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Qu’est-ce que la pacte germano-soviétique d’août 1939 ?

samedi 11 juillet 2015, par Robert Paris

Qu’est-ce que la pacte germano-soviétique d’août 1939 ?

Le Pacte germano-soviétique ou traité de non-agression entre l’Allemagne et l’Union soviétique (nom officiel) comprend les accords diplomatiques et militaires signés entre le IIIe Reich et l’URSS le 23 août 1939 au Kremlin à Moscou entre le ministre des Affaires étrangères de l’URSS, Viatcheslav Molotov, et celui du IIIe Reich, Joachim von Ribbentrop, en présence de Staline. Il est également connu comme pacte Molotov-Ribbentrop, pacte Ribbentrop-Molotov (surtout en Occident) ou pacte Hitler-Staline (surtout dans les pays concernés) et Pacte de non-agression de 1939 (surtout en Russie et Biélorussie).

Le 28 septembre 1939, l’Allemagne signe avec l’URSS le « Traité germano-soviétique de délimitation et d’amitié », qui définit la collaboration, les zones d’influence et les frontières entre les deux puissances. C’est la frontière actuelle de la Pologne qui est retenue (un peu plus à l’Ouest que ligne Curzon de 1920 : cette frontière est dénommée ligne Curzon B par les sources soviétiques). Il stipule aussi que l’URSS fournira des matières premières à l’Allemagne : métaux, phosphates et pétrole, matières indispensables à la guerre, et prévoit des échanges de réfugiés politiques, communistes allemands livrés à la Gestapo (dont Margarete Buber-Neumann) et russes blancs ou dissidents livrés au NKVD.

Un des protocoles stipulait que, en cas de partage de la Pologne, les deux parties avaient l’obligation de prendre des mesures pour prévenir et empêcher toute action de la Résistance polonaise. Des consultations mutuelles à propos de toutes les actions répressives qui sembleraient utiles était prescrites :

« Aucune des deux parties ne tolèrera sur son territoire d’agitation polonaise quelconque qui menacerait le territoire de l’autre partie. Chacune écrasera sur son propre territoire tout embryon d’une telle agitation, et les deux s’informeront mutuellement de tous les moyens adéquats pouvant être utilisés à cette fin. »

Einsatzgrupppen en Pologne

Les Juifs, soit une importante fraction de la population prolétarienne des villes de Pologne, se radicalisaient à cette époque et représentaient une menace pour la bourgeoisie. Dans la révolution en Europe de 1917-1923, le prolétariat avait attiré à lui les Juifs révoltés. L’accord entre Staline et Hitler en 1939 pour l’envahissement et le partage de la Pologne devait rompre durement cette attraction.

Nazisme et stalinisme ont partagé la Pologne et massacré conjointement les Juifs de leur partie.
Extraits de « La destruction des Juifs d’Europe » de Raoul Hilberg :

« Au bout du compte, les Einsatzgrupppen avaient quelques milliers d’hommes, et les Juifs étaient plusieurs millions. Puisqu’ils n’étaient pas préparés à se batrre contre les Allemands, on est en droit de se demander pourquoi ils ne cherchèrent pas leur salut dans la fuite. (…) les Juifs étaient d’autant moins vigilants que la presse et la radio soviétiques avaient tu ce qui se passait au-delà des frontières (traité germano-soviétique oblige). (…) Ils n’avaient pas compris qu’il y avait péril à demeurer. (…) les opérations étaient organisées de telle sorte que la population s’en aperçut à peine. Même les Juifs survivants gardaient l’impression que les victimes avaient simplement été transférées ailleurs. »

