Accueil > 11- Livre Onze : FEMMES - CONTRE L’OPPRESSION > Le raid anti-esclavagiste de Tubman en 1863 en Caroline du Sud

Le raid anti-esclavagiste de Tubman en 1863 en Caroline du Sud

jeudi 27 janvier 2022, par Robert Paris

Le raid anti-esclavagiste de Tubman en 1863 en Caroline du Sud

L’Etat capitaliste américain, sous Biden (contrairement à Trump) , prétend qu’il va reconnaitre et honorer l’héroïsme anti-esclavagiste d’Harriet Tubman (des bandits impérialistes vont honorer une combattante de la liberté !), mais sa mémoire n’en a nul besoin. Il lui suffit de la mémoire de ses frères et sœurs, les opprimés du monde !

Le 2 juin 1863, Harriet Tubman, la célèbre « chef d’orchestre » du chemin de fer clandestin, une femme a mené un raid contre la Confédération en Caroline du Sud, qui a libéré 750 Noirs asservis et détruit les infrastructures confédérées. C’était la première fois qu’une femme menait un assaut militaire pendant la guerre civile. Mais comment ce raid a-t-il eu lieu ? Et que nous montre-t-il aujourd’hui ?

Harriet Tubman est née en mars 1822 dans l’esclavage dans le Maryland. Comme d’autres Noirs asservis, Tubman a été contraint de travailler brutalement de longues heures dès son plus jeune âge. En 1849, elle a échappé à l’esclavage par le chemin de fer clandestin - un réseau de Noirs libres et asservis et d’abolitionnistes blancs qui ont aidé les esclaves à s’échapper vers le Nord où l’esclavage était illégal. Mais Tubman ne pouvait pas profiter de sa liberté sachant que tant de Noirs, y compris sa propre famille, étaient toujours réduits en esclavage dans des conditions horribles dans le Sud.

Tubman est devenu un « chef d’orchestre » sur le chemin de fer clandestin, voyageant dans des États esclavagistes et conduisant les gens le long du chemin de fer clandestin vers le nord et vers la liberté. Elle a fait plus d’une douzaine d’expéditions audacieuses et a libéré au moins 70 personnes asservies dans le Sud. Elle a été surnommée Moïse parce qu’elle a conduit tant de gens vers la « terre promise » de la liberté.

Lorsque la guerre civile éclata en 1861, Tubman rejoignit l’armée de l’Union ; elle savait qu’une victoire pour le Nord pourrait mettre fin à l’esclavage. Elle est devenue infirmière à Port Royal en Caroline du Sud, qui a été capturée par l’Union très tôt dans la guerre civile. Là, elle s’est occupée des soldats et des Noirs du Sud fuyant leur asservissement.

Au début de 1863, Tubman reçut l’ordre de former un réseau d’espionnage dans la région. Elle et son réseau ont repéré les plantations locales où se trouvaient les défenses confédérées et ont collecté des informations sur la nature du terrain. Dans la nuit du 1er juin, elle et un régiment de troupes noires montent à bord de canonnières sur la rivière Combahee et pénètrent profondément dans le territoire confédéré. Tubman a dirigé les navires afin qu’ils ne touchent aucune torpille ou mine plantée sous l’eau par la Confédération. Une fois à terre en toute sécurité, les soldats de l’Union ont commencé à brûler des plantations, des entrepôts et d’autres installations militaires confédérées. Tubman elle-même a dirigé 150 soldats qui ont escorté des Noirs réduits en esclavage des plantations environnantes pour s’échapper vers les canonnières. Plus de 750 personnes ont été libérées à cause du raid.

Sa vie montre quelque chose qui est absent des manuels d’histoire américains : la guerre de Sécession a été gagnée par le Nord grâce aux efforts des Noirs pour se libérer. 200 000 Noirs ont servi dans l’armée de l’Union pendant la guerre civile, ce qui représente 10 % de l’armée de l’Union pendant la guerre. Pendant ce temps, un demi-million de Noirs réduits en esclavage ont fui le Sud pour l’armée de l’Union pendant la guerre, paralysant la main-d’œuvre de la Confédération. Après la guerre civile, des Noirs libres dans le Sud, s’armant de fusils et soutenus par la puissance de l’armée de l’Union, ont dirigé le processus de reconstruction. Au cours de l’ère de la reconstruction, les Noirs ont été élus pour la première fois dans tout l’État, ont établi un enseignement public gratuit et ont possédé des terres pour la première fois.

