Accueil > 06- Livre Six : POLITIQUE REVOLUTIONNAIRE > 1-3 Le réformisme d’aujourd’hui, du syndicalisme à l’altermondialisme et au (…) > Une apologie du nationalisme et du militarisme bourgeois par "Mouvement (…)
Une apologie du nationalisme et du militarisme bourgeois par "Mouvement Social", le parti ukrainien soutenu par le NPA
dimanche 29 mai 2022, par
Le texte ci-dessous est signé par Zakhar POPOVYCH, au nom du groupe « Sotsialnyi Rukh » (le Mouvement social, MS). Ce groupe MS est celui dont le NPA fait régulièrement l’apologie sur son site (voir ici) et pour lequel il organise une collecte au nom de la "solidarité avec la résistance ukrainienne".
Le NPA décrit le programme de MS sans faire de citations, nous donnons donc la traduction d’un texte de ce groupe, dont l’original en anglais est ici. On remarquera que la photo qui l’illustre est celle de manifestants défilant derrière un drapeau ukrainien, avec le slogan « Russian troops out now ! Victory to the Ukrainian people » (Troupes russes dehors ! Victoire pour peuple ukrainien !), rien d’anticapitaliste ou de socialiste. C’est une parade de patriotes.
Le texte traduit ci-dessous est de la langue de bois petite-bourgeoise nationaliste, qui dénonce un parti "gauchiste" qui comme Die Linke en Allemagne, a voté contre des fournitures d’armes à l’armée Ukrainienne. Zakhar POPOVYCH en "déduit" que Die Linke est favorable au massacre des ukrainiens par les russes.
Une discussion minimum serait de rappeler que K. Liebknecht vota en 1914 contre les crédits de guerre pour sa propre armée, est-ce parce qu’il était pour l’extermination des ouvriers allemands par l’armée du Tsar ?
De même l’Ukrainien Trotsky fut favorable au votre contre les crédits de guerre au parlement du Tsar, était-il pour le massacre des Ukrainiens par l’armée allemande ?
Trotsky était contre le fait que les ouvriers espagnols s’engagent dans l’armée bourgeoise espagnole, mais construisent leur propre armée rouge.
Trotsky et Liebknecht n’étaient des "traitres" que pour les gouvernements et les socio-patriotes, or POPOVYCH renoue avec ce langage contre la "cinquième colonne" pour dénoncer ceux qui ne voteraient pas pour la politique de leur gouvernement.
Mais Zakhr POPOVYCH ne s’encombre pas des retours sur l’histoire. De manière générale le parti MS parle de socialisme dans le vide, ne fait jamais référence à l’histoire de l’Ukraine dans l’URSS, à celle des Cosaques qui pratiquèrent l’auto-organisation militaire jusqu’à leur écrasement politique par Catherine II etc. Le niveau théorique de ce texte est donc proche de zéro, il n’a rien à voir avec une argumentation digne de celle de militants de la classe ouvrière, avec toutes les expérience de lien entre guerre et révolution.
Bref on est face à un banal texte petit-bourgeois nationaliste, d’un ukrainien qui attend les salut des puissances impérialistes face à la Russie. Rien que de banal. Le fait que le NPA fasse l’apologie de ce groupe est cependant encore plus gênant que l’apologie de la France Insoumise, car les travailleurs d’ici peuvent se renseigner sur Mélenchon par eux-mêmes, alors qu’avoir accès aux textes d’un groupe ukrainien est plus difficile, et le NPA se permet donc des descriptions fantaisiste du groupe MS.
Par exemple le présenter comme anticapitaliste est fallacieux : ce terme n’apparait pas une seule fois dans le texte suivant. L’auteur se dit de gauche, socialiste (sans préciser de quel socialisme il s’agit).
Pire, la Fraction l’Etincelle du NPA, se disant faussement trotskiste, ayant critiqué à juste titre l’alliance qui a échoué de peu entre NPA et LFI (mais sans avoir le courage d’en tirer les conclusions), veut se racheter des "points de vie" au NPA en faisant à l’apologie du voyage de Besancenot en Ukraine, sur l’invitation de ce parti MS, dans cet article.
