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Les animaux, de Prévert
vendredi 21 avril 2023, par
Les animaux, de Prévert
Les animaux ont des ennuis
Le pauvre crocodile n’a pas de
C cédille on a mouillé les
L de la pauvre grenouille le poisson scie a des soucis le poisson sole ça le désole
Mais tous les oiseaux ont des ailes même le vieil oiseau bleu même la grenouille verte elle a deux
L avant 1"E
Laissez les oiseaux à leur mère
laissez les ruisseaux dans leur lit
laissez les étoiles de mer
sortir si ça leur plaît la nuit
laissez les p’tits enfants briser leur tirelire
laissez passer le café si ça lui fait plaisir
La vieille armoire normande
et la vache bretonne
sont parties dans la lande en riant comme deux folles
les petits veaux abandonnée
pleurent comme des veaux abandonnés
Car les petits veaux n’ont pas d’ailes
comme le vieil oiseau bleu
ils ne possèdent à eux deux
que quelques pattes et deux queues
Laissez les oiseaux à leur mère
laissez les ruisseaux dans leur lit
laissez les étoiles de mer
sortir si ça leur plaît la nuit
laissez les éléphants ne pas apprendre à lire
laissez les hirondelles aller et revenir.
Prévert dans « Histoires »
Le dromadaire mécontent
Un jour, il y avait un jeune dromadaire qui n’était pas content du tout.
La veille, il avait dit a ses amis : "Demain, je sors avec mon père et ma mère, nous allons entendre une conférence, voilà
comme je suis moi !"
Et les autres avaient dit : "Oh, oh, il va entendre une conférence, c’est merveilleux", et lui n’avait pas dormi de la nuit
tellement il était impatient, et voilà qu’il n’était pas content parce que la conférence n’était pas du tout ce qu’il avait
imaginé : il n’y avait pas de musique et il était déçu, il s’ennuyait beaucoup, il avait envie de pleurer.
Depuis une heure trois quarts un gros monsieur parlait. Devant le gros monsieur il y avait un pot à eau et un verre à dents
sans la brosse et, de temps en temps, le monsieur versait de l’eau dans le verre, mais il ne se lavait jamais les dents et
visiblement irrité il parlait d’autre chose, c‘est-à-dire des dromadaires et des chameaux.
Le jeune dromadaire souffrait de la chaleur, et puis sa bosse le gênait beaucoup ; elle frottait contre le dossier du fauteuil,
il était très mal assis il remuait.
Alors sa mère lui disait : "Tiens-toi tranquille, laisse parler le monsieur", et elle lui pinçait la bosse ; le jeune dromadaire
avait de plus en plus envie de pleurer, de s’en aller...
Toutes les cinq minutes, le conférencier répétait : "Il ne faut surtout pas confondre les dromadaires avec les chameaux,
j’attire, mesdames, messieurs et chers dromadaires votre attention sur ce fait : le chameau a deux bosses mais le
dromadaire n’en a qu’une !" Tous les gens, de la salle disaient : "Oh, oh, très intéressant", et les chameaux, les
dromadaires, les hommes les femmes et les enfants prenaient des notes sur leur petit calepin.
Et puis le conférencier recommençait : "Ce qui différencie les deux animaux c’est que le dromadaire n’a qu’une bosse,
tandis que, chose étrange et utile à savoir, le chameau en a deux ... "
A la fin le jeune dromadaire en eut assez et, se précipitant sur l’estrade, il mordit le conférencier :
"Chameau ! " dit le conférencier furieux.
Et tout le monde dans la salle criait : "Chameau, sale chameau, sale chameau !"
Pourtant c’était un dromadaire, et il était très propre.
La grenouille aux souliers percés
dans ’’Destinée arbitraire’’
La grenouille aux souliers percés
A demandé la charité
Les arbres lui ont donné
Des feuilles mortes et tombées.
Les champignons lui ont donné
Le duvet de leur grand chapeau.
L’écureuil lui a donné
Quatre poils de son manteau
L’herbe lui a donné
Trois petites graines.
