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Qu’est-ce qu’une pensée révolutionnaire ?

mercredi 3 avril 2013, par Robert Paris

Albert Einstein : "Il est plus difficile de casser une croyance que de briser un atome."

Max Planck, inventeur des quanta avec Einstein, écrit dans "Initiations à la physique de la nature des lois physique" :

« La physique, considérée par la génération précédente comme une des plus vieilles et des plus solidement assises parmi les connaissances humaines, est entrée dans une période d’agitation révolutionnaire qui promet d’être une des plus intéressantes de son histoire. »

Le physicien Léon Lederman écrivait dans « Si l’Univers est la réponse, quelle est la question ? » : « La science ne concerne pas le statu quo mais la révolution. »

Qu’est-ce qu’une révolution au sens des sciences ? Dans l’introduction de notre site, nous écrivons que « Au sens large, scientifique, nous appellerons « révolution » tout état transitoire dans lequel l’ordre établi peut basculer qualitativement et brutalement. Mais, surtout, nous appellerons révolution une situation qui mène à l’émergence brutale d’une structure, qualitativement nouvelle, issue de l’agitation et des contradictions à l’échelon hiérarchique inférieur, encore appelée auto-organisation. Du coup, ce processus concerne aussi bien les différents domaines des sciences. »

Voici un exemple d’une période révolutionnaire en sciences

Et voici un exemple de phénomène qui a suscité l’apparition d’une pensée nouvelle : l’écoulement du tas de grains de sable !

On croit souvent que pour atteindre des idées révolutionnaires en sciences, il faudrait se poser des problèmes d’une complexité inouïe au point que seuls des spécialistes puissent même en discuter ? Nous prenons l’exemple du sablier et du tas de sable pour montrer que ce n’est pas la complexité apparente du sujet qui fait la pensée révolutionnaire mais la manière de l’aborder. Le sablier peut sembler tout ce qu’il y a de simple et de banal mais il a pourtant mené à l’idée très révolutionnaire de l’équilibre ponctué, à la théorie des avalanches, des tremblements de terre, de la sélection des plans d’évolution des embryons et de l’évolution des espèces de Stephen Jay Gould.

Bernard Sapoval écrit dans "Universalité et fractales" :

« Les phénomènes qu’il s’agit de caractériser comme criticalité auto-organisée sont tous des phénomènes qui se produisent dans des systèmes en déséquilibre dynamique, c’est-à-dire en présence d’échange avec l’extérieur. par exemple, la percolation d’invasion (...) Il suffit du déplacement d’une particule pour que la géométrie subisse une variation importante. L’apparition de ces instabilités a constitué une surprise pour nous. par exemple, un contact électrique, constitué d’une soudure diffuse, peut présenter des fluctuations liées au mouvement de quelques atomes seulement qui, en connectant ou déconnectant un grand amas, peuvent modifier les propriétés des contacts de façon sensible. Un tas de sable peut être en équilibre (précaire) si on n’ajoute pas de sable. Par contre, si on ajoute du sable, même très lentement, le tas devient instable. Il présente des fluctuations de toutes tailles, des "avalanches". le flux est dans ce cas un flux d’énergie apporté par le sable ajouté par en haut du tas. (...) L’auto-organisation est l’apparition spontanée d’une forme ou d’une structure qui ne résulte pas d’un programme codé comme un algorithme. (...) Jusqu’au début des années 80, on considérait que les phénomènes dits critiques étaient des phénomènes qui apparaissaient dans des circonstances exceptionnelles contrôlées par un paramètre extérieur. par exemple, les phénomènes critiques autour des transitions de phase ne sont observables que si la température est proche de la température critique : pour faire bouillir de l’eau, il faut la porter exactement à 100 degrés. Un autre exemple de phénomène critique est la percolation où il existe un paramètre, la concentration, dont la valeur nous indique si le système est près ou loin de la situation critique. Ce sont des situations dites "à l’équilibre", dans lesquelles même si des fluctuations existent le système garde au cours du temps des propriétés moyennes constantes. Qu’en est-il des systèmes très loin de l’équilibre, c’est-à-dire ceux qui sont placés dans des circonstances qui maintiennent l’existence d’un flux global d’échange avec l’extérieur ? Il n’y a guère plus d’une dizaine d’années qu’on été découverts des phénomènes qui possèdent spontanément certaines caractéristiques des phénomènes critiques sans qu’apparemment il y ait besoin d’ajuster les conditions extérieures. C’est pour cette raison qu’ils ont été appelés phénomènes critiques auto-organisés. Cette généralisation et ce vocable ont été proposés par Per Bak et ses collaborateurs en 1987, mais certains cas particuliers étaient connus depuis quelques années. Le premier de ces phénomènes est la percolation d’invasion, qui cherche à représenter la pénétration de fluides dans des milieux poreux. le second phénomène de ce type est la géométrie des soudures. Cette géométrie est aussi celle que vous obtiendriez en lançant une poignée de confettis et en étudiant la figure formée par les confettis tombés sur le sol. (...) L’exemple princeps de criticalité auto-organisée développée par Bak et ses collaborateurs est la physique du tas de sable. »

Qu’est-ce qu’une pensée révolutionnaire ?

Du tas de sable à l’idée révolutionnaire

Je voudrais introduire cette notion de pensée révolutionnaire car la plupart des auteurs croient plutôt en la connaissance c’est-à-dire en l’accumulation de faits, au progrès c’est-à-dire en la succession continue de transformations lentes, aux évolutions graduelles où les avancées ne se contredisent pas mutuellement. La pensée révolutionnaire est à l’inverse une discontinuité, une négation de la pensée dominante précédente, un changement radical sur le plan conceptuel. Cela ne signifie pas que les penseurs révolutionnaires aient jamais eu comme but en soi de révolutionner la pensée de leur domaine. Cela peut parfaitement être des gens très respectueux des penseurs passés, de l’ordre établi éventuellement, des connaissances acquises mais qui ont assez d’imagination pour sortir des sentiers battus et penser hors de la norme, loin des croyances de leur époque. C’est assez rare pour être remarqué. Le propre de ces penseurs est de partir d’un point de vue inhabituel pour examiner la réalité. Sortir des préjugés n’a rien d’évident pour chacun d’entre nous car ces derniers ne crèvent pas les yeux et semblent même des faits indiscutables. C’est une situation qui est générale à tous les domaines des sciences et de la philosophie. Y compris ces idées, révolutionnaires à une époque, peuvent être devenues les idées reçues de la suivante et on croira tout autant qu’elles sont évidentes que l’on les croyait évidemment fausses…. En fait, ni on ne souhaite ni on ne se donne les moyens de vérifier quoique ce soit et on admet ce que tout le monde admet. Une idée que la science ou la philosophie commune peut un jour rejeter peut revenir demain sous une nouvelle forme et gagner à nouveau du crédit… On ne se souvient plus du tout du rejet par des scientifiques reconnus comme Mach, Avenarius, de l’idée d’atome. On ne se souvient pas davantage de l’horreur de Planck lui-même à l’idée de devoir défendre la notion de quanta de lumière alors que tout le monde avait admis depuis longtemps le caractère continu de l’onde lumineuse.

