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A la fin de la guerre, les partis communistes ramènent l’ordre en Europe contre le prolétariat

mardi 18 septembre 2007, par Robert Paris

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Le bombardement anglo-américain des villes

BOMBARDEMENTS MASSIFS

Pour éviter une vague révolutionnaire à la fin de la guerre mondiale, il fallait écraser par avance le prolétariat. Il ne s’agissait pas de casser un potentiel industriel ou militaire, mais de détruire une classe dangereuse et d’annihiler toute réaction de sa part. Il s’agissait de détruire la population civile de quartiers pauvres capables de devenir des centres de la révolte. « Une des plus fortes et des plus tragiques illustrations de cette théorie fut la destruction de Dresde le 13 février 1945. Il n’y avait à Dresde aucune usine comparable à celles d’Essen ou de Hambourg, son importance stratégique était à peu près nulle, sa population était alourdie de milliers de prisonniers de guerre et de réfugiés de l’Est : aux 630 000 résidents permanents s’ajoutaient 26 620 prisonniers de guerre et plus de 500 000 réfugiés. (…) La destruction de Dresde par des bombes incendiaires causa ainsi plus de morts que ne devait en causer les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki.
Selon l’analyse effectuée par l’United States Strategic Bombing Survey, le bombardement stratégique de 61 villes allemandes de 100 000 habitants ou plus, sur lesquelles furent jetées 500 000 tonnes de bombes (dont 80% par des bombardements britanniques de nuit) se montra efficace. 3 600 000 habitations (70% du total) furent détruites, 500 000 civils furent tués, 7 500 000 sinistrés. Il n’est pas possible de préciser le nombre des tués au cours des bombardements des villes et celui des tués au cours des bombardements des autres objectifs mais il est sûr que l’effet sur la production industrielle fut faible. (…) Les bombardements stratégiques n’ont pas provoqué la défaite de l’Allemagne. "

Extraits de « 1945, la mémoire du siècle » de Claude Delmas


Dans les pays occidentaux, l’après-guerre ne fut pas facile pour l’impérialisme et aurait été grosse de situations dangereuses pour lui sans la politique des dirigeants du mouvement ouvrier staliniens, en particulier en Grèce où la résistance communiste chercha à pactiser avec la résistance de droite et ne recueillit comme fruit de cette politique qu’une guerre civile violente qui dura des années contre les troupes anglaises puis américaines et dans laquelle le parti communiste eut toujours une politique criminelle même si les militants ont combattu courageusement. Churchill donnait comme consigne au commandement britannique des forces armées occupant la Grèce : « N’hésitez pas à ouvrir le feu sur tout homme armé qui, à Athènes, s’attaque à l’autorité britannique ou à l’autorité grecque avec laquelle nous travaillons. N’hésitez pas à agir comme si vous vous trouviez dans une ville conquise où se développe une rébellion locale. » Il y a eu des mouvements de grève des travailleurs dans la plupart des pays occidentaux, comme, en novembre 1943, la grève de 40.000 ouvriers dans Turin occupé par les troupes allemandes, les grèves de décembre 1943 à Milan et à Gènes, la grève d’un million et demi de travailleurs dans toute l’Italie en mars 1944, les grèves des travailleurs anglais en avril 1944, la grève générale de Copenhague de juillet 1944 et également en Belgique et en France. Il y eut des incidents moins graves en Belgique avec des résistants qui refusaient de rendre leurs armes mais en Belgique comme en France il y eut une situation sociale explosive de 1945 à 48 avec des grèves dures. Le PCF au gouvernement joua le même rôle qu’en Italie de briseur de grève. A peine de retour d’URSS, Togliatti déclare que le PCI apporte son soutien au gouvernement du roi, de Bonomi et du maréchal fasciste Badoglio : « un gouvernement fort qui a été capable d’organiser l’effort de guerre. » Les anciens fascistes se ruent vers le Parti communiste italien pour y adhérer. La montée du Parti communiste italien est loin de faire peur à l’impérialisme. Un reportage du New York Times de septembre 1944, cité par Andy Anderson dans « Hongrie 1956 », rapporte : « Les communistes rendent moins brusque la transition au nouvel état des choses. »

La « libération » a été précédée en Italie, en France, en Belgique, en Allemagne par des bombardements massifs dont les plus intenses et les plus meurtriers se sont déroulés les deux derniers mois de la guerre contre l’Allemagne, lorsque les Alliés ont choisi de faire traîner un peu la guerre contre Hitler. En effet, à ce stade, ils craignaient plutôt de ne pas pouvoir maîtriser les sentiments populaires à la fin de la guerre et ne voulaient surtout pas d’un sentiment populaire massif anti-impérialiste qui risquait de se tourner non seulement contre le fascisme mais contre le capitalisme. Les troupes russes comme américaines ou anglaises vont donc stopper leur offensive terrestre pendant trois mois qui sont ceux d’un véritable massacre dans les grandes villes d’Europe de l’ouest. L’ouvrage « 8 mai 1945, la victoire en Europe » sous la direction de Maurice Vaisse rapporte : « C’est seulement le 20 janvier 1945 que les armées russes ont atteint la frontière allemande, le 2 février qu’elles ont franchi l’Oder, dernier obstacle géographique avant Berlin. Même après cela, elles ont attendu deux mois pour souffler avant de pousser plus avant. (…) Ainsi fut prolongée l’agonie de l’Allemagne. Pendant ces trois derniers mois d’une guerre devenue objectivement futile, le pays a souffert le tiers, en poids, de toutes les bombes qui l’ont frappé pendant toute la guerre, et le tiers des civils tués et blessés. (…) En France, dans ce rude hiver de la guerre, l’opinion s’exaspère de la vcitoire qui n’arrive pas et des difficultés économiques. Le général de Gaulle réaffirme alors qu’il n’y a pas de prestidigitateur et qu’il faut « un très long, très dur et pénible effort. » (…) Dans les régions, les commissaires de la République tentent de faire passer le même message. A la fin de décembre 1944, à Bordeaux, Gaston Cusin déclare « J’ai le devoir de vous répéter que nous allons souffrir encore et qu’il nous faudra serrer les dents. (….) S’il ne restait qu’un seul wagon, il faudrait l’envoyer aux armées (…) »