La fraction démontre sa loyauté au parti en citant Besancenot :
Olivier Besancenot, porte-parole du NPA, qui s’est rendu récemment en Ukraine avec une délégation de mouvements de gauche européens, en témoigne de la façon suivante : « Le plus surprenant, c’est de constater à quel point la vie politique perdure malgré le conflit, avec des réalités différentes bien sûr selon l’endroit où l’on se trouve dans le pays. Les questions sociales n’ont pas disparu dans les combats. Les syndicalistes que nous avons rencontrés, engagés dans la résistance face à Poutine, continuent leurs luttes contre les politiques libérales que mène le président Zelensky. Son gouvernement utilise, par exemple, le contexte de la guerre pour faciliter les licenciements dans les usines et les entreprises. » [4]
Or cette note [4] renvoie à l’entretien de Besancenot avec Mediapart où Besancenot reprend à 100 % la ligne de MS : dénoncer les "gauchistes" qui s’opposent au soutien militaire de l’Ukraine par les USA, rebaptisé "soutien au peuple ukrainien" :
Olivier Besancenot : « Une forme de paralysie politique travaille la gauche française sur la guerre en Ukraine » :De retour d’Ukraine, Olivier Besancenot estime que les forces progressistes du continent européen se doivent de soutenir plus franchement le peuple ukrainien, victime de l’impérialisme russe.
Pour Besancenot, Luxemburg, Lénine, Trotsky étaient politiquement paralysés, refusant de soutenir les armées bourgeoises impérialistes. L’adjudant Che Guevara, cher à Besancenot, est de retour.
La Fraction, exclue de Lutte Ouvrière en 2008, a trouvé un refuge au NPA, en sauvant dans l’affaire des reliques de son passé, dont des portraits de Trotsky.
Mais cette caution prétendument Trotskiste au NPA, sans dénoncer le soutien du NPA non seulement à LFI mais à un courant nationaliste comme le Mouvement Social d’Ukraine, est l’abandon de "la lutte pour les idées" qu’Engels définissait comme une des activités essentielles d’un parti révolutionnaire. La Fraction reprend
l’apologie de l’armée ukrainienne déguisé en "résistance" en mentionnant dans son article cité plus haut :
le sursaut y compris venu « d’en bas » contre cette guerre – dont nous sommes pleinement solidaires
Ou peut-on trouver une description de ce sursaut venu d’en bas ? Y a-t-il le moindre début d’auto-organisation des travailleurs y compris sur le plan militaire ? Ni le NPA, ni la Fraction, ni MS n’en font la moindre description, il font croire que cette révolte d’en bas a donc sa place « naturelle » dans l’armée. Cette apologie ressemble à celle qui est faite des "poilus", ce peuple ouvrier si sympathique ... s’il se soumet à la hiérarchie militaire.
On comprend que la population ukrainienne veuille se défendre, mais dans ces cas-là la seule façon de l’aider c’est de faire une critique impitoyable de l’armée bourgeoise ukrainienne, qui a d’autres buts de guerre que ceux de la population et « ceux d’en bas », et de rappeler les épisodes d’auto-organisation armée en Ukraine, de l’Armée rouge de Trotsky à Makhno, en passant par les Cosaques d’Ukraine, les deux derniers étant l’expression d’une petite bourgeoisie qui peut basculer du côté de la révolution.
Or ce que fait MS, c’est une apologie de cette armée et de Zelenski "fils du peuple".
La Fraction et la majorité de NPA ne le font pas, nous le feront donc à leur place : donner des extraits des textes de ce mouvement MS afin que les militants d’ici puissent se faire une idée par eux-mêmes. La lecture de MS dans l’original fait comprendre pourquoi le NPA ne cite pas MS : ce groupe s’exprime en termes du nationalisme pur et simple, avec des références aux travailleurs qui laissent simplement penser que des théoriciens de ce mouvement sont d’ancien rédacteurs de la Pravda (celle de l’Ukrainien Brejnev, pas celle du Russe Lénine ou de l’Ukrainien Trotsky). L’extrait suivant du texte est une l’apologie de Zelenski ainsi que des élections bourgeoises, est révélateur des positions et du langage de ce groupe :
Volodymyr Zelensky, bien sûr, est avant tout un représentant de la bourgeoisie et, hormis quelques évolutions positives dans la politique de lutte contre la corruption, il mène des réformes qui limitent les droits des travailleurs et réduisent les garanties sociales des Ukrainiens. Mais il a tout de même été élu par les travailleurs ukrainiens, et c’est à eux de le juger et de l’élire ou non pour un second mandat. Et Zelensky est bien conscient qu’il doit agir dans l’intérêt de son électorat, et que c’est lui, et non d’autres États, qui doit et qui décidera de son avenir politique. Dans les conditions difficiles de la guerre, il semble se comporter exactement comme la plupart des électeurs l’attendaient, et sa cote de popularité et ses chances de réélection augmentent.
