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La valeur du marxisme

mardi 24 décembre 2019, par Robert Paris

Du marxisme

Rosa Luxemburg

15 mars 1908

Ce n’est généralement qu’après leur mort que la valeur scientifique de la plupart des grands savants est pleinement reconnue. Le temps lui donne toute sa portée.

Mais il est encore une raison très particulière pour laquelle la théorie marxiste pénètre davantage dans les couches profondes de la société, y fait de nouveaux partisans à mesure que s’éloigne le jour où nous en avons perdu celui qu’en fut l’auteur.

La théorie marxiste n’est, en effet, que le reflex scientifique de la lutte des classes engendrées par le capitalisme, avec la fatalité d’une loi naturelle.

L’extension continue et la force croissante de cette théorie sont les conséquences de la loi, découverte par Marx, du développement capitaliste : tout pays où le capitalisme pénètre et où la lutte de classes se dessine, est un nouveau champ ouvert à l’influence marxiste.

C’est pourquoi, aujourd’hui, un quart de siècle après la mort de Marx, le tonnerre de la Révolution russe annonce qu’un nouveau vaste territoire vient d’être, grâce au Capitalisme, annexé à la pensée marxiste.

Puissance et limites du marxisme

Victor Serge

Paru dans Masses n° 3 (nouvelle série), mars 1939.

Le Marxisme a subi, depuis la publication du Manifeste Communiste en 1848, bien des transformations et bien des attaques. Il se trouve encore des critiques – et parfois bien intentionnés – pour l’affirmer périmé, réfuté, ruiné par l’histoire. L’obscure mais énergique conscience de classe des derniers défenseurs du monde capitaliste de la production voit pourtant en lui son ennemi spirituel et social le plus dangereux. Les contre-révolutions préventives d’Italie et d’Allemagne se réclament à juste titre de l’antimarxisme. Par contre, presque tous les mouvements ouvriers qui ont atteint à une certaine puissance se sont inspirés du marxisme. La C.N.T. d’Espagne fait seule exception à cette règle et l’expérience n’a que trop fait ressortir jusqu’ici la gravité de sa carence idéologique à un moment où la conscience du prolétariat était appelée à devenir l’un des facteurs décisifs d’une révolution en cours, d’une révolution peut-être avortée aujourd’hui précisément par suite de l’incapacité politique des révolutionnaires. L’actif historique du marxisme n’est pas contestable. Les partis marxistes de la IIe Internationale ont rassemblé, organisé, amené à une dignité nouvelle, formé aux mœurs démocratiques la classe ouvrière d’avant-guerre. Ils se sont révélés en 1914 prisonniers du capitalisme qu’ils combattaient tout en s’y adaptant (ils s’y adaptaient davantage en réalité qu’ils ne le combattaient) ; mais c’est un parti marxiste qui sut démêler dans la chaotique tourmente de la révolution russe, les principales lignes de forces, s’y intégrer avec le constant souci de l’intérêt supérieur des travailleurs, se faire au sens le plus réaliste du mot l’accoucheur d’un monde nouveau. Tout le poids des luttes sociales de l’après-guerre fut assumé par des marxistes, spartakistes en Allemagne, Tiessniaki en Bulgarie, communistes partout. Plus tard, au moment de son plus bel essor, la révolution chinoise subit fortement l’influence du marxisme révolutionnaire des Russes – déjà très déformé du reste par la réaction qui monte en U.R.S.S. Le marxisme allemand, sous ses deux formes, social-démocrate et communiste, s’est révélé incapable de résistance virile en présence de l’offensive nazie. C’est sans doute là, notons-le en passant, avec la dégénérescence du bolchevisme la plus grande défaite que le marxisme ait subie. Il s’en relève pourtant à l’échelle internationale. Pendant que des oppositions irréductibles se font persécuter et exterminer par le stalinisme, les socialistes autrichiens livrent un combat désespéré mais héroïque et qui les sauve de la démoralisation ; les mineurs socialistes des Asturies portent en 34 au fascisme espagnol ce qu’on peut appeler le « coup d’arrêt ».

Il serait ridicule de séparer la pensée marxiste de ces réalités sociales. Le marxisme est bien plus qu’une doctrine scientifique un fait historique qu’il convient, pour l’apprécier, d’embrasser dans toute son ampleur. On s’aperçoit alors que depuis la naissance, l’avènement et la corruption du christianisme, il n’y a pas eu dans la vie de l’humanité d’événement plus considérable.

