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Tout est-il ou vérité ou mensonge (exclusivement)

jeudi 18 octobre 2018, par Robert Paris

Au IVe siècle av. J.-C., Eubulide de Milet énonça :

« Un homme disait qu’il était en train de mentir. Ce que l’homme disait est-il vrai ou faux ? »

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Tout est-il ou vérité ou mensonge (exclusivement, une tierce proposition étant exclue) ? Ou les limites de la logique formelle…

Que penser des paradoxes logiques, sont-ils des jeux de l’esprit ou des paradoxes réels ?

Que nous font penser le paradoxe du menteur, les paradoxes de l’évolution (comme celui de la conservation et de la transformation, de l’espèce et de l’évolution, de l’œuf et de la poule, des sauts génétiques entre espèces, de l’interfécondité des espèces), les paradoxes quantiques (comme celui du corpuscule et de l’onde, de la réduction du paquet d’ondes, de la discontinuité et de la causalité, etc.), les paradoxes du temps…

Ils démontrent que, dans la réalité comme dans la pensée, il n’existe pas seulement la dichotomie du vrai et du faux, mais aussi l’intrinsèquement et dialectiquement contradictoire, le chaotique, l’indécidable, le flou, et surtout… la dialectique !

Une réponse étonnante au paradoxe du menteur :
On se souvient de celui-ci : il y a un village de menteurs et un autre où les habitants disent la vérité. Comment savoir à quel village on a affaire ? On n’a le droit de poser qu’une seule question au premier habitant que l’on voit venir d’un village inconnu. Quelle question lui poser pour savoir de quel village il vient ? Si on lui demande s’il dit la vérité, il dira oui dans les deux cas. Si on lui demande s’il ment, il dira non dans les deux cas. La réponse a été donnée notamment par Kaspar Hauser dans le film de Werner Herzog. Kaspar est un jeune homme qui avait été perdu et redécouvert complètement hébété, incapable de la moindre logique déductive. Il a proposé une solution : demander à l’homme s’il est une grenouille verte !!!

Un menteur affirme qu’il ment, dit-il la vérité ou ment-il ?

Aucune proposition ne peut exprimer quelque chose
au sujet d’elle-même, ont dit les logiciens. C’est déjà émettre une limite à l’affirmation : « tout doit être vrai ou faux ».

Le premier problème de la logique formelle est qu’elle distribue des préceptes non contradictoires. Or le monde, qui change sans cesse de manière non linéaire et discontinue, n’y obéit pas. On ne peut pas dire ce qu’est « cet homme » parce qu’il change. Est-il en bonne santé ou malade ? Cela peut changer brutalement. Ment-il ou dit-il la vérité ? Cela aussi peut changer. Cela dépend non seulement de son caractère, qui peut changer ou pas, mais cela peut dépendre si la question a une grande importance pour lui et si cela fait appel à des sentiments très profonds et douloureux. On peut mentir sans en avoir conscience. on peut mentir sans cesse ou occasionnellement.

Un des paradoxes logiques les plus connus est celui du menteur. Etre ou pas un menteur, on peut difficilement répondre par oui ou par non. Parfois, il est impossible même de tenir un discours logique sur ce thème. Mais cela n’est pas vraiment lié à la question du mensonge. C’est plutôt une question d’affirmation permanente sur une personne ou une chose.

Il n’y a pas que la particule quantique qui n’est pas toujours onde, ni toujours corpuscule, ni toujours un mixage proportionné des deux, ni même autre chose. Cela dépend du type d’observation que l’on fait de la particule parce que les différences observations sont des interactions avec la particule qui l’interrogent à une certaine échelle. Or la particule n’est pas identique à elle-même aux différentes échelles ! Ce n’est ni une faiblesse de l’observation, ni de la pensée humaine. C’est la réalité qui ne peut s’attraper par une simple affirmation de logique formelle du type : « c’est comme ceci ou c’est comme cela ».