C’est à cause de leur propre lutte militante que les Noirs ont gagné la liberté – pas parce que Lincoln leur a donné la liberté. Aujourd’hui, lorsque nous sommes confrontés à une société capitaliste qui prospère grâce au racisme, où les Noirs sont soumis à des violences policières régulières et souffrent de taux de pauvreté et de chômage beaucoup plus élevés, nous devons nous rappeler la leçon que nous montre le raid d’Harriet Tubman : c’est notre propre luttes qui peuvent gagner la liberté.

Harriet Tubman est née Araminta « Minty » Ross de parents esclaves, Harriet (« Rit ») Green et Ben Ross. Rit appartenait à Mary Pattison Brodess (et plus tard à son fils Edward) tandis que Ben était la propriété du second mari de Mary, Anthony Thompson, qui dirigeait une grande plantation à proximité de la rivière Blackwater à Madison dans le Maryland.
Comme pour beaucoup d’esclaves aux États-Unis, ni l’année exacte, ni le lieu de sa naissance n’ont été enregistrés et les estimations des historiens divergent, s’échelonnant de 1820 à 1825. Kate Larson, une historienne, avance l’année 1822, en s’appuyant sur un paiement de sage-femme et plusieurs autres documents historiques tandis que Jean Humez affirme que « les meilleures données actuelles suggèrent que Tubman est née en 1820 mais cela a pu être un an ou deux plus tard. ». Une seconde historienne, Catherine Clinton, note que Tubman estimait l’année de sa naissance à 1825, tandis que son certificat de décès indique 1815 et sa tombe 1820.

Modesty, la grand-mère maternelle de Tubman, arriva aux États-Unis sur un navire négrier en provenance d’Afrique ; aucune information n’est disponible sur ses autres ancêtres. Lorsqu’elle était enfant, on raconta à Tubman qu’elle était d’une lignée Ashanti (ce qui fixerait l’origine géographique de sa famille à l’actuel Ghana) mais aucun élément n’existe pour confirmer ou infirmer cette affirmation.

Sa mère Rit était cuisinière pour la famille Brodess. Son père Ben supervisait le travail du bois sur la plantation. Ils se marièrent vers 1808 et selon les dossiers de la cour, ils eurent neuf enfants ensemble : Linah, né en 1808, Mariah Ritty en 1811, Soph en 1813, Robert en 1816, Minty (Harriet) vers 1820, Ben en 1823, Rachel en 1825, Henry en 1830 et Moïse en 1832.
Le système esclavagiste séparait fréquemment les familles, en éloignant les parents de leurs enfants, vendus à d’autres propriétaires qui résidaient parfois à de grandes distances. La famille Tubman n’échappa pas à la règle. Edward Brodess vendit trois des sœurs d’Harriet (Linah, Mariah Ritty, et Soph), les séparant du reste de leur famille pour toujours. Quand un commerçant de Géorgie approcha Brodess pour acheter son plus jeune fils Moïse, Rit le cacha pendant un mois, aidée par d’autres esclaves et des Noirs libres de la communauté. Elle fit même face à son propriétaire quand celui-ci, accompagné de « l’homme de Géorgie », vint saisir l’enfant. Elle menaça d’ouvrir la tête au premier homme qui franchirait le seuil de sa maison. Brodess recula et abandonna la vente. Plusieurs biographes s’accordent à penser que l’importance de cet épisode dans le roman familial nourrit sans doute la croyance de Tubman dans les possibilités de résistance.

La mère d’Harriet travaillait dans la « grande maison » des maîtres et avait peu de temps à consacrer à sa propre famille. Tubman prit donc très tôt soin de ses jeunes frères et sœurs.