Si ses chances de réélection augmentent, c’est bien un signe que Zelenski est assez bon pour les travailleurs, pour le MS et pour le NPA !
***********************************
Traduction du texte du Mouvement Social
Le droit aux armes. Comment les gauchistes peuvent-ils soutenir l’Ukraine ?
La gauche et les internationalistes doivent reconnaître qu’un front contre l’impérialisme est impossible sans résistance armée. L’invasion de la Russie en Ukraine est actuellement l’attaque impérialiste la plus effrontée et la plus cynique au monde. Derrière la critique des livraisons d’armes à l’Ukraine se cache le désir mal dissimulé de vaincre le peuple ukrainien, inspiré par la propagande du Kremlin.
Au vu du récent vote du parlement allemand concernant les livraisons d’armes lourdes, où die Linke a voté contre et a de facto refusé de soutenir une fois de plus la résistance ukrainienne, nous avons pensé qu’il était raisonnable de rappeler notre position sur cette question. Die Linke et le parti populiste de droite AFD ont été les seuls partis politiques à s’opposer aux livraisons d’armes, avec des arguments similaires sur le fait de forcer l’Allemagne à participer à cette guerre et la crainte d’une guerre nucléaire potentielle. Nous avons entendu de nombreux arguments de ce type de la part de divers gauchistes, c’est pourquoi nous avons décidé de traduire un texte de Zakhar Popovych de "Sotsialnyi Rukh" qui aborde ces points communs. Ce texte s’adresse principalement aux gauchistes européens et plus généralement occidentaux, dont les pays sont parmi les plus puissants et les plus influents au niveau mondial et qui ont aussi probablement l’influence la plus significative sur la guerre en Ukraine.
La gauche et les internationalistes doivent apprendre qu’un front anti-impérialiste est impossible sans résistance armée. L’invasion de l’Ukraine par la Russie est actuellement l’attaque impérialiste la plus impudente et la plus cynique au monde. Derrière la critique des livraisons d’armes à l’Ukraine se cache le désir mal dissimulé de la défaite du peuple ukrainien, inspiré par la propagande du Kremlin.
Un certain nombre de partis de gauche de l’Union européenne ont récemment publié une déclaration commune appelant à accélérer les livraisons d’armes à l’Ukraine. Il ne fait aucun doute que le développement d’un mouvement internationaliste efficace est impossible sans un front uni contre l’impérialisme et toutes sortes de résistance, y compris armée, à l’agression impérialiste. L’invasion de l’Ukraine par la Russie est actuellement l’attaque impérialiste la plus impudente et la plus cynique au monde. Malgré la résistance héroïque des Ukrainiens, l’offensive militaire à grande échelle de la Russie se poursuit. Au moment où ce texte est écrit, les gens meurent en masse sous les obus et les bombardements. Il n’est pas surprenant que la nécessité d’arrêter immédiatement l’armée russe, ce qui ne peut être fait que par la force militaire maintenant, soit la priorité numéro un de tous les opposants à l’impérialisme.
Une opposition artificielle
Dans le même temps, des tentatives de s’opposer au soutien à l’Ukraine en évoquant l’importance des problèmes socio-économiques locaux à la place sont encore visibles chez les gauchistes occidentaux. Par exemple, certains auteurs qui se positionnent comme socialistes et même internationalistes vont jusqu’à appeler les syndicats à se concentrer sur la baisse du niveau de vie et la hausse des prix du chauffage et des services publics au Royaume-Uni au lieu de faire preuve de solidarité avec l’Ukraine. Une telle opposition est, à notre avis, artificielle et très nuisible.