Nous croyons tous que la terre n’est pas le centre de l’univers mais la manière dont nous le croyons est tout à fait identique de celle où nos prédécesseurs étaient persuadés du contraire : c’est l’autorité des dirigeants scientifiques et sociaux. Nous n’avons jamais vraiment appris comment on fait pour raisonner, comment on fait pour vérifier, comment on fait pour pousser la critique d’une thèse. Nous avons appris, scolairement, comment on fait pour admettre une théorie, l’apprendre et l’appliquer, ce qui est la démarche inverse… A l’école, on peut poser une question pour comprendre mais pas pour remettre en question ! On n’est pas là pour discuter les thèses défendues. Tout est présenté comme assuré alors qu’aucune connaissance ne l’est définitivement et que tout peut être un jour ou l’autre remis en cause.

Même dans les études philosophiques, on diffuse des connaissances sur les anciens philosophes mais pas forcément la méthode de discussion philosophique qui était le propre de l’enseignement de Socrate. Ce dernier ne concevait pas du tout un enseignement partant d’une masse de connaissance mais des questions et des réponses de chacun face aux problèmes du monde. La création d’expériences de pensée testant les idées sur le monde que pratiquait Zénon est encore plus loin de notre mode de pensée appris par la société.

L’idée même que penser soit un but en soi peut sembler tout à fait étrange. Bien des gens ne conçoivent pas d’autre intérêt que celui de « réussir », d’être reconnu par… d’autres gens reconnus, de gagner des postes, des positions, des sous, du pouvoir, etc… Il est certain que les idées révolutionnaires ne sont pas le meilleur moyen de gagner la reconnaissance des gens qui ont réussi, des pouvoirs institutionnels….

Cela nécessite une curiosité qui ne cherche pas en soi la connaissance mais est attiré par ce qui semble étrange.

Chacun peut regarder couler un sablier sans pour autant se dire : je suis en train de voir un phénomène qui remet en question mes idées reçues. Il se passe quelque chose de fantastique sous mêmes propre yeux et je ne le vois pas…

Et pourtant il ne se passe pas seulement une chose étonnante mais plusieurs… Nous voyons devant nous des ordres durables se mettre spontanément en place alors qu’ils n’étaient pas inscrits dans les propriétés des éléments en interaction, en l’occurrence les grains. Ces ordres peuvent durer très longtemps et disparaître avec un choc extrêmement faible. Ce sont l’ordre du tas de sable qui se constitue au bas du sablier et l’ordre des grains en haut du sablier qui se constitue quand le sable se bloque parfois en haut du sablier. Ce sont des ordres émergents qui découlent des interactions d’un grand nombre de grains qui n’ont aucun rapport avec les propriétés de chaque grain. Personne ne peut voir à l’œil nu ces ordres émergents mais ils existent : ce sont des voutes constituées spontanément par les grains et qui bloquent les écoulements. Ce sont aussi des angles du tas de grains.

La réflexion menée par certains scientifiques sur les ordres émergents est contrée par une philosophie bien établie des ordres préexistants.

Ainsi, nombre de scientifiques cherchent partout des bases d’un ordre fixe : l’ADN, les gènes et l’hérédité pour les espèces, la masse pour la matière, la force en physique. Ils croient en des classifications immuables, des frontières fixes entre type de phénomènes : ou la matière ou la lumière, ou le vivant ou l’inerte, etc…

Penser autrement n’est pas nécessairement juste mais c’est révolutionnaire…

Nous employons sans arrêt des notions sur lesquelles nous n’avons pas réfléchi et qui supposent nombre d’apriori sur lesquels nous ne nous sommes posé aucune question comme l’énergie, la vitesse, la force, les lois de conservation, la symétrie, etc…

Bien des gens pensent que ces questions ne concernent que des spécialistes et que le commun des hommes ne pourrait pas se poser des questions philosophiques avant d’avoir mené des hautes études universitaires dans le domaine.

Des exemples de philosophies comme celles de l’antiquité grecque démontrent qu’on peut parfaitement se poser des questions très profondes sans pour autant avoir des connaissances techniques et scientifiques très poussées…

Notre époque démontre l’inverse : on peut parfaitement avoir de grandes connaissances scientifiques et techniques sans pour autant se poser les questions que ces connaissances permettraient de se poser, sans même que les conséquences philosophiques de ces connaissances soient posées pour le plus grand nombre.

Ainsi, la plupart des gens ignorent que la matière est une propriété issue du vide, que la génétique d’une espèce permettrait de construire d’autres espèces, que les ordres de la matière sont émergents et non attachés aux propriétés de particules élémentaires, etc…

L’ennemi de la pensée est l’habitude, cette fausse évidence, celle qui pousse par exemple à croire que le tas de sable, l’espèce vivante, le nuage, l’étoile seraient des équilibres stables, à croire que le mouvement du corps matériel serait un simple déplacement d’un objet toujours identique à lui-même dans un espace inchangé par le passage de cet objet fixe, à croire que les mouvements et les changements seraient généralement continus, à croire que l’homme dominerait l’univers, à croire que le temps comme l’espace ou l’énergie s’écouleraient continûment, à croire que l’homme et l’animal, la vie et la mort, la matière et le vide, l’inerte et le vivant, l’inné et le conscient s’opposeraient diamétralement, etc…

Lorsqu’on étudie le sablier, on remarque tout d’abord le petit tas qui s’entasse progressivement en dessous et on remarque que ce tas se maintient longtemps. Cependant, il se tasse à la longue et il suffit de donner un petit coup sur le sablier pour qu’il se tasse immédiatement. Ce qui nous semblait un ordre stable n’est qu’un ordre durable.