II

Ce fait déborde de toute évidence le domaine de la lutte des classes et s’incorpore à la conscience de l’homme moderne – quelle que soit, du reste, l’attitude de cet homme à l’égard du marxisme. Il est très secondaire de se demander si la théorie de la valeur ou de la plus-value, ou celle de l’accumulation du capital, demeure intégralement vraie… Question vaine, au fond, et même entachée de puérilité. La science n’est jamais faite, elle se fait toujours. La science pourrait-elle être autre chose que révision constante d’elle-même, recherche incessante d’une approximation plus grande de la vérité ? Pourrait-elle se passer de l’hypothèse et de l’erreur – de l’erreur de demain qu’est la vérité (l’approximation la plus grande de la vérité) d’hier ? Secondaire aussi de constater que certaines prévisions de Marx et d’Engels n’ont pas été confirmées par l’histoire et que par contre bien des faits se sont produits qu’ils n’avaient pas prévus…

Marx et Engels furent trop grands – trop intelligents – pour se croire infaillibles et prétendre au prophétisme. Il est vrai – mais il n’importe – que leurs continuateurs n’ont pas toujours été à la hauteur de leur sagesse. Ce qui reste, c’est que le marxisme a modifié le mode de penser de l’homme de ce temps. Nous lui devons un renouvellement et un accroissement de conscience. Sur quels points ? Nul ne conteste sérieusement, depuis Marx, le rôle de l’économique dans l’histoire. Les rapports entre l’économique, le psychologique, le social, le moral apparaissent aujourd’hui, même aux adversaires du marxisme, sous des aspects tout à fait différents de ceux qu’on leur prêtait avant Marx. Il en est de même du rôle de l’individu dans l’histoire ; du rapport de l’individu avec les masses et la collectivité. Le marxisme enfin nous apporte un sens que j’appellerai le sens historique : il nous fait prendre conscience de vivre dans un univers en voie de transformation, nous éclaire sur notre fonction possible – et nos limites – dans cette lutte et cette création continues, nous apprend à nous intégrer, avec toute notre volonté, toutes nos capacités, à l’accomplissement de processus nécessaires, inévitables ou souhaitables, selon le cas. Et c’est ainsi qu’il nous permet de conférer à nos existences isolées une haute signification en les ramenant, par une prise de conscience qui exalte et enrichit la vie spirituelle, à la vie collective, innombrable et permanente dont l’histoire n’est que le récit.

Cette prise de conscience commande l’action et dès lors l’unité de l’acte et de la pensée. Voici l’homme réconcilié avec lui-même, quel que soit le poids de son destin. Il ne se sent plus le jouet des forces aveugles et démesurées. Il ouvre les yeux sur les pires tragédies et même au plus noir des défaites se sent grandi par sa capacité de comprendre, sa volonté d’agir et de résister, le sentiment indestructible d’être lié dans toutes ses aspirations aux masses humaines en marche à travers le temps.

III

On ne peut plus méconnaître le rôle de l’économique dans l’histoire que la sphéricité de la Terre… Et ceux-là mêmes qui le discutent ne le méconnaissent point. Je voudrais souligner ici un fait important auquel on n’a pas jusqu’ici porté attention suffisante. Les adversaires de la classe ouvrière se sont largement assimilé l’apport du marxisme. Les gouvernements, les chefs de l’industrie et de la finance, les meneurs de foules font quelquefois brûler les œuvres de Marx et jeter les marxistes en prison ; mais traitant de la réalité sociale, ils rendraient des points aux économistes et aux politiques marxistes. Et si les universitaires qu’ils rétribuent réfutent la théorie de la plus-value, ils n’en mettent pas moins la plus grande énergie et la plus grande dureté à défendre la part prélevée par les classes riches sur le revenu de la collectivité. Le marxisme inavoué des ennemis du socialisme est peut-être en train de devenir un des plus redoutables moyens de défense des classes privilégiées.