Il est regrettable qu’aujourd’hui encore, même après le bombardement brutal de zones urbaines densément peuplées et des milliers de victimes civiles, il y ait des gens qui tentent, sinon de justifier l’agresseur, du moins d’estomper les responsabilités en demandant aux "deux parties" un cessez-le-feu.
Oui, il est possible qu’au cours des combats de rue, une certaine maison soit endommagée par des tirs provenant de n’importe quel côté, mais c’est le comble du cynisme que d’appeler les défenseurs des villes ukrainiennes à cesser le feu pour cette raison et, il faut le supposer, à ne pas résister à l’ennemi, qui continuera à tuer des personnes non armées et des prisonniers. Il convient de souligner qu’il ne pourrait y avoir aucune confrontation armée dans les housses civiles, ainsi que dans la guerre sur le territoire de l’Ukraine en général, si les troupes russes n’avaient pas franchi la frontière le 24 février et commencé à attaquer les villes ukrainiennes.
Une trêve au prix de la dignité ?
Arrêter maintenant la résistance des Ukrainiens signifierait renoncer à leur propre dignité humaine, au droit d’être libre et de ne pas se reconnaître comme des esclaves dont le sort sera déterminé par des dirigeants nommés par Moscou. Après tout, l’invasion de Poutine ne se contente pas de refuser publiquement le droit des Ukrainiens à déterminer leur propre destin, elle entraîne évidemment avec elle l’élimination de la plupart des droits démocratiques et sociaux, comme cela s’est déjà produit en LDNR (les "républiques populaires" de Donezk et de Louhansk) et comme cela se produit rapidement en Russie.
Il est difficile d’imaginer comment les soi-disant "gauchistes" qui justifient la Russie dans cette guerre vont mobiliser les gens pour lutter pour leurs droits sociaux et pour une société juste, s’ils soutiennent maintenant la privation de ces gens de la plupart de leurs droits. Même la lutte de base pour l’augmentation des salaires, et encore plus la grève des travailleurs, ne peut avoir lieu que là où il y a la dignité des travailleurs. Quant au changement social systémique en faveur de la classe ouvrière, il n’est possible que sur la base d’un mouvement de masse à la base, tout comme une démocratie autonome "Maidan", si détestée par la clique de Poutine. Après tout, la vision du monde de Poutine nie la possibilité même de l’auto-organisation, arguant que tous les mouvements populaires sont toujours organisés par de mystérieux agents étrangers. Bien sûr, le Maïdan n’est pas toujours une révolution sociale, mais toute révolution sociale est d’abord et avant tout un Maïdan.
Une démocratie qui dérange
Quels que soient les défauts de l’Ukraine post-Maidan, des élections ont été organisées régulièrement, poussant souvent de nouveaux partis et de nouveaux dirigeants au pouvoir contre la volonté des dirigeants actuels du pays. Contrairement à la Russie, qui n’a cessé de restreindre les libertés démocratiques et de transformer l’élection en un spectacle avec des gagnants prédéterminés. Les Ukrainiens en étaient bien conscients et savaient qu’ils voulaient aller dans la direction opposée. Les Ukrainiens ne voulaient évidemment pas vivre dans un régime comme celui de la Russie, et encore moins comme celui de la LDNR. Ils voulaient obstinément décider eux-mêmes comment les choses devaient être. C’est la principale "menace pour la sécurité de la Russie".
Nous avons maintenant une invasion à grande échelle absolument évidente sur le territoire de l’Ukraine par les troupes de la Fédération de Russie. En d’autres termes, elles attaquent un pays indépendant avec lequel la Russie elle-même a précédemment conclu des traités d’amitié, des garanties de sécurité et a toujours cyniquement exprimé son soutien à son intégrité territoriale.
La Russie elle-même admet qu’il s’agit d’une invasion à grande échelle de l’Ukraine, et non d’une "opération spéciale". Même le très prudent représentant permanent de la Fédération de Russie auprès des Nations unies a commencé à utiliser le mot "guerre" en relation avec ce qui se passe en Ukraine.
