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Ce que Gödel nous apprend

dimanche 23 octobre 2016, par Robert Paris

Ce que Gödel nous apprend

Les deux théorèmes d’incomplétude de Gödel de 1931 sont une réponse aux ambitions formalistes de David Hilbert. Les contributions de Tarski concernent l’impossibilité de formaliser la notion de vérité, selon les exigences formalistes. Ces théorèmes n’ont, certes pas, rendu la pratique mathématique impossible, ils invalident la prétention hilbertienne, qui voudrait que la mathématique puisse résoudre tous les problèmes qui se présenteraient à elle.

Hilbert avait poursuivi le travail entamé deux cent cinquante ans plus tôt par René Descartes et Pierre de Fermat et développé une axiomatique formelle permettant de réduire la géométrie à l’arithmétique. L’enjeu – tel que l’a posé Hilbert dans sa célèbre allocution au Congrès des mathématiques de 1900 – était de prouver le caractère non contradictoire de l’arithmétique, question vitale pour l’ensemble des mathématiques, par la voie de la modélisation. L’avancement de la métamathématique dans les décennies suivantes fut considérable. Toutefois, elle arriva à un résultat négatif surprenant : les théorèmes de Gödel des années trente, en vertu desquels il est impossible de démontrer au moyen de ces méthodes la non-contradiction logique de toute théorie qui comprenne l’arithmétique.

Le siècle s’achevait quand, au congrès de mathématiques de Paris, Hilbert posa 23 questions, comme autant de défis à relever, aux mathématiciens du XXè siècle15. Pour Hilbert, il s’agissait d’asseoir les mathématiques, de montrer leur cohérence. La première question était consacrée à l’infini cantorien et la deuxième visait à démontrer que l’arithmétique était cohérente (consistante) c’est-à-dire, pour simplifier, démontrer qu’à partir d’un jeu d’axiomes on ne pouvait prouver une chose et son contraire, que nous étions bien dans un système où A est différent de non A, ce qu’on nomme aussi, dans la logique, le principe d’identité. La question était à peine posée que quelques méchants paradoxes ébranlaient l’édifice, obligeant notamment Frege à mettre un genou à terre ; ce qu’il fit avec un stoïcisme et une honnêteté intellectuelle des plus remarquables.

En 1928, au congrès de Bologne, Hilbert poursuivait sa demande18. Trois ans plus tard, un jeune mathématicien, Kurt Gödel, expédie la question de Hilbert. La réponse surprend le monde. A partir d’un jeu d’axiomes donnés, il est possible que des propositions soient indécidables, qu’elles ne puissent être ni prouvées ni infirmées. Il y a incomplétude. Nous nous trouvons dans une situation exclue à l’origine par la logique et qu’on nomme le principe du tiers-exclu (un système dans lequel nous avons soit A soit non A). Plus tard (Gödel -1938 à 1940 -, Cohen - 1963 -), il sera démontré que l’hypothèse de Cantor appartient à cette sphère des propositions indécidables.

La démonstration par Gödel sonnera le glas des ambitions de la logique formelle et favorisera le glissement de la pensée bourgeoise du matérialisme bourgeois (comme le positivisme) vers l’idéalisme, son adhésion à un tremblant probabilisme comme à renforcer l’idée que la connaissance était intrinsèquement hors de portée de l’homme De leur côté, les mathématiques, sous l’effet des diverses évolutions à l’oeuvre depuis la remise en cause de la géométrie euclidienne, s’enfonçaient dans une abstraction toujours plus grande en cherchant sans cesse à s’auto-légitimer. Plutôt que de s’ouvrir sur la société et de prendre en compte leurs limites, elles se renferment sur toujours plus d’abstraction. Dans ce mouvement, les axiomes évoluaient du rang de vérités évidentes à celui d’hypothèses pouvant être prises en considération du seul fait de leur fécondité.

La recherche d’un algorithme universel, c’est-à-dire un algorithme permettant de résoudre automatiquement n’importe quel problème, l’idée que tout problème avait une solution dans un algorithme et qu’il existait un algorithme universel pour régler tous les problèmes restait une des quêtes fondamentales des sciences mathématiques. Ouverte par Leibniz, la question était toujours pendante quand Hilbert posa sur la table la boîte de pandore des 23 questions.

A partir du moment où un système est cohérent et complet, on démontre qu’il est décidable, c’est-à-dire qu’il existe une procédure qui permet de dire si une assertion est vraie ou non. Mais avec Gödel, puis les travaux de Church (1936) ou de Turing (1936), s’envolaient la possibilité de réaliser un algorithme universel.

Bien avant que la logique formelle ne démontre que, même dans son cadre intellectuel étriqué, elle était rattrapée par la complexité de la réalité, la dialectique avait envoyé par le fond sa prétention à appréhender correctement l’ensemble du réel.

Certains auteurs poussent trop loin les conséquences du théorème de Gödel et d’autres démonstrations des limites de la logique formelle. L’un d’entre eux écrit par exemple que « Avec ce théorème, Gödel montre qu’il est tout simplement impossible de tout expliquer avec une théorie, ni même avec une superposition finie de théories. D’une certaine manière, il démontre l’existence des mystères. »Certains y ont même vu la preuve de l’existence de dieu !

Ils en déduisent à tort que l’univers est inconnaissable ou indéterministe. D’autres y voient une justification du mysticisme. voir ici

Il est plus exact de dire que l’univers n’obéit pas à la logique formelle (excluant les contradictions internes) mais à la logique dialectique (faisant des contradictions internes le moteur de la dynamique).

Gödel et sa vie

Gödel et ses non-interprétations

Le théorème de Gödel

Gödel et les limites de la raison

Que dit vraiment le "Théorème d’incomplétude dans les systèmes formels" du logicien Kurt Gödel (1931)

L’itinéraire de Gödel

Gödel et les limites de la logique

La philosophie de Gödel

Gödel déchiré

L’explication du théorème de Gödel dans wikipédia

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