Bernard Sapoval dans "Universalité et fractales" :

« Les phénomènes qu’il s’agit de caractériser comme criticalité auto-organisée sont tous des phénomènes qui se produisent dans des systèmes en déséquilibre dynamique, c’est-à-dire en présence d’échange avec l’extérieur. Par exemple, la percolation d’invasion (...) Il suffit du déplacement d’une particule pour que la géométrie subisse une variation importante. L’apparition de ces instabilités a constitué une surprise pour nous. Par exemple, un contact électrique, constitué d’une soudure diffuse, peut présenter des fluctuations liées au mouvement de quelques atomes seulement qui, en connectant ou déconnectant un grand amas, peuvent modifier les propriétés des contacts de façon sensible. Un tas de sable peut être en équilibre (précaire) si on n’ajoute pas de sable. Par contre, si on ajoute du sable, même très lentement, le tas devient instable. Il présente des fluctuations de toutes tailles, des "avalanches". le flux est dans ce cas un flux d’énergie apporté par le sable ajouté par en haut du tas. (...) L’auto-organisation est l’apparition spontanée d’une forme ou d’une structure qui ne résulte pas d’un programme codé comme un algorithme. (...) Jusqu’au début des années 80, on considérait que les phénomènes dits critiques étaient des phénomènes qui apparaissaient dans des circonstances exceptionnelles contrôlées par un paramètre extérieur. Par exemple, les phénomènes critiques autour des transitions de phase ne sont observables que si la température est proche de la température critique : pour faire bouillir de l’eau, il faut la porter exactement à 100 degrés. Un autre exemple de phénomène critique est la percolation où il existe un paramètre, la concentration, dont la valeur nous indique si le système est près ou loin de la situation critique. Ce sont des situations dites "à l’équilibre", dans lesquelles même si des fluctuations existent le système garde au cours du temps des propriétés moyennes constantes. Qu’en est-il des systèmes très loin de l’équilibre, c’est-à-dire ceux qui sont placés dans des circonstances qui maintiennent l’existence d’un flux global d’échange avec l’extérieur ? Il n’y a guère plus d’une dizaine d’années qu’on été découverts des phénomènes qui possèdent spontanément certaines caractéristiques des phénomènes critiques sans qu’apparemment il y ait besoin d’ajuster les conditions extérieures. C’est pour cette raison qu’ils ont été appelés phénomènes critiques auto-organisés. Cette généralisation et ce vocable ont été proposés par Per Bak et ses collaborateurs en 1987, mais certains cas particuliers étaient connus depuis quelques années. Le premier de ces phénomènes est la percolation d’invasion, qui cherche à représenter la pénétration de fluides dans des milieux poreux. le second phénomène de ce type est la géométrie des soudures. Cette géométrie est aussi celle que vous obtiendriez en lançant une poignée de confettis et en étudiant la figure formée par les confettis tombés sur le sol. (...) L’exemple princeps de criticalité auto-organisée développée par Bak et ses collaborateurs est la physique du tas de sable. »

Le physicien Per Bak dans « Quand la nature s’organise » :

« L’exemple canonique de la criticalité auto-organisée est le tas de sable. Un tas de sable présente un comportement en équilibre ponctué, pour lequel des périodes de stases sont entrecoupées par des éboulements. (...) Le tas de sable évolue d’une configuration à l’autre non pas de manière graduelle, mais au moyen d’avalanches catastrophiques. (...) L’évolution du tas de sable s’effectue par le biais de révolutions, comme l’histoire dans la vision de Karl Marx. C’est précisément parce que les états dynamiques sont suspendus dans l’état critique que tout arrive à travers des révolutions et non graduellement. De fait, la criticalité auto-organisée est une méthode inventée par la nature pour effectuer des transformations énormes sur des échelles de temps très courtes. (...) Les grands systèmes comportant un grand nombre de composants évoluent vers un état intermédiaire « critique », loin de l’équilibre, et pour lequel des perturbations mineures peuvent déclencher des événements de toutes tailles, appelés « avalanches ». La plupart des changements se produisent au cours de ces événements catastrophiques plutôt qu’en suivant un chemin graduel et régulier. »

Les phénomènes d’auto-organisation sont bien entendu des cas de construction d’ordre à partir du désordre. Les exemples abondent et ont une grande importance puisqu’ils constituent toutes les structures ordonnées que nous connaissons, aucune d’entre elle n’étant autre chose qu’un produit de l’auto-organisation. L’étoile nait de l’agitation du nuage interstellaire. Le réseau cristallin est issu des agitations des atomes. L’ordre des états de la matière (solide-liquide-gazeux) est issu de l’agitation moléculaire. Depuis les études sur l’auto-organisation spontanée loin de l’équilibre de Ilya Prigogine, la naissance spontanée d’ordre à partir du désordre, les exemples n’ont pas cessé d’augmenter dont les plus remarquables sont issus du vivant, avec notamment l’organisation spontanée des neurones du cerveau. On remarquera que la capacité même de notre cerveau est issue d’un message nerveux désordonné ! La matière dite inerte n’a pas moins de capacités d’auto-organisation comme le montre le paradigme du tas de sable.

Le message philosophique selon lequel l’ordre serait la nature et le désordre contre-nature est bel et bien battu en brèche. Il s’agit bel et bien d’une pensée révolutionnaire à partir d’un phénomène aussi simple que le tas de sable ou que le sablier… Cela montre qu’il n’est pas nécessaire de faire des la physique très compliquée pour repenser la physique. Observer un sablier, un nuage ou une masse neigeuse suffit…

Le tas de sable sert de modèle évolutif pour toute une classe de phénomènes dits " auto-organisés " comme par exemple le scénario de l’évolution phylogénique des espèces vivantes, ou les mécanismes qui organisent l’apparition des tremblements de terre pris dans leur globalité, ou encore le rythme et la taille des avalanches de pierres sur une montagne. En effet, le tas de sable s’auto-organise sans aucune intervention extérieure.

