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Beautiful Valley

samedi 4 juillet 2020, par Robert Paris

Les kibboutz censés représenter la libération des Juifs victimes des nazis se retrouvent derrière de nouveaux barbelés

Beautiful Valley

Ce film suit les pas de l’une des fondatrices d’un kibboutz de la vallée du Jourdain en Israël, mise à la retraite et qui du mal à vivre les changements considérables de ce petit univers suite à sa presque faillite financière. Tout ce qu’il y avait de collectif, de communautaire dans le kibboutz est en train d’être remis en cause par ses responsables. Le kibboutz, qui fonctionnait sur la base d’une activité collective non rétribuée et d’une vie collective gratuite (logement, nourriture, services divers, éducation, santé, maternité, garde d’enfants, etc…), est en train de rentrer dans le monde de la rentabilité, de l’économie monétaire (salariat et consommation payante), du chacun pour soi. Désormais, on touche une paie ou une pension mais tout est payant, ce qui fait que l’on peut être licencié, que l’on devient misérable si on est retraité… L’ancienne responsable du kibboutz doit fouiller dans les poubelles pour vivre… A côté de cela, elle constate qu’il ya des fortunes qui se sont constituées avec des gens qui vivent dans un autre monde, celui du luxe et du mépris des pauvres !

Le kibboutz commence donc à supprimer les services non rentables comme la cantine collective ou le service des archives (la mémoire du passé glorieux) avec licenciements si nécessaire. Le licenciement, voilà quelque chose de tout à fait nouveau dans un monde où on faisait partie d’une même famille.

Le film rapporte des témoignages de ceux qui avaient vécu cette arrivée en provenance des pays de l’Est pour les survivants de l’extermination et qui se retrouvaient dans le kibboutz comme dans une nouvelle famille, pour construire une vie nouvelle, partageant tout y compris les enfants. Aucun communisme marxiste (même si le responsable des archives affiche Marx et Lénine) dans ce collectivisme qui se réclame plus de Tolstoï que du marxisme.

Certes les membres du kibboutz sont plutôt socialistes au sens du partage et de l’égalité mais cela n’a rien à voir avec une lutte, révolutionnaire ou pas, contre la bourgeoisie. Le kibboutz ne combat pas les règles de la société bourgeoise israélienne dont elle soutient de toutes ses forces l’Etat bourgeois. Le kibboutz est un monde en guerre, entouré de barbelés avec même des miradors non pas pour rappeler les camps de concentration mais pour combattre les Arabes.

Le kibboutz est un territoire arraché à un peuple hostile par la guerre et pas une terre arrachée aux grandes puissances qui dominent la région. C’est donc l’option inverse de celle de Lénine qui appelle les peuples victimes d’une oppression nationale à s’unir au prolétariat révolutionnaire pour en finir avec l’impérialisme.

Le kibboutz fait partie intégrante des forces armées de l’Etat d’Israël, un peu comme une garde nationale mobilisable à tout moment contre les Arabes. Du coup, le kibboutz aura, au début d’Israël après 1947, un poids considérable dans l’appareil d’Etat, l’armée, le gouvernement, bien plus que les 3% d’Israéliens qui y vivent (à peu près le même pourcentage des débuts à aujourd’hui).

Beaucoup de gens à l’étranger imaginent parfois Israël comme un grand kibboutz mais cela n’a jamais été le cas et ce type d’organisation est resté très marginal dans la société israélienne même si cette image a contribué à la mythologie d’Israël comme pays neuf où chaque Juif du monde serait accueilli quelques soient ses capacités, ses origines ou son travail.

Mais, derrière cette image collective et sociale, il y a toujours eu un nationalisme exacerbé, un ethnisme qui exclue les populations locales. Le kibboutz, par exemple, n’est pas ouvert aux Arabes, sauf marginalement comme ouvriers agricoles rétribués, mais pas pour une adhésion à la communauté. L’apartheid est donc le principe de base dès le début. Tous les Juifs sont les bienvenus et aucun Arabe !

Même les aspects collectifs qui peuvent sembler sympathiques au premier abord prennent cette coloration. Les filles ne sont pas exclues du service des armes mais c’est pour faire la guerre aux Arabes. Le collectivisme combat l’individualisme mais en faveur du nationalisme. La pression collective fait appel à la solidarité de tous dans le travail et combat le chacun pour soi par le dévouement mais c’est un dévouement à l’Etat, à l’armée, à la classe dirigeante de fait, et le kibboutz rejette la religion pour la remplacer par une autre prison : le nationalisme athée.

Les kibboutz vont quand même finir par être victimes du développement capitaliste, notamment parce qu’en plaçant leur argent dans des spéculations, ils ont fait faillite et ils ont été rachetés souvent par des banquiers et des financiers… Une partie du travail des champs en Israël est encore réalisé par des kibboutz mais cela n’a plus rien à voir avec la mentalité des débuts… L’esprit pionnier et collectif des débuts a cédé la place à un esprit mercantile. Une partie importante de la population continue à vivre dans des collectivités mais ce ne sont pas des kibboutz : ce sont des colonies et, contrairement aux kibboutz, les colonies sont généralement aux mains des religieux, de l’extrême droite et autres mouvements de droite…

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