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Révolte au Mali en 1991 contre la dictature de Moussa Traore

lundi 18 février 2019, par Robert Paris, Tiekoura Levi Hamed

Les travailleurs, les jeunes, les femmes ont renversé le dictateur et les militaires, en prenant le relai, n’ont fait que sauver la dictature

Le premier signe annonciateur de l’accélération des événements, qui allaient définitivement changer le cours de l’histoire du Mali, a été donné le 21 mars 1991. Ce jeudi là, les boulangers de Bamako, Koulikoro, Ségou, Sikasso, Kayes et Mopti, las des fausses promesses et des manœuvres dilatoires de l’administration face à leurs revendications pour une taxation plus juste de la farine de blé, déclenchaient une grève de 72 heures. Une démarche précipitée du ministre des Finances et du Commerce de l’époque allait désamorcer le mouvement qui s’arrêta au bout de 24 heures.

Le 19 mars 1991 à Dioïla, les élèves qui manifestent sont violemment dispersés. À Sikasso, un élève est tué. En réaction, le bureau de coordination de l’AEEM décide alors d’organiser une marche avec érection de barricades, le mercredi 20 mars. Averti, le pouvoir se prépare à réprimer avec la dernière rigueur les perturbateurs. Si à Bamako régnait un calme précaire (l’Association des élèves et étudiants ayant reporté sa marche du mercredi 20 mars au vendredi 22 mars), la contestation avait gagné du terrain à l’intérieur du pays. Des marches étaient organisées à Sikasso, Bougouni, Kita, Kayes, Ségou et Dioïla. Dans toutes ces localités, ces démonstrations de rue furent brutalement réprimées. La tragédie survint à Sikasso où un jeune élève de la 9è fondamentale fut tué. Le choc de cette mort de trop (il y avait déjà eu deux morts deux mois plutôt lors du mouvement estudiantin des 20 et 21 janvier) allait être douloureusement ressenti par toute la population.

La répression est effectivement terrible et les corps commencent à affluer à l’hôpital Gabriel Touré. Le président Moussa Traoré qui s’adresse à la nation au soir du 22 mars, décrète le couvre feu et l’état d’urgence. Le 23 mars, une vingtaine de manifestants sont tués au cours des affrontements qui opposent dans la capitale les étudiants aux forces de l’ordre tandis qu’une marche impressionnante qui prend le chemin de Koulouba, bute sur un barrage de l’armée devant le ministère de la Défense.

La journée du 22 mars marquera pour les Bamakois le début d’un cauchemar qu’ils n’auraient jamais imaginé vivre. Dès le petit matin, les élèves et étudiants dressèrent des barricades dans les quartiers de la capitale et se regroupèrent, bien déterminés à démontrer leur opposition à un régime de plus en plus décrédibilisé. Leurs premières actions furent dirigées vers tout ce qui symbolisait une autorité qu’ils ne reconnaissaient plus : domiciles des dignitaires, commerces supposés appartenir à des prête-noms ou à des soutiens du parti unique, organismes d’État etc. La répression qui s’ensuivit fut sanglante parce qu’à partir des camions et des engins blindés, policiers et même soldats (déployés pour le maintien d’ordre) ouvrirent le feu sur les manifestants. Au milieu de la matinée, les premiers corps commencèrent à affluer à l’hôpital Gabriel Touré très vite débordé.

L’opinion publique qui était en état de choc total (39 morts avaient été recensés au bout de cette journée) attendait une déclaration du président de la République dès la mi-journée. Mais ce ne fut qu’à 18h que Moussa Traoré s’adressa à la nation. Il prononça un discours totalement en déphasage avec la réalité du terrain. Il expédia ses regrets aux familles des victimes mais s’employa surtout à fustiger les saccages causés par les manifestants en insistant sur la nécessité de rétablir l’ordre. Il ne fit aucune proposition d’ouverture. Après avoir maintenu sa référence au 4è congrès de l’UDPM prévu les 26, 27 et 28 mars 91 qui devait décider de la marche à suivre quant à la démocratisation du pays, il décréta l’état d’urgence un couvre feu de 21h à 5 heures du matin. Au cours de la matinée du 23 mars, des milliers de Bamakois, dans le sillage des mères pourtant le deuil de leurs enfants tombés sous les balles, bravèrent le pouvoir à travers une marche gigantesque. Ils le firent au mépris de toute prudence et au nom de leur intime conviction que les choses devaient changer. C’est que l’indignation avait gonflé au matin du 23 mars alors que se répandaient les détails de la tragédie de la veille. Des femmes avaient sillonné les services et les logis pour bousculer les dernières hésitations des hommes. Une foule, grossie par un extraordinaire bouche à oreille, avait rallié la Bourse du travail. La consigne de marcher sur le palais de Koulouba avait alors jailli de manière spontanée dans l’immense flot humain qui s’ébranla vers le palais présidentiel. L’écrasante majorité des manifestants de ce jour là n’appartenait à aucune association démocratique. Au niveau du ministère de la Défense, un barrage des forces de sécurité et une pluie de grenades lacrymogènes coupèrent la route de Koulouba aux manifestants. Mais la machine populaire était lancée et plus rien ne pouvait l’arrêter.

