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Hiroshima et Nagasaki : contre la révolution prolétarienne

jeudi 6 août 2015, par Robert Paris

En août 1945, les bombardements de Hiroshima et Nagasaki : pourquoi les vainqueurs impérialistes avaient besoin de démontrer qu’ils étaient aussi barbares que les vaincus ?

Les deux villes japonaises d’Hiroshima et Nagasaki, les seules du monde à avoir été victimes d’un bombardement atomique ont été visées il y a soixante-dix ans et cela n’avait nullement un objectif militaire puisque le Mikado avait capitulé avant…

Rappelons que, lors du bombardement nucléaire de Hiroshima et Nagazaki, le nombre de victimes avait été multiplié par le fait que la population de ces villes ignorait le risque pour les survivants du bombardement de rester près de zones radioactives.

Comme tous les pays vaincus, le Japon a été frappé de mort massive contre les quartiers populaires des grandes villes. Après le bombardement aux armes classiques de toutes les grandes villes dont le plus impressionnant, celui de Tokyo, c’est le bombardement atomique de Hiroshima et Nagasaki. Pas plus que les autres, il n’est justifié par un objectif militaire. Il a lieu les 6 et 9 août 1945, alors qu’en juillet 1945, l’Etat japonais a déjà proposé sa reddition. Mais les Alliés ne se voient pas immédiatement prendre la direction d’un Japon où s’est effondrée toute confiance dans les classes dirigeantes, où les sacrifices ont été énormes et les exigences sociales vont l’être d’autant plus que gouverne un régime semi féodal.

Avec l’Allemagne, le Japon est l’un des pays où les alliés craignent le plus l’apparition d’un mouvement ouvrier et révolutionnaire. Avant même que la défaite soit annoncée le discrédit du régime parmi les travailleurs était considérable, en proportion des mensonges du pouvoir fasciste japonais sur la « grande Asie » qui allait dominer le monde et des sacrifices énormes imposés par la dictature féroce.

Cela s’est traduit par une première vague de grève qui a amené les Américains à craindre énormément ce que serait l’après guerre dans ce pays. C’est cela leur principale préoccupation lorsqu’il devient évident que le Japon va capituler. En 1945, le régime japonais est vaincu et demande l’armistice mais les alliés refusent de désigner des plénipotentiaires.

C’est à ce moment qu’ils lancent les deux bombes atomiques à Hiroshima et Nagasaki. L’objectif n’est pas militaire. Il ne s’agit pas de faire céder le Japon déjà prêt à capituler. Il s’agit de terroriser encore plus la population pour éviter que la défaite n’entraîne des mouvements révolutionnaires du fait du discrédit du pouvoir. La bombe atomique n’aura pas plus d’effet meurtrier que le bombardement qu’ils pratiquent déjà sur les villes. Le 8 mars 1945, Tokyo reçoit 2000 tonnes de bombes, le quart de la ville est rasé et il y a 83 000 morts. Suivent les bombardements des villes de Nagova, Osaka, Kobé et des dizaines d’autres. Ce qui est visé systématiquement comme dans tous les pays vaincus en Italie, en Allemagne et en France, c’est les populations civiles. Il y a 100 000 morts à Hiroshima dont les trois quarts sont des civils et le bilan est dix fois plus important du fait des radiations dans les mois et années qui suivront.

Avec la bombe atomique ce qui est recherché plus que l’efficacité c’est le choc sur les populations et la démonstration de suprématie. Au Japon c’est ce qui offre une porte de sortie honorable pour le Mikado. Cela apparaît comme une justification : le Japon doit céder devant un adverse plus fort qui pourrait bombarder tout le pays. En réalité, les USA disposent uniquement de ces deux bombes. Et l’effet sera également important au delà sur les peuples d’Asie qui menacent de se révolter. Au total il y a au Japon 700 000 morts de la vague de bombardement et un million de blessés. La ville de Tokyo qui comptait 6 millions d’habitants en 1940 n’en comptait plus que 2 700 000 et l’essentiel des habitants de villes avait pris les routes pour se disperser dans les campagnes. L’armée américaine avait fait en sorte par ces moyens barbares de n’avoir aucun risque d’une classe ouvrière en révolte devant elle.

Il n’y avait plus qu’un pays en ruine dans une situation de misère inimaginable avec une domination étrangère et un gouvernement militaire américain dirigé par le général Mac Arthur. Dans « Mac Arthur, un César américain », William Menchester relate que les villes du Japon « n’étaient plus qu’une décharge de ferraille… Les villes offraient un spectacle incroyable. Pas de téléphone, pas de train, pas d’usine d’électricité… Hiroshima et Nagasaki étaient réduits à l’état de caillou vitrifié ; les autres grandes villes, Tokyo comprise, n’allaient guère mieux. A l’exception de quelques maisons à l’épreuve du feu et des tremblements de terre, tout était réduit en cendres et en escarbilles. Là se réfugiaient ceux qui ne vivaient que dans des huttes primitives. »

Mais les USA n’allaient pas se contenter de terroriser la population puis de faire la police dans le pays. Ils voulaient régler un certain nombre de problèmes pour éviter que, la guerre passée, les luttes ne reprennent de plus belle contre eux directement cette fois. Ils réglaient le problème du régime qui allait succéder en en prenant eux mêmes d’abord la direction par l’occupation militaire et par l’arrestation d’une grande partie de l’appareil d’Etat précédent, une bonne manière d’éviter à la population de s’en prendre aux anciens dirigeants. Mais ils ont fait bien plus, ils ont même volé aux travailleurs japonais leur révolution sociale en réalisant une partie de ses objectifs par en haut, en renversant tout l’ancien système légal qui avait cours au Japon et en modernisant toutes les règles de vie sociale, de la vie politique et même de la vie civile et renversant le système social au pouvoir, en expropriant les grands patrons japonais et grands propriétaires terriens. Mac Arthur n’avait pourtant rien d’un réformiste.