La crainte du mécontentement populaire caractérise toutes les mesures gouvernementales prises dans les pays d’Europe à la fin de la guerre. Loin de se presser d’informer que les chefs militaires allemands ont signé l’armistice, les média de l’époque tiennent d’abord l’information secrète. Voilà qui va à l’encontre de l’image que l’on a bien voulu diffuser par la suite : celle d’une unité parfaite entre les dirigeants d’Angleterre ou de France avec les peuples. Les dirigeants craignaient les ractions des peuples et les peuples étaient très loins d’exploser de joie. L’ouvrage « 8 mai 1945 », précédemment cité, rapporte que les réactions populaires sont plutôt celles du mécontentement social que de l’explosion de libération : « Le Times du 9 mai compare le jour de l’armistice et le jour V : « Hier, les Londoniens, dans le centre de Londres, n’ont pas eu le sentiment soudain de délivrance. Ni là ni ailleurs, il n’y avaut qu’un parallèle formel avec des journées de l’armistice de 1918. En ce temps là, les espérances s’accomplirent subitement en provoquant de véritables saturnales. » Comment expliquer ce caractère mesuré des fêtes ? Plusieurs facteirs entrent en jeu. Après presque six ans de guerre totale, les Britanniques se sentaient épuisés, tristes et inquiets. Bien des familles pleuraient leurs morts, beaucoup de mobilisés luttaient encore contre le Japon. Le souvenir des espérances et des illusions de la Grande Guerre inspirait du scepticisme et de l’inquiétude pour l’avenir. (…) Il n’y a pas de doute à propos du sentiment de désenchantement. (…) Cela se démontre facilement en citant les manchettes du journal Daily Express : mardi 1er mai « au revoir », mercredi 2 mai « Hitler mort », jeudi 3 mai « une armée de 10.000 hommes se rend », vendredi 4 mai « les Britanniques entrent au Danemark », samedi 5 mai « les Allemands se rendent dans la tente de Monty » (le maréchal Montgomery), dimanche 6 mai « les dernières heures ». (…)
Le 12 avril, les ministres furent d’accord que le jour V devait être présenté « non pas comme un relachement générald’efforts mais comme marquant un point significatif dans le progrès de la guerre. » (…) Pour parer au danger d’un relachement, Churchill insista dans son discours du 8 mai : « Nous pouvons nous permettre une brève période de réjouissances. (…) Nous ne devons pas diviser nos forces et nos ressources pour mener à bien notre tâche aussi bien chez nous qu’à l’étranger. » (…) Le 13 mai, le Premier britannique dans un autre discours radiodiffusé enfonce le clou : « Il y a encore beaucoup à faire et vous devez être préparés à de nouveaux efforts, spirituels et matériels et de nouveaux sacrifices. » (…) En fait, il y eut peu d’euphorie, peu d’agitation. Le cœur n’y était pas. (…) L’opinion publique se rend compte tout simplement des horreurs de la guerre en Europe et aussi de la guerre qui continue en Extrême-Orient. »
Les Français n’étaient pas plus exubérants que les Anglais comme le rapporte le même ouvrage et contrairement à une mythologie bien entretenue. Il y avait eu les bombardements alliés sur les villes françaises, avec leur cortège de victimes civiles, justifiés avec peine par une aviation qui aurait mal vu les objectifs et aurait tiré par erreur sur les quartiers populaires des villes. Et d’abord, les Français constatent que l’on a fait durer la fin de la guerre et qu’elle se termine par des horreurs : « Combat du 8 mai nous révèle la profondeur et le trouble de « cette immense joie pleine de larmes ». « Ce jour est venu. Nous le reconnaissons mal encore, pour l’avoir tant attendu. » Elle fut en effet fort attendue cette victoire du printemps, après un dur et interminable hiver de guerre. Les Français se sont résignés nous disent les sondages de l’IFOP. Le 11 septembre 1944, ils l’attendent en moyenne au plus tard pour le 15 novembre ; le 18 octobre, avec le piétinement des fronts, ils repoussent la délivrance jusqu’au 15 mars 1945 ; en janvier puis en mars 1945, ils se résignent à la fêter le 15 août ou le 15 septembre. Mais en avril 1945, le Rhin franchi et l’offensive soviétique remise au galop, ils ont viré : la moitié d’entre eux espèrent pour la fin mai, la quasi-totalité au plus tard pour le mois d’août. (…) Dans une atmosphère aussi tendue, on ne s’étonnera pas que l’annonce même de la capitulation allemande, signée à Reims le 7 mai à 2h41, ait fait problème (…) L’événement de Reims ne pouvait pas demeurer longtemps secret, malgré les sèches consignes de « release » imposées par le grand quartier général d’Eisenhower. (…) Henri Queffelec dans « Esprit » commente (…) : « On allait distribuer la paix, come une denrée, dans l’ordre. » (…) L’impératif de l’ordre juque dans la fête a troublé d’avantage les grandes villes (…)
Tous les rapports officels confirment : « (…) l’enthousiasme n’a pas été débordant dans l’Allier, il n’a pas calmé le mécontentement dans l’Ain ou dans l’Indre, la Corrèze et le Jura sont toujours ausis nerveux et même « on n’a pas assisté à l’explosion de joie qui aurait pu accueillir cette heureuse nouvelle », en particulier dans les zones les plus sinistrées comme la Normandie ou les plus à vif comme l’Alsace. »
Francis-Louis Closcon, commissaire de la République à Lille : « L’impression d’unanimité et de cohésion était parfaite et le lendemain la population était aussi divisée et aussi instable que l’avant-veille. (…) Il eut été vain d’attendre de la fin des hotilités un choc psychologique qui pût amener un changement profond dans l’atmosphère générale. L’instabilité est aussi grande qu’elle était avant le 8 mai ; elle est même peu être accrue, la retenue que pouvait imposer la continuation du combat devenant désormais inutile. » (…) Raymond Aron contemple « un Paris mortellement triste », Léon Blum parle de « convalescence fatiguée » du pays, Simone de Beauvoir médite sur « cette fin qui resemblait à une mort » et Sartre détaille « un mélange d’indifférence et d’angoisse »
« La fin de la guerre, renchérit le commissaire de la République de Chalons-sur-Marne, permet d’affirmer plus nettement qu’il n’est plus nécessaire de se sacrifier pour les besoins militaires. »
« L’angoisse des lendemains matériels s’exprime depuis l’automne 1944. (…) C’est bien de ravitaillement insuffisant, de salaires faibles et de prix forts, de marché noir envahissant et obligatoire que sont emplis en mai 1945 les rapports des préfets et des commissaires de la République. La population, dit-on pour les Bouches-du-Rhône, « souhaite en sortir de ces années d’inquiétude et de misère, la sécurité et la msie en ordre des traitements et des prix qui lui permettrait une vie décente et paisible. » « Nous en vaons assez des disours dit-on en Creuse. Le « malaise général », « la lassitude », « le mécontentement » visibles dans tous les départements deviennent ça et là « énervement » (…) Les défilés du 1er mai avaient été forts revendicatifs. Le 15 et 16, dans certaines grandes villes, fonctionnaires et employés municipaux sont en grève : à Lyon, la préfecture est envahie. (…)
« la situation économique actuelle est attribuée à une insuffisante fermeté du gouvernement pour imposer la solutions nécessaires. » note le Préfet de l’Ain ; « le crédit du gouvernement est sur le point de s’épuiser » confirme le commissaire de la République de Châlons-sur-Marne.
La réalité du système conctratinnaire nazi est enfin connue. (…) La France apprend l’image de l’horreur au long du deuxième semestre 1945. Avec toutefois un voile, dont l’historien ne peut manquer de dire rétrospectivement qu’il fut épais. Les 2570 déportés juifs survivants de l’holocauste (sur 75.721) ne sont l’objet d’aucune attention qui les distinguerait des autres victimes du nazisme. L’extermination raciale n’est pas à la « une » de la presse française de mai 1945. »

Ce n’est pas la vérité sur les exactions commises par Vichy et tout l’Etat français qui préoccupe hommes d’Etat et classes dirigeantes sur l’avenir de la France de l’après-guerre mais le fait que le peuple ne veut plus se sacrifier, ne croit plus au baratin des politiciens, ne fait plus confiance à la classe dirigeante. Or, la reconstruction du capitalisme suppose, et des dirigeants le savent bien, des sacrifices accrus. En décembre 1944, Pierre Mendès-France tient le discours qui sera celui des sacrifices : « On oublie trop souvent que la France n’est plus cet opulent pays, regorgeant de denrées, de marchandises, de stocks où il pouvait puiser sans limite, riche en or, en devises, en avoirs à l’étranger – énorme capital grâce auquel ce qui lui manquait il pouvait le puiser au dehors. Aujourd’hui, ce qui nous reste de marchandises, d’or et de devises suffira tout juste à satisfaire quelques besoins immédiats et à amorcer la reconstruction. Ainsi, nous voilà pauvres, je veux dire réduits aux seules ressources de notre travail. »
Il y a là un des grands risques de la « libération » : que les peuples veuillent se débarrasser de ce qui les opprime et définitivement. Mécontentement, méfiance vis-à-vis des classes dirigeantes, des tromperies politiques, tension, situation sociale et politique instables, tous les ingrédients y sont pour que les dirigeants ne tiennent pas à déclencher un relachement qui pourrait être synonyme d’explosion populaire. Tout doit se passer dans l’ordre et être canalisé. Sur ce point, l’aide du Parti communiste français va être de première importance pour remettre en selle l’ordre bourgeois.