Les femmes prennent une part active à la révolution populaire de mars 1991 qui renverse le régime dictatorial en place. Elles sont sur tous les fronts, participent à la création de la coopérative culturelle Jamana, sont membres du comité de rédaction du journal Les Echos, deux titres symboles de l’opposition au parti et à la pensée uniques, qui médiatisent et soutiennent le combat des démocrates maliens. Elles sont parmi les initiateurs et les signataires de la lettre ouverte au président de la République qui donne le signal de la lutte ouverte contre l’autorité du régime en place. Elles participent à toutes les marches et manifestations de protestation contre la dictature et pour le multipartisme. Elles se déchaînent après les tueries d’enfants et d’élèves et imposent aux manifestants une marche forcée sur la morgue de l’hôpital Gabriel Touré et sur Koulouba. Elles paient un très lourd tribut à la démocratie. Certaines sont arrêtées, d’autres fauchées par les balles, d’autres encore perdent leurs enfants. Le 26 mars 1991, c’est la victoire. Une frange de l’armée, ébranlée par tant de violences et de morts gratuites, craignant que l’armée se divise face à la révolte, fait mine d’épouser la cause des manifestants et renverse le régime pour éviter que le peuple ne prenne le pouvoir.

N’oubliez jamais le rôle des femmes dans le renversement de Moussa Traore !!!!

Le dimanche 24 mars lors d’un meeting aussi impressionnant que le précédent, le comité de coordination des associations et organisations qui s’était formé, composé de l’UNTM, l’AEEM, l’AMDH, l’ADIDE, l’AJDP, la JLD, l’ADEMA et le CNID, informait l’opinion publique dans un communiqué du déclenchement d’une grève générale illimitée. Il posait comme condition la dissolution du gouvernement, celle de l’assemblée nationale et dans le même document, la coordination demandait la démission du président de la République. Elle prônait la mise en place d’un Comité de Salut Public qui serait chargé de gérer la transition politique jusqu’à l’organisation d’élections libres et démocratique.

Une délégation se rendit à Koulouba pour remettre ce manifeste au général Moussa Traoré qui avait reçu, auparavant, une délégation des chefs religieux. Les positions étaient trop tranchées pour être conciliées. L’entourage du chef de l’état tenta néanmoins, désespérément, de transformer l’après-entrevue en séance de négociation. Les délégués s’y refusèrent, se limitant strictement à leur rôle de messagers.

Dans la même journée, le secrétaire politique du Bureau exécutif central de l’Union démocratique du peuple malien (le parti unique au pouvoir), Djibril Diallo, faisait remettre au général Moussa Traoré sa lettre de démission des instances du parti. Il rappela à l’occasion qu’il avait toujours prôné une ouverture politique qui aurait épargné à notre pays des violences regrettables.

Dans la soirée le président Moussa Traoré fit une seconde déclaration à la Nation. Ce message s’avéra aussi déphasé que la première adresse du chef de l’État. Les événements allaient désormais se précipiter en dehors de son contrôle. Dans l’après-midi du 24 mars, une commission ad hoc composée de membres du BEC et du gouvernement rencontrait à la Bourse du travail le comité de coordination des associations et des organisations et arrêtait,
de commun accord avec lui, des mesures susceptibles de ramener le calme dans le pays. Parmi ces mesures, il y avait la levée de l’état d’urgence et du couvre feu (ouvertement bafoués à Bamako et à l’intérieur du pays), la libération de tous les prisonniers arrêtés lors des événements du 21 et 22 janvier qui marquent le point de départ de la contestation estudiantine contre le pouvoir de Moussa Traoré et ceux des 22, 23 et 24 mars 1991.

Dans la journée du 24 mars, lors d’un impressionnant meeting, le Comité de coordination du mouvement démocratique annonce le déclenchement d’une grève illimitée jusqu’à la chute du président. Il exige aussi la dissolution de l’Assemblée nationale et la mise en place d’une transition démocratique. Dans l’après-midi, une commission ad’hoc composée des membres du Bureau exécutif central de l’UDPM et du gouvernement rencontre à la Bourse du travail, le comité de coordination et arrête de commun accord des mesures susceptibles de ramener le calme. Parmi ces mesures figuraient la levée de l’état d’urgence et du couvre-feu, la libération de toutes les personnes arrêtés lors des émeutes depuis janvier. Moussa Traoré qui s’adresse une seconde fois à la Nation ne fait aucune concession. Une délégation du Comité de coordination se rend alors au palais de Koulouba pour communiquer ses exigences au président qui avait reçu la veille une délégation de chefs religieux. La rencontre est abrupte car si du côté présidentiel on s’attend à négocier, les émissaires se bornent, eux, à leur rôle de messagers. Le lundi 25 mai, un impressionnant meeting rassemble pour la troisième journée consécutive des milliers de Bamakois de toutes origines, pour réclamer le départ sans délai du président. Il semblait évident aux yeux de tous qu’un seuil irréversible était dépassé mais peu de gens se doutaient que le coup de grâce serait donné au pouvoir quelques heures plus tard par des officiers regroupés au sein d’un Comité de réconciliation nationale dirigé par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré.

