’il s’agisse de guerre intérieure, de guerre locale, régionale, internationale ou mondiale. La couleur qu’avait voulu se donner Obama était l’hostilité à toute guerre extérieure des USA mais, sous sa présidence, plusieurs nouvelles guerres des USA ont été déclenchées : Pakistan, Yémen ou Syrie notamment. Et Clinton, qui se revendique du même camp qu’Obama, affichait une volotné belliciste marquée, non seulement « contre le terrorisme », « contre l’islam radical » mais aussi contre la Russie. Obama ne s’est jamais démarqué d’elle. Il n’est pas plus antiguerre que proguerre. Ces affichages ne sont que des couvertures politiciennes et ne recouvrent pas les tactiques ni les stratégies liées aux intérêts des capitalistes américains, qui ne sont jamais divulguées au bon peuple ! Les classes dirigeantes tiennent avant tout à cacher qu’elles craignent leurs exploités et se gardent de diffuser un message en sens inverse. Elles affirment qu’elles craignent des dictateurs, des terroristes, des nations comme la Russie ou la Chine, des religions comme l’islam mais certainement pas la classe des prolétaires, que ce soient ceux du pays ou du monde ! Transformer des luttes de classes en guerre, les classes dirigeantes n’ont fait que cela : que ce soit lors de la guerre civile russe qui a suivi la révolution prolétarienne d’octobre 1917, que ce soit dans la révolution espagnole de 1936, que ce soit dans la vague révolutionnaire de 1945 en Asie, que ce soit dans la révolution du Liban des années 1970, ou encore en Côte d’Ivoire et on en passe…

Sam

Comment concevoir que la guerre des USA, ou un autre Etat, contre tel ou tel pays soit en fait à concevoir comme une lutte de classes entre exploités et opprimés ?

Robert

Prenons tout d’abord l’exemple des guerres mondiales. Elles sont souvent présentées comme de « simples » affrontements entre des blocs de grandes puissances impérialistes mais elles n’ont pas éclaté à un moment où ces grandes puissances étaient particulièrement remontées les unes contre les autres mais à un moment où la crise mondiale entraînait en perspective un surcroît menaçant de luttes de classes, justement celles entre exploiteurs et exploités. C’est vrai de la première comme de la deuxième guerre mondiale. Et même de la guerre franco-allemande de 1870, la véritable première guerre interimpérialiste européenne. Les révolutions sociales ont éclaté justa après parce qu’elles couvaient peu avant. Prenons des affrontements guerriers plus récents comme ceux de Libye ou de Syrie. C’est la révolution sociale et politique qui a déstabilisé ces pays, avant que la guerre éclate ou plus exactement avant que les pays impérialistes choisissent de détourner la lutte des classes et de la transformer en guerre. Prenons des guerres civiles intérieures comme celle de Côte d’Ivoire qui s’est ensuite transformée en intervention militaire des grandes puissances. Il faut savoir qu’avant qu’éclate la guerre civile dirigée par deux fractions des classes dirigeantes, celle de Gbagbo et celle de Oattara, la Côte d’Ivoire connaissait une recrudescence des luttes de classes que les classes dirigeantes ont réussi à détourner et transformer en affrontement entre deux camps, tous deux dirigés par la bourgeoisie. L’Algérie a connu elle aussi une guerre civile ultraviolente et celle-ci est aussi le produit de la lutte des classes. C’est l’affrontement de 1988 qui opposait les travailleurs et la jeunesse aux classes dirigeantes et à leur appareil d’Etat que les islamistes et le pouvoir militaire ont détourné en le transformant en affrontement violent entre ces deux forces bourgeoises. Sans la montée en perspective de luttes de classes, jamais les classes dirigeantes n’auraient lancé d’affrontements entre des clans bourgeois. Les peuples, qui ne font de la politique que de manière intermittente, n’ont pas conscience d’avoir affolé les classes dirigeantes quand, quelques années après elles subissent des contre-coups violents de ces classes dirigeantes. Les massacres des années 1990 en Algérie étaient la réponse des exploiteurs et de leurs gouvernants au soulèvement ouvrier et populaire de 1988, comme l’année 1994 au Rwanda était la réponse à la révolte sociale du peuple rwandais de la fin des années 1980 et du début des années 1990, ou comme les guerres et massacres de Yougoslavie était la réponse à la montée de la révolte ouvrière des années 1980. Les guerres et les massacres ont été systématiquement la manière, pour les classes dirigeantes, de détourner une lutte de classe menaçante. Ils ont transformé cent fois la révolution palestinienne en guerre, la révolution indochinoise en guerre, la révolution algérienne en guerre, la révolution européenne en guerre, la révolution syrienne en guerre, la révolution libyenne en guerre et on en passe… Actuellement, toute la politique mondiale de la classe capitaliste, qui fait face à une crise historique de son système économique incapable de dépasser le niveau actuel des investissements productifs, ne s’explique pas autrement.