Le ciel lui a donné
Sa plus douce haleine.
Mais la grenouille demande toujours,
Demande encore la charité
Car ses souliers sont toujours,
Sont encore percés.
Le zèbre
Dans « ’Chantefables » :
Le zèbre, cheval des ténèbres,
Lève le pied, ferme les yeux
Et fait résonner ses vertèbres
En hennissant d’un air joyeux.
Au clair soleil de Barbarie,
Il sort alors de l’écurie
Et va brouter dans la prairie
Les herbes de sorcellerie.
Mais la prison sur son pelage,
A laissé l’ombre du grillage.
Un oiseau chante
dans ‘’Calligrammes’ :
’
Un oiseau chante ne sais où
C’est je crois ton âme qui veille
Parmi tous les soldats d’un sou
Et l’oiseau charme mon oreille
Écoute il chante tendrement
Je ne sais pas sur quelle branche
Et partout il va me charmant
Nuit et jour semaine et dimanche
Mais que dire de cet oiseau
Que dire des métamorphoses
De l’âme en chant dans l’arbrisseau
Du cœur en ciel du ciel en roses
L’oiseau des soldats c’est l’amour
Et mon amour c’est une fille
La rose est moins parfaite et pour
Moi seul l’oiseau bleu s’égosille
Oiseau bleu comme le cœur bleu
De mon amour au cœur céleste
Ton chant si doux répète-le
À la mitrailleuse funeste
Qui chaque à l’horizon et puis
Sont-ce les astres que l’on sème
Ainsi vont les jours et les nuits
Amour bleu comme est le cœur même
Le chat et l’oiseau
Un village écoute désolé
Le chant d’un oiseau blessé
C’est le seul oiseau du village
Et c’est le seul chat du village
Qui l’a à moitié dévoré
Et l’oiseau cesse de chanter
Et le chat cesse de ronronner
Et de se lécher le museau
Et le village fait à l’oiseau
De merveilleuses funérailles
Et le chat qui est invité
Marche derrière le petit cercueil de paille
Où l’oiseau mort est allongé
Porté par une petite fille
Qui n’arrête pas de pleurer
Si j’avais su que cela te fasse tant de peine
Lui dit le chat
Je l’aurais mangé tout entier
Et puis je t’aurais raconté
Que je l’avais vu s’envoler
S’envoler jusqu’au bout du monde
Là-bas où c’est tellement loin
Que jamais on n’en revient
Tu aurais eu moins de chagrin
Simplement de la tristesse et des regrets
Il ne faut jamais faire les choses à moitié
Chanson des Escargots qui vont à l’enterrement
A l’enterrement d’une feuille morte
Deux escargots s’en vont
Ils ont la coquille noire
Du crêpe autour des cornes
Ils s’en vont dans le soir
Un très beau soir d’automne
Hélas quand ils arrivent
C’est déjà le printemps
Les feuilles qui étaient mortes
Sont toutes réssucitées
Et les deux escargots
Sont très désappointés
Mais voila le soleil
Le soleil qui leur dit
Prenez prenez la peine
La peine de vous asseoir
Prenez un verre de bière
Si le coeur vous en dit
Prenez si ça vous plaît
L’autocar pour Paris
Il partira ce soir
Vous verrez du pays
Mais ne prenez pas le deuil
C’est moi qui vous le dit
Ça noircit le blanc de l’œil
Et puis ça enlaidit
Les histoires de cercueils
C’est triste et pas joli
Reprenez vous couleurs
Les couleurs de la vie
Alors toutes les bêtes
Les arbres et les plantes
Se mettent a chanter
A chanter a tue-tête
La vrai chanson vivante
La chanson de l’été
Et tout le monde de boire
Tout le monde de trinquer
C’est un très joli soir
Un joli soir d’été
Et les deux escargots
S’en retournent chez eux
Ils s’en vont très émus
Ils s’en vont très heureux
Comme ils ont beaucoup bu
Ils titubent un petit peu
Mais la haut dans le ciel
La lune veille sur eux.