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Qu’est-ce que des structures issues du non-équilibre ?

lundi 11 juillet 2011, par Robert Paris

Ilya Prigogine dans « Temps à devenir » :

« On a découvert que quand vous allez loin de l’équilibre, par exemple, en considérant une réaction chimique, que vous empêchez d’arriver à l’équilibre, se produisent des phénomènes extraordinaires que personne n’aurait cru possibles ; par exemple, des horloges chimiques. Une horloge chimique, qu’est-ce que c’est ? Prenons un exemple : vous avez des molécules qui de rouges peuvent devenir bleues. Comment imaginez-vous voir ce phénomène ? Si vous pensez que les molécules vont au hasard, vous allez voir des flashes de bleu, puis de flashes de rouge. Mais il se produit, loin de l’équilibre, dans d’importantes classes de réactions chimiques, des phénomènes rythmiques. Tout devient bleu, puis tout devient rouge, puis tout devient bleu, c’est-à-dire qu’une cohérence naît, qui n’existe que loin de l’équilibre. (…) Donc, loin de l’équilibre, se produisent des phénomènes ordonnés qui n’existent pas près de l’équilibre. Si vous chauffez un liquide par en-dessous, il se produit des tourbillons dans lesquels des milliards de milliards de molécules se suivent l’une l’autre. De même, un être vivant, vous le savez bien, est un ensemble de rythmes, tels le rythme cardiaque, le rythme hormonal, le rythme des ondes cérébrales, de division cellulaire, etc. Tous ces rythmes ne sont possibles que parce que l’être vivant est loin de l’équilibre. Le non-équilibre, ce n’est pas du tout les tasses qui se cassent ; le non-équilibre, c’est la voie la plus extraordinaire que la nature ait inventée pour coordonner les phénomènes, pour rendre possibles des phénomènes complexes.

Donc, loin d’être simplement un effet du hasard, les phénomènes de non-équilibre sont notre accès vers la complexité. Et des concepts comme l’auto-organisation loin de l’équilibre, ou de structure dissipative, sont aujourd’hui des lieux communs qui sont appliqués dans des domaines nombreux, non seulement de la physique, mais de la sociologie, de l’économie, et jusqu’à l’anthropologie et la linguistique. »

"La Fin des Certitudes"
de Ilya Prigogine :

"Contrairement aux systèmes soit à l’équilibre soit proches de l’équilibre, les systèmes loin de l’équilibre ne conduisent plus à un extremum d’une fonction telles que l’énergie libre où la production d’entropie. En conséquence, il n’est plus certain que les fluctuations soient amorties. Il est seulement possible de formuler les conditions suffisantes de stabilité que nous avons baptisé "critère général d’évolution". Ce critère met en jeu le mécanisme des processus irréversibles dont le système est le siège. Alors que à l’équilibre et près de l’équilibre, les lois de la nature sont universelles, loin de l’équilibre elles deviennent spécifiques, elles dépendent du type de processus irréversibles. Cette observation est conforme à la variété des comportements de la matière que nous observons autour de nous. Loin de l’équilibre, la matière acquiert de nouvelles propriétés où les fluctuations, les instabilités jouent un rôle essentiel : la matière devient active. (....)

La thermodynamique permet de formuler les conditions nécessaires à l’apparition de structures dissipatives en Chimie. Elles sont de deux types : Les structures dissipatives se produisant dans des conditions éloignées de l’équilibre, il y a toujours une distance critique en deçà de laquelle la branche thermodynamique est stable. Les structures dissipatives impliquent l’existence d’étapes catalytiques. Cela signifie qu’il existe dans la chaîne des réactions chimiques une étape dans laquelle un produit intermédiaire Y est obtenu à partir d’un produit intermédiaire X alors que dans une autre étape X est produit et à partir de Y. Ces conditions, remarquons-le, sont satisfaites par tous les organismes vivants. Les enzymes, qui sont codées dans le matériel génétique, assurent une richesse et une multiplicité de réactions catalytiques sans équivalent dans le monde inorganique. Et sans elles, le matériel génétique resterait lettre morte.

(....)

La réaction de Belousov-Zhabotinski constitue un exemple spectaculaire d’oscillations chimiques qui se produisent en phase liquide loin de l’équilibre. Je ne décrirai pas ici cette réaction. Je veux seulement évoquer notre émerveillement lorsque nous vîmes cette solution réactive devenir bleue, puis rouge, puis bleue à nouveau... Aujourd’hui, bien d’autres réactions oscillantes sont connues, mais la réaction de Belousov-Zhabotinski garde une importance historique. Elle a été la preuve que la matière loin de l’équilibre acquiert bel et bien de nouvelles propriétés. Des milliards de molécules évoluent ensemble et cette cohérence se manifeste par le changement de couleur de la solution. Cela signifie que des corrélations à longue portée apparaissent dans des conditions de non équilibre, des corrélations qui existent pas à l’équilibre. Sur un mode métaphorique, on peut dire qu’à l’équilibre la matière est aveugle, alors que loin de l’équilibre elle commence à voir. Et cette nouvelle propriété, cette sensibilité de la matière à elle-même et à son environnement, est liée à la dissipation associée aux processus irréversibles. (...)