Sam

Qu’est-ce qui prouve que l’avénement de Trump ne soit pas un épiphénomène et soit relié à des changements aussi profonds et même historiques du systéme capitaliste au-delà même d’une « simple » crise économique, soit le symptome d’une impasse du capitalisme.

Robert

Tout d’abord, il est evident que Trump est autre chose que l’un des aléas politiciens qu’ont connu les USA. L’extrême droite américaine n’a jamais gouverné directement et ouvertement. La volonté de développer une guerre civile intérieure n’a jamais été affichée ainsi. Certes, avec Obama, les agressions de la police contre les noirs se sont développés, l’extrême droite militante a grandi tout au long de son mandat présidentiel et de nombreux signes d’une radicalisation à droite se sont manifestés sans qu’Obama ne les combatte, ne les dénonce, ne les limite même. Notamment contre les noirs, les migrants, les femmes, les homosexuels qu’il prétendait défendre dans ses propos. Mais ce que fait Trump consiste à donner au pouvoir d’état le rôle numéro un d’action d’extrême droite dans tous ces domaines, ce qui est radicalement différent. On peut seulement remarquer que, contrairement à ce qu’ils essaient de faire croire, Obama président ou Obama ex-président ne sont nullement un soutien militant contre les militants d’extrême droite, du pouvoir ou hors du pouvoir…

Sam

Peut-on imaginer que la classe dirigeante elle-même calcule de développer une guerre civile aux USA et pourquoi le ferait-elle ?

Robert

On peut tout à fait imaginer que la classe dirigeante américaine calcule qu’une guerre civile intérieure ne pourra plus être évitée entre riches et pauvres, dès que l’effondrement économique repartira comme en 2007-2008 et que les banques centrales et Etats n’auront plus les moyens financiers alors de cantonner la catastrophe, et même une guerre civile entre exploiteurs et exploités car elle a été évité depuis de nombreuses années, notamment par le onze septembre, les guerres américaines « contre le terrorisme » couplées par la loi Patriot pour encadrer la classe ouvrière ou les militants « de gauche ». L’extrême droite, elle, n’a nullement été encadrée ou cassée dans la même période, bien au contraire.

Sam

De là à la provoquer par eux-mêmes, n’y a-t-il pas un risque social majeur comme une guerre civile ?