La commission ad hoc demandait naturellement la cessation des actes de violence. Mais le président, qui avait préalablement enregistré son discours, ne fit mention d’aucune de ces mesures. Tout se passait comme si de son palais de Koulouba, il était coupé du reste du pays et étranger aux flots démontés de l’histoire qui battaient à ses pieds. Le 25 mars se tint le troisième meeting consécutif à la Bourse du travail. Les travailleurs, les élèves et étudiants et des milliers de citoyens anonymes réaffirmèrent par leur présence l’impossibilité d’un compromis avec le pouvoir. "Moussa doit partir" tel était le refrain ressassé de manière continue et soutenue. Le régime chancelait. Et il ne manquait que le coup de grâce. Celui ci fut porté dans la nuit du lundi 25 au mardi 26 mars.

Mais déjà en début de nuit, aux alentours de 22h, la rumeur de l’arrestation du président avait couru la ville. Tel un bateau ivre la capitale sans gouvernail, s’abandonnait à ses mauvais démons à coups de pillages des boutiques et magasins, de règlements de compte. Bref un déchaînement dans lequel aucune frontière ne résista entre la manifestation de joie et la violence.

La mise aux arrêts du chef de l’état ne sera effective que lorsqu’un commando de parachutistes, dirigé par Amadou Toumani Touré, y procéda à minuit un quart. Mardi matin, un Comité de réconciliation nationale de l’armée (CRN), formé après l’arrestation, se rendit à la Bourse du travail à la rencontre de la Coordination du Mouvement démocratique pour lui rendre hommage. Une démarche appréciée qui incita la coordination à manifester sa confiance à Amadou Toumani Touré en le portant à la tête du Comité de transition du salut du peuple (CTSP). Le tour était joué : l’armée n’était pas destabilisée et le seul à chuter était l’ancien dictateur mais pas la dictature !!!

Les mensonges sur la révolte contre la dictature au Mali en 1991 sont nombreux.

Et surtout aujourd’hui, plus on s’éloigne de cette date, plus il y en a.

Les mêmes qui affirment lors des cérémonies anniversaire qu’il est heureux que les ennemis d’hier se soient réconciliés, n’étaient pas hier de vrais ennemis. Seulement, pour sauver l’essenteil, éviter que le peuple renverse l’armée, ils ont été des désobéissants de la dernière seconde.

Ce n’est pas l’armée qui a renversé Moussa, mais le peuple travailleur.

C’est l’armée qui a sauvé la dictature en faisant tomber le dictateur.

Le président Moussa Traoré, en effet, sera déposé par l’armée dans la nuit du 25 au 26 mars 1991 par l’armée malienne après un bain de sang sans précédent dans les annales de l’histoire malienne qui présentera plus tard ses excuses au peuple lors de la Conférence nationale. Comme s’il s’agissait d’effacer les événements par ... des excuses !

Dans une interview accordée à Jeune Afrique en juillet 1991, le Chef de la junte militaire qui a renversé Moussa TRAORE raconte : « C’est le vendredi 22 mars (jour des premières tueries, qui feront plus de trois cents morts, NDLR) que nous avons compris que Moussa avait atteint le point de non-retour et que nous devions intervenir (...) Depuis... au moins 1979 ou 1980. Je m’étais rendu compte que Moussa ne servait plus les intérêts du pays. C’était l’affairisme, le népotisme intégral, les louanges, les grands boubous [petit rire]. Je n’ai rien contre les grands boubous, mais il ne pensait plus qu’à ça. (…) Je ne me vois ni complice ni traître ! J’ai prêté serment au Président de la République et non à Moussa. Parmi les missions de l’armée, nous avons celle de sauvegarder la dignité de notre pays, son intégrité territoriale et morale, que lui, Moussa, était en train de bafouer (…) A partir du 22 mars, quand les gosses ont exposé leurs poitrines aux balles, suivis de leurs mères - nos sœurs, nos femmes -, on ne pouvait plus hésiter. (…) Et puis, nous avions déjà pris contact avec certaines organisations civiles, [en particulier, avec Me Demba DIALLO, président de l’Association des Droits de l’Homme, et le Secrétaire général de l’Union nationale des travailleurs, Bakary KARAMBÉ, qui seront les premiers informés du succès de l’opération, NDLR](…) Il faut reconnaître que l’armée avait essuyé des insultes avant le 25 mars. Le peuple était là, se battait, mourait, et l’armée tardait à intervenir. Cette attitude a été considérée comme une certaine complicité des militaires avec le régime. Il faut accepter ce jugement du peuple. Mais le jour où l’armée a pris ses responsabilités, montrant qu’elle ne servait pas Moussa TRAORÉ, le peuple a compris et reconnu qu’elle était avec lui. »

Non ! Le jour où les prétendus organisateurs de ce peuple ont prétendu à la réconciliation du peuple et de l’armée.

les derniers événements de Guinée rappellent qu’il ne suffit pas de faire partir (même par la mort) le tyran, il faut que le peuple prenne le pouvoir.