À l’âge de cinq ou six ans, elle fut louée à une femme nommée « Miss Susan » chez laquelle elle fut quotidiennement victime de mauvais traitements. Sa mission consistait à veiller sur un bébé pendant son sommeil ; lorsqu’il s’éveillait en pleurant, elle était fouettée, ce qui se produisit un jour cinq fois avant le petit déjeuner. Un autre jour, menacée pour avoir volé un morceau de sucre, Tubman se cacha dans la porcherie d’un voisin pendant cinq jours, se battant contre les animaux pour les restes de nourriture. Affamée, elle dut retourner chez Miss Susan où elle fut sévèrement frappée. Elle porta les cicatrices de ces sévices pour le reste de sa vie.

Pour se protéger de ces abus, elle s’enveloppait dans plusieurs couches de vêtements. Une autre fois, elle mordit le genou d’un homme blanc qui lui infligeait une correction, ce qui le tint par la suite à distance.

Elle endura des années de traitements inhumains de la part d’autres maîtres. Alors qu’elle était adolescente, elle fut envoyée dans une mercerie pour acheter des fournitures. Elle y trouva un contremaître furieux, à la poursuite d’un esclave qui avait quitté les champs sans permission. Il exigea que Tubman l’aide à retenir le jeune homme, ce qu’elle se refusa à faire. L’esclave étant sur le point de s’enfuir, le surveillant lui jeta un poids de deux livres posé sur le comptoir du magasin. Il manqua sa cible et le poids frappa violemment Tubman à la tête. Elle expliqua plus tard qu’elle pensait que ses cheveux - qui n’avaient jamais été peignés et se dressaient de manière anarchique sur sa tête – avaient pu amortir le choc et lui sauver la vie. Elle fut renvoyée dans la maison de son propriétaire en sang et inconsciente et placée sur le siège d’un métier à tisser où elle resta sans soins médicaux pendant deux jours. Elle fut immédiatement renvoyée dans les champs alors que le sang et la sueur continuaient de couler sur son visage, l’empêchant de travailler. L’homme qui la louait déclara qu’elle « ne valait pas un sou » et la renvoya à Brodess, qui essaya en vain de la vendre.

Peu après, elle commença à avoir des convulsions et à s’évanouir soudainement, même si elle affirmait à son entourage qu’elle restait consciente. Ces crises, qui pourraient avoir été des crises d’épilepsie temporale, perdurèrent toute sa vie.

Cette grave blessure à la tête survint à un moment de sa vie où Tubman développa une foi passionnée en Dieu. Comme nombre d’esclaves à cette époque, elle rejetait l’interprétation des Saintes Écritures traditionnellement utilisée par les esclavagistes pour exhorter les esclaves à être obéissants. Elle puisait son inspiration dans les récits de l’Ancien Testament évoquant une libération, comme celui de Moïse guidant les Juifs hors d’Égypte. Après son traumatisme crânien, elle commença à avoir des visions et des rêves qu’elle interprétait comme des signes divins. Cette perspective religieuse la guida tout au long de sa vie.

Quand elle fut une jeune adulte, elle prit le prénom de Harriet, probablement en l’honneur de sa mère. Aux alentours de 1844 elle épousa John Tubman, un homme libre.

En 1849, Tubman tomba malade et sa valeur marchande diminua en conséquence. Edward Brodess essayait de la vendre, sans parvenir à trouver un acheteur. Tubman commença à prier pour que son propriétaire change d’avis au sujet de sa vente. « Je priais chaque nuit pour mon maître, jusqu’au premier mars ; et durant toute cette période, il continua d’amener des acheteurs pour me jauger et tenter de me vendre ». Quand il apparut inéluctable que la vente finirait par avoir lieu, elle changea la nature de sa demande. « Le premier mars, je commençai à prier : Mon Dieu, si vous ne comptez pas changer le cœur de cet homme, tuez-le, et ôtez-le de mon chemin ».