Déjà le principe d’identité de la logique formelle n’est pas satisfait dans l’observation d’une particule quantique. On ne peut pas savoir si on observe toujours la même particule, si on parle toujours de la même. Là encore, il ne s’agit pas de faiblesses des capacités d’analyse de l’homme ou de limites des méthodes d’observation. Il s’agit du fait que la particule dite réelle, qui a une masse pesante, qui est perceptible par nos instruments, qui a des caractéristiques fixes, qui est dite durable, en fait n’est pas toujours la même : sa réalité (au travers du boson de Higgs), qui n’est qu’une propriété, saute d’une particule éphémère (dite virtuelle) du vide quantique à une autre. Cela ne signifie pas que la réalité matérielle n’est que virtuelle car les particules virtuelles sont elles aussi matérielles. Mais cela signifie que la matière change sans cesse.

Il y a de très nombreuses démonstrations des limites de la logique formelle, dont les paradoxes logiques, les théorèmes qui dévoilent des contradictions et des limitations de cette logique (incomplétude, ensemble de tous les ensembles, énoncés autoréférents, contradictions des infinis, et bien d’autres).

L’homme est contraint cependant d’employer un discours logique pour s’exprimer. Même la physique quantique, qui renie le discours de la physique classique, est contrainte d’employer les termes même de celle-ci dès qu’elle veut décrire une expérience ou un phénomène.

« L’homme « en général, cela n’existe pas, mais nous ne pouvons faire autrement que de parler d’homme dès qu’il s’agit d’une manière ou d’une autre de notre espèce.

Attraper l’homme par une définition, ou par une propriété caractéristique, est aussi difficile que d’attraper ainsi la matière, la vie ou autre chose. Comme dit le proverbe, il y a toujours l’exception qui confirme la règle. Les frontières entre domaines sont mouvantes, perfectibles, perméables, fractales, et autres, qu’il s’agisse de la frontière en l’homme et le non-homme, entre le vivant et l’inerte ou entre des espèces, entre l’onde et le corpuscule ou d’autres tentatives d’ériger des frontières entre différentes entités, que l’on peut difficilement séparer définitivement, par une formule ou par autre chose.

Cela ne signifie que l’on ne peut rien dire de vrai, que l’on ne peut rien savoir du monde, que l’inconnu règne en maître, que la science n’a rien dit de valable et autre balivernes.

Non ! Cela veut dire que la philosophie de la logique formelle ne convient pas à l’étude et à la compréhension du monde.

Déjà considérer le monde comme une somme d’objets séparés, de catégories séparées, indépendantes au départ, éventuellement à mettre ensuite en relation, ne convient pas. Ensuite, considérer ces objets comme égaux à eux-mêmes en temps normal et qui peuvent seulement bouger, quitte à admettre ensuite qu’ils peuvent changer fondamentalement, ne suffit pas non plus.

On ne peut pas considérer qu’un homme existe indépendamment de son environnement. On ne peut pas non plus le dire d’une particule. Le « simple déplacement » de matière sans interaction, avec d’autres matières ou lumières, ou avec l’espace-temps environnant, n’existe pas.

Ce n’est pas seulement une limitation des capacités du discours logique, c’est un défaut profond de la logique formelle. Elle ne décrit pas la réalité à condition de respecter certaines limitations, de ne pas trop ambitionner à une description du monde global. Non ! La logique formelle tout simplement ne convient pas pour étudier le monde !

Bien sûr, nous sommes toujours le même homme en apparence, mais nous détruisons l’essentiel de nos cellules comme de tout le matériel du vivant et les remplaçons sans cesse. Nous ne poursuivons notre existence, apparemment identique à elle-même, qu’en changeant sans cesse. Et la plus « élémentaire » des particules fait exactement pareil : pour rester « la même », elle change sans cesse d’identité en sautant d’une particule virtuelle à une autre au sein du vide quantique !

« Ou » rester identique à soi-même « ou » changer n’est donc pas une alternative mais des inséparables dialectiques…

L’opposition diamétrale entre des pôles, celle de la logique formelle, est remplacée par une contradiction dialectique dans laquelle les contraires se complètent, s’interpénètrent, se changent l’un dans l’autre et fondent ensemble une unité en mouvement, sans cesse changeante et pleine de potentialités. Cela provient du fait que ces pôles fondent des interactions dynamiques au travers desquelles de nouvelles lois de conservation, des structures émergentes apparaissent. Cette philosophie dialectique est issue des découvertes scientifiques elles-mêmes et non d’un quelconque a priori.