Un autre texte sur la révolution populaire contre Moussa (lire ici)

Ecrit de collégien

La répression de Moussa en film

Encore un film sur le renversement de Moussa

Et un film sur le renversement de Modibo Keita par Moussa

Le dernier discours du dictateur

Moussa Traoré a fait ses études à l’École des enfants de troupe de Kati avant de les poursuivre à l’École préparatoire des officiers d’Outre-mer à Fréjus (France). Il rentre au Mali en 1960 au moment de l’indépendance

Il est nommé sous-lieutenant en 1961, puis lieutenant en 1963. Il part au Tanganyika (l’actuelle Tanzanie) en qualité d’instructeur auprès des combattants de mouvements de libération. Il est ensuite nommé instructeur à l’École militaire interarmes de Kati.

Le coup d’État de 1968 et la présidence

Le 19 novembre 1968, il participe au coup d’État qui renverse le président Modibo Keïta. Il devient président du Comité militaire de libération nationale, puis chef de l’État.

Toutes les activités politiques sont interdites. Un régime policier est mis en place sous la direction du colonel Tiécoro Bagayoko. Des agents de renseignements vont dans les écoles pour écouter les cours des professeurs (le milieu scolaire et universitaire est en majorité hostile au régime militaire).

Le socialisme économique de l’ancien président Modibo Keïta est abandonné.

En 1972-1973, une sécheresse importante s’abat sur le Mali. L’aide internationale arrive mais l’argent est détourné.

En 1974, il fait adopter sa constitution qui crée la Seconde République.

En mai 1977, l’ancien président Modibo Keïta meurt de façon suspecte en détention à l’âge de 62 ans, entraînant une forte mobilisation populaire ; des milliers de personnes se rendent à ses obsèques, auxquelles participent également des délégations officielles de pays voisins (notamment Guinée et Côte d’Ivoire). Le régime militaire réagit violemment en procédant à de nombreuses arrestations, mais Moussa Traoré est obligé d’expliquer à Radio-Mali les raisons de la mort de Modibo Keita ; ces explications ne convainquent personne.

Le 28 février 1978, Moussa Traoré fait arrêter Tiécoro Bagayoko et Kissima Doukara, respectivement directeur de la Sûreté nationale et ministre de la Défense, qu’il accuse de préparer un complot.

Il propose d’aller vers une ouverture politique ce qui lui permet d’acquérir le soutien de certains intellectuels comme Alpha Oumar Konaré qui acceptera le poste de ministre des Arts et de la Culture pendant quelques années.

En 1979, il crée l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), parti unique, ainsi que l’Union nationale des femmes du Mali et l’Union nationale des jeunes du Mali, organisations auxquelles respectivement toutes les femmes et tous les jeunes doivent alors adhérer.

En 1980, des manifestations étudiantes sont réprimées. Leur leader Abdoul Karim Camara, dit « Cabral », décède sous la torture.

En 1982, il est promu général d’armée.

En 1990 sont créés le Congrès national d’initiative démocratique (CNID) par l’avocat Mountaga Tall et l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA) par Abdramane Baba. Ces deux associations vont avec l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) et l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH) combattre le régime de Moussa Traoré et exiger le multipartisme.

Le coup d’État de 1991 et la déchéance

Le 22 mars 1991, un soulèvement populaire est réprimé dans le sang.

Le 26 mars 1991, un coup d’État militaire renverse Moussa Traoré. Un Comité de transition pour le salut du peuple est mis en place avec à sa tête le Lieutenant Colonel Amadou Toumani Touré.

Trois films d’archives sur les anciennes émeutes révolutionnaires du Mali :

Un rappel du passé : émeutes au Mali en 1991

Encore sur les émeutes au Mali en 1991

Toujours sur le renversement de Moussa Traore au Mali en 1991

Chargés d’éviter la révolution...