IV

Le marxisme subit, dans sa propre histoire, les conditions de développement qu’il analyse. Il ne saurait les surmonter que dans une faible mesure, toute prise de conscience étant effet avant de devenir cause et demeurant liée (soumise) à des conditions matérielles (sociales) préexistante. _ « L’existence sociale détermine (préexiste à) la conscience. »

Le marxisme de l’apogée du capitalisme a été conformiste dans son ensemble. Fort peu de ses tenants, une Rosa Luxembourg, un Lénine, un Trotsky, un Hermann Gorter, entrevirent dans le temps présent des horizons plus vastes que ceux de la prospérité capitaliste. Ou ce ne fut que d’une hauteur philosophique détachée de l’action immédiate. Ou par des réminiscences du vieil utopisme chrétien (qui fut hébreu – dans notre civilisation – avant d’être chrétien : relisez prophètes).

Le marxisme de l’époque impérialiste s’est scindé. National et contre-révolutionnaire dans les pays où il avait été réformiste ; révolutionnaire et internationaliste en Russie, dans le seul pays où l’effondrement d’un ancien régime obligea le prolétariat à remplir pleinement sa mission.

Le marxisme de la révolution russe a été d’abord ardemment internationaliste et libertaire (la doctrine de l’Etat-Commune, le fédéralisme soviétique) ; puis il est devenu, de bonne heure, de par l’état de siège, de plus en plus autoritaire et intolérant.

Le marxisme de la décadence du bolchevisme – c’est-à-dire celui de la bureaucratie qui a évincé du pouvoir la classe ouvrière – est totalitaire, despotique, amoral et opportuniste. I1 aboutit aux plus curieuses et aux plus révoltantes négations de lui-même.

Qu’est-ce à dire sinon que la conscience sociale sous ses formes les plus élevées ne s’évade pas des réalités qu’elle exprime, qu’elle éclaire et qu’elle tend à surmonter ?

V

Telle est la vérité du marxisme qu’elle se nourrit de ses propres défaites. Sans doute conviendrait-il de discriminer ici entre la méthode sociologique, scientifique à proprement parler, et les déductions, les applications qu’on en fait dans l’action. (Inséparables, en réalité, et ce n’est pas le cas de la seule sociologie marxiste, mais de toutes les disciplines de connaissance liées à l’activité humaine d’une façon immédiate.) Il ne nous appartient ni de forcer les événements ni de les diriger, ni même de les prévoir, encore que nous fassions sans cesse tout cela avec des succès divers ; notre action, étant créatrice, s’aventure forcément dans l’incertain ; et ce que nous ignorons l’emportant de coutume sur ce que nous savons, nos succès sont des réussites assez étonnantes. Il suffirait à l’action marxiste d’enregistrer le prodigieux succès du parti bolchevik en 1917 (Lénine – Trotski), les prédictions d’Engels sur la grande guerre de l’avenir et ses conséquences, quelques lignes de la motion du Congrès international de Bâle (1913) pour être justifiée comme l’action la plus rigoureusement scientifiquement pensée de ce temps. Mais jusque au plus profond de la défaite, il en est de même. Veut-on comprendre les défaites du socialisme ? On ne le peut que par l’analyse marxiste de l’histoire. Le marxisme s’est révélé impuissant en Allemagne devant la contre-révolution nazie ; mais seul il nous rend compte de cette victoire d’un parti de déclassés payé et soutenu, pendant une crise économique sans issue, par les dirigeants de la haute bourgeoisie. Cette passe complexe de la lutte des classes, préparée par l’humiliation nationale de Versailles et par les massacres de prolétaires révolutionnaires (Noske, 1918-l921) nous est rendue pleinement intelligible par la seule pensée scientifique de la classe vaincue. Et c’est une des raisons qui rend cette pensée si redoutable aux vainqueurs.

Il en est de même de l’effroyable dégénérescence de la dictature du prolétariat en U.R.S.S. Là encore, le supplice des vieux révolutionnaires exterminés par le régime qu’ils ont créé n’est qu’un fait de lutte de classes ; le prolétariat évincé du pouvoir par la caste des parvenus installée dans le nouvel Etat ne peut se rendre compte des raisons profondes de sa défaite et s’orienter vers les luttes de demain que par les moyens d’analyse marxiste.

VI

Le marxisme du temps de la prospérité capitaliste a naturellement manqué d’esprit révolutionnaire, il n’a osé ni concevoir ni vouloir la fin de la société où il vivait. Manquant de cette audace il s’est renié lorsqu’elle est devenue nécessaire, car il est des heures où vivre c’est oser.

