Accueil > 02 - Livre Deux : SCIENCES > Inconscience, conscience : Freud et les dernières découvertes en neurosciences
Inconscience, conscience : Freud et les dernières découvertes en neurosciences
Sigmund Freud est le fondateur de la psychanalyse. En plusieurs étapes, ce neurologue va tenter d’élaborer une science du psychisme organisée autour de l’idée d’inconscient. La psychanalyse, au-delà d’une science, est une véritable révolution : elle remet en cause la vision des Lumières selon laquelle l’homme serait un être totalement libre et rationnel.
Sigmund Freud : à ce nom est attaché la psychanalyse et une nouvelle théorisation de l’inconscient. Même si le freudisme connaît des limites, il n’en reste pas moins que c’est une véritable révolution qu’a déclenché Freud.
Sur plusieurs points, la compréhension du fonctionnement de la conscience humaine est bouleversée. Tout d’abord, il insiste sur l’existence d’un inconscient qui est le produit d’un refoulement. Ensuite, il remarque que les névroses sont des produits d’une réalité en grande partie imaginaire. Ensuite, il constate qu’il est possible d’évoquer certaines bribes de l’inconscient et, du coup, d’y donner une issue nouvelle. Dès que l’inconscient émerge au niveau de la conscience, il s’actualise et change. C’est l’origine d’une nouvelle thérapie de certaines névroses.
"J’interprète, donc je suis. Nous sommes tous les romanciers de notre propre vie. la fiction est source de notre liberté. (...)
Freud mit au jour un rouage essentiel de notre conscience : précisément ce besoin vital d’interpréter, de donner du sens, d’inventer à travers des constructions imaginaires. Nous commençons à connaître aujourd’hui la réalié cérébrale de ces fictions mentales qui gouvernent notre pensée consciente. Nous les avons rencontrées en pleine action avec les patients au cerveau divisé, avec les patients souffrant de négligence et in fine avec chacun d’entre nous. (...) La psychanalyse freudienne me semble véhiculer cet art de composer notre existence sous la forme de ce roman sans cesse révisé que nous n’achevons jamais d’écrire."
Le neurologue Lionel Naccache dans "Le nouvel inconscient"
Mots clefs :
dialectique –
discontinuité –
physique quantique –
chaos déterministe –
système dynamique – percolation –
le temps -
non-linéarité –
émergence – rupture de symétrie –
inhibition –
boucle de rétroaction –
contradictions –
crise –
transition de phase –
auto-organisation – vide - révolution permanente - économie politique - Zénon d’Elée - Rosa Luxemburg –
Blanqui -
Lénine -
Trotsky –
Barta -
Prigogine -
Gould - l’anarchisme - le stalinisme - Socrate
Colloque neurosciences et psychanalyse
"C’est en attribuant une importance pareille à l’inconscient dans la vie psychique que nous avons dressé contre la psychanalyse les plus méchants esprits de la critique. Ne vous en étonnez pas et ne croyez pas que la résistance qu’on nous oppose tienne à la difficulté de concevoir l’inconscient ou à l’inaccessibilité des expériences qui s’y rapportent. Dans le cours des siècles, la science a infligé à l’égoïsme naïf de l’humanité deux graves démentis. La première fois, ce fut lorsqu’elle a montré que la terre, loin d’être le centre de l’Univers, ne forme qu’une parcelle insignifiante du système cosmique dont nous pouvons à peine nous représenter la grandeur. Cette première démonstration se rattache pour nous au nom de Copernic, bien que la science alexandrine ait déjà annoncé quelque chose de semblable. Le second démenti fut infligé à l’humanité par la recherche biologique, lorsqu’elle a réduit à rien les prétentions de l’homme à une place privilégiée dans l’ordre de la création, en établissant sa descendance du règne animal et en montrant l’indestructibilité de sa nature animale. Cette dernière révolution s’est accomplie de nos jours, à la suite des travaux de Ch. Darwin, de Wallace et de leurs prédécesseurs, travaux qui ont provoqué la résistance la plus acharnée des contemporains. Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu’il n’est seulement pas maître de sa propre maison, qu’il en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique. Les psychanalystes ne sont ni les premiers ni les seuls qui aient lancé cet appel à la modestie et au recueillement, mais c’est à eux que semble échoir la mission d’étendre cette manière de voir avec le plus d’ardeur et produire à son appui des matériaux empruntés à l’expérience et accessibles à tous. D’où la levée générale des boucliers contre notre science, l’oubli de toutes les règles de politesse académique, le déchaînement d’une opposition qui secoue toutes les entraves d’une logique impartiale. Ajoutez à tout cela que nos théories menacent de troubler la paix du monde d’une autre manière encore, ainsi que vous le verrez plus loin.(…)