Certaines coïncidences font que l’on a parfois l’impression que l’avenir se construit en spirale, les événements s’annonçant et s’appelant à distance. Ainsi, le premier contact direct entre Moussa Traoré et Amadou Toumani Touré se produisit à l’occasion d’un coup d’État. Avorté celui-là. On était en février 1978 et la « Bande des Trois » (ainsi que la baptisa à l’époque notre confrère Vincent Traoré) venait d’être neutralisée. Dans le véhicule d’un des dignitaires arrêté se trouvait une mallette contenant 25 millions de francs maliens. Le chauffeur, après mille hésitations (on comprend le pauvre homme qui se doutait du contenu de ce bagage particulier), se décida à déclarer à sa hiérarchie de l’époque qu’il y avait une valise suspecte dans le coffre de la voiture de son patron. Le hasard fit qu’il vint livrer cette information au lieutenant Amadou Toumani Touré, qui était à l’époque adjoint au commandant de la Compagnie des commandos parachutistes (CCP). Le jeune officier convoya le pactole jusqu’à la Maison du peuple. Le lieutenant-colonel Filifing Sissoko, secrétaire permanent du Comité militaire de libération nationale (CMLN), tint à ce que le lieutenant remette la mallette en mains propres au colonel Moussa Traoré (ce dernier fit ensuite envoyer la somme au Trésor par le colonel Amadou Baba Diarra). C’était la première entrevue entre les deux hommes, qui ne se doutaient pas encore qu’un face-à-face dramatique conclurait leurs relations treize ans et quelques jours plus tard. Quelques mois plus tard, en début 1979, le capitaine ATT se retrouvait à nouveau dans le bureau de Moussa Traoré pour une entrevue presque kafkaïenne où revint la notion de coup d’État. Le chef de l’État, à peine l’officier installé, lui posa abruptement une question inattendue. « Il m’est revenu, lui dit-il, que des officiers supérieurs vous avaient contacté pour un coup d’État et que vous avez refusé d’y adhérer. Pourquoi donc ? ». ATT, désarçonné par cette entrée en matière cavalière, réfuta l’assertion avant de dire que, de toute façon et à son avis, l’avenir du Mali ne se résoudrait pas avec un coup de force militaire et qu’il avait d’autres voies pour bâtir notre pays. Le président hocha la tête et laissa repartir son interlocuteur sans autres commentaires. Amadou Toumani Touré apprit beaucoup plus tard que certains services avaient fait à son endroit des rapports négatifs, ce qui avait motivé ce test bizarre. En décembre de la même année, les relations entre les autorités et le monde scolaire et universitaire connurent une très forte tension. En février 1980, les premiers étudiants et professeurs arrêtés étaient internés au Camp para. Parmi eux se trouvaient notamment Tiébilé Dramé (ministre des Affaires étrangères sous la Transition), Mamadou Lamine Traoré (membre du Comité de transition pour le salut public - CTSP sous la Transition) et Victor Sy. Un soir, ce dernier demanda à voir ATT. Lorsque le capitaine se rendit dans sa cellule, l’universitaire lui adressa une exorde assez inattendue. Le pouvoir de Moussa Traoré, disait-il, révélait en ces heures critiques sa véritable nature et il entraînait le pays vers l’abîme. Alors, poursuivit Victor Sy, il revenait aux jeunes officiers d’avoir l’audace de se dresser et de faire un coup d’État contre celui qui glissait vers la dictature. Dire que le discours surprit le jeune capitaine serait resté largement en deça de la vérité, mais Amadou Toumani Touré retourna à son interlocuteur la confiance que celui-ci lui avait faite en lui parlant tout aussi franchement. Les conditions objectives d’un coup d’État n’étaient pas réunies, fit-il prévaloir. Le peuple accueillerait une telle initiative comme une simple péripétie dans la lutte de pouvoir entre militaires. Quelle que serait l’issue finale du putsch, elle laisserait complètement indifférentes les populations. Ces arguments convainquirent-ils Victor Sy ? Nul ne sait, mais l’universitaire n’insista pas. La quatrième fois où ATT vit la notion de coup d’État intervenir dans sa carrière militaire fut en 1988, un peu avant son départ pour l’École de guerre de Paris. A ce moment l’on ne parlait pas encore de démocratisation, mais le régime Moussa Traoré avait déjà fait la preuve de l’incapacité qu’il avait de se remettre en cause. Les velléités de réforme et de « sursaut national » avaient tourné rapidement court, la camarilla des affairistes et des opportunistes opérait pratiquement à visage découvert et la désespérance populaire qui allait aboutir à l’explosion de mars 1991 faisait déjà entendre ses accents déchirants.