Per Bak démontra que tout système auto-organisé a une dynamique qui l’amène inévitablement vers un état de crise appelé état critique.
Cet état critique est annonciateur d’une catastrophe majeure.
Le milieu s’auto-organise après la survenue d’un grand nombre d’évènements d’importance mineure, et tout se passe comme s’il préparait le terrain pour l’arrivée d’une catastrophe qui se déclenchera lorsque l’état critique est atteint.

Pour l’évolution phylogénique des espèces vivantes, les catastrophes produites à l’état critique correspondent aux extinctions massives des espèces vivantes qui, à plusieurs reprises dans l’histoire de l’évolution biologique, ont remodelé fondamentalement l’arbre phylogénique de l’évolution des espèces vivantes.

Pour les tremblements de terre, l’état critique correspond à la secousse majeure du séisme, qui est toujours précédée de toute une série de secousses plus petites qui participent, par le rythme de leur émergence, à l’approche de l’état critique.

La criticalité auto-organisée est une méthode utilisée par la nature pour effectuer des transformations énormes sur des échelles de temps très courtes.

Grain à grain, le flux de sable s’écoule et le tas commence à se générer, il devient de plus en plus pentu et apparaît de petits glissements de sable, des avalanches, qui atteignent le bas du tas et qui élargissent son rayon de base.

Le tas durant cette phase est appelé le générateur.

Dès que les avalanches n’atteignent plus le sol, une nouvelle phase commence : la régénération du tas.

L’auto-organisation du tas de sable se caractérise par le processus complexe des avalanches dans lequel le monde "structuré" et "aléatoire" se côtoie de manière complexe.

Le tas va évoluer de manière autonome et organisée, et passer par des étapes de crises inévitables, des catastrophes qui lui permettront de repartir sur une nouvelle base affaissée, afin de faire progresser la hauteur du sommet.

L’auto-organisation du tas de sable porte principalement sur la gestion de la pente du tas qui subit la succession d’avalanches de tailles diverses.

Observée de près, la pente n’est pas lisse du tout, elle comporte des creux et des bosses. Les grains qui roulent depuis le sommet du tas, viennent combler ces irrégularités. Il arrive un moment ou la pente devient lisse, plus aucun creux n’est disponible.

L’état critique est atteint. Ajoutons un grain, il ne peut se placer, toutes les places étant prises. Alors il dévale la pente, déloge et emporte d’autres grains : c’est l’affaissement du tas qui abaisse la hauteur du tas. La pente redevient irrégulière, un nouveau cycle commence pour régénérer la pente.

On ne pourrait mieux conclure qu’en rappelant le lien entre un monde d’interactions (et non d’individus) et en citant Ilya Prigogine :
"Sans entrer dans aucun détail à propos du système de Whitehead, précisons simplement qu’il met à jour la solidarité entre une philosophie de la relation - aucun élément de la nature n’est élément permanent de relations changeantes, chacun tire son identité de ses relations avec les autres - et une philosophie du devenir innovant - chaque existant unifie dans le processus de sa genèse la multiplicité qui constitue le monde, et ajoute à cette multiplicité un ensemble supplémentaire de relations. A la naissance de chaque entité nouvelle, “le multiple devient un et s’accroît d’un.”
Ilya Prigogine, Isabelle Stengers, la nouvelle alliance

Les dernières révolutions des idées en sciences

Héraclite

" La route montante ou descendante est la même. C’est notre parcours qui sépare et oppose les deux. "

« Ce qui domine ici c’est le changement, le mouvement, le devenir ; le fleuve est l’image intuitive de ce flux. Néanmoins, changement, mouvement, devenir et flux –ce qu’on a appelé le mobilisme d’Héraclite – préservent la permanence de l’être (en devenir)... Le changement domine la nature, le monde, et s’offre à la vision la plus concrète, s’impose à la perception… Le mouvement est mouvement du monde, auquel s’accorde la pensée en mouvement. La pensée ne postule pas rationnellement le mouvement, car il n’y a pas de mouvement indépendant du monde et de la pensée. Il n’y a qu’un rythme, le rythme unique qui harmonise les mouvements des manifestations multiples, et à ce rythme pensée et monde sont liés ; ce rythme est celui de la dialectique qui appréhende l’être – en devenir – de l’unité des contraires. La pensée dialectique en tant que pensée ouverte médite la dialectique de la totalité » Kostas Axelos

Citation de Philon sur Héraclite : Car l’un est ce qui se compose de deux contraires, de sorte qu’une fois coupé en deux, ces contraires apparaissent. N’est-ce pas ce principe que d’après les Hellènes, leur grand et célèbre Héraclite plaçait en tête de sa philosophie et dont il s’enorgueillissait comme d’une découverte nouvelle ? (...) De la même façon les parties de l’univers sont opposées en deux et opposées réciproquement : la terre — en montagne et en plaine, l’eau - en douce et en salée ... de la même façon l’atmosphère en hiver et en été et aussi en printemps et automne).

"Ce qui est contraire est utile ; ce qui lutte forme la plus belle harmonie ; tout se fait par discorde."

"Joignez ce qui est complet et ce qui ne l’est pas, ce qui concorde et ce qui discorde, ce qui est en harmonie et en désaccord ; de toutes choses une et d’une, toutes choses."

Héraclite rapporté par Aristote dans "Ethique à Nicomaque" et dans "Traité du monde"

« On ne peut entrer deux fois dans le même fleuve ».

Paradoxe d’Héraclite : "Il y a deux fois plus de nombres entiers que de nombres pairs et il y a autant de nombres entiers que de nombres pairs."