Le marxisme de la première grande crise révolutionnaire du monde contemporain, principalement représenté par les Russes, c’est-à-dire par des hommes formés à l’école du despotisme a fait preuve d’un autre manque d’audace tout aussi funeste : il n’a pas osé se montrer libertaire. Ou plutôt, il l’a fait en paroles et pendant peu de temps, pendant la courte période de démocratie soviétique qui va d’octobre 1917 à l’été 1918. Puis, il s’est ressaisi et résolument engagé dans la voie du vieil étatisme autoritaire et bientôt totalitaire. Il a manqué d’esprit de liberté.

Il est facile d’expliquer – et même de justifier – par des périls mortels, la politique de salut public magnifiquement énergique de Lénine, de Trotski, de Dzerjinski – cette évolution du marxisme bolchevik. Facile et juste de reconnaître qu’elle a d’abord assuré la victoire des travailleurs et une victoire acquise au milieu de difficultés réellement inouïes. Il convient de reconnaître qu’elle a ensuite entraîné la défaite des travailleurs par la bureaucratie. Les chefs du bolchevisme des grandes années n’ont manqué ni de savoir, ni d’intelligence, ni d’énergie ; ils ont manqué d’audace révolutionnaire toutes les fois qu’il eût fallu chercher (après 1918) des solutions dans la liberté des masses et non dans la contrainte gouvernementale. Ils ont systématiquement bâti non l’Etat-Commune libertaire qu’ils avaient annoncé, mais un Etat fort au sens vieux du mot, fort de sa police, de sa censure, de ses monopoles, de ses bureaux tout-puissants. Le contraste est saisissant, à cet égard, entre le programme du bolchevisme de 1917 et l’œuvre étatique du bolchevisme à partir de 1919.

Après la victoire dans la guerre civile, la solution socialiste des problèmes de la nouvelle organisation sociale eût dû être recherchée dans la démocratie ouvrière, l’émulation des initiatives, la liberté d’opinion, la liberté des groupements ouvriers – et non, comme elle le fut dans le monopole du pouvoir, la répression des hérésies, le « monolithisme » du parti unique, l’étroite orthodoxie d’une pensée gouvernementale. L’autorité et la pensée d’un seul parti devaient faire prévoir l’autorité et la pensée d’un seul chef. Cette extrême concentration du pouvoir, cette horreur de la liberté et de la variété idéologique, cette accoutumance à l’autorité absolue désarmèrent les masses et entraînèrent l’affermissement de la bureaucratie. Quand Lénine et Trotski s’aperçurent du danger et voulurent réagir (timidement d’abord : la plus grande hardiesse de l’opposition de gauche du parti bolchevik fut de réclamer le retour à la démocratie intérieure du parti et jamais elle n’osa contester la théorie du parti unique), il était trop tard.

VII

La peur de la liberté, qui est peur des masses, marque presque tout le développement de la révolution russe. S’il s’en dégage un enseignement capital susceptible de vivifier et d’assainir le marxisme, aujourd’hui plus menacé que jamais par la fin du bolchevisme, on le peut formuler en ces termes : le socialisme est démocratique en son essence, le mot démocratique devant être pris ici en son sens libertaire. On voit aujourd’hui en U.R.S.S. que sans liberté d’opinion, de parole, de critique, d’initiative, la production socialiste ne peut qu’aller de crises en crises. La liberté est aussi nécessaire au socialisme, l’esprit de liberté est aussi nécessaire au marxisme que l’oxygène aux êtres vivants.