Le Rubicon était franchi - ATT, bien que placé à la tête de la Garde présidentielle depuis 1981, n’était pas ce que le général Moussa Traoré aurait pu appeler un fidèle parmi les fidèles. Le président lui reconnaissait ses qualités d’officier, mais doutait de son dévouement absolu. D’autres pontes au sein de l’Armée partageaient les réserves présidentielles puisque celui qui avait été promu jeune capitaine en octobre 1978 dut attendre six ans pour recevoir ses barrettes de commandant. Quand on sait qu’un élément méritant avance au bout de trois ou quatre ans, l’on mesure exactement la pénitence qui fut administrée à l’officier. Marque de défiance éloquente, on inscrivit Amadou Toumani Touré sur le tableau d’avancement en 1984 pour une mise en observation de trois mois avant de le nommer commandant. Ce traitement était d’autant plus paradoxal qu’il était appliqué à un officier à qui avait été confié le commandement de la Garde présidentielle. En 1988 donc, ATT se réunit avec un groupe d’officiers (au sein duquel Lamine Diabira joua un rôle très actif) pour discuter de la possibilité d’un coup d’État destiné à mettre fin à un régime dont le côté autocratique allait à l’évidence continuer à se renforcer. Mais l’initiative ne dépassa pas le stade de projet, l’un des conjurés laissa échapper quelques mots imprudents dans un lieu inapproprié et le groupe se dispersa. Amadou Toumani Touré jugea plus prudent pour lui d’effectuer le stage de l’École de guerre, stage programmé depuis un bon moment, mais constamment reporté sur l’initiative de certaines personnes de l’entourage de Moussa Traoré. Ces personnes n’ignoraient pas que le président, désormais général d’armée, n’avait jamais nourri une affection particulière pour la France qui lui rendait bien son absence de chaleur envers elle. Le chef de l’Etat avait fini par avoir la conviction que les séjours à l’École de guerre étaient mis à profit par les Français pour « retourner » ses officiers contre lui. Parti à Paris en août 1989, ATT se retrouvera à son retour en décembre 1990 dans une situation des plus inconfortables. Alors que ses quatorze mois de stage étaient censés lui assurer une promotion, il « flottera » sans affectation pendant presque trois mois. Deux entrevues avec le ministre de la Défense d’alors ne le fixèrent pas sur son sort et il comprit assez vite qu’il y avait une vraie réticence à lui confier un commandement. Finalement, ce ne fut que le 14 mars qu’une note de service le remit à la tête de « son » bataillon des commandos parachutistes, après qu’il eut refusé un placard à l’État-major général des armées. Peu après son retour de France, ATT avait assisté à la violente répression du 22 janvier 1991. Il décida alors de « réveiller » son projet de coup d’État et s’en ouvrit au général Ouologuem. Ce dernier, en totale disgrâce à cette période, ne put l’appuyer que de ses conseils, tout commandement lui ayant été retiré. A partir de la mi-février, ATT reprit contact avec certains acteurs du Mouvement démocratique auxquels il avait fait part de ses intentions. La récupération de son commandement précéda de peu le vendredi du 22 mars de sinistre mémoire. La tournure prise par les événements pressait l’officier d’agir. Le bataillon para suffisait pour un coup de force, mais la réussite de celui-ci nécessitait la solidarité du reste de l’Armée. Ce fut pourquoi le même vendredi 22 mars dans la soirée, ATT prit attache avec le lieutenant-colonel Kafougouna Koné alors chef d’État-major de l’Armée de Terre pour que les véhicules blindés BRDM appuient les Bérets rouges dans leur action. Kafougouna donna son accord, mais demanda quarante-huit heures pour mettre au point la manoeuvre. Entre temps ATT avait réunit tous les officiers de son bataillon qui se déclarèrent prêts à passer à l’action. Le capitaine Siaka Koné fut chargé d’activer les préparatifs matériels. Le lundi 25 mars à 13 heures, le Bataillon para affichait déjà sa dissidence. En effet, à une mission de l’État-major venue expliquer les accords de Tamanrasset conclus avec la rébellion touarègue (action ubuesque dans l’atmosphère d’alors) ATT, devant ses officiers, déclara que désormais son corps refusait tout ordre qui l’amènerait à tirer sur les civils. Le Rubicon était franchi, le lieutenant-colonel des paras ne pouvait plus tarder à faire le pas décisif. Car tout montrait que la tragédie malienne allait en s’aggravant. Le samedi 23 mars dans la matinée, ATT avait rencontré dans son camp des éléments du Service national des jeunes (SNJ) venus recevoir leur injection de TAB. Lorsqu’il s’était approché pour les saluer, certains des jeunes gens l’avaient apostrophé avec violence pour lui reprocher sa « passivité » au moment où on tuait des innocents. Le même jour, des membres du Mouvement démocratique avaient touché l’officier pour dire qu’ils étaient obligés pour leur sécurité de plonger dans la clandestinité. Le lundi 25 mars au matin, un officier lui avait raconté la mort atroce d’un policier devant le commissariat de la Poudrière. Attendre plus longtemps, c’était accepter que devienne apocalyptique une situation déjà intolérable. Cela alors que des rumeurs faisaient état d’une médiation possible d’officiers supérieurs auprès de Moussa Traoré afin que celui-ci accepte l’ouverture politique réclamée par le Mouvement démocratique avant le déclenchement de la tragédie. Une telle démarche n’aurait nullement constitué une solution au cycle de la violence qui paraissait irrémédiablement enclenché. Les paras devaient passer à l’action le 26 mars à 4 heures du matin selon le plan d’opération élaboré. ATT avait initialement prévu d’avoir recours uniquement aux éléments de son camp de Djicoroni et de laisser hors du coup ceux de la Garde présidentielle basés sur la route de Kati et sur lesquels l’aide de camp Oumar Diallo (Birus) gardait un oeil vigilant. Mais malgré toutes les précautions prises, les préparatifs du « coup » s’ébruitèrent et le lundi 25 vers 21 heures 30, ATT reçut un appel téléphonique de Birus lui demandant de venir le rencontrer seul à son domicile. Malgré l’avis négatif de ses officiers et de quelques civils qui étaient déjà là, ATT décida de répondre à « l’invitation ». Le capitaine Siaka Koné donna à ses paras, qui assuraient la garde de l’ancienne résidence du président de la République, l’ordre d’investir la villa de l’aide de camp, située à une cinquantaine de mètres, si leur « patron » n’était pas de retour au bout d’une demi-heure.