Ce militaire réactionnaire avait peu avant occupé le Philippines et y avait restauré, les armes à la main, le pouvoir des grands propriétaires terriens contre les paysans en révolte, contre toute réforme agraire y compris celle qu’avaient entamé les occupants japonais. Seulement, au Japon c’est la révolution ouvrière que les occupants américains craignaient et, en face de celle-ci, ils savaient qu’il n’y aurait plus aucune confiance dans la classe dirigeante japonaise et dans aucun gouvernement japonais. Il n’y avait plus d’autre garde fou que la force armée américaine qui pouvait, face à une révolution sociale, n’être qu’un fétu de paille. Mac Arthur a promulgué plus de 700 lois nouvelles bouleversant de fond en comble les structures politiques et sociales, avec une nouvelle constitution, un gouvernement responsable devant un parlement, avec l’égalité juridique et le droit de vote des femmes, avec la suppression des droits féodaux, l’épuration de 200 000 personnages haut placés dont les officiers et les politiciens et les corps de répression les plus détestés. Le problème des grèves était résolu d’avance puisque l’essentiel de l’économie était démantelée, les grands trusts expropriés.

En août 1944, un impôt sur le capital était instauré allant jusqu’à 90% pour les plus grosses fortunes. Eh oui, il ne s’agit pas d’un pays du bloc de l’est mais de la politique menée par l’armée et le gouvernement des USA. Les trusts ont quand même trouvé le moyen de résister et de faire traîner les choses. Ils ont d’abord signé leur dissolution volontaire puis ont influencé la commission chargée de leur suppression. Et, en juillet 1947, quand il s’est agi de mettre en pratique ce n’était plus la préoccupation des USA d’éviter un soulèvement des travailleurs du Japon mais de combattre l’URSS et pour cela de s’appuyer sur le Japon. Les USA ont également réalisé la réforme agraire du Japon qui était resté sous structure féodale. Les propriétaires de grandes terres n’ont pu conserver que 3 hectares maximum et les anciens métayers ont récupéré les terres restantes. En deux ans plus de la moitié des terres changea de mains. Le nombre de paysans sans terre est passé de 30 % à moins de 5%. Cette réforme que la bourgeoisie japonaise aurait été incapable de réaliser car trop liée aux grands propriétaires fut donc réalisée par la puissance occupante américaine, grâce à la crainte des masses populaires par l’impérialisme US ! Quant à la classe ouvrière japonaise, elle s’est montrée effectivement comme une force menaçante pour les bourgeois. En décembre 1945, on est passé de zéro à 509 syndicats. En un an il y avait 17 000 syndicats regroupant 5 millions de syndiqués. Très vite, les grèves ont inquiété non seulement le patronat et le gouvernement japonais, mais les autorités américaines. Les grèves étaient non seulement revendicatives mais radicales, ne craignaient pas de toucher le sacro-saint droit de propriété.

En 1945, le régime japonais est vaincu et demande l’armistice, mais les dirigeants alliés refusent de désigner des plénipotentiaires. Obtenir la reddition des Autorités, c’est risquer une remise en cause radicale de la part de la population et tout particulièrement de la classe ouvrière. Elle a subi de très durs sacrifices de la part du fascisme japonais durant de longues années et peut brutalement se réveiller en voyant que désormais la classe dirigeante est battue et discréditée. Il faut que cette défaite apparaisse incontestable au point que la population soit elle-même écrasée. C’est le but des bombardements massifs. C’est à ce moment qu’ils lancent les deux bombes atomiques à Hiroshima et Nagasaki. L’objectif n’est pas militaire. Il ne s’agit pas de faire céder le Japon, déjà prêt à capituler. Il s’agit de terroriser encore plus la population pour éviter que la défaite n’entraîne des mouvements révolutionnaires du fait du discrédit du pouvoir. La bombe atomique n’aura pas plus d’effet meurtrier que le bombardement qu’ils pratiquent déjà sur les villes. Le 8 mars 1945, Tokyo reçoit 2000 tonnes de bombes, le quart de la ville est rasé et il y a 83 000 morts. Suivent les bombardements des villes de Nagova, Osaka, Kobé et des dizaines d’autres. Ce qui est visé systématiquement comme dans tous les pays vaincus en Italie, en Allemagne et en France, ce sont les populations civiles. Il y a 100 000 morts à Hiroshima dont les trois quarts sont des civils et le bilan est dix fois plus important du fait des radiations dans les mois et années qui suivront. Avec la bombe atomique, ce qui est recherché plus que l’efficacité c’est le choc sur les populations et la démonstration de suprématie. Au Japon c’est ce qui offre une porte de sortie honorable pour le Mikado. Cela apparaît comme une justification : le Japon doit céder devant un adverse plus fort qui pourrait bombarder tout le pays. En réalité, les USA disposent uniquement de ces deux bombes. Et l’effet sera également important au delà sur les peuples d’Asie qui menacent de se révolter. Au total il y a au Japon 700 000 morts de la vague de bombardement et un million de blessés. La ville de Tokyo qui comptait 6 millions d’habitants en 1940 n’en comptait plus que 2 700 000 et l’essentiel des habitants de villes avait pris les routes pour se disperser dans les campagnes. L’armée américaine avait fait en sorte par ces moyens barbares de n’avoir aucun risque d’une classe ouvrière en révolte devant elle. Il n’y avait plus qu’un pays en ruine dans une situation de misère inimaginable avec une domination étrangère et un gouvernement militaire américain dirigé par le général Mac Arthur. Dans « Mac Arthur, un César américain », William Menchester relate que les villes du Japon « n’étaient plus qu’une décharge de ferraille… Les villes offraient un spectacle incroyable. Pas de téléphone, pas de train, pas d’usine d’électricité… Hiroshima et Nagasaki étaient réduits à l’état de caillou vitrifié ; les autres grandes villes, Tokyo comprise, n’allaient guère mieux. A l’exception de quelques maisons à l’épreuve du feu et des tremblements de terre, tout était réduit en cendres et en escarbilles. Là se réfugiaient ceux qui ne vivaient que dans des huttes primitives. »

Howard Zinn rapporte dans « Le 20e siècle américain » :