Précisément à la suite de son éclatante victoire spirituelle et politique dans la révolution russe, le marxisme est aujourd’hui menacé d’un immense discrédit et, dans le mouvement ouvrier, d’une démoralisation sans nom. Il serait vain de se le dissimuler. On a vu, au pays de la victoire socialiste, le parti marxiste jouissant du prestige le plus grand, le plus légitime, subir en quinze années une dégénérescence déconcertante ; en arriver à déshonorer et massacrer ses héros de naguère ; tirer de leur dévouement même, pour des impostures judiciaires fondées sur des faux éclatants, des effets plus sinistres encore que déroutants. On a vu la dictature du prolétariat se transformer presque insensiblement en une dictature de fonctionnaires et de policiers sur le prolétariat ; la classe ouvrière, encore enthousiasmée par ses récentes conquêtes, vouée à une condition morale et matérielle sensiblement inférieure à celle qu’elle avait sous l’ancien régime ; les paysans dépossédés et déportés par millions, l’agriculture ruinée par la collectivisation forcée ; la science, la littérature, la pensée littéralement enchaînées ; le marxisme réduit à des formules fréquemment remaniées, vidées de leur contenu vivant, falsifiées, grossièrement adaptées aux intérêts d’un régime antisocialiste par ses mœurs, ses manifestations, les formes nouvelles de l’exploitation du travail qu’il institue sur les bases de la propriété collective des moyens de production. On a vu, on voit enfin l’indescriptible spectacle de la Terreur noire, établie en permanence dans l’U.R.S.S. ; on a vu, on voit le culte du Chef, la corruption des intellectuels et des organisations ouvrières de l’étranger, le mensonge systématique répandu par une presse à grand tirage dite « communiste », la police secrète de Moscou assassinant ou ravissant jusqu’en Espagne, jusqu’en Suisse, ses adversaires ; on a vu cette gangrène se communiquer à l’Espagne en révolution pour y compromettre peut-être irrémédiablement (à ce moment de l’histoire) le sort des classes laborieuses… Et ce n’est pas fini. Toutes les valeurs qui font la grandeur du socialisme sont dès lors compromises, oblitérées, souillées. Une division mortelle, entre aveuglés et clairvoyants, fourbes et honnêtes s’approfondit dans la classe ouvrière, provoquant déjà des luttes fratricides, rendant en tout cas (momentanément) impossible tout progrès spirituel : car il n’est plus question d’aborder avec bonne foi et courage intellectuel une seule question théorique ou pratique ressortissant du marxisme. La catastrophe sociale de l’U.R.S.S. atteint ainsi dans sa croissance, dans sa vitalité, la conscience de l’homme moderne.

J’écrivais à André Gide, en mai 1936, avant qu’il ne partît pour la Russie : « Nous faisons front contre le fascisme. Comment lui barrer la route avec tant de camps de concentration derrière nous ? Le devoir n’est plus simple, vous le voyez. Il n’appartient plus à personne de le simplifier. Nul conformisme nouveau, nul mensonge sacré ne saurait empêcher le suintement de cette plaie… En un sens seulement, l’U.R.S.S. demeure la plus grande espérance des hommes de notre temps : c’est que le prolétariat soviétique n’a pas dit son dernier mot ».

Toute lutte sociale est aussi une émulation. Pour que le socialisme l’emporte sur le fascisme, il faut qu’il lui soit nettement supérieur par la condition qu’il apporte à l’homme.

VIII

Est-il besoin de souligner une fois de plus que le marxisme obscurci, falsifié et ensanglanté des fusilleurs de Moscou, n’est plus du marxisme ? . Qu’il se ruine, se dément, se réfute, se démasque, se paralyse lui-même ? . Les masses, par malheur, mettront du temps à s’en apercevoir. Elles ne vivent pas sur une pensée claire et rationnelle, mais sur des sentiments que l’expérience modifie lentement par voie de réactions… Comme tout cela se passe sous les enseignes usurpées du marxisme, il faut nous attendre, de la part des masses incapables d’appliquer à cette tragédie l’analyse marxiste, à une réaction contre le marxisme. Nos ennemis ont beau jeu.

La pensée scientifique ne pourra cependant pas rétrograder en-deçà du marxisme ; ni la classe ouvrière se passer de cette arme intellectuelle. Au demeurant, la classe ouvrière d’Europe achève en ce moment de récupérer ses forces amoindries par les saignées de la guerre mondiale. Une nouvelle classe ouvrière se reconstitue en U.R.S.S. sur une base industrielle considérablement élargie. La lutte des classes continue ; on entend distinctement craquer, en dépit des replâtrages totalitaires, la charpente du vieil édifice social. Le marxisme connaîtra encore bien des fortunes diverses ; peut-être même des éclipses. Sa puissance, conditionnée par les circonstances historiques n’en apparaît pas moins indéfectible en définitive puisqu’elle est celle du savoir alliée à la nécessité révolutionnaire.

Victor SERGE.

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