Une semaine plus tard, au début du mois de mars 1849, Brodess mourut, laissant derrière lui une femme, Eliza, et huit enfants. Tubman se repentit alors de sa dernière demande4. Mais la mort de Brodess n’écarta pas le risque que Tubman soit prochainement vendue et sa famille séparée, car pour payer les dettes de son mari et éviter la saisie de sa ferme, Eliza décida de vendre une partie des esclaves de la famille.

Craignant d’être revendue, Harriet prit sa propre émancipation en mains. Accompagnée de ses frères Ben et Henry Ross, elle s’échappa une première fois le 17 septembre 1849, laissant derrière elle son mari, un homme libre, qui ne voulait pas la suivre. Tubman avait été louée au docteur Anthony Thompson, qui possédait une très grande plantation appelée Poplar Neck dans le voisinage de Caroline County. Les esclaves ayant été prêtés, Eliza Brodess ne s’aperçut sans doute pas immédiatement de leur disparition. Deux semaines plus tard, elle fit cependant publier un avis de recherche dans le journal local, le Democrat de Cambridge, offrant une récompense de cent dollars pour chaque esclave retourné. Une fois échappés, les frères Ross furent cependant pris de remords. Ben avait dû laisser son tout jeune fils derrière lui. Effrayés par les dangers d’une vie de fugitif, les deux hommes rebroussèrent chemin, obligeant Harriet à rentrer avec eux.

Peu après, celle-ci s’échappa à nouveau, cette fois sans ses deux frères. Elle fut assistée dans sa fuite par des sympathisants quakers et d’autres membres du mouvement abolitionniste, Noirs comme Blancs, qui avaient organisé un vaste réseau d’évasion connu sous le nom de Chemin de fer clandestin (Underground Railroad en anglais). On sait peu de choses sur les circonstances exactes de son départ ; il était en effet nécessaire qu’elle conservât secrète une route qui a continué à être utilisée par d’autres fugitifs après elle.

La zone de Preston, proche de Poplar Neck dans le comté de Caroline (Maryland) était le siège d’une importante communauté quaker, et fut probablement la première étape, sinon le point de départ, de la fuite de Tubman. De là, elle prit sans doute le chemin, long de près de 145 kilomètres, emprunté par la majorité des esclaves fugitifs : en direction du nord-est par la rivière Choptank, à travers le Delaware et ensuite vers le nord jusqu’à Philadelphie. Ce dangereux périple nécessitait de se déplacer de nuit, en évitant la surveillance des « chasseurs d’esclaves », avides des récompenses procurées par la capture des fugitifs. Le « conducteur » du chemin de fer clandestin utilisa un certain nombre d’astuces pour la cacher. Lors de l’un de ses premiers arrêts, la femme qui l’accueillit lui fit balayer la cour pour donner l’impression qu’elle travaillait pour sa famille. Quand la nuit tomba, on la cacha dans une charrette pour l’emmener à la prochaine étape.

Elle pénétra finalement en Pennsylvanie avec un sentiment mêlé d’émerveillement et de terreur, décrivant plus tard ses sensations dans les termes d’une expérience religieuse : « Quand je découvris que j’avais franchi cette ligne, je regardai mes mains pour voir si j’étais la même personne. Il y avait une telle gloire sur tout : le soleil est apparu comme l’or à travers les arbres et sur les champs, et je me sentais comme si j’étais au Paradis. ».

Elle effectua de nombreux allers et retours au Maryland pour aider d’autres esclaves à s’échapper, ce qui lui valut le surnom de « Moïse ». Sa carrière de passeuse de fugitifs commença par la libération de membres de sa famille.

Immédiatement après avoir atteint la ville de Philadelphie, elle pensa en effet à sa famille : « J’étais une étrangère dans un monde étrange […] Mon père, ma mère, mes frères et sœurs et amis étaient [au Maryland]. Mais j’étais libre, et ils devaient être libres eux aussi ». Elle trouva des petits boulots et commença à économiser de l’argent. Dans l’année qui suivit, le Congrès américain adopta le Fugitive Slave Act de 1850, qui contraignit tous les États, même ceux qui avaient interdit l’esclavage, à collaborer à la capture des esclaves fugitifs et à infliger de lourdes peines aux complices d’évasion. La loi augmenta les risques pour les esclaves en fuite, dont beaucoup poussèrent jusqu’au Canada. Dans le même temps, l’expansion de Philadelphie attisait les tensions raciales.