« Faisait-on réellement la guerre pour démontrer que Hitler se trompait quant à la supériorité de la race aryenne ? (…) Un des aspects de la politique américaine semblait s’inspirer directement du fascisme. Il s’agit du sort réservé aux Américains d’origine japonaise de la côte Ouest. Après l’attaque de Pearl Harbour, une hystérie anti-japonaise éclata au sein du gouvernement. Un membre du Congrès déclara même : « Je suis pour que l’on se saisisse de tous les Japonais en Amérique, de l’Alaska à Hawaï, et qu’on les mette dans des camps de concentration. (…) Qu’on s’en débarrasse ! » (...) Cent mille hommes, femmes et enfants furent expulsés, regroupés dans des camps au plus profond des Etats-Unis et gardés dans des conditions de captivité. Les trois quarts d’entre eux étaient (…) citoyens américains. (…) La grande majorité des Américains se trouvait mobilisée, dans l’armée comme dans la vie civile, en faveur de la guerre. (…) La haine de l’ennemi, et en particulier des Japonais, était largement partagée. Le racisme s’épanouissait. Le magazine « Times », rendant compte de la bataille d’Iwo Jima écrivit : « Le Jap de base est parfaitement ignorant. Peut-être est-il humain. En tout cas, rien ne l’indique. » Il y eut donc bien un large soutien à ce qui devait devenir la plus abominable campagne de bombardements de civils jamais entreprise au cours d’une guerre : les attaques aériennes sur les villes allemandes et japonaises. (…) L’apogée de ces bombardements terroristes fut celui de Dresde, début 1945. Au cours de cette opération, l’extraordinaire chaleur dégagée par les bombes provoqua des incendies qui ravagèrent la ville. Plus de cent mille personnes périrent à Dresde. (…) Le pilonnage des villes japonaises correspondait également à cette stratégie destinée à détruire le moral des civils. Un bombardement nocturne sur Tokyo fit quelque quatre-vingt mille victimes. Puis, le 6 août 1945, apparut dans le ciel d’Hiroshima un unique avion américain qui lâcha la première bombe atomique faisant environ cent-mille morts et des dizaines de milliers d’autres victimes qui allaient mourir lentement de l’effet dévastateur des radiations. (…) Trois jours plus tard, une autre bombe atomique était lâchée sur Nagasaki, faisant environ cinquante mille victimes supplémentaires. Ces actes atroces furent justifiés par la nécessité d’accélérer la fin de la guerre et d’éviter d’envahir le Japon. (…) En août 1945, le Japon était déjà dans une situation désespérée et prêt à se rendre. (…) Les cent mille morts d’Hiroshima étaient presque tous des civils. Le US Strategic Bomb Survey déclara quant à lui dans son rapport que « Hiroshima et Nagasaki avaient été choisie pour cibles en raison de leur forte concentration d’activités et de population. » (…) Après la reddition du Japon, les puissances fascistes étaient battues. Mais qu’en est-il du fascisme en tant qu’idée, et en tant que réalité ? » Anéantir le fascisme et les fascistes n’était pas l’objectif de l’impérialisme US lui qui maintenait même au pouvoir l’empereur Hiro Hito, grand organisateur du régime fasciste. Comment l’impérialisme pourrait-il vouloir détruire définitivement le fascisme puisque celui-ci n’est rien d’autre que l’anéantissement physique et moral de toute possibilité pour la classe ouvrière de faire la révolution sociale ? Cet anéantissement n’était-il pas le premier objectif des Alliés à la fin de la guerre ?

La violence contre le Japon avait pour but de détruire une partie de la classe ouvrière et de terroriser l’autre partie pour éviter l’explosion sociale.

Quant à la classe ouvrière japonaise, elle s’est montrée effectivement comme une force menaçante pour les bourgeois. En décembre 1945, on est passé de zéro à 509 syndicats. En un an il y avait 17 000 syndicats regroupant 5 millions de syndiqués. Très vite, les grèves ont inquiété non seulement le patronat et le gouvernement japonais, mais les autorités américaines. Les grèves étaient non seulement revendicatives mais radicales, ne craignaient pas de toucher le sacro-saint droit de propriété. Ainsi en octobre 1945, les employés et journalistes d’un grand journal en grève le sortirent et lui donnèrent un contenu tellement contestataire qu’ils firent rapidement céder le patron. En décembre 1945, les cheminots d’une compagnie privée en grève faisaient voyager gratuitement les passagers et se servaient dans la caisse pour se payer. Toujours en décembre 1945, les mineurs décidèrent d’exploiter eux mêmes les mines ramenant la journée de travail de 12 à 8 heures. En janvier 1946, chez Toshiba c’est un comité regroupant les syndicats de douze usines différentes qui prit l’entreprise en mains. Dans tous ces cas les patrons cédèrent rapidement. L’effervescence populaire a gagné tout le pays au printemps 1946. La population affamée manifeste partout pour réclamer du riz. Le 12 mai, les manifestants forcent les grilles du palais impérial. Il faut dire que le seul reste que les américains aient choisi de conserver de l’ancien régime était justement son chef, l’empereur ! Les revendications des manifestants n’étaient pas seulement économiques mais politiques : gouvernement démocratique, arrestation des criminels de guerre, contrôle populaire sur les ressources alimentaires, contrôle ouvrier sur la production, etc… Le 19 mai, le mouvement gagne tout le pays avec 2 millions de personnes dans la rue dont 250.000 à Tokyo. Dans bien des secteurs, les ouvriers sont victorieux : dans les chemins de fer et les transports maritimes le gouvernement doit renoncer aux 120.000 licenciements programmés. Les électriciens obtiennent des augmentations de salaires de 20%. Le 18 janvier la fédération syndicale lance une grève générale illimitée pour le premier février. Mac Arthur décide de l’interdire. Les dirigeants staliniens reculent immédiatement en déclarant : « un pas en arrière, deux pas en avant ». C’est le Parti communiste qui permit ce que les patrons et le gouvernement n’avaient pas réussi : à briser l’élan gréviste. L’occasion manquée n’allait pas se renouveler. La période avait changé. En 1948, le mouvement ouvrier n’étant plus gros d’une révolution comme à l’après guerre, les attaques se multiplièrent contre les travailleurs, pour reprendre tout ce qui avait été concédé : Mac Arthur retira le droit de grève aux fonctionnaires, une grève des cheminots contre les licenciements fut brisée. La confédération des syndicats proche du parti communiste fut cassée, et le parti communiste pratiquement hors la loi. Des milliers de ses militants furent licenciés, lors de ce que l’on a appelé les « purges rouges ».