Le pacte entre la bureaucratie russe et l’impérialisme, contre la révolution prolétarienne, qui ne se termine pas avec la chute d’Hitler ou la défaite japonaise, s’applique en Europe comme dans le monde entier. Il est même devenu vital pour les deux signataires du moment que la fin de la guerre ouvre une période où tout vide du pouvoir, toute contestation ouvrière incontrôlée représente un risque mortel pour l’ordre mondial auquel adhèrent autant impérialisme et bureaucratie russe.
La politique du PCF en France en est un éclatant exemple. L’effondrement du régime de Pétain entraîne un vide du pouvoir dans bien des villes et régions. Le rôle du PCF va être d’occuper ce vide et de le faire occuper par ses alliés, c’est-à-dire assentiellement De Gaulle. C’est essentiellement une action contre la classe ouvrière et les risques qu’elle représentait pour l’ordre social dans cette période de destabilisation, de discrédit des classes dirigeantes et de misère accrue. Citons l’ancien révolté de la Mer noire devenu dirigeant stalinien André Marty, dans son ouvrage « L’affaire Marty » :
« Le 27 octobre 1944, Duclos déclarait dans son rapport à l’Assemblée des régions parisiennes du Parti communiste : « La milice patriotique doit rester la gardienne vigilante de l’ordre républicain en même temps qu’elle doit s’occuper activement de l’éducation militaire des masses populaires (…) Elle doit, dans chaque localité, englober des milliers et des milliers de soldats-citoyens dévoués au bien public. La garde républicaine placée sous l’autorité du Comité national de la Libération et de la municipalité, pourvue d’un armement et dotée d’un stock d’armes et de munitions, doit constituer dans chaque localité l’élément de sauvegarde des institutions républicaines. » (…) Thorez peu après son arrivée, le 2 septembre 1944, déclarait : « Un seul Etat, une seule police, une seule armée. » Cela voulait dire suppression des comités de libération, transformation des comités d’usine (ou comités de gestion) en comités d’entreprise (ou de collaboration de classe). (…) Dans cette même période, lorsqu’une grève éclatait, on s’efforçait de l’arrêter parce que « gênant les ministres communistes au gouvernement ». Il est bien évident, cependant, que la majorité de ces grèves, comme celles de la SNCF, celle du métro, surgissaient du mécontentement des ouvriers devant la situation qui leur était faite. Il aurait fallu s’appuyer sur elles pour faire céder le gouvernement dont l’orientation devenait de plus en plus réactionnaire. (…) La participation ministérielle fut le prétexte à freiner continuellement l’action des masses populaires. (…) Cependant, l’occasion était unique en 1944-46 pour que la classe ouvrière s’assure des positions décisives en vue d’aller de l’avant. C’est le contraire qui fut fait. » Le 21 janvier 1945, Maurice Thorez, à peine revenu de Moscou pour reprendre la tête du Parti communiste français, déclare : « La sécurité devra être assurée par une force de police régulière. Les Comités de Libération ne doivent pas se substituer aux administrations locales. » Et il déclarait également que « la grève est l’arme des trusts. », prétendant que les ouvriers qui gagnaient à peine de quoi ne pas mourir de faim ne revendiquaient que parce qu’ils étaient pro-fascistes ou pro-patrons ! Le 17 novembre, Maurice Thorez devient ministre d’Etat du gouvernement français, qui comprend cinq ministres communistes sur 22. le Parti communiste français est le principal sauveur des intérêts de la bourgeoisie dans cette après guerre où la principale crainte est la révolte ouvrière dans la métropole et la seconde la révolution coloniale.

Dans les colonies françaises, la politique du PCF au pouvoir consiste à aider au rétablissement de l’empire colonial français. Comme en témoignent, par exemple, ces extraits du « Programme d’action gouvernementale » présenté par le PCF (édité par les Cahiers du communisme de novembre 1946) :
« Mais on commettrait une lourde erreur en ne discernant pas, parmi les puissances capitalistes, celles qui, les plus avancées dans la voie de la démocratie, permettront aux peuples coloniaux d’aller, dans les conditions les plus favorables, vers la liberté et le progrès. (…) La question de la reconnaissance du droit à la séparation ne doit pas être confondue avec l’utilité de la séparation dans de telles conditions (…) et cela se comprend puisque le mouvement national est intimement lié au mouvement démocratique en général. (…) A l’heure actuelle, face aux visées impérialistes, l’intérêt commun des peuples d’Outre-mer et du peuple français sont de rester unis. (…) Toute tentative de sortie de l’Union française ne pourrait qu’amener, avec une pseudo-indépendance, illusoire et momentanée, le renforcement de l’impérialisme. »

DOCUMENT

D’après Andy Anderson
Dans « Hongrie 1956 »
« Avec la défait de l’Allemagne nazie, l’Europe entière était en ébullition et souhaitait un changement révolutionnaire. Rien de tel n’avait été ressenti depuis 1917. Les dirigeants russes assurèrent le « maintien de l’ordre » dans leur propre sphère d’influence, face au prolétariat qui menaçait leur pouvoir. A l’Ouest, les partis communistes (et, dans certains cas, les partis sociaux-démocrates) aidèrent les classes dominantes à maintenir « leur » ordre. En France, les groupes de la résistance, dominés par les « communistes » et les « socialistes », détenaient un pouvoir considérable. En fait, tout ce qu’il y avait entre les travailleurs français et le pouvoir effectif, c’étaient quelques baïonnettes qui tremblaient aux mains des soldats anglais et américains lesquels, pour la plupart, ne désiraient qu’une chose : rentrer chez eux. Suivant en cela les instructions des dirigeants communistes, les groupes de la résistance remirent leurs armes au prétendu Gouvernement de Libération Nationale dirigé par le Général De Gaulle. Le 21 janvier 1945, Maurice Thorez, secrétaire général du Parti Communiste Français, déclara (…) : « La sécurité publique devra être assurée par une force de police régulière. Les Comités de Libération locaux ne devront pas se substituer aux administrations locales. »

Extraits de textes des œuvres de Maurice Thorez rédigées par le Parti Communiste Français et éditées par les Editions Sociales :
« En janvier 1943, le délégué du Comité central arrivait à Londres, au Quarier général du général De Gaulle. Au mois de mars, un Conseil national de la Résistance, était constitué en France. En firent partie les représentants des « mouvements de la Résistance » : « Combat », « Libération », « Francs-tireurs et Partisans », « Front Natinal », ceux de la CGT réunifiée et de la CFTC chrétienne, ceux, enfin, des six partis suivants : communiste, socialiste, radical, Parti démocrate populaire (catholique), Alliance démocratique et Fédération républicaine. (…) Le Comité national français de Londres avait été tenu dans l’ignorance du débarquement allié ; il restait en dehors des négociations et des accords. (…) En novembre 1943, un an après le débarquement anglo-américain en Afrique du nord, le Comité français de la Libération nationale fut réorganisé. De Gaulle, seul, en fut président. (…) Lors de la réorganisation du CFLN, la question de la participation des communistes fut posée. Le Comité central du Parti communiste français en accepta le principe. (…) On doit noter une certaine tendance à bavarder beaucoup trop sur la France de demain, sur la place que notre pays devra tenir dans le monde (…) Le programme à appliquer n’est pas le programme communiste. Nous n’avons pas à demander actuellement l’application du programme communiste, puisque nous sommes unis dans le CNR avec d’autres partis non communistes. Nous faisons honneur à la signature que nous avons apposée au bas du programme du CNR au mois de mars 1944. (…) Il y a un gouvernement, il doit y avoir une armée, une seule ; il doit y avoir une police, une seule. (…) Tous les groupes armés doivent disparaître. (…) Les nationalisations, nous l’avons dit à Ivry, et nous le répéterons, ne sont nullement du socialisme ou du communisme : ce sont des mesures de caractère démocratique figurant au programme du Parti radical depuis plus d’un demi siècle. Elles ne sont nullement une mesure d’expropriation. (…) Le Parti a connu un grand succès aux dernières élections municipales. En moyenne, un Français ou une Française sur quatre a voté pour les listes présentées ou soutenues par notre Parti communiste. A Paris, la proportion est d’un sur trois. Dans la banlieue parisienne, les listes communistes ou soutenues par les communistes ont obtenu dès le premier tour près de 60% des suffrages exrpimés. Nos militants administrent 60 des 80 communes du département de la Seine. Pour la première fois, des villes de plus de 100.000 habitants (Nantes, Reims, Toulon) ont un maire communiste. De même pour une dizaine de préfectures (dont Limoges, Nimes, Périgueux, Ajaccio, Tarbes) et une vingtaine de sous-préfectures. La statistique officielle a dû reconnaître que nous étions devenus le premier parti dans l’administration des villes de plus de 4.000 habitants. (…) Le chiffre de nos adhérents est en progression constante. En février 1934, nous étions 45.000 ; en janvier 1936 80.000 ; en décembre 1937 340.000 ; à ce jour notre trésorier a délivré 986.727 cartes. Nous allons vers le million. (…) Notre conclusion, c’est que, tous ensemble Français et Françaises, nous devons nous atteler résolument à la tâche, tous ensemble et sans tarder, nous devons entreprendre un effort tenace et prolongé afin de :
Relever notre économie nationale ;
Produire et rétablir nos échnages avec l’extérieur ;
Acheter et vendre ;
Refaire effectivement la grandeur de la France (…) »