La télévision d’État de la Fédération de Russie a montré ses troupes à Gostomel, près de Kiev, à proximité de la "Mriya" détruite, à Kherson, et dans de nombreux endroits au sud, à l’est et au nord de l’Ukraine. Comme il est maintenant documenté, ces troupes ne se contentent pas de tirer sur des manifestations pacifiques contre l’occupation russe, mais tirent également sur des civils qu’elles n’aiment tout simplement pas ou qui éveillent les soupçons. Si des centaines de cadavres de civils ont déjà été retrouvés dans la petite Bucha, le nombre de cadavres à Mariupol sera sans aucun doute de plusieurs milliers, voire de dizaines de milliers. La Russie a officiellement annoncé des bombardements d’installations dans toutes les régions d’Ukraine. De manière générale, beaucoup plus de personnes sont mortes au cours du dernier mois et demi de guerre en Ukraine qu’au cours des huit années précédentes, après Maïdan. Ainsi, selon les estimations de l’ONU, le nombre total de civils tués dans le conflit dans le Donbass pour toute la période du 14 avril 2014 au 30 septembre 2021 est d’environ 3393 personnes. Au cours du mois dernier, la "RPD" a confirmé à elle seule plus de 5000 victimes parmi les civils et les "milices" mobilisées - un chiffre clairement sous-estimé.
Coupable parce que non conquis
Dans le même temps, tout cela est justifié dans le discours de Poutine en déclarant que "les Ukrainiens forment un seul peuple avec les Russes." Il s’agit, en fait, d’un déni impudent du droit des Ukrainiens à leur propre identité distincte, du droit d’être eux-mêmes, du droit de décider eux-mêmes de ce qu’ils veulent faire, du droit à leur propre État. La conférence historique de Poutine était une tentative d’humiliation publique de chaque Ukrainien, faite officiellement par le président d’un État voisin de manière particulièrement audacieuse et cynique. Une telle rhétorique ne pouvait qu’unir les Ukrainiens contre la Russie, mais lorsque l’armée russe a décidé de forcer les Ukrainiens à admettre qu’ils n’existent pas en réalité, la guerre s’est réellement transformée en une guerre patriotique pour les Ukrainiens. Cela s’applique aux Ukrainiens de toutes les nationalités et de tous les groupes ethniques, à ceux qui utilisent principalement l’ukrainien et le russe dans leur vie quotidienne. Poutine a nié l’existence non pas du groupe ethnique ukrainien, mais de la nation civile multiethnique ukrainienne et de l’État autonome créé par cette nation.
L’invasion de Poutine a donné à presque tous les Ukrainiens le sentiment que l’on ne peut préserver sa dignité qu’en vainquant les occupants russes. Obéir signifie devenir des esclaves, oublier non seulement sa propre langue mais aussi ses propres droits, s’interdire de penser librement et de décider par soi-même. C’est ainsi que sonnent pour les Ukrainiens les exigences de "dénazification" et de "démilitarisation", qui ont été récemment précisées par les agences de presse d’État russes comme étant des exigences de "désukrainisation" de l’Ukraine. Autrement dit, les Ukrainiens étaient finalement coupables d’exister.
Tout le discours selon lequel l’invasion a été provoquée par quelque chose ne résiste pas à la critique.
Le facteur OTAN
Les tentatives de justification de l’agression par une prétendue menace de l’OTAN semblent ridicules, étant donné que tous les instructeurs et même les diplomates de nombreux pays de l’OTAN ont quitté l’Ukraine de manière démonstrative un mois avant l’invasion. Une déclaration ferme selon laquelle les soldats des pays membres de l’OTAN ne participeraient en aucun cas au conflit pourrait-elle être considérée comme une provocation ? Peut-être la provocation était-elle, au contraire, que l’Ukraine semblait trop accessible ?
Et si l’on considère comme une "provocation" le fait que l’Ukraine ait essayé de s’armer et d’augmenter la capacité de combat de ses forces armées, il faut aussi se rappeler que la faible capacité de combat des forces armées en 2014 n’a fait que conduire les troupes russes à occuper les territoires ukrainiens et à y établir des régimes autoritaires. En général, le discours sur la provocation est ici un blâme analogique de la victime, comme le fait de reprocher aux femmes de provoquer une tentative de viol en faisant provision d’un spray au poivre pour se défendre.