Un réveil grandiose du mouvement ouvrier japonais, englobant presque un million de travailleurs, - un tiers des forces ouvrières organisées – a commencé le 10 septembre 1946 à Tokyo par une grève générale totale du Syndicat des Marins japonais. Ceci fut suivi peu de jours après par une grève de 556.000 travailleurs de la C.G.T. japonaise et de 330.000 ouvriers agricoles organisés dans le Syndicat National Agraire du Japon. Cette grève puissante eut lieu face au décret dictatorial promulgué par le général Mac Arthur il y a deux semaines, décret soutenu par le gouvernement marionnette, interdisant "les grèves, abandons de travail et autres formes d’arrêt de travail". Ce décret de style hitlérien et la menace faite par Mac Arthur d’utiliser les troupes d’occupation comme briseurs de grèves servirent à écraser une grève de trois jours des marins à Sasebo. Cette semaine, d’après les rapports syndicaux, 3.899 bateaux sont immobilisés, paralysant virtuellement la marine marchande japonaise. Des grèves de sympathie du Syndicat des Travailleurs des ports japonais et du Syndicat des Marins côtiers ajoutèrent 60.000 grévistes aux 54.000 marins de la marine marchande qui avaient quitté les bateaux. Les équipages japonais de huit Liberty Ships qui devaient retourner aux U.S.A., se sont joints à la grève, et six autres équipages se préparent à en faire autant.

Le Syndicat des marins japonais exige une augmentation de 100% des salaires. Et, plus important, ils sont déterminés à empêcher le gouvernement de réaliser sa menace de licenciement de 80% des marins, sans consultations avec les Syndicats. Le Syndicat déclare que ces licenciements massifs non seulement ne sont pas nécessaires, mais d’après le Christian Science Monitor du 12 septembre, "peuvent être à l’heure actuelle un effort pour arrêter la croissance du mouvement ouvrier sous prétexte de nécessités économiques". La grève des marins s’étend parce que le mouvement syndical japonais est déterminé à faire échec aux tentatives des impérialistes américains et de leur gouvernement marionnette d’écraser leur force organisée et de faire retourner les ouvriers aux formes de servitude semi-féodale. Le Congrès des syndicats ouvriers (équivalent du C.I.O. américain) a ordonné aux simples centrales affiliées de se mettre en grève et de tenir bon jusqu’à ce "que le gouvernement réactionnaire de Yoshida s’effondre". L’ordre de grève a été donné chez les mineurs, métallos, industries chimiques, imprimeurs, électriciens et d’autres corporations. La grève des travailleurs agricoles suivit l’ordre de grève de la C.G.T. japonaise de près, étant donné l’impossibilité d’arriver à un accord entre le Syndicat et les grands propriétaires fonciers sur l’augmentation des salaires et les conventions collectives. La C.G.T. japonaise a 1 600 000 membres, comprenant 600 000 cheminots. La Fédération Générale des Cheminots a aussi lancé l’ordre de grève après que le gouvernement eut menacé de licencier 75 000 cheminots sous prétexte d’"économies", le même prétexte qui fut utilisé pour menacer les marins de licenciements massifs.