Extraits du discours de Maurice Thorez à Waziers, aux mineurs de charbon, le 21 juillet 1945 :
« C’est en 1934, que nous avons proposé, lancé et fait triompher l’idée du Front populaire pour la liberté. (…) Nous avons proposé le Front français, l’union de tous les Français. (…) Les deux cent familles, les trusts (…) se mirent à saboter l’économie nationale, à provoquer les grèves comme le rappelait tout à l’heure Martel. C’est vrai que nous seuls, les communistes, avons eu assez d’autorité pour pouvoir, en juin 1936, mettre en terme aux grèves, que nous seuls pouvions avoir assez d’autorité pour dire, il y a cinq mois : il faut en finir avec jeux de guerre civile (…) La vérité sur 1939 : vous vous souvenez encore de ces journaux, chers camarades : la trahison de Staline, la trahison russe, la trahison des communistes ? (…) En vérité, c’est un traquenard que l’on tendait à l’Union soviétique. On prétendait engager la guerre, une guerre où la Pologne devait s’effondrer rapidement, comme ce fut le cas, et ainsi les armées hitlériennes pourraient déferler rapidement à travers toute l’Union soviétique. L’Armée rouge avait été mise dans l’impossibilité de préparer sa mobilisation, l’Armée rouge était dans l’impossibilité de faire face à l’agression. (…) De Londres, le général De Gaulle lançait son appel, organisait les « Forces françaises libres ». Nous menions la bataille de la Résistance à l’intérieur de notre pays (…) Aujourd’hui, chers camarades, de graves périls nous menacent dans le domaine de la production. On ne le sait pas assez. (…) Le problème décisif de l’heure, c’est le problème de la production. Vous le savez déjà, chers camarades, c’est ce qui m’a amené à Waziers, c’est pourquoi le Bureau politique m’a envoyé vous parler, à vous, les mineurs. J’aborde ici une partie importante de mon rapport, la question du charbon. (…) Je voudrais établir un fait pour montrer l’effort des mineurs. En janvier, la production brute s’était élevée à 2.700.000 tonnes contre, en 1936, une producion mensuelle de 3.400.000 tonnes, c’est-à-dire 80% de la production. (…) Il est vrai qu’il s’est produit un fléchissement à partir d’avril, fléchissement dans la production et fléchissement dans le rendement. Il y a diverses causes à cela : ravitaillement défectueux, manque de vêtements, et en raison d’un mécontentement plus ou moins justifié contre l’insuffisance de l’épuration. Il y a aussi des grèves, très peu justifiées. (…) Tout cela entraîne, dans un métier comme le métier de mineur, une certaine désorganisation. (…) Il faut donner aux ouvriers mineurs de fond un certain salaire (…) Le prix à la tâche. On a accordé la possibilité d’une majoration qui peut aller jusqu’à 60% (…) L’essentiel est d’obtenir du charbon et, pour obtenir du charbon, il faut payer les sommes fixées. (…) Il faut ici, chers camarades, saluer le sacrifice de vos camarades de la métallurgie qui viennent de renoncer à leurs vacances payées pour vous fabriquer des marteaux-piqueurs. Ce sont les mêmes camarades qui, l’hiver dernier, aux Forges et Ateliers de Meudon, manquant de courant électrique dans le jour, avaient demandé et obtenu de leur direction, de travailler la nuit par un froid rigoureux sans supplément de salaire pour pouvoir produire pour vous. (…) A propos de la coupe à terre, pourquoi ne pas généraliser les 3X8 : deux postes au charbon, le troisième au remblai ? (…) Nous savons que les avis des ouvriers peuvent bien souvent influencer d’une façon très favorable les décisions des ingénieurs. Je pense qu’en définitive la décision reste à l’ingénieur et qu’une décision doit être appliquée sur l’ordre de l’ingénieur et qu’une décision doit être appliquée sur l’ordre de l’ingénieur,
autrement il n’y a pas d’autorité possible, d’exploitation possible. (…) Il y a d’autres raisons de la crise du charbon sur lesquelles je voudrais m’expliquer aussi ouvertement et aussi franchement. Ce sont celles qui tiennent à l’effort insuffisant des mineurs eux-mêmes, à votre effort à vous. (…) Il y a des causes de mécontentement, mais ce n’est pas une raison pour ralentir l’effort. Il faut au contraire le développer et briser tous les obstacles. Vous croyez que les camarades de la Loire sont contents quand on leur envoie comme directeur l’ancien directeur épuré des Mines de Dourges ? Ils ne sont pas contents non plus et vous croyez qu’ils ont dit pour cela : nous faisons la grève ? Non. Martel a eu raison tout à l’heure de stigmatiser de telles attitudes. Ils n’ont pas cédé au courant public de démagogie et de vaine popularité. Comme disait le camarade Staline, nous ne craignons pas les difficultés, nous sommes faits pour surmonter les difficultés et nous les surmonterons. (…) Il y a pas mal d’exemples de mineurs qui prétendent ne pas forcer à la production, ne pas pousser à la production et pas seulement parce qu’ils ont crainte de voir baisser les prix à la tâche. (…) Ils ne veulent pas paraître pour des macas. (…) Les macas, chers camarades, c’étaient ceux qui forçaient à la production pour le profit du patron au détriment de leurs frères, les ouvriers mineurs. (…) Il y a des camarades qui disent : « Mais si je travaille davantage, je donne davantage aux actionnaires puisqu’il reste des actionnaires. » C’est une erreur, chers camarades. (…) Si vous produisez beaucoup, c’est seulement dans l’intérêt du pays, et c’est dans votre propre intérêt.
Et puis, je veux revenir sur la question des absences. On parle, on donne beaucoup de raisons, de prétextes, à ce propos. Je dois vous dire, chers camarades, que je ne suis pas tout à fait convaincu des raisons qu’on donne pour justifier les absences. (…) On s’absente trop facilement, pour un oui, pour un non et un mineur qui a le goût de son métier sait très bien que tant d’absences entraînent une désorganisation complète du travail. Les camarades présents sont les premiers à en souffrir. L’absence est justifiée ou n’est pas justifiée. Au lieu de produire, on désorganise la production, on fait tort à ses camarades et pour quelle raison ? Parfois pour un oui, pour un non, pour une égratignure. Je dis que c’est un scandale. Je ne peux pas comprendre, par exemple, que des délégués à la Caisse de secours puissent donner des billets de malade sans journée de malade. (…) Chers camarades, celui qui a le billet de malade sans journée de malade, il a aussi son ravitaillement ; il a aussi les litres de vin, il a aussi la viande ; il mange la part de ses camarades. Ce n’est pas possible, on ne peut pas continuer comme cela. Il faut avoir plus de conscience.
Je vais vous dire, mes chers camarades, que, dans le bassin de la Loire, la même question s’est posée pendant l’hiver, quand il y a eu tant de grippes, quand il y a eu tant de difficultés alimentaires. Le syndicat a réuni les délégués des Caisses de secours et leur a dit : « Epluchez les billets de malade et discutez avec les médecins » et on leur a dit : « Ces médecins, pour la plupart, ne sont pas vos amis. Ces médecins, ils donnent facilement les billets. (…) Ils poussent à la désorganisation. » Il va y avoir des élections à la Caisse de secours. Le syndicat doit demander que ces questions soient posées largement, et dire aux délégués des Caisses de secours que vous allez élire : « Il faut être intransigeant ; c’en est fini avec de telles méthodes, parce que c’est de l’anarchie, un encouragement à la paresse. »
Voici un autre cas. On m’a signalé l’autre jour que dans un puits, le puits de l’Escarpelle, une quinzaine de jeunes gens, des galibots, ont demandé de partir à six heures pour aller au bal. Je dis que c’est inadmissible. (…)
Ici, chers camarades, je le dis en toute responsabilité, au nom du Comité central, au nom des décisions du Congrès du Parti, je le dis franchement : il est impossible d’approuver la moindre grève, surtout lorsqu’elle éclate comme la semaine dernière, aux mines de Béthune, en dehors du syndicat et contre le syndicat. On a pris des sanctions. Sur quatre porions, on en a réintégré deux, en les rétrogradant d’ailleurs. (…)
Je le dis tout net : si nous n’appliquons pas les décisions de notre propre syndicat (…) nous allons à l’anarchie, nous faciliterons les provocations contre les mineurs, contre la classe ouvrière et contre la République.
Eh bien ! quelques camarades s’insurgent, ils déclenchent la grève au n°2 et dans toute la concession, si bien que nous avons perdu 30.000 tonnes de charbon au moins en une période où le pays a besoin de la moindre gaillette, à l’heure où nous fermons des usines, à l’heure où, dans la région parisienne, on arrête des entreprises faute de charbon et ces ouvriers dont on arrête les usines apprennent que dans un des trous essentiels du bassion minier du Pas-de-Calais, on fait grève parce que le nez du porion ne revient pas au délégué. C’est un scandale, c’est une honte, c’est une faute très grave contre le syndicat et l’intérêt des mineurs. Des sanctions ont été prises, peut-être pas dans les formes où elles devaient l’être contre le délégué mineur et son suppléant qui avaient couru les autres puits pour déclencher la grève. Je dis que le mal, ce n’est pas la sanction, le mal c’est que des communistes et des militants du syndicat des mineurs se soient exposés à de telles sanctions. Et, sous prétexte que l’on a sanctionné les délégué mineur, on recommence la grève jusqu’à jeudi soir et on aeu de la peine hier à faire reprendre le travail, bien que le ministre de la Production ait rapporté la sanction prise par le commissaire régional. Ce n’est pas ainsi qu’on travaille pour le pays. (…)
Chers camarades, alors on veut à chaque fois faire la grève pour épurer ou pour soutenir. On pourrait au fond en définir le seul but : faire grève, pourvu qu’on ait un prétexte. (…)
L’autre jour, on m’a parlé d’une grève possible des mécaniciens d’extraction. J’ai beaucoup de sympathie pour la mécanique d’extraction. C’est vraiment un travail qui comporte une lourde resposnabilité et on trouve chez les mécaniciens d’extraction une grande conscience professionnelle. Je pense qu’il faut leur assurer les meilleures conditions de salaire et de travail. Mais, là encore, pas par la grève. (…)
Je vourdrais que ce que nous pensons au Comité central puisse passer dans la tête,dans le cœur de chacun de vous d’abord puis chez tous les mineurs, que produire, produire et encore produire, faire du charbon, c’est aujourd’hui la forme la plus élevée de votre devoir de classe, de votre devoir de Français. (…)
La grande tâche des organisations communistes du Pas-de-Calais, c’est d’aller dans toutes les concessions de Béthune, il faut aller à Béthune, il faut réunir toutes les sections communistes, discuter avec chaque camarade et amener les délégués mineurs à reconnaître qu’ils ont commis une grande erreur, qu’ils doivent comprendre cette erreur et qu’ils ne doivent plus recommencer cette erreur. (…) Nous exigerons de chaque camarade le respect des décisions du 10e Congrès du Parti et le 10e Congrès du Parti a dit : « Il fait produire. »