Ce que craignaient le plus les chefs politiques des classes dirigeantes du monde aussi bien que la bureaucratie stalinienne, ce sont les risques révolutionnaires et ils avaient conscience que la situation des Juifs d’Europe augmentait ces risques. La révolution russe avait déjà montré que l’oppression des Juifs, loin de se contenter de mener au fatalisme prétendument traditionnel, pouvait entraîner une fraction notable des Juifs aux côtés de la révolution sociale. Et dans des pays comme la Pologne, le risque était décuplé par le fait que les Juifs, très opprimés, représentaient une fraction importante de la population et encore plus grande de celle des villes, y compris une fraction non négligeable de la classe ouvrière et la majorité des petits artisans, y compris dans des grandes villes comme Varsovie ou Lodz. Loin de vouloir s’attaquer aux racines du mal, à l’oppression des Juifs, aux pogromes dont la cause était la technique des classes dirigeantes visant à noyer le mécontentement dans le pogrome, ces dirigeants des grandes « démocraties » de France, d’Angleterre et des USA avaient d’abord et avant tout besoin des fascismes contre la révolution. L’Allemagne allait bien le démontrer en 1918-19 avec la bourgeoisie allemande organisant sur ordre de la social-démocratie l’écrasement dans le sang de la révolution ouvrière par les « corps francs » fascistes. Si la vague révolutionnaire est vaincue, elle l’est en s’appuyant sur des régimes d’Europe de type semi-fasciste comme la dictature antisémite de Pologne du général Pilsudski. La situation qui précède la deuxième guerre mondiale est une nouvelle mobilisation des Juifs opprimés d’Europe, comme elle connaît une nouvelle mobilisation du prolétariat, à nouveau menaçant. Il faut d’abord rappeler qu’en 1936, les ouvriers et les jeunes Juifs ont été nombreux à être attirés par le courant communiste stalinien. L’accord entre Staline et Hitler en 1939 pour l’envahissement et le partage de la Pologne devait rompre durement cette attraction. Il n’en subsistait pas moins que les Juifs, soit une importante fraction de la population prolétarienne des villes de Pologne, se radicalisaient à cette époque et représentaient une menace pour la bourgeoisie.

Quand les Russes (prétendument "soviétiques") annexèrent l’est de la Pologne, en juin 1941, environ 300 000 réfugiés juifs en provenance des territoires polonais occupés par l’Allemagne se trouvèrent pris au piège. La grande majorité d’entre eux resta en Pologne occupée par les Soviétiques. En 1940 et 1941, les officiers de la police secrète soviétique arrêtèrent et déportèrent - en tant qu’"éléments non-assimilables" - des centaines de milliers d’habitants de Pologne de l’est, y compris des milliers de réfugiés juifs en provenance des territoires polonais occupés par l’Allemagne. Ces gens furent déportés en Sibérie, en Asie centrale, et vers d’autres lieux à l’intérieur de l’Union soviétique. Environ 40 000 réfugiés juifs fuirent encore la Pologne, craignant d’être arrêtés et persécutés, aussi bien dans les territoires polonais occupés par les Allemands que dans ceux occupés par les Soviétiques. Plus de la moitié de ces réfugiés gagnèrent la Roumanie et la Hongrie. 15 000 se rendirent en Lituanie, principalement à Vilna, à Kovno (aujourd’hui Kaunas), et dans les régions avoisinantes.

Entre septembre 1939 et 1941, 400 000 Juifs polonais sont déportés par les autorités russes dans les provinces asiatiques du centre de l’URSS.

Quand Staline attaqua la Finlande, la presse de Hitler, la seule au monde, proclama sa solidarité totale avec le Kremlin.

Ce « pacte », voulu par la bureaucratie stalinienne, loin de protéger la Russie d’une attaque venue de l’Allemagne, l’a affaibli face à celle-ci. Elle a fait un pas de plus pour détruire toute boussole lutte de classe dans le mouvement ouvrier face à la marche à la guerre, le parti stalinien devenant un fervent partisan d’une alliance avec le principal pouvoir fasciste, alors que « deux minutes » avant il prônait de supprimer la lutte des classes pour mieux s’entendre avec les « bourgeoisies démocratique » au nom de la « lutte contre le fascisme » !

Le prétexte d’écarter la guerre mondiale est grossier. Le Pacte germano-soviétique est signé le 23 août, la presse communiste interdite le 26. La Pologne est attaquée le 1er septembre et la guerre déclarée le 3 septembre de la même année. Le pacte a ouvert la voie à la guerre mondiale en libérant l’Allemagne sur un des fronts, celui de l’Est. Et cela n’a même pas protégé la Russie d’une attaque ultérieure.

La raison principale de ce pacte Hitler-Staline n’a rien à voir avec des raisons militaires ou stratégiques mais a des causes profondément politiques et sociales. C’est l’entente entre les deux ennemis mortels de la révolution sociale qui prônent tous deux l’écrasement de toute forme d’organisation du prolétariat, le fascisme de l’Etat bourgeois et le fascisme de l’Etat issu de la révolution ouvrière mais se retournant contre elle à la faveur de la dissolution du mouvement vivant des soviets russes.

Les staliniens affirment que cette alliance avait un but défensif face aux divers impérialismes et que c’est une tactique qu’aurait acceptée Lénine qui aurait affirmé, selon eux, qu’on pouvait signer une alliance avec un impérialisme contre les autres, si c’était pour défendre le pouvoir d’Etat des travailleurs. C’est une présentation fallacieuse. Le seul « accord » que l’Etat ouvrier ait signé du vivant de Lénine est la paix de Brest-Litovsk qui a été imposée par l’armée allemande et pas pour faire alliance avec l’impérialisme allemand contre les autres.