Avec les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki, la bourgeoisie franchit un nouveau sommet dans le cynisme et le mensonge. Car ce summum de la barbarie ne fut pas perpétré par un dictateur ou un fou sanguinaire, mais par la « très vertueuse démocratie » américaine. Pour justifier ce crime monstrueux, l’ensemble de la bourgeoisie mondiale a répété sans vergogne le mensonge colporté à l’époque de ces sinistres évènements, selon lequel la bombe atomique n’aurait été utilisée que pour abréger et limiter les souffrances causées par la poursuite de la guerre avec le Japon. La bourgeoisie américaine a même récemment poussé le cynisme jusqu’à vouloir faire éditer un timbre anniversaire ainsi légendé : « les bombes atomiques ont accéléré la fin de la guerre. Août 1945 ». Même si au Japon cet anniversaire fut une occasion supplémentaire pour marquer l’opposition croissante à l’ex-parrain US, le premier ministre a cependant apporté sa contribution précieuse au mensonge de la nécessité de la bombe pour que triomphent la paix et la démocratie, en présentant et ce, pour la première fois, les excuses du Japon pour les crimes commis durant la seconde guerre mondiale. Ainsi, vainqueurs et vaincus se retrouvent unis pour développer cette campagne répugnante visant à justifier un des plus grands crimes de l’histoire.
LA JUSTIFICATION D’HIROSHIMA ET NAGASAKI : UN GROSSIER MENSONGE
Les deux bombes atomiques lâchées sur le Japon en août 1945 firent, au total, 522 000 victimes. De nombreux cancers du poumon et de la thyroïde ne se déclarèrent que dans les années 1950 et 1960 et, aujourd’hui, les effets de l’irradiation continuent encore de faire des victimes : les leucémies sont dix fois plus nombreuses à Hiroshima que dans le reste du Japon !
Pour justifier un tel crime et répondre au choc légitime provoqué par l’horreur des effets de la bombe, Truman, le président américain qui ordonna l’holocauste nucléaire, ainsi que son complice Winston Churchill répandirent une fable aussi cynique que mensongère. A les en croire, l’emploi de l’arme atomique aurait épargné la vie d’environ un million de vies humaines, pertes qu’aurait selon eux nécessairement entraîné l’invasion du Japon par les troupes US. En somme, malgré les apparences, les bombes qui ont ravagé Hiroshima et Nagasaki et qui continuent encore cinquante ans après à dispenser la mort, seraient des bombes pacifistes ! Or, ce mensonge particulièrement odieux est totalement démenti par de nombreuses études historiques émanant de la bourgeoisie elle-même.
Lorsqu’on examine la situation militaire du Japon au moment où l’Allemagne capitule, on constate que celui-ci est déjà totalement vaincu. L’aviation, arme essentielle de la seconde guerre mondiale, y est exsangue, réduite à un petit nombre d’appareils généralement pilotés par une poignée d’adolescents aussi fanatisés qu’inexpérimentés. La marine, tant marchande que militaire, est pratiquement détruite. La défense antiaérienne n’est plus qu’une gigantesque passoire, ce qui explique que les B 29 US aient pu se livrer à des milliers de raids durant tout le printemps 1945 sans pratiquement essuyer de pertes. Et cela, c’est Churchill lui-même qui le souligne dans le tome 12 de ses mémoires !
Une étude des services secrets US de 1945, publiée par le New York Times en 1989, révèle quant à elle que : « Conscient de la défaite, l’empereur du Japon avait décidé dès le 20 juin 1945 de cesser toute hostilité et d’entamer à partir du 11 juillet des pourparlers en vue de la cessation des hostilités ».
Or, bien que parfaitement au courant de cette réalité, Truman, après avoir été informé du succès du premier tir expérimental nucléaire dans les sables du désert du nouveau Mexique en Juillet 1945, et ce au moment même où se tient la conférence de Potsdam entre lui-même, Churchill et Staline, décide alors d’utiliser l’arme atomique contre les villes japonaises. Qu’une telle décision ne soit en aucune façon motivée par la volonté de précipiter la fin de la guerre avec le Japon est également attesté par une conversation entre le physicien Léo Szilard, l’un des pères de la bombe, et le secrétaire d’Etat américain, J. Byrnes. A Szilard qui s’inquiétait des dangers de l’utilisation de l’arme atomique, J. Byrnes répond qu’il « ne prétendait pas qu’il était nécessaire d’utiliser la bombe pour gagner la guerre. Son idée était que la possession et l’utilisation de la bombe rendraient la Russie plus contrôlable ».1
Et s’il était encore besoin d’une argumentation supplémentaire, laissons parler certains des plus hauts dirigeants de l’armée américaine elle-même. Pour l’amiral W. Leahy, chef d’état major, « Les japonais étaient déjà battus et prêts à capituler. L’usage de cette arme barbare n’a apporté aucune contribution matérielle à notre combat contre le Japon. »1 C’est un avis que partageait aussi Eisenhower.
La thèse de l’utilisation de l’arme atomique pour forcer le Japon à capituler et stopper la boucherie ne correspond à aucune réalité. C’est un mensonge forgé de toutes pièces pour les besoins de la propagande guerrière de la bourgeoisie, un des fleurons du gigantesque bourrage de crâne qu’a nécessité la justification idéologique de ce plus grand massacre de l’histoire que fut la guerre de 1939-45, de même que la préparation idéologique de la guerre froide.
Et il convient de souligner que, quels que soient les états d’âme de certains membres de la classe dominante, devant l’utilisation de cette arme terrifiante qu’est la bombe nucléaire, la décision du président Truman, est tout sauf celle d’un fou ou d’un individu isolé. Elle est au contraire l’expression d’une logique implacable, celle de l’impérialisme, celle de tous les impérialismes, et cette logique signifie la mort et la destruction de l’humanité pour que survive une classe, la bourgeoisie, confrontée à la crise historique de son système d’exploitation et à sa décadence irréversible.
A l’opposé des tombereaux de mensonges colportés depuis 1945 sur la prétendue victoire de la Démocratie synonyme de paix, la seconde boucherie mondiale est à peine terminée que se dessine déjà la nouvelle ligne d’affrontement impérialiste qui va ensanglanter la planète. De la même façon que dans le traité de Versailles de 1919 était inscrite l’inéluctabilité d’une nouvelle guerre mondiale, Yalta contenait la fracture impérialiste majeure entre le grand vainqueur de 1945, les Etats-Unis, et son challenger russe. Puissance économique mineure, la Russie peut accéder, grâce à la seconde guerre mondiale, à un rang impérialiste de dimension mondiale, ce qui ne peut que menacer la super puissance américaine. Dès le printemps 1945, l’URSS utilise sa force militaire pour se constituer un bloc dans l’Est de l’Europe. Yalta n’avait fait que sanctionner le rapport de forces existant entre les principaux requins impérialistes qui étaient sortis vainqueurs du plus grand carnage de l’histoire. Ce qu’un rapport de forces avait instauré, un autre pouvait le défaire. Ainsi, à l’été 1945, la véritable question qui se pose à l’Etat américain n’est pas de faire capituler le Japon le plus vite possible comme on nous l’enseigne dans les manuels scolaires, mais bien de s’opposer et de contenir la poussée impérialiste du « grand allié russe » !