Robert

Dans toutes les tentatives d’extrême droite organisée par des bourgeoisies dans le passé, il y avait toujours une part importante de risques, et en particulier celui que la venue au pouvoir de l’extrême droite provoque une révolution, alors que le but était de la détourner ou de l’étouffer. Après coup, on peut se dire que l’extrême droite a toujours réussi ses coups : de l’Allemagne de 1918 à celle de 1933, de l’Espagne de 1936 à la France de 1938, etc. Mais cela est faux. Dans un premier temps, le coup d’état de l’armée espagnole du Maroc avec à sa tête notamment Franco, a mené au lancement de la révolution prolétarienne en Espagne. Mais il existe un autre contre-exemple fameux : la révolution russe elle-même puisque c’est le coup d’état contre-révolutionnaire de Kornilov qui a permis la révolution des soviets en Octobre 1917. En tout cas, le caractère calculé des choix de la classe dirigeante lorsqu’un pays bascule d’une manière ou d’une autre dans le fascisme n’est plus à démontrer, même si certains beaux esprits continuent de nous assener la « théorie du complot ». Il n’est plus à démontrer que ce n’est nullement le fanatisme des troupes nazies qui ont fabriqué le nazisme mais le choix des trusts, des banques, de l’Etat-Major et ces derniers n’étaient nullement fanatisés. La question se repose pour la classe dirigeante depuis l’effondrement historique du système économique mondial en 2007-2008 qui a été succédé par une vague des révolutions dans le monde musulman mais pas seulement. La politique américaine pour y répondre s’appelle elle-même « la contre-insurrection », c’est-à-dire de fomenter des « insurrections » contre-révolutionnaires, des armées blanches, des groupes terroristes, des milices de massacreurs, des tueurs qui éliminent les militants et les travailleurs engagés, sous prétexte de lutte contre le terrorisme ou contre les dictateurs… L’extrême droite est de plus en plus appelée par les classes dirigeantes à gouverner comme l’a clairement montré le choix de Trump à la tête des Etats-Unis. Pas étonnant que son principal conseiller de la défense soit le général d’active spécialiste de la « contre-insurrection » en Irak et en Afghanistan. Trump n’est que depuis peu au pouvoir et il a déjà démontré qu’il ne craint pas de soulever toutes les formes de guerre civile intérieure aux USA : contre les immigrés, contre les femmes, contre les homosexuels ou contre les noirs, mais aussi contre les libertés, contre les droits démocratiques (presse, manifestation, syndicats, etc.) Même si Trump a été élu, il est significatif du fait que la classe dirigeante capitaliste mondiale compte de moins en moins sur le système politique dit démocratique pour maintenir l’ordre dans le monde et de plus en plus sur des terreurs contre-insurrectionnelles et sur des dictatures terroristes quand ce n’est pas purement et simplement sur la guerre tout court, y compris la guerre mondiale qui est de plus en plus menaçante entre impérialismes occidentaux et nouveaux impérialismes (Chine, Russie, etc.).

Sam

Quel lien peut-il y avoir entre guerre mondiale et guerre civile interne ?

Robert

Tout d’abord, il est remarquable que la guerre civile commence à atteindre les métropoles des grands pays riches alors qu’auparavant elle ne touchait que des pays très pauvres dont l’Etat était particulièrement déliquescent et incapable de se défendre. L’accroissement du fossé entre profiteurs et opprimés dans les pays les plus développés est la cause fondamentale. L’exemple des USA en est particulièrement frappant. Et frappant aussi que ce soit sous l’égide du plus réformiste, en parole, des présidents, sous Obama, que ce fossé se soit ouvert plus que jamais du fait que tous les fonds publics ont été utilisés pour aider le grand capital malgré tous les beaux discours réformistes d’Obama. Ce dernier a cherché à faire croire aux opprimés que l’Etat bourgeois visait à les sauver mais la réalité a démontré exactement l’inverse et de manière cuisante pour les plus démunis. Les classes petites bourgeoises ont été également frappées. Le risque est devenu grand, du coup, d’une jonction entre classes moyennes, milieux populaires et classe ouvrière. C’est ce risque que les politiques bourgeoises, notamment celles des gouvernants, sont chargées de détourner, de dévoyer, de casser. La guerre extérieure en est un des moyens car elle permet, aussi à l’intérieur, d’imposer la dictature et de détourner les colères populaires. Le onze septembre, les « guerres anti-terroristes » qui ont suivie, la vague nationaliste aux USA et la loi Patriot, qui a cassé les droits démocratiques aux USA même, en sont une démonstration. Bien entendu, la guerre mondiale serait, bien plus encore, une mobilisation intérieure contre la lutte des classes, c’est-à-dire contre le véritable danger d’une guerre civile intérieure pour les classes dirigeantes capitalistes. La guerre est toujours synonyme de contre-révolution et pas seulement d’affrontement entre Etats ou entre classes dirigeantes de différents pays. Pas étonnant que le gouvernement de Trump apparaisse autant comme un gouvernement de généraux ! Pas plus qu’il n’est étonnant, par exemple, qu’en France les généraux piaffent d’impatience de ne pas accéder directement au pouvoir, avec ou sans élection, vu l’importance qui est accordée par les gouvernants français aux guerres extérieures et vue la relation qui est sans cesse faite par Hollande-Valls-Cazeneuve entre guerre intérieure et guerre extérieure. Les gouvernements bourgeois sont plus que jamais des conseils de guerre contre les travailleurs et les milieux populaires.