Zénon d’Elée

"Il est nécessaire que chaque existant ait une certaine grandeur, une certaine épaisseur, et qu’il y ait une certaine distance de l’un par rapport à l’autre"

Zénon affirme :

« Si une unité ponctuelle sans dimension était ajoutée à une autre, elle ne l’augmenterait d’aucune unité, car en ajoutant ce qui n’a pas de dimension, on ne peut accroître une dimension d’une unité. (…) Un point ajouté à un point ne produit pas de distance. (…) Si le multiple existe, d’autres s’intercalent entre les existants et dans l’intervalle entre eux il y en a encore d’autres, ainsi de suite entre d’autres intervalles il y en a en nombre indéterminé. (…) Si un point est dimensionné, il occupe un espace et définit une distance. Il y a donc d’autres points en son sein et ainsi de suite. »

" Car, si l’être était divisible, supposons-le sectionné en deux, et ensuite chacune des parties en deux, et que cela se reproduise sans cesse, il est évident que : ou bien il subsisterait certaines grandeurs ultimes qui seraient minimales et insécables, mais infinies en nombre ; ou bien il s’évanouirait et se résoudrait en ce qui n’est plus rien, et serait constitué de ce qui n’est plus rien ; deux conclusions qui précisément sont absurdes. Donc il ne sera pas divisé, mais demeurera un. De plus, en effet, puisqu’il est semblable en tout point, si on lui attribue la divisibilité il sera divisible semblablement en tout point, et non pas ici divisible et là non. Supposons-le donc divisé en tout point : alors il est évident que rien ne subsistera, qu’il s’évanouira, et que s’il est vrai qu’il soit constitué, il sera à nouveau de ce qui n’est rien. Car tant que quelque chose en subsistera, le procès de division en tout point ne sera pas encore achevé. En sorte que il est encore manifeste d’après ce qui précède que l’Etre est indivisible, et sans parties, et un. (…) Mais s’il est, il est nécessaire que chacun ait quelque grandeur, et quelque épaisseur, et que l’une de ses deux parties soit en dehors de l’autre. Même raisonnement pour celle des deux qui précède l’autre. Car celle-là aussi aura grandeur et quelque chose en elle précédera le reste. Assurément dire cela une fois revient au même que de le répéter indéfiniment. Car, de telles parties aucune ne sera l’ultime, ni telle qu’il n’y ait pas de relation d’une de ses parties à l’autre."

Le point de vue de Zénon rapporté par Simplicius dans « Physique » :

« La division, en tant qu’être divisé, n’est pas ponctualité absolue. La notion de continuité n’est pas non plus l’indivisé sans parties. »

1. — Si l’un n’avait pas de grandeur, il n’existerait même pas.

Mais, s’il est, chaque un doit avoir une certaine grandeur et une certaine épaisseur et doit être à une certaine distance de l’autre, et la même chose peut être dite de ce qui est devant lui ; car celui-ci aussi aura une grandeur, et quelque chose sera devant lui. C’est la même chose de dire cela une fois et de le dire toujours ; car aucune partie de lui ne sera la dernière et il n’est chose qui ne puisse être comparée à une autre.

Donc, si les choses sont une pluralité, elles doivent être à la fois grandes et petites, petites au point de ne pas avoir de grandeur du tout ; et grandes au point d’être infinies.

2. — Car s’il était ajouté à n’importe quelle chose, il ne la rendrait en rien plus grande ; car rien ne peut gagner en grandeur par l’addition de ce qui n’a pas de grandeur, d’où il suit immédiatement que ce qui était ajouté n’était rien. Mais si, quand ceci est retranché d’une autre chose, cette dernière n’est pas plus petite ; et d’autre part si quand il est ajouté à une autre chose, celle-ci n’en est pas augmentée, il est clair que ce qui est ajouté n’était rien et que ce qui était retranché n’était rien.

3. — Si les choses sont une pluralité, elles doivent être exactement aussi multiples qu’elles sont, ni plus ni moins. Or, si elles sont aussi multiples qu’elles sont, elles seront finies en nombre.

Si les choses sont une pluralité, elles seront infinies en nombre, car il y aura toujours d’autres choses entre elles, et de nouveau d’autres choses entre celles-ci. Et ainsi les choses seront infinies en nombre.

4. — Le mobile ne se meut ni dans l’espace où il se trouve, ni dans celui où il ne se trouve pas.

Alan R. White écrit en 1963 : "Ce que Zénon a prouvé ce n’est pas qu’Achille ne peut rattraper la tortue, c’est qu’incontestablement il ne pourra jamais la rattraper en comblant indéfiniment l’écart qui les sépare par des distances de plus en plus petites." En somme, il a prouvé que l’image des distances (ou des temps) comme des sommes d’intervalles pouvant être aussi petites que l’on veut mène à une contradiction. La continuité est donc mise en cause. Zénon s’attaquera de même à l’idée d’objets constitués d’éléments infiniment petits ouvrant la voix à la notion de quantum. Il s’attaquera aussi à la question du mouvement lui-même et au passage de l’immobilité au mouvement.

Pensées de Zénon

Socrate

Pensées de Socrate


Giordano Bruno

Bruno a affirmé, comme est maintenant universellement accepté, que la terre tourne et que la rotation journalière apparente des cieux est une illusion provoquée par la rotation de la terre autour du son axe. Bruno ne se contente pas de dire que la Terre tourne sur elle-même, qu’elle n’est pas le centre du monde et qu’elle tourne autour du soleil. Il ne remplace pas le centrisme de la Terre par celui du Soleil. Il supprime l’idée même de centre du monde. Il rend au soleil sa vraie place, une étoile comme les autres et à la terre la sienne : une planète d’une étoile parmi une quantité innombrable d’autres....

Bruno se demande s’il "n’y a pas des astres plus grands que le soleil ? " et affirme, bien avant leur découverte, qu’il doit exister d’autres terres semblables à la nôtre dans l’univers.

Il écrit : « Il y a deux types de corps dans le cosmos, les soleils et les terres : les premiers lumineux et en feu, les seconds cristallins et aqueux. Les terres sont en rotation autour des soleils, exactement comme la Terre se déplace autour du Soleil. Ce ne sont que la distance et la luminosité des soleils qui parviennent à rendre invisibles les autres terres, et il existe en réalité un univers infini dans lequel il n’y a pas de sphères de cristal et où les étoiles sont de même nature que notre soleil. »

Bruno considère que l’univers est discontinu, depuis les atomes élémentaires jusqu’aux systèmes solaires entourés d’espace d’éther qui ne sont pas rien. Il pense que la matière est formée partout des mêmes éléments.

Un autre passage traite de la relativité des mouvements. Il contredit les partisans d’Aristote qui croient que "si la terre tournait du côté que nous appelons l’orient, les nuages donneraient nécessairement l’impression de courir dans l’air vers l’occident, à cause de la grande vitesse et de l’extrême rapidité de notre globe".