Document anarchiste :

"L’année 1947 fut une année décisive dans la formation du consensus capitaliste, dans le contexte de la sortie de guerre, de nouvelles notions ont remplacé les vieilles lois du libéralisme social du XIXème siècle. L’idée s’impose que l’Etat est un arbitre social et qu’il lui appartient de corriger les inégalités par la redistribution des richesses. C’est sur cette idéologie que s’est construite la légende du Welfare State et des « Trente Glorieuses ». C’est sur ces bases de développement que la société française va pouvoir entrer dans l’ère de la consommation de masse qui caractérisera le monde développé du XXème siècle. Mais cette transition ne s’est pas effectuée sans heurts dix mois après la mise en place des institutions de la IV République, le pays est en proie à des grèves que le président du Conseil d’alors (V.Auriol) jugeait « insurrectionnelles ». Et ce sont le Parti Communiste et la CGT qui vont sauver la mise au gouvernement. Ces épisodes qui tendent à s’estomper dans la mémoire collective constituent pourtant un tournant fondamental dans la vie économique, politique, et sociale de notre société et une sérieuse leçon pour ceux qui aspirent à une transformation radicale de la société.

Reconstruction économique et paix sociale

En septembre 1944 au moment de la mise en place du gouvernement provisoire présidé par De Gaulle, l’économie française sort exsangue de l’occupation. Manquant d’une main d’oeuvre encore retenue en Allemagne sans compter les morts et les blessés, n’ayant ni combustible, ni matières premières, désorganisée par les bombardements (destructions des quais portuaires, des voies ferrées et gares, des routes etc.) la production industrielle ne représente plus qu’un tiers de celle d’avant guerre. La production agricole à moins diminué, mais la paralysie des transports entraîne une pénurie dramatique de ravitaillement pour les villes. L’inflation explose. Bref le pays semble au bord du naufrage d’autant plus que les ressources de l’Etat sont absorbées dans la poursuite de la guerre et que la tension sociale est a son comble, le climat révolutionnaire de la libération se poursuit : épuration sauvage des pétainistes et collabos, dénonciations des profiteurs du marché noir, revanche contre un patronat qui, après avoir sabordé les conquêtes du Front Populaire, a soutenu majoritairement le régime de Vichy et participé à la collaboration.
Dans ce contexte comment rétablir la République et par là-même le capitalisme ?
En fait la question avait été discutée auparavant dans les débats de la résistance, le programme du CNR (conseil national de la résistance) propose pour la Libération une démocratie économique et sociale sur fond d’économie dirigée. Il préconise notamment : la participation des travailleurs à la direction de l’économie, la nationalisation des grands moyens de production, la sécurité sociale, droit au travail, à la retraite etc.
L’objectif est d’établir l’unanimité nationale en s’assurant de la participation de toutes les composantes politiques de la Résistance et plus particulièrement du PCF et de la CGT le soutien de la confédération syndicale est assuré dès 1944, Benoît Frachon lance “ la grande bataille de la production ”. L’heure est au consensus productiviste : la grève disparaît de l’ordre du jour de la CGT, c’est même comme l’écrit Gaston Monmousseau « l’arme des trusts » et en septembre 1944, la CGT a proposé l’unité organique à la CFTC (qui refuse.) Le PCF ne tarde pas à afficher son soutien à la politique gouvernementale le 21 juillet 1945 Thorez affirme à Waziers devant les gueules noires : “ produire, c’est aujourd’hui la forme la plus élevée du devoir de classe ”.
Bref c’est autour de trois axes principaux que va se structurer la politique gouvernementale : - Les nationalisations : le dirigisme de l’Etat est motivé par une nécessité d’efficacité économique mais les premières vagues de nationalisations ont un caractère soit de sanctions pour faits de collaboration comme la confiscation des usines Renault ou de celles de Gnome et Rhône (moteurs d’avions) qui deviendra plus tard la future S.N.E.C.M.A ; soit de rétablissement de l’ordre social, ainsi en est il des usines Berliet, où l’épuration sauvage effectuée par les ouvriers avait entraîné une certaine forme d’autogestion. Avec la nationalisation de 34 compagnies d’assurances et des quatre principales banques de dépôts, l’Etat se rend maître d’une grande partie du système de crédit. Il peut donc décider, et diriger l’ensemble de l’économie française, de l’investissement à la production. - La cogestion (sécurité sociale et comité d’entreprise) : pour faire accepter les efforts et les sacrifices prodigieux générés par la nécessité de la production, on agite la carotte du social, la loi du 22 février 1945 crée les comités d’entreprises, il s’agissait au départ d’associer les salariés à la gestion des sociétés, mais sous la pression du patronat les CE se cantonneront très rapidement à la gestion des oeuvres sociales de l’entreprise. La création de la Sécurité Sociale est elle, une réforme d’une plus grande ampleur, inspirée des conceptions du Welfare State de l’anglais Beveridge. Si elle se justifie par une volonté de redistribution de la richesse produite, elle modifie profondément la conception même du salariat. Celui ci ne devient plus seulement la rémunération du travail fourni conçu en tant que marchandise, mais un revenu social fixe, même s’il n’y a pas de travail, la cotisation (obligatoire par ailleurs) représentant un salaire différé. Cette réforme crée un système de protection garantie par l’Etat qui modifie profondément la nature et le comportement de la société. - La planification de l’économie : en janvier 1946 est crée un Commissariat Général au Plan sous la direction de Jean Monnet qui élabore la stratégie et les objectifs économiques qu’il faut atteindre. Le plan Monnet sera adopté et promulgué par le gouvernement de Léon Blum en janvier 1947. L’esprit général de ce plan est d’inclure l’ensemble de l’économie dans un développement systématique, mais il s’agit également de rassurer les américains quant à l’utilisation des fonds du futur Plan Marshall. Enfin pour mesurer les performances de l’entreprise France, l’INSEE est crée en 1946.
On le voit l’Etat prend en charge la responsabilité de l’économie non seulement pour reconstruire le pays, mais par la même occasion pour moderniser le vieux capitalisme français, l’Etat doit donc se substituer à l’initiative privée, mais le plus important c’est le rôle que vont jouer les entreprises nationales dans la modification de la mentalité du vieux capitalisme français en l’orientant vers des notions qui lui étaient jadis étrangères, comme l’investissement, la productivité, la gestion rationnelle...
Cependant la condition préalable à la mise en place de cette politique, c’est l’adhésion massive des forces politiques à ce projet, dans cette perspective le PCF et la CGT vont jouer un rôle précieux...
Le parti communiste a le vent en poupe. Par ses effectifs : près de 800 000 à la fin de l’année 1946, il retrouve son audience d’avant guerre et s’installe avec satisfaction à la première place des parti politiques. Par ses modes d’actions : la lutte clandestine a reconstitué l’appareil, l’euphorie de l’automne 44 permet de mettre définitivement au point les techniques d’encadrements des masses. Son influence se déploie également à travers la mise en place d’organisation satellites, l’union des femmes françaises par exemple ou des associations de jeunesse ou d’anciens combattants. Il peut également ajouter un argument moral à ses armes classiques : son action pendant la résistance « le parti des fusillés » selon la formule qu’il affectionne alors peut se parer dans son patriotisme élargi par le prestige dont jouit l’armée rouge. Les hésitations du Pacte germano soviétique et la reparution de l’Humanité sous occupation allemande sont ainsi promptement évacués. C’est sur cette base morale plus que sur une base politique qu’il attire tant de français, c’est au nom des sacrifices consentis par les combattants de la résistance se réclamant de son influence (FTP, MOI...) qu’il s’érige en censeur des autres formations politiques. Il ne faut pas sous estimer ce point, le-parti-de-la-classe-ouvrière devient le porte-parole des pauvres et des purs, son moralisme valant toutes les théories.
Alors lorsque Thorez est de retour de Moscou où il s’était réfugié pendant la guerre, il a les coudées franches pour appliquer les consignes données par Staline : le devoir du parti est de renforcer l’union nationale pour activer le combat contre Hitler et les nazis et ainsi soulager l’Union Soviétique. Légalisme, patriotisme, unitarisme c’est la ligne exposée par le mot d’ordre du comité central d’Ivry de janvier 1945 « Unir, combattre, travailler ». A l’évidence il y eu des flottements dans l’application de cette stratégie, nombre de militants semblaient plutôt convaincus que la révolution était au bout du fusil, des responsables comme Guingouin dans le Limousin possèdent un réel pouvoir sur les zones qu’ils ont libérées. C’est aussi dans cet esprit qu’il faut comprendre les succès de l’extrême gauche notamment trotskyste. Le PCF fait donc le pari d’être le Grand Parti Populaire issu de la Résistance, pour être selon le mot d’ordre de Thorez « l’initiateur et le conducteur de l’effort populaire pour la reconstruction de la France » et bâtir le « un socialisme à la française » (formule promise à un bel avenir).
Dans ce sens la CGT va servir de pierre angulaire dans la construction de cette politique. Au bureau confédéral c’est Benoît Frachon qui mène le jeu même après le retour de Léon Jouhaux, son élection au poste secrétaire général révèle l’efficacité du travail accompli à tous les niveaux de l’organisation en clair les communistes sont les maîtres le recrutement s’accentue et à la fin de 1945 le cap des 5 millions de cartes est franchi. En octobre 1946 au terme d’une série de grèves les fonctionnaires se voient enfin dotés d’un droit syndical pour tous et d’un Statut de la Fonction publique qui reprend pour l’essentiel les dispositions élaborées par la centrale syndicale. Mais en acceptant de jouer le jeu de la « bataille de la production » le syndicalisme va tourner une page de son histoire, en acceptant de devenir un partenaire social par la cogestion des organismes sociaux et entreprenariales, la CGT concourt à la modification des règles du jeu social, à l’encadrement de la lutte de classes et a la disciplinarisation du prolétariat par la définition d’un intérêt commun entre employeurs et salariés. L’institutionnalisation du syndicalisme -dans le droit fil des ambitions de 1936-dessine un terrain neutre où l’affrontement entre capital et travail perd ses élans révolutionnaires. On peut affirmer que les staliniens ont sacrifié la CGT dans leur tactique politique. Les deux principales scissions qui auront lieu en témoignent (création de la CNT-F en mai 1946, décembre 1947 amorce de la scission CGT-FO)