W. Churchill, le véritable dirigeant de la seconde guerre mondiale, du côté des« Alliés », a pris très vite la mesure du nouveau front en train de s’ouvrir et va exhorter sans relâche les Etats-Unis à y faire face. Il écrit dans ses mémoires : « Plus une guerre menée par une coalition approche de sa fin, plus les aspects politiques prennent d’importance. A Washington surtout on aurait du voir plus grand et plus loin… La destruction de la puissance militaire de l’Allemagne avait provoqué une transformation radicale des rapports entre la Russie communiste et les démocraties occidentales. Elles avaient perdu l’ennemi commun qui était à peu près leur seul trait d’union. » Et il en conclut que : « la Russie soviétique était devenue un danger mortel pour le monde libre, qu’il fallait créer sans retard un nouveau front pour arrêter sa marche en avant et qu’en Europe ce front devait se trouver le plus à l’Est possible »[4]. On ne saurait être plus clair : par ces mots, Churchill analyse fort lucidement que, alors que la seconde guerre mondiale n’est pas encore terminée, une nouvelle guerre est d’ores et déjà en train de commencer !
Dès le printemps 1945, Churchill fait tout pour s’opposer aux avancées de l’armée russe en Europe de l’est (en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Yougoslavie, etc.). Il cherche avec obstination à faire adhérer à ses vues le nouveau président américain, Truman, lequel, après certaines hésitations se ralliera pleinement à la thèse de Churchill selon laquelle « la menace soviétique avait déjà remplacé l’ennemi nazi ».
On comprend dès lors aisément le total soutien que Churchill et son gouvernement unanime apportèrent à la décision de Truman de faire procéder à des bombardements atomiques sur les villes japonaises. Churchill écrivait le 22 Juillet 1945 : « [avec la bombe] nous avons désormais en mains quelque chose qui rétablira l’équilibre avec les russes. Le secret de cet explosif et la capacité de l’utiliser modifieront complètement l’équilibre diplomatique qui était à la dérive depuis la défaite de l’Allemagne ». Que cela entraîne la mort, dans d’atroces souffrances, de centaines de milliers d’êtres humains laissait de marbre ce « grand défenseur du monde libre », ce « sauveur de la démocratie ». Lorsqu’il apprit la nouvelle de l’explosion d’Hiroshima, il… sauta de joie et l’un de ses conseillers, Lord Alan Brooke, précise même : « Churchill fut enthousiaste et se voyait déjà en mesure d’éliminer tous les centres industriels de la Russie et toutes les zones à forte concentration de population »[6]. Voilà ce que pensait ce défenseur de la civilisation et des irremplaçables valeurs humanistes à l’issue d’une boucherie ayant fait 50 millions de morts !
L’holocauste nucléaire qui s’est abattu sur le Japon en août 1945, cette manifestation terrifiante de la barbarie absolue qu’est devenue la guerre dans la décadence du capitalisme, ne fut donc en aucune façon perpétrée par la « blanche démocratie » américaine pour limiter les souffrances dues à la poursuite de la guerre avec le Japon, pas plus qu’elle ne correspondait à un besoin militaire. Son véritable objectif était d’adresser un message de terreur à l’URSS pour forcer cette dernière à limiter ses prétentions impérialistes et à accepter les conditions de la « pax americana ». Plus concrètement, il fallait immédiatement signifier à l’URSS qui, conformément aux accords de Yalta, déclarait au même moment la guerre au Japon, qu’il était hors de question pour elle de tenter de participer à l’occupation de ce pays, contrairement au cas de l’Allemagne. Et c’est pour que ce message soit suffisamment fort que l’Etat américain lança une deuxième bombe contre une ville d’importance mineure sur le plan militaire, à savoir Nagasaki, où l’explosion anéantit le principal quartier ouvrier ! C’est aussi la raison du refus de Truman de se ranger à l’avis de certains de ses conseillers pour lesquels l’explosion d’une bombe nucléaire sur une zone peu peuplée du Japon eut été amplement suffisante pour amener le Japon à capituler. Non, dans la logique meurtrière de l’impérialisme, la vitrification nucléaire de deux villes était nécessaire pour intimider Staline, pour rabattre les ambitions impérialistes de l’ex-allié soviétique.
Quelles leçons la classe ouvrière doit-elle tirer de cette terrible tragédie et de sa répugnante utilisation par la bourgeoisie ?
En premier lieu, que ce déchaînement inouï de la barbarie capitaliste est tout sauf une fatalité, dont l’humanité serait la victime impuissante. L’organisation scientifique d’un tel carnage n’a été possible que parce que le prolétariat était vaincu à l’échelle mondiale par la contre-révolution la plus terrible et la plus implacable de toute son histoire. Brisé par la terreur stalinienne et fasciste, totalement déboussolé par l’énorme et monstrueux mensonge identifiant stalinisme et communisme, il s’est laissé finalement embrigader dans le piège mortel de la défense de la démocratie avec la complicité aussi active qu’irremplaçable des staliniens. Cela jusqu’à finir transformé en une gigantesque masse de chair à canon que la bourgeoisie pouvait utiliser à merci. Aujourd’hui, quelles que soient les difficultés que connaît le prolétariat pour approfondir son combat, la situation est tout autre. Dans les grandes concentrations prolétariennes, ce qui est à l’ordre du jour, en effet, ce n’est pas, comme au cours des années 30, l’union sacrée avec les exploiteurs, mais bel et bien l’élargissement et l’approfondissement de la lutte de classe.
A l’opposé du grand mensonge développé jusqu’à l’écoeurement par la bourgeoisie, lequel présente la guerre inter-impérialiste de 1939-45 comme une guerre entre deux « systèmes », l’un fasciste, l’autre démocratique, les cinquante millions de victimes de cet immense carnage ne sont autres que celles du système capitaliste comme un tout. La barbarie, les crimes contre l’humanité n’ont pas été l’apanage du seul camp fasciste. Les prétendus « défenseurs de la civilisation » rassemblés sous la bannière de la Démocratie, à savoir nos fameux « Alliés » ont les mains tout aussi souillées de sang que celles des « puissances de l’Axe » et le déchaînement du feu nucléaire en août 1945, même s’il est particulièrement atroce, n’est qu’un des nombreux crimes perpétrés tout au long de la guerre par ces « chevaliers blancs de la démocratie ».
L’horreur d’Hiroshima signifie aussi le début d’une nouvelle période dans l’enfoncement du capitalisme dans sa décadence. Elle exprime que désormais la guerre permanente est devenue le mode de vie quotidien du capitalisme. Si le traité de Versailles annonçait la prochaine guerre mondiale, la bombe sur Hiroshima marquait, quant à elle, le réel début de ce qu’on a appelé « la guerre froide » mettant aux prises l’URSS et les Etats-Unis et qui allait ensanglanter les quatre coins de la planète pendant plus de 40 ans. C’est pourquoi les lendemains de 1945, contrairement aux années qui suivirent 1918, ne voient aucun désarmement mais au contraire un accroissement gigantesque des dépenses d’armement chez tous les vainqueurs du conflit (dès 1949, l’URSS se dote de sa première bombe atomique). Dans ce cadre, l’ensemble de l’économie, sous la houlette du capitalisme d’Etat - quelles que soient les formes revêtues par ce dernier - est mise au service de la guerre. Et contrairement, là aussi, à la période qui suit la fin du premier conflit mondial le capitalisme d’Etat ne va cesser partout de se renforcer et d’exercer son emprise totalitaire sur l’ensemble de la société. Seul l’Etat peut en effet mobiliser les gigantesques ressources nécessaires pour notamment développer l’arsenal nucléaire. Ainsi le projet Manhattan ne fut que le premier d’une longue et funeste série conduisant à la plus folle et gigantesque course aux armements de l’histoire.