Bruno démontre, en abordant ce que l’on appellera plus tard le référentiel, que le mouvement est toujours relatif au cadre depuis lequel on l’observe. Il prend comme exemple de référentiel un navire sur lequel on jette une pierre :

"On peut voir qu’un homme placé sur la berge et jetant une pierre droit sur le navire, tandis qu’il suit la rivière, manquera d’autant plus son coup que la course sera plus rapide. Mais un homme placé sur le mât du navire, quelle que soit la vitesse de celui-ci, ne manquera pas le but : rien n’empêchera la pierre ou tout autre objet pesant jeté du [haut du mât] d’atteindre en droite ligne le point à la base du mât ou ailleurs dans le ventre et le corps du navire."

Il reproche à Copernic d’étudier plus un monde mathématique que la nature :

Copernic est « plus porté à étudier la mathématique que la nature, il n’a pu aller assez profond ni assez avant pour déraciner entièrement certains inconvénients et vains principes... »
Quelques courageuses et géniales affirmations de Giordano Bruno choquent par leur modernité :

 les étoiles du ciel ne sont pas des lumières, mais des soleils !!!!

 l’Univers est en mouvement.

 les étoiles ne sont pas plus fixes que les planètes !!!!

 l’univers n’a ni centre, ni limite et ne tourne pas autour d’un point, ni de la Terre, ni du Soleil.

 il y a d’autres terres et probablement d’autres êtres vivants et même d’autres hommes dans l’Univers.

 il imagine un espace parsemé d’étoiles dans toutes les direction avec, autour de ces soleils, des planètes.

 il souligne la corrélation des nombres et des figures géométriques.

 dieu n’existe pas et il n’y a pas de saints et pas de prophètes (affirmation d’un prêtre !).

 il combat en même temps le protestantisme et le catholicisme. (quel luxe d’ennemis !)

Comme religieux, il proclame :

Aucune lecture n’est impie !

Le Christ ? Un séducteur.

La virginité de Marie ? Une aberration.

La messe ? Un blasphème.

La bible ? Un tissu de mensonges.

Les théologiens ? Des pédants qui ‘‘froncent le sourcil’’ pour se donner l’air important.

Les philosophes ? Des pédagogues ignorants aveuglés par le culte des idéologies, (…) tous des ‘‘ânes bâtés’’ qui passent leur vie à gâcher tous les arguments qui leur viennent aux lèvres (…) pendant que lui, ‘‘intrépide chevalier errant du Savoir’’, part en guerre contre les fausses certitudes…

Non, les femmes ne sont pas moins intelligentes que les hommes. Non, les gens d’église ne devraient pas jouir de si grands biens mais se contenter d’un peu de bouillon ; non, les Espagnols n’ont pas bien fait de découvrir l’Amérique, car ils ont ‘‘violé la vie d’autrui’’.

Pensées de Giordano Bruno

Léonard de Vinci

Pensées de Léonard de Vinci

Spinoza

Pensées de Spinoza

Diderot

Pensées de Diderot

Hegel

"Le vrai et le faux appartiennent à ces idées déterminées qui sont considérées statiquement comme des essences séparées, isolées et fixées, sans aucun élément commun. Contre cette conception du vrai et du faux, il faut affirmer que la vérité n’est pas une monnaie qui porte une emprunte toute faite et qu’on n’a plus qu’à empocher. Il n’y a pas un faux tout fait pas plus qu’un mal. (...) La substance est essentiellement le négatif, en partie parce qu’elle implique une distinction et détermination du contenu, en partie parce qu’elle est un processus de différenciation simple (...) Pour le sens commun, l’opposition du vrai et du faux est quelque chose de fixe ; d’habitude, il attend que l’on approuve ou bien que l’on rejette en bloc un système philosophique existant ; et dans une explication sur un tel système il n’admet que l’une ou l’autre des deux attitudes. Il ne conçoit pas la différence des systèmes philosophiques comme le développement progressif de la vérité ; pour lui diversité veut dire uniquement contradiction. Le bourgeon disparaît dans l’éclosion de la fleur et l’on pourrait dire que celui-là est réfuté par celle-ci ; de même le fruit déclare que la fleur est une fausse existence de la plante, il se substitue à la fleur en tant que vérité de la plante. Non seulement ces formes se distinguent, mais encore elles se supplantent comme incompatibles. Cependant leur nature mouvante fait d’elles des moments de l’unité organique, en qui non seulement elles ne sont pas en conflit, mais où l’une est aussi nécessaire que l’autre ; et cette égale nécessité fait la vie de l’ensemble. (...) L’esprit doit reconnaitre dans la forme de ce qui semble se combattre et se contredire des moments mutuellement nécessaires. (...) le fond de la chose n’est pas épuisé dans sa fin, mais dans tout son accomplissement. le "résultat" n’est pas le tout concret ; il ne l’est qu’avec le processus dont il est le terme. La fin prise indépendamment du reste est l’universel mort, tout comme la tendance n’est qu’un simple effort, encore privé de réalisation ; et le résultat nu est le cadavre que la tendance a laissé derrière elle. (...) Le phénomène est un processus d’avènement et de disparition, qui lui-même n’advient ni ne disparaît, mais est en soi et constitue l’actualité et le mouvement de la vérité vivante. (...) Je nomme dialectique le principe moteur du concept (...) Considérer quelque chose rationnellement veut dire non pas apporter du dehors une raison à l’objet et l’élaborer. L’objet par lui-même est rationnel."