La double fracture de 1947

La première fracture, celle des débuts de la guerre froide et de la marche vers la décolonisation, est plutôt accidentelle, la France subit une évolution mondiale et ne peut agir. La seconde fracture est illustrée par le renvoi des ministres communistes, voit la toute nouvelle république menacée d’une révolution sociale.
En 1946, la tension s’est accrue entre les USA et l’URSS : la possession de l’arme atomique du côté américain ne suffit pas à compenser les positions de l’Armée Rouge en Europe. Churchill lâche sont mot célèbre de « rideau de fer » à Fulton, pour tenter de rompre l’isolationnisme américain. Trumann répond par l’élaboration de sa doctrine et de la politique de « containment », le principe en est simple, les peuples soumis ou en cours de soumission en Europe de l’Est sont abandonnés à leur sort car leur libération causerait une nouvelle guerre mondiale mais tout doit être mis en oeuvre pour contenir Staline et empêcher le « monde libre » de basculer dans le giron soviétique. Dans cette stratégie la France est considérée comme une pièce de choix. En juin 1946 le plan Marshall, achètera ce que la diplomatie n’a pu obtenir. L’URSS répliquera par la création du Kominform en octobre 1947.
Le deuxième point international c’est la question de la décolonisation, la Libération du territoire français ne signifiant pas la Libération pour tous.
Pourtant le chemin semblait avoir été montré par d’autres, la Grande Bretagne (Inde et Pakistan) et les Pays Bas sont en passe de réussir. La France, elle est incapable de résoudre les contradictions de son empire et s’enlise dans la guerre en Indochine. A Madagascar, elle révèle son visage répressif, dont bien des traits réapparaîtront plus tard en Algérie. Le soulèvement des insurgés malgaches (29/30 mars 1947) pêche par excès de confiance en un soutien américain. La répression est terrible : 89 000 morts annoncés par l’Etat Major français, carte blanche laissée aux troupes d’élites et paras, amorce de guerre psychologique (tortures, corvées de bois...). En Afrique du Nord ce n’est pas mieux, massacre de Sétif en Algérie, fusillade a Tunis et blocage au Maroc. En Indochine la sale guerre s’installe.
Aux difficultés de l’extérieur vont s’ajouter les troubles intérieurs.
En janvier et février le gouvernement Blum décrète une baisse autoritaire des prix de 5%. C’est une lueur d’espoir : l’hiver est terrible, depuis décembre des usines ont fermé, faute de matières premières. Ces décrets tentent en vain d’enrayer les échecs de la politique de contrôle des augmentations des prix et des salaires : entre 1945 et 1947, les prix alimentaires triplent pendant que les salaires et les prix industriels doublent (entre 1944 et 1948, le pouvoir d’achat moyen a reculé de 30% environ.). Après quatre années de privations sous l’occupation et de long mois d’efforts pour la reconstruction les travailleurs sont à cran et ilss ne supportent plus la vie chère. Une étincelle peut enflammer la prairie. Si les premières grèves de janvier ont été rapidement circonscrites, la grève de la régie Renault est d’une nature différente. Elle est déclenchée le 25 avril par des militants trotskistes de l’Union Communiste (trotskyste) sur des revendications salariales, il y a aussi dans le comité de grève des militants du PCI, des anars et des bordiguistes. L’affaire, bien menée, est très fortement suivie par la base et oblige la CGT après avoir violemment dénoncé le mouvement à en prendre la direction, le travail reprendra trois semaines plus tard avec de substantielles augmentations. Le 1er Mai multiplie d’imposants cortèges et à Paris la foule hue le ministre du travail Daniel Mayer (SFIO). Les gaziers, les électriciens, et les cheminots menacent de cesser le travail. Le gouvernement Ramadier accorde un relèvement du salaire minimal mais développe un discours du complot en arguant d’un « chef d’orchestre clandestin ». Certes il y a plusieurs facteurs qui explique le mouvement giratoire de grèves, mais la pugnacité de la CGT n’est pas feinte. Ses dirigeants communistes découvrent dans le péril gauchiste les signes d’impatience d’une classe ouvrière qu’il ne faut plus décevoir. Accompagnant cette nouvelle ligne le 4 mai, dans le vote sur la question de confiance sur la politique salariale du gouvernement aux usines Renault, tous les députés communistes, y compris les ministres, votent contre le gouvernement. Le 5 Ramadier renvoie les ministres communistes. Désormais « libres » ils encouragent les mouvements, ajoutant aux revendications des thèmes politiques, notamment contre le plan Marshall, répondant à cela aux injonctions de Moscou. Profitant de la confusion et des troubles sociaux qu’il transforme en menace communiste, de Gaulle fonde le RPF et signe la mort du tripartisme (PCF/SFIO/MRP) qui avait jusqu’alors dominé l’Assemblée Nationale.