L’homogénéité du temps (comme dans les oscillations chimiques), ou de l’espace (comme dans les structures de Türing), ou encore de l’espace et du temps simultanément (comme dans les ondes chimiques) est brisée. De même, les structures dissipatives se différencient intrinsèquement de leur environnement. (...)

A propos des structures dissipatives, nous pouvons parler d’"auto organisation". Même si nous connaissons l’état initial du système, les processus donc il est le siège et les conditions aux limites, nous ne pouvons pas prévoir lequel des régimes d’activité ce système va choisir. Les bifurcations ne peuvent elles nous aider à comprendre l’innovation et la diversification dans d’autres domaines que la physique ou la chimie ? (...)

L’activité humaine, créative et innovante, n’est pas étrangère à la nature. On peut la considérer comme une amplification et une intensification de traits déjà présents dans le monde physique, et que la découverte des processus loin de l’équilibre nous a appris à déchiffrer. (....)"

La reconnaissance de l’existence de multiples processus d’auto-organisation dans la nature, vivante et non vivante, est d’origine relativement récente. Autrefois, on en était restés à l’idée de la tendance naturelle au désordre. Se fondant sur le mélange des gaz, l’établissement d’une température et d’une pression moyennes, sur l’étude des machines thermiques et des moteurs, la thermodynamique appelait entropie cette "tendance au désordre maximum". Aujourd’hui, nous reconnaissons la capacité spontanée de la nature à produire de l’ordre : formation d’une étoile, d’un nuage, d’un flocon de neige, d’un cristal. L’exemple le plus éclatant est celui de la vie. En permanence, des cellules se spécialisent, se distribuent des rôles, interagissent.

Le terme d’auto-organisation désigne l’émergence spontanée et dynamique d’une structure spatiale, d’un rythme ou d’une structure spatiotemporelle (se développant dans l’espace et le temps) sous l’effet conjoint d’un apport extérieur d’énergie et des interactions à l’oeuvre entre les éléments du système considéré. De nombreux exemples biologiques répondent à cette définition. Le plus emblématique est l’établissement du fuseau mitotique, structure transitoire qui réalise la ségrégation des chromosomes lors de la division cellulaire. Il a été montré que ce fuseau, ancré sur les parois de la cellule-mère, est un assemblage dynamique de filaments, les microtubules, et de moteurs moléculaires (protéines capables de se mouvoir et d’exercer des forces sur ces filaments). Les exemples abondent aussi aux échelles supérieures : développement de colonies de bactéries, variation périodique des populations dans un système prédateur-proie, déplacement cohérent d’un banc de poissons, fourmilières. La notion n’est pas spécifique au vivant : elle s’applique à la synchronisation d’oscillateurs couplés, aux ondes observées dans certains systèmes chimiques alimentés en continu, à l’apparition de motifs périodiques dans un liquide chauffé par le dessous (cellules de convection), à la formation des dunes, des rivages, ou même des galaxies.

L’auto-organisation vise à comprendre comment de l’ordre peut apparaître spontanément au sein du désordre. Des niveaux de structuration peuvent ainsi apparaître sans intervention d’une quelconque volonté et du fait des propriétés des lois naturelles. Ainsi, un nuage de gaz et de poussière donne une étoile. Le désordre des dépôts de molécules donne la structure du cristal. Le désordre des interactions moléculaires donne le processus vivant, etc....

Le terme d’auto-organisation fait donc référence à un processus dans lequel l’organisation interne d’un système, habituellement un système hors équilibre, augmente automatiquement sans être dirigée par une source extérieure. Typiquement, les systèmes auto-organisées ont des propriétés émergentes.

L’auto-organisation désigne l’émergence spontanée et dynamique d’une structure spatiale, d’un rythme ou d’une structure spatiotemporelle (se développant dans l’espace et le temps) sous l’effet conjoint d’un apport extérieur d’énergie et des interactions à l’oeuvre entre les éléments du système considéré. De nombreux exemples biologiques répondent à cette définition. Le plus emblématique est l’établissement du fuseau mitotique, structure transitoire qui réalise la ségrégation des chromosomes lors de la division cellulaire. Il a été montré que ce fuseau, ancré sur les parois de la cellule-mère, est un assemblage dynamique de filaments, les microtubules, et de moteurs moléculaires (protéines capables de se mouvoir et d’exercer des forces sur ces filaments). Les exemples abondent aussi aux échelles supérieures : développement de colonies de bactéries, variation périodique des populations dans un système prédateur-proie, déplacement cohérent d’un banc de poissons, fourmilières. La notion n’est pas spécifique au vivant : elle s’applique à la synchronisation d’oscillateurs couplés, aux ondes observées dans certains systèmes chimiques alimentés en continu, à l’apparition de motifs périodiques dans un liquide chauffé par le dessous (cellules de convection), à la formation des dunes, des rivages, ou même des galaxies.

Le physicien-chimiste Ilya Prigogine : « En plus de leurs propriétés d’auto-organisation, certains systèmes hors équilibre possèdent des propriétés dites de bifurcation. Tôt dans le processus, il existe un moment critique où le système devient instable. »

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