Pensées de Hegel

Darwin

Pensées de Darwin

Marx et Engels

Dans la Postface de 1873 du Livre I du Capital, Marx écrivait que la dialectique,
« Dans sa configuration rationnelle, elle (la dialectique) est un scandale et une abomination pour les bourgeois et leurs porte-doctrinaires, parce que dans l’intelligence positive de l’état de choses existant elle inclut du même coup l’intelligence de sa négation, de sa destruction nécessaire, parce qu’elle sait toute forme faite dans le flux du mouvement et donc aussi sous son aspect périssable, parce que rien ne peut lui en imposer, parce qu’elle est, dans son essence, critique et révolutionnaire. »

Pensées de Marx et Engels

Einstein

Voyons comment Einstein fait de la philosophie en traitant une question de physique. Prenons, par exemple, le problème de la dualité, question en débat dans la physique quantique. Nous traiterons un peu plus loin la question de la discontinuité. Contentons nous de rappeler que penser le monde comme discontinu, c’est renverser toutes les croyances précédentes de la physique et aussi celles du bon sens. Penser le monde comme contradictoire aussi. Par exemple, la lumière ne peut pas à la fois être localisée et étendue, corpusculaire et ondulatoire. C’est la question de la dualité. Elle pose un problème du type de logique. En logique formelle, il n’y a pas de solution, car les contraires y sont incompatibles. La matière et la lumière (même le vide) sont contradictoires au sens dialectique. Einstein ne parle pas de dialectique mais il se pose le problème et en développe les interrogations.

Einstein, dans « La physique et les autres sciences », expose ainsi le problème de la dualité :

« Je vais expliquer cela brièvement en prenant l’exemple de la lumière. Laissons tomber un rayon lumineux d’une couleur donnée sur une plaque réfléchissante et transparente. Le rayon se divise alors en un rayon qui traverse la plaque et un rayon réfléchi. Apparemment, tout ce processus peut être représenté de façon complète et adéquate par un champ électromagnétique. Cette représentation théorique donne non seulement la direction, l’intensité et la polarisation des deux rayons partiels, mais aussi, avec une précision étonnante, les phénomènes d’interférence que l’on peut produire en amenant ensuite, par des dispositifs appropriés, ces deux rayons à agir l’un sur l’autre. Or il est apparu que la lumière – si l’on se place d’un point de vue énergétique – a une structure énergétique atomique, ou bien, comme l’on dit, qu’elle est composée de « photons ». S’il se produit quelque part un phénomène d’absorption dans un objet que l’on place sur le trajet d’un des deux rayons, il apparaît alors à l’endroit de l’absorption une certaine quantité d’énergie qui est indépendante de l’intensité de la lumière. Nous sommes forcés d’en conclure que les phénomènes constatés n’ont rien à voir avec l’effet de plusieurs photons, mais que c’est au contraire le photon unique qui explique aussi bien la capacité d’interférence des deux rayons que l’absorption en un endroit précis de l’un des deux rayons. » (Einstein souligne : l’un).

Et il poursuit : « Si l’on cherche à comprendre le photon comme une structure ponctuelle qui se déplace dans l’espace, il doit soit franchir la plaque, soit être réfléchi par elle, car son énergie n’est pas divisible. Une telle conception soulève cependant deux difficultés. Si le photon, avant de parvenir à la plaque, est du point de vue de la physique une chose simple parfaitement caractérisée par sa direction, sa couleur et sa polarisation, de quoi peut-il dépendre que le photon dans un cas précis franchisse la plaque ou au contraire soit réfléchi par elle ? Rien n’indique qu’existe une cause suffisante pour cette décision, et il n’est pas facile de croire qu’une telle cause puisse exister. En second lieu, la conception du photon comme structure ponctuelle ne permet pas d’expliquer les phénomènes d’interférences qui ne peuvent se produire qu’avec les deux rayons partiels. (…) Voilà quelques idées fondamentales de la physique, telles qu’elles se sont développées au cours du siècle dernier. Essayons de comprendre l’influence que tout cela peut avoir (…) sur les idées philosophiques, dans la mesure où elles jouent un rôle essentiel notamment dans les objectifs que se fixent les chercheurs. »

Pensées d’Einstein

Les découvertes fondamentales d’Einstein

Prigogine

Pensées de Prigogine

Messages

  • « Pour ma part, je m’ennuierais beaucoup si j’étais toujours d’accord avec moi-même. »

    Anatole France, déclaration au banquet des rabelaisants- 1912

  • « Rien n’obligeait Einstein à passer du premier exploit au second, et du second au troisième. A chaque fois le physicien, sans renier ses acquis, a dû modifier ses conceptions de l’espace et du temps. »

    Hervé Barreau, Einstein et la conception physique de l’espace et du temps

  • « Peu d’êtres sont capables d’exprimer posément une opinion différente des préjugés de leur milieu. »

    Einstein dans « Comment je vois le monde »

  • « Si les idées des savants de génie qui ont été les promoteurs de la science moderne avaient été soumises à des commissions de spécialistes, elles leur auraient sans nul doute parues extravagantes et auraient été écartées en raison même de leur originalité et de leur profondeur. »

    « Quelques remarques sur l’industrie nucléaire », Georges Lochak, Orbs, l’autre Planète, nº 0, 2013

  • Les grandes avancées des sciences ont d’abord été philosophiques et conceptuelle, bien plus qu’expérimentales ou mathématiques. L’avancée des idées philosophiques est donc bel et bien liée aux changements réels, en sciences comme dans les autres domaines, économiques, sociaux et politiques. Il faut le rappeler sans cesse aux activistes et autres pragmatiques de tous les domaines, le militantisme y compris… N’oublions pas que tous les Einstein, Planck et autres Bohr ont parlé de « révolution philosophique » à propos des avancées de la physique.

    Pour les militants révolutionnaires, est bien plus révolutionnaire la compréhension des lois sociales et des rapports de force mondiaux, compréhension scientifique et philosophique qui englobe les leçons des luttes sociales dans le monde, que l’activisme militant qui se résume souvent au syndicalisme réformiste ou à l’électoralisme d’extrême gauche ou de gauche.

    Avec l’impasse actuelle du capitalisme, la compréhension de la « mort systémique » est une question aussi philosophique que scientifique. La société nous met devant des faits nouveaux comme la nature le fait pour les scientifiques. A la pensée révolutionnaire de trouver des images philosophiques capables de répondre à ces faits nouveaux….