La grande peur de l’automne 1947

Petit à petit les grèves font tache d’huile, partit du secteur public elles vont gagner la métallurgie, les banques, les grands magasins et les transports. La vague de mai juin est elle à peine désamorcée par des accords passées entre la CGT et le CNPF, qui prévoient une augmentation de 11%, qu’elle repartent en septembre chez les fonctionnaires qui exigent les mêmes avantages. Les actions naissent le plus souvent à la base la CGT s’empressant d’encadrer quand elle le peut. Si les revendications semblent en premier lieu strictement économiques elles traduisent une profonde lassitude devant la poursuite des efforts demandés. Mais c’est le gouvernement qui va faire monter la tension en politisant la crise sociale par l’évocation d’un complot communiste. Il est appuyé dans son propos par l’attitude du PCF. En effet depuis Moscou, Staline accélère le processus de domination sur l’Europe de l’Est et lance dans la Guerre Froide les partis communistes occidentaux. Tenue en secret du 22 au 27 septembre, la réunion de neuf responsables de PC européen à Szlarska-Poreba, en Pologne, prépare le lancement du Kominform. Au cours ce cette réunion un violent réquisitoire est prononcé contre la politique menée par les français et les italiens qui se voient taxée de « crétinisme parlementaire ». Les effets de la remontrance ne sont font pas attendre et dès octobre les communistes passent dans l’opposition, à l’opposé De Gaulle dénonce « le parti séparatiste » et alimente la peur des rouges. Résultat les élections législatives portent à la présidence du conseil Robert Shuman qui charge Jules Moch, ministre de l’Intérieur SFIO de rétablir l’ordre.
Car les situation frise l’insurrection. Dans leur troisième temps de novembre- décembre les grèves ont pris l’allure d’affrontements politiques. A Marseille, du 10 au 12 novembre, une grève généralisée à l’occasion d’une hausse des tarifs du tramway décidée par la municipalité dégénère en émeute, tandis que la compagnie de CRS (où les communistes sont nombreux) fraternisent avec la foule, le maire Carlini est blessé, les bâtiments public sont envahis (la mairie est saccagée) et un jeune sympathisant communiste est tué. Le 15 novembre la grève éclate dans les Houillères du Nord après la révocation de Delfosse, secrétaire de la fédération CGT du Sous-sol, une dure bataille s’engage entre les mineurs, qui retrouvent les réflexes de la Résistance et les CRS, vite remplacés par l’armée mobilisée par Moch. Le 3 décembre le train Paris Tourcoing déraille causant 21 victimes, faisant suite à une longue série de sabotages. Le 28 novembre 20 fédérations CGT en lutte forment un « Comité central de grève » distinct de la confédération. La grève générale insurrectionnelle serait elle à l’ordre du jour ?

La République décidée à écarter le danger social décide alors de sortir les grands moyens pour organiser la riposte. Le gouvernement mobilise toutes les forces de l’ordre, rappelle les réservistes et le contingent de la classe 1943, et fait voter, après 6 jours débats ininterrompus, le 4 décembre, des mesures de « défense républicaines » qui sous le prétexte de garantir « la liberté du travail » restreignent les droits des grévistes, on le voit Sarkozy n’a rien inventé. Mais l’échec du mouvement tient plus aux dissensions entre les grévistes. Des délégations de syndicats autonomes, des groupes F.O de la CGT demandent l’arrêt de l’action et proposent des votes à bulletins secrets pour ou contre la poursuite de la grève. La direction communiste sentant le vent tourner et refusant la confrontation ultime ordonne le 10 décembre l’arrêt des grèves et la reprise générale du travail. La IVème république est sauvée. La classe ouvrière peut retourner à la production.

Conclusion

Le syndicalisme sort brisé de cet affrontement, le rôle déterminant du secteur public fortement syndicalisé, transforme le syndicat en groupe de pression et non plus en instrument de transformation sociale. En avril 1948 les groupes « Forces Ouvrière » autour de Léon Jouhaux formeront la CGT-FO, ils seront largement financés et appuyés par la SFIO, les syndicats américains et même la CIA, qui voient d’un bon oeil l’anticommunisme affiché par son leader. Au même moment la Fédération de l’Education Nationale se constitue entraînée par le Syndicat national des instituteurs. Le parti communiste suivant sa droite ligne réformiste de 1936 maintient son audience électorale, forge une nouvelle génération de militants, vérifie l’état des transmissions des directives du parti vers la classe ouvrière par le canal syndical, il ne vise plus qu’un seul but (s’il en avait déjà visé d’autres), préserver le parti et son pouvoir, peaufiner sa stratégie de la grève, sacraliser son identification à la nation et à la classe ouvrière. Arrivé à l’apogée de son existence, il amorce son long et lent déclin jusqu’à la mort clinique dans laquelle il se trouve actuellement. "

LA LUTTE DE CLASSES nº 43
Barta

30 janvier 1945

UN C.C. D’UNION SACREE

Le Comité Central du Parti Communiste Français s’est réuni le 21 janvier en présence des "notabilités" et des "hauts" fonctionnaires du Parti. Le but de cette réunion apparaît clairement dans l’intervention de Monsieur Thorez (que nous appelons ainsi suivant la consigne du Parti de ne plus tutoyer les "grands" camarades) : en finir une fois pour toutes avec les illusions démocratiques qui subsistent encore parmi les militants communistes et dans la masse de ceux qui sympathisent avec le Parti, qui croient encore que le Parti lutte sur les deux fronts à la fois, la guerre contre le fascisme à l’extérieur, la lutte pour la démocratisation du régime à l’intérieur.

Car ces illusions créent des difficultés au gouvernement qui, tout en prétendant mener à l’extérieur une guerre antifasciste, mène à l’intérieur une action tout à fait anti-démocratique. Il exige des chefs staliniens un soutien sans conditions (c’est-à-dire une capitulation complète). Ceux-ci, en soutenant la guerre du gouvernement, ne peuvent pas ne pas se soumettre à toutes ses exigences. C’est pourquoi Thorez ne pouvait pas parler autrement qu’il l’a fait.

En 1937, répondant aux staliniens qui préparaient alors leur union sacrée pour la présente guerre, sous prétexte de défendre la "démocratie" contre le fascisme en régime capitaliste, Trotsky avertissait : "une victoire de la France... sur l’Allemagne... pourrait signifier... la transformation de la France en un Etat fasciste, parce que pour être victorieux d’Hitler il est nécessaire d’avoir une machine militaire monstrueuse et les tendances fascistes en France sont maintenant puissantes. Une victoire pourrait signifier la destruction du fascisme en Allemagne et l’établissement du fascisme en France".

"Tout pour la guerre", lançait l’autre jour Thorez, et il ajoutait comme conclusion absolument nécessaire : "la sécurité publique doit être assurée par les forces régulières de police constituées à cet effet. Les gardes civiques et d’une façon générale, tous les groupes armés irréguliers, ne doivent pas être maintenus plus longtemps". C’est la condamnation par le responsable du Parti, des groupements formés sous l’occupation et qui, dans l’esprit des travailleurs, devaient précisément non seulement vaincre l’occupant, mais surtout, par leur structure démocratique, émanciper le peuple des vieilles puissances d’oppression qui seules ont provoqué les malheurs qui se sont abattus sur la France depuis 1939. C’est la condamnation de ces milices dont le désarmement, il y a quelques semaines seulement, avait été qualifié par Duclos (autre "grand" camarade du PC) de "coup de force gouvernemental". Et cette police chargée de la "sécurité publique" c’est toujours celle qu’à plusieurs reprises l’Humanité elle-même a déjà dénoncée comme étant composée pour 95% d’éléments vichyssois, c’est-à-dire réactionnaires et pro-fascistes.

Répétant De Gaulle, Thorez dit : "Nous ne manquons pas d’officiers de valeur, y compris ceux qui ont pu se laisser abuser un certain temps par Pétain". Quelques jours après ce discours, la direction des FFI auprès du Ministère de la Guerre est congédiée... Pourquoi l’Humanité s’indigne-t-elle ?