Leurs justifications se contredisent d’ailleurs puisqu’ils affirment que ce pacte provenait du fait que les impérialistes occidentaux soutenaient Hitler et s’apprêtaient à le laisser attaquer l’URSS, le pacte aurait permis à la Russie de se préparer militairement à la guerre et, ultérieurement, d’imposer un pacte entre Russie et Angleterre-USA.

C’est un très gros mensonge sur tous les plans. Non seulement le pacte a permis d’accélérer l’entrée dans la guerre mondiale mais il n’a nullement servi à la Russie à se préparer à se défendre militairement. Staline a voulu croire vraiment à l’amitié indéfectible du fascisme allemand et du fascisme russe, que Trotsky appelle des jumeaux, et il a désarmé ses forces militaires, arrêté ses généraux, lancé des purges massives dans l’armée. Il a été complètement pris par surprise par l’offensive allemande contre la Russie.

En août 1939, Aragon écrit pour le parti stalinien français que nous répugnons à appeler communiste :

« Le pacte de non-agression avec l’Allemagne, imposé à Hitler qui n’avait pas d’autre possibilité que de capituler ainsi ou de faire la guerre, c’est le triomphe de cette volonté de paix soviétique. (…) Et que ne vienne pas ici comparer le pacte de non-agression germano-soviétique qui ne suppose aucun abandon de la part de l’URSS aux pactes « d’amitié » qu’ont signés les gouvernements toujours en exercice en France et en Angleterre avec Hitler : ces pactes d’amitié avaient pour base la capitulation de Munich… L’URSS n’a jamais admis et n’admettra jamais de semblables crimes internationaux. Silence à la meute antisoviétique ! Nous sommes au jour de l’effondrement de ses espérances. Nous sommes au jour où l’on devra reconnaître qu’il y a quelque chose de changé dans le monde et que, parce qu’il y a l’URSS, on ne fait pas la guerre comme on veut. Il existe entre la France et la Pologne un traité d’assistance mutuelle. C’est-à-dire que si la Pologne est victime d’une agression, la France doit venir à son aide. Et tout bon français qui ne veut pas voir se répéter la honte de Munich, et l’abandon de nos alliés de Tchécoslovaquie, souhaitera comme nous que la France tienne ses engagements internationaux. »

Au moment où les staliniens traitaient les révolutionnaires communistes internationalistes d’ « hitléro-trotskistes », la véritable alliance entre le stalinisme et le nazisme se montrait au grand jour.

En effet, c’est, d’abord et avant tout, un pacte contre-révolutionnaire qui vise à écraser les potentialités révolutionnaires prolétariennes en Europe de l’Est, notamment en massacrant les Juifs de Pologne. Stalinisme et nazisme convergent sur des bases réelles car ils ont un but commun : agir contre le prolétariat révolutionnaire. Ce sera encore sur de telles bases que la Russie s’alliera cette fois avec les USA et l’Angleterre…

Trotsky écrivait :

« Le régime totalitaire de Hitler a surgi de la peur des classes possédantes d’Allemagne devant une révolution socialiste. Hitler a été mandaté par les possédants pour sauver la propriété des menaces du bolchevisme, à tout prix, et pour aménager une ouverture de l’Allemagne vers l’arène mondiale. Le régime totalitaire de Staline a surgi de la peur de la nouvelle caste de parvenus révolutionnaires devant le peuple révolutionnaire qu’elle étrangle. »

Ce pacte démontre le mensonge du pacte suivant, celui entre la Russie et les impérialismes US et anglais. Ce mensonge est celui de la « guerre contre le fascisme ». La Russie des bureaucrates n’a rien de fondamentalement opposée au fascisme et comptait même avoir une alliance durable de fond avec lui. Les bourgeoisies occidentales elles aussi comptaient sur le fascisme pour détruire le communisme en Allemagne, en Europe de l’Est et en Russie.

Tous ne se réconcilieront que pour mener ensemble la suite de la guerre contre le communisme, la bureaucratie russe n’étant pas moins foncièrement hostile au prolétariat révolutionnaire que la grande bourgeoisie mondiale, comme elle l’a notamment montré en Espagne.

Le point de vue de Trotsky en 1937

Le point de vue de Trotsky en septembre 1939

Le point de vue de de Trotsky en décembre 1939

70 ans après…

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