Il est insensé de nier le rôle agressif des pays de l’OTAN dans le monde et la rivalité mondiale, mais les actions agressives de certains pays de l’OTAN au Moyen-Orient et en Amérique latine ne justifient pas une agression contre l’Ukraine. C’est la Russie qui a choisi la voie de la non-reconnaissance de l’Ukraine en tant que sujet d’accords, choisissant plutôt la coercition et l’assujettissement par la force, voire la destruction du pays. C’est après l’annexion de la Crimée et l’incitation de la Russie à la guerre dans le Donbas que la majorité de la population ukrainienne a commencé à pencher pour la nécessité d’adhérer à l’OTAN. Bien sûr, l’agression de la Russie n’annule pas celle de l’OTAN, et une nouvelle escalade du conflit impliquant les pays de l’OTAN menace sans aucun doute d’une guerre mondiale faisant des millions de victimes. On peut supposer que le mythe de "l’expansion de l’OTAN" a provoqué la riposte de l’élite russe. Cependant, les actions entreprises par la Russie n’ont en aucun cas été déterminées par les actions des autres pays. Tous les discours sur l’agression générale de l’OTAN ne changent rien au fait qu’il n’y a actuellement qu’un seul agresseur en Ukraine - et c’est la Russie.
A propos de la guerre pacifique
Les propos selon lesquels la Russie serait obligée d’envahir l’Ukraine pour mettre fin à la guerre dans le Donbass sont encore plus absurdes. Ainsi, au début de la guerre en 2014 et 2015, en raison de la participation active des forces armées russes, un nombre important de civils (y compris tous les passagers du vol MH17) ont été tués dans le Donbass, mais après l’arrivée au pouvoir de l’actuel président de l’Ukraine, l’intensité des bombardements et des victimes s’approchait de zéro. Même après l’escalade artificielle de la fin de l’année 2021 et l’augmentation du nombre de bombardements, principalement par la LDNR, il n’y a eu que des victimes civiles isolées, des centaines, voire des milliers de fois moins qu’aujourd’hui. Ainsi, la meilleure stratégie pour sauver des vies dans le Donbass était de geler le conflit et de retirer les troupes, ce qui n’a pas eu lieu en raison de la réticence de la Russie. Précisément parce que l’objectif des Russes n’était pas d’arrêter la guerre, ni de mettre fin aux souffrances de la population civile, mais de prendre le contrôle de l’Ukraine.
Il est immédiatement apparu à tous que sauver la vie des civils n’était pas une priorité pour le Kremlin. Il s’est avéré que la seule chose que le Kremlin voulait, c’était la mise en œuvre des accords de Minsk de manière à ce que les dirigeants russes puissent contrôler les principales décisions politiques de l’Ukraine par l’intermédiaire des dirigeants qu’ils ont désignés pour les soi-disant "LPR" et "DPR". En d’autres termes, la principale motivation du Kremlin n’était et n’est pas les intérêts des civils, mais le droit souverain de la Russie de négliger leurs intérêts à sa guise. Il est devenu évident que le droit de nommer autoritairement une partie des dirigeants en Ukraine est l’intérêt clé de Poutine, auquel il ne renoncera en aucun cas.
L’autoritarisme de la "LPR" et de la "DPR", ainsi que la nature fantoche des dirigeants de ces entités nommés par le Kremlin, étaient évidents et souvent reconnus, même par ceux qui, en 2014, soutenaient leur création. Les prétendues "élections" aux "parlements" de la "LPR" et de la "DPR" étaient une risée que même les "députés" de ces organes avaient honte de mentionner. Même ceux qui ont vu des éléments du soulèvement populaire et de la guerre civile dans le Donbas en 2014 ont été forcés d’admettre que ces régimes, au moins après 2015, sont des dictatures militaires soutenues uniquement par les armes russes. Il n’y a pas eu d’élections ni de vie politique dans le Donbass occupé par la Russie, et cela était très visible pour les Ukrainiens des deux côtés de la ligne.