Ainsi cette guerre soi-disant démocratique à l’extérieur, se traduit à l’intérieur par l’abandon de tout le pouvoir au vieil Etat oppresseur, l’Etat des 200 familles qui se sert de Thorez pour paralyser les masses au nom de la "défense nationale". On comprend donc que "les journaux de diverses nuances louent volontiers la sagesse, le sens politique... du porte-parole du PC" comme dit Cachin dans l’Huma du 25/1 ; seulement le journal qui manifeste le plus son accord avec Thorez, c’est Le Monde, justement dénoncé par l’Huma comme la reconstitution du Temps, organe du Comité des Forges. On a les amis que l’on mérite !

Comme tous ses prédécesseurs, Thorez, pour masquer sa trahison, joue au réaliste. Il affirme que ce qui le préoccupe c’est "gagner la guerre au plus vite" (cette guerre de 30 ans !), "faire en sorte que revienne bientôt... le lait pour nos petits, le pain pour nos vieux, le verre de vin pour tous".

Cette promesse électorale du verre de vin pour tous relève de la plus basse démagogie. Car tous les politiciens promettent le bonheur au peuple ; mais par quels moyens, par quelles mesures précises l’obtenir ? Thorez condamne la révolution. Mais que préconise-t-il ? "La confiscation des biens des traîtres". Mais ce n’est là qu’une phrase démagogique, parce qu’adressée au gouvernement de la bourgeoisie ; de même que la "punition des coupables". Même si cette mesure était appliquée (mais elle ne peut pas l’être), elle ne changerait en rien l’état des choses. Le peuple a été marchandé, exploité, saigné pendant cinq ans par toute la bourgeoisie, sous Daladier, sous l’occupation et maintenant. Sans l’expropriation de celle-ci, les bébés continueront à mourir de froid dans les maternités...

Thorez s’élève contre "ceux qui ont constamment à la bouche le mot de révolution". C’est ce que les socialistes de trahison (de la IIème Internationale) reprochaient précisément aux communistes après la scission de Tours en 1921. Mais peut-être Thorez, plus heureux que ses prédécesseurs, serait-il en train d’obtenir des réformes améliorant le sort des masses dans le cadre du régime capitaliste, réformes que les excès révolutionnaires (de langage !) risqueraient de mettre en danger ? Pas plus que les socialistes de trahison de la IIème Internationale, Thorez n’a le moindre programme de réformes pour améliorer la situation des classes laborieuses en face d’une bourgeoisie gorgée de profits. Pour son malheur, ce sont au contraire les révolutionnaires qui, en même temps qu’ils expliquent inlassablement aux travailleurs que sans révolution ils sont voués à l’écrasement complet par les capitalistes, défendent aussi inlassablement les travailleurs sur le terrain économique à l’usine (en opposant au "travailler d’abord, revendiquer ensuite" des chefs staliniens la lutte pour l’augmentation des salaires, la réglementation de la journée de travail, le contrôle ouvrier, etc...) et luttent pour les droits démocratiques les plus élémentaires (droits politiques pour le soldat, liberté de la presse par la suppression de l’autorisation préalable, la répartition du papier à chaque groupe de citoyens constitué, etc...) Contrairement à ce qu’affirme Thorez, seule la lutte révolutionnaire peut produire des résultats pratiques, même partiels. Comme les socialistes-jaunes, Thorez s’élève contre la Révolution pour masquer l’appui total qu’il donne aux capitalistes.

Les directives de Thorez ont produit dans la masse communiste (militants, jeunesses, sympathisants) des réactions dont la moindre est "l’étonnement". Mais il n’y a rien d’étonnant dans la politique de Thorez. C’est au contraire la seule attitude logique, car qui veut la fin veut les moyens. Si on prêche la guerre sous la domination des 200 familles, il faut leur donner l’assurance qu’il ne sera pas touché à leurs privilèges. Les 200 familles ne se contentent pas d’assurances verbales : il leur faut la certitude matérielle, la disposition à l’intérieur d’instruments qui garantissent leur domination, la police, l’administration, etc...

Thorez reconnaît dans son discours (il ne peut faire autrement) que le maître du pays ce sont les Bureaux ("les bureaux ! Ce n’est pas seulement le sommet de la hiérarchie administrative. C’est aussi et surtout la mainmise de certains cercles privilégiés sur les leviers de commande"). Il ajoute cependant que personne, même pas les Comités de Libération, ne doit s’immiscer dans leur sphère d’action. C’est seulement à ce prix que la bourgeoisie consent à l’union sacrée, c’est-à-dire accepte les services des bureaucrates ouvriers pour la défense de ses coffres-forts.

Ces bureaucrates savent que la bourgeoisie tôt ou tard se débarrassera d’eux. Mais que faire ? On ne peut pas à l’infini faire semblant d’avoir une politique révolutionnaire tout en freinant la révolution. Car à la longue les masses passeraient outre et les bureaucrates seraient débordés. Or la révolution signifie pour eux la perte de leurs positions dirigeantes, car, engraissés, stylés, pommadés, dressés, ils sont à mille lieues de la mentalité des masses et seraient rejetés par leur mouvement déferlant pour construire un monde nouveau. L’union sacrée assure aux bureaucrates des postes ministériels et politiques dans l’appareil de la bourgeoisie et ils espèrent durer aussi longtemps que la patience des masses supportera le régime d’exploitation capitaliste ; ces bureaucrates infatués sont convaincus, dans leur haute sagesse, que "le peuple est bête" et qu’il patientera longtemps, pour leur plus grand bonheur à eux.

Mais les masses comprennent maintenant très rapidement la situation. Elles ont la terrible expérience de cinq années de guerre. La nouvelle union sacrée ne les enchaîne plus sans résistance au service de la bourgeoisie. L’appel aux sacrifices de la part de bureaucrates chauffés qui donnent en exemple Léningrad (Léningrad où en 1917 les ouvriers ont renversé les capitalistes !), les laisse complètement froids, si on peut s’exprimer ainsi. Les masses sont prêtes à répondre à l’appel de défenseurs hardis, révolutionnaires, capables de les guider effectivement dans la situation terrible où elles se trouvent et de trouver une issue. Ces défenseurs, les révolutionnaires, augmentent tous les jours en nombre. Car la lutte des militants de la IVème Internationale pour rassembler en un Parti capable de conduire les travailleurs vers la libération de classe, rencontre un grand écho dans la masse communiste trahie par ses chefs bureaucrates. C’est pourquoi Marty met en garde le Parti contre "les infiltrations idéologiques ennemies". Mais quelle idéologie peut s’infiltrer et trouver accès auprès des militants communistes, sinon le trotskysme, car le trotskysme c’est le communisme véritable. Et dans le PCF d’union sacrée, le communisme ne s’est pas encore effacé du cœur de tous les militants. Si des chefs à la Cachin, qui d’ailleurs continue sa besogne de 14-18, n’ont plus de communiste que le nom, la masse du Parti, les militants de base restent communistes. Voilà pourquoi les chefs staliniens sont obligés de lutter constamment contre les "infiltrations" idéologiques, c’est-à-dire le communisme des militants de base du PCF. Effrayés par cet état d’esprit, les chefs staliniens utilisent dans la lutte contre le trotskysme, c’est-à-dire le communisme, toutes les méthodes, qui commencent à la calomnie et finissent par le crime. Et pourtant les chefs de l’union sacrée n’arrêteront pas pour cela leur chute. Maintenant que la roue de l’histoire tourne autrement, maintenant que la conscience révolutionnaire des militants honnêtes et des masses se développe à un rythme accéléré, ces méthodes ne feront que précipiter leur chute.

Par une promesse d’unité entre le PC et le PS les bureaucrates pensent pouvoir cacher leur faillite. Mais les bureaucrates du PC, de même que ceux du PS, si nombreux qu’ils soient par rapport aux révolutionnaires, ne représentent que les intérêts d’une très étroite couche dans le prolétariat : l’aristocratie ouvrière. Par contre, les militants de la IVème Internationale représentent les intérêts de classe de l’écrasante majorité non seulement des ouvriers, mais de tous les exploités et opprimés en France. Les ouvriers prennent conscience de plus en plus vite de ce fait, et, que nous ayons ou pas une union des bureaucrates, nous marchons déjà vers une nouvelle scission de Tours, c’est-à-dire la séparation de tous les communistes et socialistes véritables du PC et du PS C’est seulement cette scission qui permettra aux masses travailleuses d’avoir enfin un instrument de défense et de victoire sur les exploiteurs, c’est-à-dire le Parti Communiste, section française de la IVème Internationale.

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