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Victor Hugo sur la bourgeoisie
dimanche 10 septembre 2023, par
Victor Hugo écrit : « Qui arrête la révolution à mi-côte ? La bourgeoisie. Pourquoi ? Parce que la bourgeoisie est l’intérêt arrivé à satisfaction. (...) Il y en a qui disent qu’il faut me tirer un coup de fusil comme un chien. Pauvre bourgeoisie. Uniquement parce qu’elle a peur pour sa pièce de cent sous. (...) Ouvriers de Paris, vous faites votre devoir et c’est bien. Vous donnez là un bel exemple. La civilisation vous remercie. »
« Pauvres misérables bourgeois égoïstes qui vivent heureux et contents au milieu du peuple décimé tant que la liste fatale du choléra morbus n’entamera pas l’Almanach des vingt-cinq mille adresses (le Gotha de l’époque). »
Victor Hugo, Choses vues, 1838
« Du reste, insurrection, émeute, en quoi la première diffère de la seconde, le bourgeois, proprement dit, connaît peu ces nuances. Pour lui, tout est sédition, rébellion pure et simple, révolte du dogue contre le maître, essai de morsure qu’il faut punir de la chaîne et de la niche, aboiement jappement ; jusqu’au jour où la tête du chien, grossie tout à coup, s’ébauche vaguement dans l’ombre en face de lion. (…) Est-ce une émeute ? Est-ce une insurrection. C’est une insurrection ? »
Les Misérables
Victor Hugo sur la bourgeoisie
LE SOUTIEN DES EMPIRES.
Puisque ce monde existe, il sied qu’on le tolère.
Sachons considérer les êtres sans colère.
Cet homme est le bourgeois du siècle où nous vivons.
Autrefois il vendait des suifs et des savons,
Maintenant il est riche ; il a prés, bois, vignobles.
Il déteste le peuple, il n’aime pas les nobles ;
Étant fils d’un portier, il trouve en ce temps-ci
Inutile qu’on soit fils des Montmorency.
Il est sévère. Il est vertueux. Il est membre,
Ayant de bons tapis sous les pieds en décembre,
Du grand parti de l’ordre et des honnêtes gens.
Il hait les amoureux et les intelligents ;
Il fait un peu l’aumône, il fait un peu l’usure ;
Il dit du progrès saint, de la liberté pure,
Du droit des nations : Je ne veux pas de ça !
Il a ce gros bon sens du cher Sancho Pança
Qui laisserait mourir à l’hôpital Cervantes ;
Il admire Boileau, caresse les servantes,
Et crie, après avoir chiffonné Jeanneton,
À l’immoralité du roman feuilleton.
À la messe où sans faute il va chaque dimanche,
Il porte sous son bras Jésus doré sur tranche,
La crèche, le calvaire et le Dies illa.
— Non qu’entre nous je croie à ces bêtises-là,
Nous dit-il. — S’il y va, cela tient à sa gloire,
C’est que le peuple vil croira, le voyant croire,
C’est qu’il faut abrutir ces gens, car ils ont faim,
C’est qu’un bon Dieu quelconque est nécessaire enfin.
Là-dessus, rangez-vous, le suisse frappe, il entre,
Il étale au banc d’œuvre un majestueux ventre,
Fier de sentir qu’il prend, dans sa dévotion,
Le peuple en laisse et Dieu sous sa protection.
On me prodigue ici toutes sortes de respects. Il n’y a pas encore de peuple en Belgique, il n’y a qu’une bourgeoisie. Elle nous haïssait, nous démocrates, avant de nous connaître. Les journaux jésuites, abondants ici, avaient fait de nous des croquemitaines. Maintenant ces bons bourgeois nous vénèrent. Ils sont furieux de mon bannissement qui me fait sourire. L’autre jour un échevin me lisait le journal dans l’estaminet. Tout à coup il s’écrie : Expulsion ! et donne sur la table un coup de poing qui casse son cruchon de bière. — Tout à l’heure je déjeunais d’une tasse de chocolat, comme tous les jours, au café des Mille Colonnes. Un jeune homme s’approche de moi et me dit : — Je suis peintre, monsieur, et je vous demande une grâce. — Laquelle ? — La permission de peindre, de votre chambre même, la vue de la Grande Place de Bruxelles et de vous offrir le tableau. — Et il ajouta : — Il n’y a plus que deux noms dans le monde : Kossuth et Victor Hugo.
Tous les jours ce sont des scènes pareilles. Je vais être obligé, à cause de cela, de changer de café pour déjeuner. J’y fais foule et cela me gêne.
Le bourgmestre vient de temps en temps me voir. L’autre jour, il m’a dit : Je me mets à vos ordres. Que désirez-vous ? — Une chose. — Laquelle ? — Que vous ne blanchissiez pas la façade de votre Hôtel de Ville. — Diable ! mais c’est mieux blanc. — Non, c’est mieux noir. — Allons ! vous êtes une autorité, je vous promets qu’on ne blanchira pas la façade. Mais, pour vous, que voulez-vous ? — Une chose. — Laquelle ? — Que vous fassiez noircir le beffroi. (Ils l’ont refait neuf, pas mal, mais il est blanc.) — Diable ! diable ! noircir le beffroi, mais c’est mieux blanc, — Non, c’est mieux noir. — Allons, j’en parlerai aux échevins et cela se fera. Je dirai que c’est pour vous.
https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Victor_Hugo/1852
Tout ce que tu me dis de l’effet du décret de spoliation est admirablement vrai et juste. Tous les crimes dans un, le Deux-Décembre, ont fait moins d’effet sur le bourgeois, boutiquier ou banquier, que cette confiscation. Toucher au droit, c’est peu, toucher à une maison, c’est tout. Cette pauvre bourgeoisie a son cœur dans son gousset.
https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Victor_Hugo/1852
La révolution, premier acteur de « Les Misérables » de Victor Hugo
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5629
Victor Hugo et la révolution
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article602
Ce que Victor Hugo nous a dit…
http://www.matierevolution.fr/spip.php?article4196
Victor Hugo - Le procès de la révolution - 1872
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4759
Observations de Victor Hugo et de Alexis de Tocqueville sur la révolution de 1848