L’ancienne logique formelle (encore appelée logique du « tiers exclus », celle du « oui ou non », du « tout, somme des parties » et de la « non contradiction ») opposait stabilité et instabilité, ordre et désordre, fixité et changement. La physique et la biologie moderne couplent les deux.

Au sens de la logique formelle, la contradiction est une erreur ou une faute de raisonnement. Elle ne peut qu’être éliminée.
Au sens dialectique, employé ici, la contradiction est une opposition (qui peut exister au sein de la réalité) qui ne mène pas à la destruction des deux éléments contradictoires. En fait, la dialectique suppose que chaque élément contient en son sein la contradiction : deux principes opposés mais qui se sont combinés.

Citons Hegel dans "Science de la Logique" :

« C’est l’un des préjugés fondamentaux de la logique jusqu’alors en vigueur et de la représentation habituelle que la contradiction ne serait pas une détermination aussi essentielle et immanente que l’identité ; pourtant, s’il était question d’ordre hiérarchique et que les deux déterminations étaient à maintenir fermement comme des déterminations séparées, la contradiction serait à prendre pour le plus profond et le plus essentiel, car, face à elle, l’identité est seulement la détermination de l’immédiat simple, de l’être mort, tandis que la contradiction est la racine de tout mouvement et de toue vitalité ; c’est seulement dans la mesure où quelque chose a dans soi-même une contradiction qu’il se meut, a une tendance et une activité. (...) Quelque chose est donc vivant seulement dans la mesure où il contient dans soi la contradiction. »

Paradoxes, énigmes mathématiques et énigmes philosophiques » de Hayden et Picard :

« Dans une ville d’un pays étrange, il y avait une loi qui s’adressait à tous ceux qui voulaient entrer dans la ville pour y établir leur commerce. Cette loi disait que ceux qui désiraient s’établir honnêtement pouvaient entrer et s’installer en paix. Les menteurs, quant à eux, seraient pendus aux potences construites à cette seule fin.

Un voyageur vint et on l’interrogea sur ce qu’il venait faire.

« Je viens pour être pendu à ces potences » répondit-il.

Selon la loi en vigueur dans ce pays, pouvait-il entrer librement dans la ville ou devait-il être pendu ?

S’il disait la vérité, alors il venait pour se faire pendre ; ou alors, c’est qu’il mentait, et dans ce cas, il méritait d’être pendu. Mais s’il devait être pendu, c’est qu’il avait dit la vérité, et qu’il aurait dû être libre d’entrer et de sortir…

Ce que l’on appelle le « paradoxe du menteur » remonte à la Bible et se trouve dans une lettre de saint Paul à Tite : « Les Crétois sont toujours des menteurs, de méchantes bêtes, et des ventres paresseux » (Epître à Tite, chap. 1, v. 12)… Si les menteurs mentent toujours, alors ce témoignage d’un Crétois est un mensonge… Malgré cette formule maladroite du Nouveau Testament, le paradoxe du menteur n’a pas grand-chose à voir avec les mensonges… Les personnes de cette catégorie ne mentent pas toujours nécessairement… Les meilleures formulations du paradoxe du menteur ne mentionnent pas le mensonge. Elles mentionnent seulement la vérité ou le fait qu’elle fasse défaut. Les exemples suivants indiquent la fausseté :

1) Ce que j’affirme à présent est faux.

2) Cette phrase est fausse.