Sam

Qu’est-ce que cette situation internationale apporte comme changements pour la politique de tous ceux qui choisissent le camp des travailleurs ?

Robert

Tout d’abord, il importe de voir que le caractère de la dernière crise du capitalisme modifie complètement la perspective. Il ne s’agit plus d’attendre une alternance de récessions et de reprises économiques. L’intervention massive des Etats et des banques centrales a bloqué le mécanisme normal, habituel, de la crise capitaliste, mécanisme de respiration qui avait toujours été le moyen de réguler l’économie, de se débarrasser des canards boiteux du système, des entreprises les moins performantes et ainsi de redonner du dynamisme au système d’exploitation. Il ne s’agit plus de simples sacrifices économiques exigés par les classes dirigeantes contre les travailleurs et les milieux populaires. Non, ce que prévoient ces classes dirigeantes et leurs gouvernants, c’est le sacrifice tout court et ils ont déjà le couteau à la main, ils préparent déjà la terreur blanche et les camps de la mort… Ce qui doit y faire face, ce n’est pas des luttes syndicales ni des changements politiques fondés sur des élections, la panoplie classique du réformisme et de l’opportunisme, mais c’est la révolution sociale, avec le caractère indispensable de l’apparition d’une nouvelle intervention politique de classe du prolétariat et l’apparition de nouvelles organisations autonomes des masses prolétariennes sous formes de soviets, de conseils, d’assemblée de travailleurs, de jeunes, de femmes et de chômeurs, de tous les opprimés et exploités. L’alternative aux horreurs que les classes dirigeantes nous préparent est inévitablement prolétarienne et révolutionnaire. Elle doit viser consciemment la destruction des Etats capitalistes, la fin de la propriété privée des moyens de production à l’échelle mondiale, la transformation du prolétariat exploité en classe dirigeante prenant la tête de toutes les couches sociales opprimées et exploitées. L’ampleur de la tâche ne doit pas nous affoler : les périodes de contre-révolutions radicales sont aussi celles de révolutions radicales. Ce sont des périodes où les idées, les organisations, les situations s’inversent à grande vitesse...

Messages

  • On nous annonçait que Trump avait réussi à relancer l’économie américaine, à rentabiliser l’industrie américaine, à développer l’emploi américain, mais on apprend que Genral Motors licencie massivement !!!

    Au total, GM va supprimer en 2019 15% des emplois du groupe, en cessant la production sur sept sites : un à Oshawa au Canada, quatre aux Etats-Unis et deux en dehors de l’Amérique du Nord.

    Outre le site d’assemblage d’Oshawa, General Motors veut cesser les activités sur quatre sites aux Etats-Unis (deux dans l’Ohio, un dans le Maryland ainsi qu’un site d’assemblage à Detroit).

    Deux autres sites seront fermés en dehors d’Amérique du Nord, mais GM n’a pas encore précisé lesquels. Le groupe avait déjà annoncé précédemment la fermeture l’année prochaine de l’usine de Gunsan en Corée du Sud.

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