Un exemple vivant
La vie politique en Ukraine a ses inconvénients. En particulier, la politique de "décommunisation" est clairement nuisible et ne répond en rien aux normes démocratiques. L’inclusion d’une clause sur l’adhésion à l’OTAN dans la Constitution de et l’évidente campagne nationaliste de droite autour de "la langue et la religion" ont sans aucun doute fait beaucoup de mal à l’Ukraine. Mais dans le même temps, l’Ukraine a toujours maintenu un système politique pluraliste et, grâce à un contrôle mutuel méticuleux des forces politiques, des élections sont organisées régulièrement, dont les résultats sont déterminés non pas par la fraude, mais par des résultats de vote réels, vrais et exacts.
En Ukraine, les présidents et la composition du parlement ont changé. Les Ukrainiens ont élu un homme simple, d’origine juive, originaire d’une ville essentiellement ouvrière, qui était non seulement un acteur talentueux mais aussi un grand leader et qui a su unir les Ukrainiens comme nul autre pour les défendre contre l’invasion de l’Est. Qu’on le veuille ou non, les Ukrainiens se respectent et respectent leur choix et leur capacité à décider librement, à assumer la responsabilité de leur choix et, si nécessaire, à changer d’avis et de choix.
Volodymyr Zelensky, bien sûr, est avant tout un représentant de la bourgeoisie et, hormis quelques évolutions positives dans la politique de lutte contre la corruption, il mène des réformes qui limitent les droits des travailleurs et réduisent les garanties sociales des Ukrainiens. Mais il a tout de même été élu par les travailleurs ukrainiens, et c’est à eux de le juger et de l’élire ou non pour un second mandat. Et Zelensky est bien conscient qu’il doit agir dans l’intérêt de son électorat, et que c’est lui, et non d’autres États, qui doit et qui décidera de son avenir politique. Dans les conditions difficiles de la guerre, il semble se comporter exactement comme la plupart des électeurs l’attendaient, et sa cote de popularité et ses chances de réélection augmentent.
Dans l’intérêt commun
Ne pas soutenir l’Ukraine aujourd’hui, c’est abandonner tout espoir de justice et de démocratie, c’est spolier la dignité humaine fondamentale, sans laquelle toute lutte pour le socialisme est impossible. Et le soutien à l’Ukraine signifie, en particulier, la fourniture d’armes aux forces armées ukrainiennes et la défense du territoire. Surtout après que le monde a vu les conséquences de l’occupation russe dans la ville de Bucha près de Kiev. Il est évident que plus la défense ukrainienne sera efficace, moins il y aura de victimes civiles, moins de massacres et de tortures, et moins d’enterrements collectifs dans des fosses communes. Même les analystes du gouvernement russe commencent à comprendre qu’il est impossible de capturer et de tenir l’Ukraine sans une augmentation significative de l’engagement militaire et que les Ukrainiens n’ont pas l’intention de se soumettre à la volonté de Moscou.
Par conséquent, plus vite Moscou sera vaincu de manière décisive dans cette guerre, plus de vies seront sauvées, mieux ce sera au final, même pour les Russes eux-mêmes, car moins de crimes signifiera plus de chances de se réconcilier et de rétablir la communication avec les Russes un jour.
Messages
1. Une apologie du nationalisme et du militarisme bourgeois par "Mouvement Social", le parti ukrainien soutenu par le NPA , 1er juin 2022, 07:10, par Kb
Le NPA dans ses œuvres ukrainiennes
https://lanticapitaliste.org/videos/semaine-de-solidarite-avec-la-resistance-ukrainienne-volodym-filipovitch
https://lanticapitaliste.org/videos/semaine-de-solidarite-avec-la-resistance-ukrainienne-vitalyi-doudine
https://www.youtube.com/watch?v=_93Th4AGGes
https://www.youtube.com/watch?v=HAHN2_DvIuM
2. Une apologie du nationalisme et du militarisme bourgeois par "Mouvement Social", le parti ukrainien soutenu par le NPA , 1er juin 2022, 07:11, par Alex
Dans la deuxième, le dirigeant du mouvement social précise que pour lui le socialisme est tout, sauf soviétique. Il identifie de fait l’URSS de Staline avec celle de Lénine et Trotsky