3) La proposition exprimée dans la phrase présente est fausse…

La loi de bivalence pose que chaque proposition est soit vraie soit fausse…

Une autre valeur de vérité comme l’indécidabilité peut certes nous éviter un paradoxe mais pour nous faire tomber dans un autre paradoxe tout aussi sournois. Exemple : « Cette phrase est soit indécidable soit fausse »…

On peut tomber dans un paradoxe sans qu’il y ait aucun des deux concepts (de fausseté et de mensonge), seulement à partir de la notion de vérité et du pouvoir de l’autoréférence… Il y a quelque chose d’intéressant avec ces paradoxes si nous remplaçons l’idée de vérité par l’idée de preuve… On dévoile ainsi l’un des plus importants théorèmes de la logique, à savoir le théorème d’incomplétude de Kurt Gödel…

Posons que cette assertion peut être prouvée. Alors ce qu’elle affirme doit être vrai. Mais justement elle dit qu’elle ne peut pas être prouvée. Si nous posons qu’elle peut être prouvée, nous prouvons qu’elle ne peut pas être prouvée… Mais comme c’est précisément ce qu’elle dit (qu’elle ne peut pas être prouvée), alors elle est vraie après tout….

Vous connaissez la légende de Thésée, ce jeune athénien qui vogua vers la Crête, entra dans le Labyrinthe, et terrassa le Minotaure. Plutarque, un historien grec, nous raconte que les Athéniens conservèrent le navire de Thésée pour les générations futures. Au fil du temps, chaque poutre abîmée ou pourrie était remplacée par une nouvelle. Cela suscita un débat chez les philosophes : le vaisseau restauré pouvait-il être considéré comme identique à l’original ? (…) Le navire de Thésée est une parabole philosophique qui soulève d’importantes questions comme le devenir, la disparition ou le changement…

Les cellules humaines ne durent pas toute la vie. Le corps se régénère en permanence. Certaines cellules vivent plus longtemps que d’autres… L’analogie avec le vaisseau de Thésée est évidente… Si nous acceptons l’idée de la continuité physique, nous pouvons affirmer que ce vaisseau très remanié est bien le vaisseau de Thésée. (Mais dans le cas contraire, qui est celui de la physique contemporaine, notamment quantique et chaotique, non ! Note de M et R)

« Rien n’est permanent sauf le changement. » déclare Héraclite, vers 500 avant J.-C…

Le paradoxe d’Héraclite dit : « On ne peut pas se baigner deux fois dans le même fleuve. »

Le temps peut faire subir des changements considérables au fleuve d’un jour sur l’autre. Il peut entrer en crue, changer sa course, ou s’assécher complètement…

Indiquer une vérité sur une notice explicative peut… la rendre fausse… On raconte que l’astronome britannique G. B. Airy (1801-1892) trouva une boîte vide à l’Observatoire de Greenwich, à Londres. Il écrivit sur un bout de papier « boite vide » et, avec un brin de perversité, le mit dans la boîte… Cependant, aussitôt qu’on la met à l’intérieur d’une boîte vide, la phrase devient fausse….

On dit parfois que la référence est la capacité des mots à tenir lieu de quelque chose qui leur est extérieur… Il y a des mots et des locutions qui s’appliquent seulement à eux-mêmes… L’autoréférence vous fait tourner en rond, cherchant vainement à attraper le référent, comme un serpent se mordant la queue… Voilà une phrase qui renvoie à elle-même : « Cette phrase est vraie » ou encore « Cet énoncé exact est vrai. »… Toute tentative de vérification se transforme en un cercle dont il est impossible de sortir. La phrase se superpose avec la réalité qu’elle représente…

Un phénomène apparenté existe dans la théorie des ensembles… Une règle qui s’appelle l’ « axiome de fondation » garantit que les ensembles sont bien fondés ; c’est-à-dire qu’elle interdit qu’un ensemble soit un élément de lui-même, ou l’élément d’un de ses éléments, etc… Un exemple concret : une encyclopédie qui liste toutes les encyclopédies qui ne contiennent aucune entrée se rapportant à elles-mêmes. Qu’elle se mentionne elle-même ou pas, elle contrevient à sa règle ! (…)

Socrate veut franchir une rivière en empruntant un pont. Platon, le gardien du pont, lui dit : « Si ce que tu vas dire est vrai, je te laisse passer. Si ce que tu vas dire est faux, je te jette à l’eau ». Après quelques instants de réflexion, Socrate répond malicieusement : « Tu vas me jeter dans l’eau ». »

L’identité, première loi de la logique formelle, n’a pas de contenu réel

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