(dans l’article ci-joint nous avons cité notamment un extrait d’un article du CCI)

Le journal français "Le Monde" parlait de découverte scientifique à propos de la bombe atomique lâchée sur le Japon !!!

Messages

  • Quasiment tous disent le contraire de vous : que c’est cela qui a permis de vaincre le Japon !

  • Une étude des services secrets américains de 1945, publiée par le New York Times en 1989, révèle que : “Conscient de la défaite, l’empereur du Japon avait décidé dès le 20 juin 1945 de cesser toute hostilité et d’entamer à partir du 11 juillet des pourparlers en vue de la cessation des hostilités”.

    Les USA ne voulaient pas terroriser le Japon, ni leurs alliés russes, ni les autres régimes de la planète.

    Non, ils voulaient terroriser la classe ouvrière et les peuples car ils savaient que la fin de la guerre sonnait aussi le début des révoltes et révolutions.

  • Dés le lendemain de la bombe, les autorités occupantes alliées bannirent toute mention d’empoisonnement radioactif et insistèrent que les gens avaient été tués ou blessés uniquement par l’explosion. Ce fut le premier grand mensonge. « Aucune radioactivité dans les ruines de Hiroshima » annonça la première page du New York Times, un grand classique de la désinformation et de démission journalistique, que le reporter australien Wilfred Burchett corrigea avec le scoop du siècle. « J’écris ceci comme une mise en garde au monde entier », écrivit Burchett dans le Daily Express. Il fut le premier correspondant à oser le faire, après avoir réussi à entrer dans Hiroshima après un voyage périlleux. Il y décrivit les hôpitaux débordant de victimes qui ne montraient aucun signe de blessures mais qui étaient en train de mourir de ce qu’il appela « une peste atomique ». Pour avoir raconté la vérité, son accréditation de presse lui fut retirée, lui-même fut mis au pilori et calomnié - et ses dires confirmées.

    Le bombardement de Hiroshima et Nagasaki fut un acte criminel d’une gravité historique. Ce fut un meurtre en masse avec préméditation inaugurant une arme intrinsèquement criminelle. C’est pour cette raison que ses défenseurs se réfugient dans la mythologie de la « bonne guerre » par excellence, dont la « base étique », comme l’appela Richard Drayton, a permis à l’Occident non seulement d’expier son passé impérialiste sanglant mais aussi de promouvoir 60 ans d’une guerres rapaces, et toujours à l’ombre de La Bombe.

    Le mensonge le plus tenace est celui qui prétend que la bombe fut larguée pour mettre fin à la guerre dans le Pacifique et sauver des vies. « Même sans les bombardements atomiques, » conclut une étude intitulée United States Strategic Bombing Survey en 1946, « la suprématie aérienne sur le Japon aurait été suffisante pour les amener à une reddition sans conditions et évité le recours à une invasion. Basé sur une enquête minutieuse de tous les éléments, et confirmé par les témoignages des dirigeants japonais impliqués encore en vie, nous pensons que… le Japon aurait capitulé même si les bombes n’avaient pas été larguées, même si les Russes n’étaient pas entrés en guerre (contre le Japon - ndt) et même si aucun plan d’invasion n’avait été prévu ou envisagé. »

    Les Archives Nationales à Washington contiennent des documents officiels du gouvernement US qui indiquent que les Japonais ont fait des propositions de paix dés 1943. Aucune ne fut suivie d’effets. Un télégramme envoyé le 5 mai 1945 par l’ambassadeur de l’Allemagne à Tokyo et qui fut intercepté par les Etats-Unis ne laisse planer aucun doute sur fait que les Japonais cherchaient désespérément la paix, y compris par « une capitulation assortie de conditions sévères. » Le secrétaire d’Etat à la Guerre étatsunien, Henry Stimson, a préféré déclarer au Président Truman qu’il « craignait » que l’aviation US ne bombarde tellement le Japon que la nouvelle arme ne pourrait plus « faire une démonstration de sa puissance ». Plus tard, il a admis qu’ « aucun effort ne fut entrepris, ni même envisagé, pour obtenir une capitulation ne serait-ce que pour ne pas avoir recours à la bombe ». Ses collègues du ministère étaient impatients « d’en mettre plein la vue aux Russes avec une bombe portée ostensiblement en bandoulière ». Le général Leslie Groves, directeur du Manhattan Project qui fabriqua la bombe, témoigna : « je n’ai jamais douté que notre ennemi était la Russie, et que le projet était mené dans cette idée ». Le lendemain de la destruction de Hiroshima, le Président Truman exprima sa satisfaction quant au « succès éclatant » de « cette expérimentation ».

  • « Même sans les bombardements atomiques, » conclut une étude intitulée United States Strategic Bombing Survey en 1946, « la suprématie aérienne sur le Japon aurait été suffisante pour les amener à une reddition sans conditions et évité le recours à une invasion. Basé sur une enquête minutieuse de tous les éléments, et confirmé par les témoignages des dirigeants japonais impliqués encore en vie, nous pensons que… le Japon aurait capitulé même si les bombes n’avaient pas été larguées, même si les Russes n’étaient pas entrés en guerre (contre le Japon – ndt) et même si aucun plan d’invasion n’avait été prévu ou envisagé. »

  • Un télégramme envoyé le 5 mai 1945 par l’ambassadeur de l’Allemagne à Tokyo et qui fut intercepté par les Etats-Unis ne laisse planer aucun doute sur fait que les Japonais cherchaient désespérément la paix, y compris par « une capitulation assortie de conditions sévères. » Le secrétaire d’Etat à la Guerre étatsunien, Henry Stimson, a préféré déclarer au Président Truman qu’il « craignait » que l’aviation US ne bombarde tellement le Japon que la nouvelle arme ne pourrait plus « faire une démonstration de sa puissance ». Plus tard, il a admis qu’ « aucun effort ne fut entrepris, ni même envisagé, pour obtenir une capitulation ne serait-ce que pour ne pas avoir recours à la bombe ».

  • Le chef d’état-major, l’amiral William Leahy, un partisan du New Deal, écrivit : "Les Japonais étaient déjà battus et prêts à capituler. L’usage de cette arme barbare à Hiroshima et à Nagasaki n’a apporté aucune contribution matérielle à notre combat contre le Japon." Les Etats-Unis, poursuivit-il, "en tant que premier pays à utiliser cette bombe ont adopté des normes éthiques semblables à celles des barbares du Haut Moyen Age".

  • L’historien et politologue états-unien Howard Zinn (1922-2010) a travaillé sur ce dossier et nous livre des réponses dans son ouvrage « Désobéissance civile et démocratie » (texte anglais datant de 1986, dernière édition en français chez Agone, 2010). Engagé volontaire dans l’armée de l’air en tant que lieutenant bombardier pendant la Seconde Guerre mondiale, il finit par douter de la justesse de son action en raison de l’imprécision des frappes aériennes et de l’utilisation de napalm non justifiée sur des ennemis repliés (Royan, avril 1945). Son engagement militaire lui ouvrant les portes de l’université, il deviendra professeur d’histoire, de sciences sociales puis intégrera le département sciences politiques de l’université de Boston où il enseignera pendant 24 ans.