En décembre, Tubman reçut depuis Cambridge une nouvelle l’alertant de la vente prochaine de sa nièce Kessiah et de ses deux enfants, James Alfred, âgé de six ans, et Araminta, encore bébé. Horrifiée à l’idée de voir sa famille encore plus brisée qu’elle ne l’était déjà, Tubman fit quelque chose que très peu d’esclaves avaient fait avant elle : elle retourna volontairement sur la terre de son asservissement. Elle prit le chemin de Baltimore où son beau-frère, Tom Tubman, la cacha jusqu’au moment de la vente. Le mari de Kessiah, un homme noir libre nommé John Bowley, se rendit à la vente de sa femme où il fit en sorte de remporter l’enchère. Tandis qu’il feignait de prendre ses dispositions pour payer, Kessiah et ses enfants s’enfuirent dans une cache située à proximité. Quand la nuit tomba, Bowley convoya sa famille sur un canot jusqu’à Baltimore, à cent kilomètres de là. Ils furent pris en charge par Tubman qui conduisit la famille à Philadelphie.

À l’automne 1851, Tubman retourna dans le comté de Dorchester pour la première fois depuis son évasion, cette fois pour retrouver son mari John. Avec l’argent épargné sur ses maigres salaires, elle lui acheta un costume et fit route vers le sud. John, cependant, refusa de la suivre, se déclarant heureux de son sort ; il avait épousé une autre femme du nom de Caroline. Tubman maîtrisa sa colère et profita de son voyage pour exciter les velléités de fuite de quelques esclaves qu’elle mena jusqu’à Philadelphie. Elle réussit par la suite à ramener en sûreté ses quatre frères, Ben, Robert, Henry, et Moïse, mais échoua à sauver sa sœur adorée, Rachel, ainsi que les deux enfants de celle-ci, Ben et Angerine. Rachel mourut en 1859 avant qu’Harriet ne puisse la secourir.

Tubman conduisit également des esclaves vers le Canada, désormais le seul endroit sûr d’Amérique du Nord pour les esclaves en fuite. En décembre 1851, elle guida un groupe non identifié de onze fugitifs vers le nord. Des indices suggèrent que Tubman et son groupe ont pu s’être arrêtés au domicile de l’abolitionniste et ancien esclave Frederick Douglass. Dans la troisième version de son autobiographie, Douglass écrit : « Une fois, j’eus onze fugitifs à la fois sous mon toit, et il était nécessaire pour eux de rester avec moi jusqu’à ce que j’aie pu recueillir suffisamment d’argent pour les conduire au Canada. Ce fut le plus grand nombre que j’aie jamais abrité et j’eus quelques difficultés à fournir la nourriture et un toit à tant de monde ». La date et le nombre de voyageurs coïncident avec les données fournies par Tubman.

Selon ses propres estimations, et celles de ses proches collaborateurs, en treize expéditions elle a personnellement guidé environ soixante-dix esclaves vers la liberté. Elle ne fut jamais capturée et, selon ses propres mots, « jamais ne perdit un passager ». Elle fournit aussi des instructions détaillées à beaucoup d’autres, qui voulaient s’échapper par eux-mêmes.

Sa propriétaire, Eliza Brodess, promit une prime de cent dollars pour sa capture, mais nul ne sut jamais que c’était Harriet Tubman qui était responsable d’autant de fuites d’esclaves de son ancien voisinage au Maryland. Des années après la Guerre de Sécession, on rapporta qu’une prime de quarante-mille dollars avait été offerte pour sa capture ; mais cela ne fut qu’un mythe créé pour dramatiser à l’excès son action, dans le cadre de l’après-guerre.