(…).Les questions que nous venons de traiter nous obligent à examiner de plus près le problème de l’origine et du rôle de cette activité spirituelle qui a pour nom « fantaisie ». Celle-ci, vous le savez, jouit d’une grande considération, sans qu’on ait une idée exacte de la place qu’elle occupe dans la vie psychique. Voici ce que je peux vous dire sur ce sujet. Sous l’influence de la nécessité extérieure l’homme est amené peu à peu à une appréciation exacte de la réalité, ce qui lui apprend à conformer sa conduite à ce que nous avons appelé le « principe de réalité », et à renoncer, d’une manière provisoire ou durable, à différents objets et buts de ses tendances hédoniques, y compris la tendance sexuelle. Ce renoncement au plaisir a toujours été pénible pour l’homme ; et il ne se réalise pas sans une certaine sorte de compensation. Aussi s’est-il réservé une activité psychique, grâce à laquelle toutes les sources de plaisir et tous les moyens d’acquérir du plaisir auxquels il a renoncé continuent d’exister sous une forme qui les met à l’abris des exigences de la réalité. Toute tendance revêt aussitôt la forme qui la représente comme satisfaite, et il n’est pas douteux qu’en se complaisant aux satisfactions imaginaires des désirs, on éprouve une satisfaction que ne trouble d’ailleurs en rien la conscience de son irréalité. Dans l’activité de sa fantaisie, l’homme continue donc à jouir, par rapport à la contrainte extérieure, de cette liberté à laquelle il a été obligé depuis longtemps de renoncer dans la vie réelle. Il a accompli un tour de force qui lui permet d’être alternativement un animal de joie et un être raisonnable. La maigre satisfaction qu’il peut arracher à la réalité ne fait pas son compte. « Il est impossible de se passer de constructions auxiliaires », dit quelque part Th. Fontane. La création du royaume psychique de la fantaisie trouve sa complète analogie dans l’institution des « réserves naturelles » là ou les exigences de l’agriculture, des communications, de l’industrie menacent de transformer, jusqu’à la rendre méconnaissable, l’aspect primitif de la terre. La « réserve naturelle » perpétue cet état primitif qu’on a été obligé, souvent à regret, de sacrifier partout ailleurs à la nécessité. Dans ces réserves, tout doit pousser et s’épanouir sans contrainte, tout, même ce qui est inutile et nuisible. Le royaume psychique de la fantaisie constitue une réserve de ce genre, soustraite au principe de réalité.(…)
(…). Avant de terminer cette leçon, je voudrais encore attirer votre attention sur un côté des plus intéressants de la vie imaginative. Il existe notamment un chemin de retour qui conduit de la fantaisie à la réalité : c’est l’art. L’artiste est en même temps un introverti qui frise la névrose. Animé d’impulsions et de tendances extrêmement fortes, il voudrait conquérir honneurs, puissance, richesses, gloire et amour des femmes. Mais les moyens lui manquent de se procurer ces satisfactions. C’est pourquoi, comme tout homme insatisfait, il se détourne de la réalité et concentre tout son intérêt, et aussi sa libido, sur les désirs créés par sa vie imaginative, ce qui peut le conduire facilement à la névrose. Il faut des circonstances favorables pour que son développement n’aboutisse pas à ce résultat ; et l’on sait combien sont nombreux les artistes qui souffrent d’un arrêt partiel de leur activité par suite de névroses. Il est possible que leur constitution comporte une grande aptitude à la sublimation et une certaine faiblesse à effectuer des refoulements susceptibles de décider du conflit. Et voici comment l’artiste retrouve le chemin de la réalité. Je n’ai pas besoin de vous dire qu’il n’est pas le seul à vivre d’une vie imaginative. Le domaine intermédiaire de la fantaisie jouit de la faveur générale de l’humanité, et tous ceux qui sont privés de quelque chose y viennent chercher compensation et consolation. Mais les profanes ne retirent des sources de la fantaisie qu’un plaisir limité. Le caractère implacable de leurs refoulements les oblige à se contenter des rares rêves éveillés dont il faut encore qu’ils se rendent inconscients. Mais le véritable artiste peut d’avantage. Il sait d’abord donner à ses rêves éveillés une forme telle qu’ils perdent tout caractère personnel susceptible de rebuter les étrangers, et deviennent une source de jouissance pour les autres. Il sait également les embellir de façon à dissimuler complètement leur origine suspecte. Il possède en outre le pouvoir mystérieux de modeler des matériaux donnés jusqu’à en faire l’image fidèle de la représentation existant dans sa fantaisie et de rattacher à cette représentation existant dans sa fantaisie inconsciente une somme de plaisir suffisante pour masquer ou supprimer, provisoirement du moins, les refoulements. Lorsqu’il a réussi à réaliser tout cela, il procure à d’autres le moyen de puiser à nouveau soulagement et consolation dans les sources de jouissances, devenues inaccessibles, de leur propre inconscient ; il s’attire leur reconnaissance et leur admiration et a finalement conquis par sa fantaisie ce qui auparavant n’avait existé que dans sa fantaisie : honneurs, puissance et amour des femmes."
Sigmund Freud dans "Introduction à la psychanalyse"