  • « En général, ce sont nos théories qui définissent l’impossible, pas la nature. L’essence des théories révolutionnaires est l’inattendu. »

    Stephen Jay Gould dans « Darwin et les grandes énigmes de la vie »

  • « On commence à comprendre que, s’il peut y avoir de la force dans une chaudière, il ne peut y avoir de puissance que dans un cerveau ; en d’autres termes, que ce qui mène et entraine le monde, ce ne sont pas les locomotives, ce sont les idées. Attelez les locomotives aux idées, c’est bien ; mais ne prenez pas le cheval pour le cavalier. »

    Victor Hugo, Les Misérables

  • « L’histoire des Sciences montre que les progrès de la science ont constamment été entravés par l’influence tyrannique de certaines conceptions que l’on avait fini par considérer comme des dogmes. »

    Louis de Broglie

  • « L’ennui dans ce monde, c’est que les idiots sont sûrs d’eux et les gens sensés pleins de doutes. »

    Bertrand Russel

  • « Pour être un membre irréprochable parmi une communauté de moutons, il faut avant toute chose être soi-même un mouton. »

    Einstein

  • La Science est-elle une pensée révolutionnaire ? Je ne crois pas que tout le monde voit cela ainsi. L’Université l’enseigne plutôt comme une pensée conservatrice.

  • Engels écrit dans l’introduction à « Dialectique de la nature » :

    « En ce temps, l’étude de la nature se faisait elle aussi, au milieu de la révolution générale etétait elle-même de part en part révolutionnaire… »

    Max Planck, inventeur des quanta avec Einstein, écrit dans "Initiations à la physique de la nature des lois physique" que l’énergie est discontinue ce qui était une idée renversante et révolutionnaire....
    « La grande révolution de la théorie des quanta fut que des caractères de discontinuités furent découverts dans le Livre de la Nature, dans un contexte où tout autre chose que la continuité apparaissait comme absurde d’après les vues admises jusqu’à ce moment. »
    Le physicien quantique Erwin Schrödinger écrit dans « Qu’est-ce que la vie ? »
    « Notre vision conflictuelle de la nature reflète un conflit interne à la nature »

    La conception d’une matière « révolutionnaire » a de quoi choquer le lecteur. J’ai parfaitement conscience d’employer là une notion inusuelle en science et, actuellement, décriée en politique, en histoire, en sciences sociales et économiques, pour ne pas dire dans l’ensemble de la société. Il est nécessaire de justifier pourquoi et d’expliciter en quel sens on souhaite l’introduire dans l’interprétation du fonctionnement matériel de l’univers. On imagine très aisément les multiples objections qui peuvent être élevées contre une telle image et je vais tâcher d’emblée d’y répondre.

    Pourtant, le physicien Per Bak écrit dans « Quand la nature s’organise » :

    « C’est précisément parce que les états dynamiques sont suspendus dans l’état critique que tout arrive à travers des révolutions et non graduellement. (...) Les grands systèmes comportant un grand nombre de composants évoluent vers un état intermédiaire « critique », loin de l’équilibre, et pour lequel des perturbations mineures peuvent déclencher des événements de toutes tailles, appelés « avalanches ». La plupart des changements se produisent au cours de ces événements catastrophiques plutôt qu’en suivant un chemin graduel et régulier. »

    Oui, non seulement la science a connu des révolutions d’idées comme celles de Darwin, Plack, Einstein et bien d’autres mais la matière qu’elle étudie est elle-même révolutionnaire !

    Le conservatisme des instituions scolaires et universitaires est social et non scientifique.

  • c’est quoi une pensée révolutionnaire ? Un ou deux exemples, svp !

  • Voici quelques pensées révolutionnaires...

    Engels, « Anti-Dühring » :

    « A quel point toute l’histoire de l’humanité est encore jeune et combien il serait ridicule d’attribuer quelque valeur absolue à nos conceptions actuelles, cela ressort du simple fait que toute l’histoire passée peut se caractériser comme l’histoire de la période qui va de la découverte pratique de la transformation du mouvement mécanique en chaleur à celle de la transformation de la chaleur en mouvement mécanique. »

    Lénine :

    « Tant que l’Etat existe, pas de liberté ; quand régnera la liberté, il n’y aura plus d’Etat. »

    Einstein :

    « La possession privée de merveilleux moyens de production n’a pas apporté la liberté, mais le souci et la famine. »

    Max Planck dans "Initiations à la physique de la nature des lois physique " :

    « La physique, considérée par la génération précédente comme une des plus vieilles et des plus solidement assises parmi les connaissances humaines, est entrée dans une période d’agitation révolutionnaire qui promet d’être une des plus intéressantes de son histoire. (…) L’hypothèse des quanta est venue d’une façon tout à fait inattendue bouleverser toute cette belle harmonie et porter le trouble dans une conception de l’univers qui semblait presque idéalement parfaite. Si nous cherchons à caractériser en deux mots l’idée directrice qui est à la base de cette hypothèse, nous dirons qu’elle consiste dans l’introduction d’une nouvelle constante universelle : le quantum élémentaire. (…) Le postulat quantique signifie que l’énergie, jusque là toujours considérée comme continue, est fondamentalement discontinue. »

    Karl Marx :

    « Le domaine de la liberté commence là où s’arrête le travail déterminé par la nécessité. »

  • Einstein dans « Documents autobiographiques » :

    « Le vaste monde existe indépendamment des hommes et se dresse devant nous comme une énigme, grande et éternelle, mais partiellement accessible à notre perception et à notre réflexion. »

    Einstein dans « Comment je vois le monde » :

    « Si je n’avais pas eu le sentiment d’être en harmonie avec des hommes partageant les mêmes convictions que moi, si je n’avais pas eu pour occupation la recherche de la vérité objective, de ce qui est à jamais inaccessible, en art comme en science, la vie m’aurait paru vide. Les fins auxquelles tendent ordinairement les aspirations humaines : la propriété, la réussite sociale, le luxe, je les ai toujours considérées comme méprisables, depuis mes jeunes années… Je ne me suis jamais senti appartenir de toute mon âme à un Etat, une patrie, un cercle d’amis, et pas même à sa propre famille la plus étroite : au contraire, de tels liens n’ont jamais cessé de m’inspirer un sentiment d’étrangeté et un désir de solitude, qui ne font que s’accroître avec l’âge. »

  • Pensée révolutionnaire…

    « On ne résout pas un problème avec les modes de pensées qui l’ont engendré »

    Albert EINSTEIN

  • George Lochak : « Si les idées des savants de génie qui ont été les promoteurs de la science moderne avaient été soumises à des commissions de spécialistes, elles leur auraient sans nul doute parues extravagantes et auraient été écartées en raison même de leur originalité et de leur profondeur. »

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