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Biologie : Rétroaction de la vie et de la mort

Henri Atlan explique dans « Entre le cristal et la fumée » :
« Deux courants convergents ont conduit à se représenter aujourd’hui l’organisation d’un système vivant comme le résultat de processus antagonistes, l’un de construction, l’autre de déconstruction ; l’un d’ordonnancement et de régularités, l’autre de perturbations aléatoires et de diversité ; l’un de répétition invariante, l’autre de nouveauté imprévisible. »

L’immunologue Jean Claude Ameisen expose dans « La sculpture du vivant ou le suicide cellulaire, une mort créatrice » :
« Rien – ou presque – de ce qui émerge au cours de la longue histoire du vivant n’est de nature définitive. L’ évolution est une succession infinie d’accidents, construisant, déconstruisant et reconstruisant, sans cesse, faisant naître de la nouveauté. (…) Essayons d’imaginer des accidents qui auraient pour effet de délivrer une bactérie infectée (par une toxine) de l’étreinte d’un plasmide qui l’asservit, et de permettre à la bactérie de survivre. (…) Les informations génétiques du plasmide permettent à la bactérie de fabriquer en permanence l’antidote et de contrer ainsi l’effet de la toxine. (…) L’efficacité du module (toxine/antidote) de dépendance repose sur un mécanisme d’une merveilleuse simplicité : l’existence d’une différence de stabilité dans le temps entre l’exécuteur – la toxine -, capable de détruire la bactérie, et l’antidote – le protecteur -, capable de neutraliser l’effet de la toxine. La raison pour laquelle l’antidote disparaît plus vite que la toxine est que la protéine antidote est rapidement dégradée, découpée en morceaux, par une enzyme, une protéase, un « ciseau » moléculaire. (…) Le « programme » qui condamne la bactérie et le plasmide à l’interdépendance est un programme interactif (…) qui dépend des modalités du dialogue – des interactions – entre les protéines à l’intérieur de la cellule. (…) Il existe une circonstance qui permettrait à une bactérie de se libérer du plasmide. Elle ne correspondrait pas, pour la bactérie qui guérirait, à une véritable victoire, à un véritable retour en arrière, au temps « avant l’infection ». Elle correspondrait à une plongée dans la nouveauté. Toute bactérie qui par hasard capturerait dans son chromosome les gènes plasmidiques du module toxine/antidote pourrait désormais se défaire du plasmide et survivre à sa disparition. (…) Au cœur du mystère du vivant, ce que nous commençons à entrevoir, c’est l’intrication profonde, l’interchangeabilité et l’interdépendance, entre les outils de construction et les outils de destruction. Et nous avons vu se brouiller les frontières qui séparent les notions apparemment antagonistes de vie et de mort, de « bâtisseur » et d’ « exécuteur », de « suicide » et de « meurtre ». »

« Il nous faut comprendre au sein d’un tout les propriétés naissantes qui résultent de l’interpénétration inextricable des gènes et de l’environnement. Bref, nous devons emprunter ce que tant de grands penseurs nomment une approche dialectique, mais que les modes américaines récusent, en y dénonçant une rhétorique à usage politique. La pensée dialectique devrait être prise plus au sérieux par les savants occidentaux, et non être écartée sous prétexte que certaines nations de l’autre partie du monde en ont adopté une version figée pour asseoir leur dogme. (…) Lorsqu’elles se présentent comme les lignes directrices d’une philosophie du changement, et non comme des préceptes dogmatiques que l’on décrète vrais, les trois lois classiques de la dialectique illustrent une vision holistique dans laquelle le changement est une interaction entre les composantes de systèmes complets, et où les composantes elles-mêmes n’existent pas a priori, mais sont à la fois les produits du système et des données que l’on fait entrer dans le système. Ainsi, la loi des « contraires qui s’interpénètrent » témoigne de l’interdépendance absolue des composantes ; la « transformation de la quantité en qualité » défend une vision systémique du changement, qui traduit les entrées de données incrémentielles en changements d’état ; et la « négation de la négation » décrit la direction donnée à l’histoire, car les systèmes complexes ne peuvent retourner exactement à leurs états antérieurs. »

Le géologue et paléontologue Stephen Jay Gould
Dans « Un hérisson dans la tempête »

Modification de la structure tridimensionnele des protéines
par Alexandre de BREVERN

Lexique de biologie