Quand la guerre de Sécession débuta en 1861, Tubman plaça ses espoirs dans une victoire de l’Union qui, espérait-elle, serait un pas décisif vers l’abolition de l’esclavage. Souhaitant mettre son savoir-faire et son expérience au service de l’Union, elle rejoignit rapidement un groupe d’abolitionnistes de Boston et de Philadelphie qui s’installèrent sur l’Île de Hilton-Head en Caroline du Sud. Par son aide aux esclaves fugitifs, elle devint rapidement une figure importante des camps localisés à Port-Royal. Elle servit comme cuisinière et infirmière, préparant des remèdes à base de plantes locales et aidant les soldats qui souffraient de dysenterie. Elle soigna même des hommes atteints de la variole, sans contracter elle-même la maladie, ce qui contribua à nourrir la rumeur qu’elle était bénie de Dieu. Les rations qu’elle recevait du gouvernement pour son travail alimentèrent la jalousie de certains esclaves fugitifs qui voyaient là le signe d’un traitement spécial. Pour apaiser les tensions, elle renonça à son droit et gagna sa vie en vendant des tartes et de la bière à base de racines.
En janvier 1863, Lincoln mit en œuvre la Proclamation d’émancipation qui déclarait libre tout esclave résidant sur le territoire de la Confédération sudiste. Tubman considéra cette décision comme une étape importante vers la liberté de tous les Noirs. Elle renforça son engagement dans le conflit en prenant la tête d’un groupe d’espions qui opérait dans les terres environnant Port Royal.

Les marais et les rivières de Caroline du Sud présentaient un profil similaire à ceux de la rive orientale du Maryland et sa science du voyage clandestin trouva un terrain idéal pour s’exprimer. Son groupe d’éclaireurs qui travaillait sous les ordres du Secrétaire à la Guerre des États-Unis, Edwin M. Stanton, effectuait des reconnaissances et cartographiait le terrain inconnu. Elle travailla ensuite aux côtés d’un abolitionniste proclamé, le colonel James Montgomery, fournissant des renseignements essentiels à la prise de Jacksonville, en Floride.

Au début du mois de juin 1863, Tubman servit de principal conseiller à l’organisation du raid des troupes de Montgomery contre une série de plantations le long de la rivière Combahee, dans le comté de Colleton en Caroline du Sud. Elle participa activement à l’assaut : embarquée à bord de l’USS John Adams, elle guida entre les mines confédérées les trois bateaux à vapeur qui transportaient les trois cents soldats de l’opération. Une fois à terre, les troupes de l’Union mirent le feu aux plantations, détruisant les infrastructures et saisissant des milliers de dollars de denrées alimentaires et de fournitures. Alertés par les sifflets des bateaux à vapeur, les esclaves de la zone affluèrent vers la rive ; les propriétaires qui, armés de pistolets et de fouets, tentèrent d’arrêter leur fuite furent rapidement submergés par la masse des fuyards qui embarquèrent par centaines.

Tubman rapporte n’avoir « jamais vu un tel spectacle » ; elle décrit une scène de chaos où se mêlaient des femmes portant des pots de riz encore fumant, des cochons couinant dans des sacs portés en bandoulière et des bébés accrochés au cou de leurs parents. Alors que les troupes confédérées convergeaient vers les lieux, les bateaux à vapeur surchargés d’esclaves prirent la direction de la ville de Beaufort.

Après la guerre, Harriet Tubman devint une militante pour les droits des Afro-Américains et des femmes. Elle travailla en particulier à promouvoir la cause du suffrage féminin. À une femme blanche qui lui demandait si elle croyait que les femmes devraient avoir le droit de vote, elle répondit qu’elle avait « assez souffert pour le croire ». Tubman assista d’abord aux réunions des organisations suffragistes, avant de s’engager aux côtés de femmes telles que Susan B. Anthony et Emily Howland. Elle se rendit à New York, Boston et Washington pour participer à des conférences en faveur du droit de vote des femmes. Son argumentation visait à démontrer que les femmes méritaient par leurs actions d’accéder aux droits politiques. Elle illustrait son propos en décrivant sa propre action pendant et après la guerre de Sécession et mettait en avant le sacrifice des innombrables femmes qui avaient œuvré en faveur de la nation américaine.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.