sans hésiter - Au rendez-vous, l’officier trouva Birus, Anatole Sangaré (directeur des services de sécurité) et Oumar Traoré, un adjoint de l’aide de camp. Oumar Diallo commença par une longue introduction sur la situation catastrophique, sur les massacres et sur l’obstination du président à refuser la nécessité d’un recul. Il se proposait donc pour appuyer le coup d’État et comme gage de son implication, il promit à ATT de lui faciliter l’accès du bureau de Moussa Traoré. Rendez-vous fut prit pour 22 heures 30. L’accord fut scellé et ATT après avoir rejoint son camp, y fit sonner l’alerte. Ce ne fut qu’aux environs de 22 heures 40 que le chef des paras monta à Koulouba avec un groupe de quatre hommes dans un véhicule. Son adjoint, le capitaine Siaka Koné, devait le rejoindre avec 10 paras supplémentaires dans deux autres véhicules qui montèrent à Koulouba par la route partant de N’Tomikorobougou et que l’on appelait Djiguidjiguini. Une fois sur place vers 23 heures, ATT alla voir directement le chef de poste de service cette nuit-là, l’adjudant-chef Yacouba Diakité, et lui fit part de sa décision d’arrêter Moussa Traoré. Le sous-officier et ses hommes se mirent sans hésiter à sa disposition. Après avoir donné l’ordre à l’adjudant-chef de bloquer toute personne qui tenterait de quitter le palais, ATT reprit la route, mais en direction du camp de la Garde présidentielle, camp situé légèrement au-dessus du carrefour de la route Kati/Point-G. Là, il rencontra le commandant de compagnie, le capitaine Fatogoma Sountoura et son adjoint, le lieutenant Ousseyni Tamboura qui se rallièrent sans hésiter au coup d’État. Comme le firent les paras de la Garde présidentielle lorsqu’ils furent informés de la situation. Il était près de minuit quand ATT regagna Koulouba où l’attendaient Siaka Koné et son groupe. Vers minuit dix, les deux officiers pénétrèrent dans le palais avec six hommes, les caporaux Nawé Kéïta et Souleymane Dao et les soldats de première classe Boubou Sidibé, Soumaïla Coulibaly, Siaka Diarra et Yacouba Togola. La petite troupe se dirigea droit vers le bureau d’Oumar Diallo qui avait regagné Koulouba juste après l’entrevue de 19 heures. L’aide de camp monta avec ATT, Siaka et quatre paras dans l’ascenseur qui donnait accès au bureau présidentiel. Les autres empruntèrent les escaliers pour couper la retraite éventuelle de ceux qui auraient voulu s’échapper par là. Quelques paras supplémentaires se postèrent au rez-de-chaussée qu’ils sécurisèrent. Arrivé devant le bureau présidentiel, Birus en indiqua la porte du doigt. Les quatre membres du commando qui accompagnaient ATT et Siaka Koné y firent irruption. Ils trouvèrent Moussa Traoré en conclave avec M’Bouillé Siby, secrétaire administratif du Bureau exécutif central (BEC) de l’Union démocratique du peuple malien, Monzon Keïta, secrétaire aux affaires culturelles du même BEC, le général Mamadou Coulibaly trésorier du BEC et ministre de la Défense, Moulaye Haïdara, ministre de l’Agriculture, Amadou Dème, ministre de l’Industrie, le colonel Ousmane Coulibaly, Chef d’État-major général et Idi, un des fils du président. S’adressant directement à Moussa Traoré, Amadou Toumani Touré lui annonça qu’au regard de la situation qui prévalait et devant le refus du chef de l’État d’y trouver une solution raisonnable, il se voyait dans l’obligation de l’arrêter. Moussa Traoré se leva et dit cette simple phrase : « Je suis à votre disposition ». L’un des présents s’approcha d’ATT et craignant sans doute une exécution sommaire, lui demanda d’épargner « la vie du président ». A quoi l’officier des parachutistes répondit qu’il reviendrait à la justice malienne de se prononcer sur le sort de l’ancien chef d’État. Il était minuit et quart quand l’arrestation du président Traoré fut consommée. Les prisonniers furent embarqués dans un convoi où les véhicules transportant les personnalités arrêtées étaient encadrés par ceux des parachutistes. Peu avant d’arriver au Camp Para, il se produisit un incident jusqu’aujourd’hui inexpliqué. ATT dont le véhicule (une Renault 25 prise dans le parc présidentiel) roulait presque en queue de convoi se porta en deuxième position au moment où le convoi arrivait au niveau du carrefour de la Maison du peuple. Il se trouva dès ce moment derrière une Jeep équipée d’une mitrailleuse qui ouvrait la route. La raison de cette manœuvre était très simple. ATT avait placé ses hommes en embuscade entre le Motel et le Camp-Para. Il devait donc s’identifier pour que ses éléments ouvrent le passage au convoi. Au niveau du Foyer de l’Armée de l’air (actuel Carrefour du pont Fahd), des hommes en uniforme ouvrirent un feu croisé sur son véhicule et sur la Jeep qui le précédait. Il n’y eut aucune victime et les tireurs s’éclipsèrent. Malentendu ou geste désespéré d’éléments loyalistes, on ne le saura sans doute jamais. Au Camp-Para, Moussa Traoré et son épouse furent enfermés dans le bureau d’ATT tandis qu’Idi - que rejoindra plus tard Abraham Doua Sissoko dit Ramos, le frère de Mariam - trouvait gîte dans la salle d’attente. Tous les quatre y passèrent douze jours alors que tout Bamako se perdait en conjectures sur leur lieu de détention. Il faut préciser que le Camp-Para, le lieu le plus sécurisé de Bamako, pouvait se targuer d’avoir pendant longtemps accueilli presque tous les prisonniers célèbres du Mali indépendant.