    Les responsables politiques justifièrent l’usage de la bombe atomique contre des populations civiles en termes moraux. Henry Stimson, dont l’Interim Commitee avait pour mission de décider s’il fallait ou non utiliser la bombe atomique, déclara plus tard que cela fut fait dans l’objectif « de remporter la guerre en limitant au maximum les pertes dans les rangs des soldats ». Cet arguments supposait que, sans l’usage des bombes atomiques, il aurait été nécessaire d’envahir la Japon, ce qui aurait coûté la vie à de nombreux soldats américains. Un raisonnement nationaliste, voire raciste, selon lequel sauver des vies américaines était bien plus important que de sauver des vies japonaises. Des chiffres extravagants commencèrent à circuler (le secrétaire d’État James Byrnes évoqua « un million de morts et de blessés » dans le cas d’une invasion) mais on ne tenta jamais d’estimer sérieusement les pertes américaines en comparaison des pertes japonaises, hommes, femmes, enfants et personnes âgées.

    Nous savons aujourd’hui avec certitude qu’une invasion du Japon n’était pas nécessaire pour mettre fin à cette guerre. Le Japon était battu, en pleine détresse, prêt à se rendre. Le US Strategic Bombing Survey, qui interrogea 700 militaires et responsables politique japonais après la guerre, parvint à cette conclusion : « Se fondant sur une analyse détaillée des faits, étayée par les témoignages des responsables japonais survivants, la commission d’enquête est persuadée que, certainement avant le 31 décembre 1945 et, en toute probabilité, avant le 1er novembre de la même année, le Japon aurait capitulé même si la bombe atomique n’avait pas été larguée, même si la Russie n’était pas entrée en guerre et même si aucune invasion n’avait été planifiée ou envisagée. »

    Après la guerre, l’universitaire américain Robert Butow consulta les archives du ministère des Affaires étrangères japonais, les dossiers du tribunal militaire international qui fut chargé de jugé les responsables japonais pour crimes de guerre et les rapports d’interrogatoires de l’armée américaine. Il interrogea également nombre de personnalités japonaises de premier plan et aboutit à cette conclusion : « Si les Alliés avaient donné au prince (Konoye, l’émissaire spécial à Moscou qui cherchait à obtenir l’intercession des russes afin de conclure la paix) une semaine supplémentaire pour obtenir l’accord de son gouvernement sur les propositions qui lui étaient faites, la guerre aurait pu s’achever vers la fin juillet ou au tout début du mois d’août sans qu’il eût été nécessaire d’avoir recours à la bombe atomique et sans que les Russes n’entrassent dans le conflit ».

    Le 13 juillet 1945, trois jours avant le succès du premier essai atomique au Nouveau-Mexique, les États-Unis avaient intercepté un message codé adressé par Togo, le ministre des Affaires étrangères japonais, à Sato, son ambassadeur à Moscou, lui conseillant de demander aux Soviétiques d’intercéder en leur faveur et lui signifiant que le Japon était prêt à mettre fin à la guerre pour peu qu’on ne lui impose pas une reddition sans conditions. Le 2 août, le ministère des Affaires étrangères fit parvenir un autre message à l’ambassadeur japonnais à Moscou : « Il ne nous reste plus que quelques jours pour parvenir à un accord qui puisse mettre fin à la guerre. (…) Quant aux termes définitifs de l’accord, (…) notre intention est de faire de la déclaration de Postdam (qui appelait à une reddition sans conditions) la base de notre réflexion sur ce sujet. » Le professeur d’histoire Barton Bernstein, qui a étudié les documents officiels de très près sur ce sujet, écrivait que « ce message, comme les précédents, a probablement été intercepté et décodé par les renseignements américains. Mais cela n’a eu aucun effet sur la politique américaine.

    Dans son récit, aussi convaincant que détaillé, de la fabrication de la bombe, Richard Rhodes affirme que « les bombes furent larguées non parce que les Japonais refusaient de se rendre mais parce qu’ils refusaient une reddition sans condition ». L’unique condition des Japonais était qu’on acceptât de respecter le caractère sacré de la personne de l’empereur (…) et vers la fin, les États-Unis acceptèrent toutes les demandes japonaises concernant l’empereur.

    Pour quelles raisons les Américains se montrèrent-ils si pressés de larguer cette bombe si l’argument concernant les vies humaines se révélait n’en être pas un et si les Japonais étaient prêts à se rendre même sans invasion américaine ? Après avoir étudié les archives des dirigeants américains les plus proches de Truman et les plus influents dans la décision finale, l’historien Gar Alperovitz conclut que les bombes atomiques avaient pour seul objectif d’impressionner l’Union soviétique en un acte initial destiné à imposer la domination américaine sur le monde de l’après-guerre. Il rappelle que l’Union soviétique avait promis de rentrer en guerre contre le Japon le 8 août. La bombe explosa le 6 août.

    Le scientifique Leo Szilard, qui avait rencontré le principal conseiller politique de Truman en mai 1945, raconta plus tard que « Byrnes ne prétendait pas que l’usage de la bombe contre les villes japonaises (fût) absolument nécessaire pour gagner la guerre. (…) Byrnes pensait que le fait de posséder la bombe et d’en faire la démonstration rendrait la Russie plus souple ». Et le secrétaire à la Marine, James Forrestal, écrivit dans son journal : « Byrnes déclara qu’il était soucieux de voir cette affaire japonaise finir avant que les Russes ne s’en mêlent ».

    L’emploi de la bombe atomique semble donc ne pas avoir eu pour fin de hâter la victoire, qui était déjà certaine, ni de sauver des vies, puisqu’il était fort probable qu’une invasion américaine du Japon ne serait pas nécessaire, mais bien d’affirmer la suprématie américaine en prévision de l’après-guerre. Pour y parvenir, on utilisa des moyens qui sont parmi les plus atroces que l’humanité ait jamais conçus : brûler vifs, mutiler affreusement et irradier des êtres humains, les condamnant à une lente agonie dans d’atroces souffrances.

  • Nagasaki, Hiroshima, Dresde, Berlin, Varsovie sont des lieux exemplaires de la puissance du capital : rien d’autre ! Les musées d’horreur qui ont été construits dans les villes bombardées, tels que les musées de l’Holocauste et les monuments au Soldat Inconnu, servent comme forces de dissuasion contre la révolution prolétarienne et non contre la guerre bourgeoise, dont s’exaltent bien au contraire les vertus patriotiques.

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