un conditionnel prudent - Cette caractéristique lui avait fait à tort une mauvaise réputation, alors que les éléments de sa garnison n’intervenaient ni dans les arrestations, ni dans les interrogatoires. Par une ironie de l’Histoire, les pièces qui accueillirent en 1991 l’ancien couple présidentiel avaient en 1978 servi à incarcérer Kissima Doukara et Tiécoro Bagayoko. En 1980, les étudiants et professeurs arrêtés y furent aussi enfermés plusieurs jours durant. Le Destin offre ainsi des bizarreries qui laissent songeur sur les renversements de la fortune. Il est sans aucun doute utile d’ouvrir une parenthèse dans la chronologie des événements pour expliquer quelques côtés étranges du coup d’État. Certains de nos compatriotes se souviennent sans doute que la rumeur de l’arrestation de Moussa Traoré courait la ville aux environs de 21 heures 30/22 heures et que dans son bulletin Afrique de 22 heures 30, RFI annonçait la nouvelle en usant toutefois d’un conditionnel prudent. De toute évidence, il y avait eu fuites (au niveau notamment de Badalabougou et du Badialan) et pas innocentes (des hommes en uniforme les propagèrent). A la lumière des événements ultérieurs, il est assez aisé de se rendre compte que la manoeuvre avait été certainement initiée par Birus. Ayant pris le train en marche et désireux malgré cela d’affirmer son rôle prépondérant dans les événements, il avait fait rassembler un certain nombre d’officiers supérieurs dans les locaux de la Sécurité d’État, dont il avait fait son poste de commandement. Il avait en outre fait venir une équipe de la Radiodiffusion télévision du Mali (RTM) censée suivre le déroulement du « coup » et le valorisant comme « cerveau » de l’opération (tous ces détails se retrouvèrent par la suite sur une cassette vidéo mise en circulation à Bamako et qui contenait aussi la dernière intervention en bambara de Moussa Traoré, intervention jamais diffusée sur les ondes de la RTM en raison de la virulence de certains de ses passages). Le montage était indispensable pour Birus s’il voulait prendre date pour l’avenir. En tant qu’aide de camp, il ne disposait d’aucune troupe à engager dans les opérations (si l’on excepte les 15 gardes du corps qui étaient directement sous ses ordres). Il n’y avait donc aucun mérite militaire dont il aurait pu tirer avantage. Par contre, en se présentant, comme concepteur voire rassembleur, il disposait de pions intéressants à avancer. Birus dévoilera son jeu le 26 mars aux environs de 1h30 du matin quand il appela ATT au Camp Para, qu’il avait quitté trois quarts d’heure plus tôt, pour lui demander de le rejoindre afin qu’ils se mettent d’accord sur la liste définitive du Conseil de réconciliation nationale. Mais sur l’avis de ses officiers paras, le chef du Bataillon déclina l’invitation et requit de son interlocuteur que celui-ci fasse le déplacement. En attendant, aux alentours de 4 heures du matin, ATT proposa à Kafougouna Koné d’assumer en tant qu’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé les fonctions provisoires de chef d’État. Celui-ci refusa en arguant du rôle prépondérant qu’avait joué son cadet dans les événements. Birus, accompagné d’un groupe d’officiers, arriva au Camp-Para vers 4 heures et demie. Il tira aussitôt de côté son promotionnaire de l’Ecole militaire inter-armes (EMIA) et lui dit tout à trac : « Si tu n’y vois pas d’inconvénient, je prendrai la tête du Conseil ». Réponse très vive d’ATT : « Dans ce cas-là, tu seras obligé de faire un second coup d’État ». Un peu surpris, Birus fit contre mauvaise fortune bonne contenance et présenta la liste qu’il avait dressée pour la composition du Conseil de réconciliation nationale. Neuf noms y figuraient, ATT en ajouta huit supplémentaires, ceux de jeunes officiers ayant adhéré au coup d’État. Une particularité toutefois dans cette liste additive : le nom de Diabira y figurait alors que le commandant était absent de Bamako (il était gouverneur de Tombouctou au moment des événements). ATT l’avait inscrit en se remémorant que deux ans plus tôt, l’officier des blindés avait exprimé son adhésion à un coup d’État contre le régime Moussa Traoré. Les choses s’enchaînèrent très vite dès ce moment. Les points stratégiques (radio, télévision, télécommunications) avaient été investis par les paras depuis minuit, les arrestations des dignitaires se poursuivaient. Un communiqué sera rédigé par le chef d’escadron Souleymane Sidibé et le capitaine Ascofaré. A l’ouverture de l’antenne de la RTM à six heures du matin, les Maliens apprenaient que 23 ans d’autocratie venaient de prendre fin. L’essor

La racine des événements

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